CJCE, 2e ch., 15 juillet 1982, n° 228-81
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Pendy Plastic Products BV
Défendeur :
Pluspunkt Handelsgesellschaft mbH
LA COUR,
1 Par ordonnance en date du 8 juillet 1981, parvenue à la Cour le 6 août 1981, le Bundesgerichtshof a, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation par la Cour de justice de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, posé une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 27, alinéa 2, de cette convention, eu égard aux stipulations combinées de l'article 20, alinéa 3, de la Convention de Bruxelles et de l'article 15 de la Convention de la Haye, du 15 novembre 1965, relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (Tractatenblad 1966, n° 91).
2 Cette question est posée dans le cadre de la Rechtsbeschwerde dirigé par l'entreprise Pendy Plastic Products BV, ci-après Pendy Plastic, dont le siège est à Helmond aux Pays-Bas, contre une décision de l'Oberlandesgericht de Düsseldorf rejetant sa demande en apposition de la formule exécutoire sur le jugement par défaut rendu, le 14 septembre 1979, par le Tribunal néerlandais de Bois-le-Duc et condamnant la firme Pluspunkt Handelsgesellschaft mbH, ci-après Pluspunkt, dont le siège est à Neuss, en République fédérale d'Allemagne, à payer à la demanderesse à l'exequatur la somme de 29 979,25 florins, majorée des intérêts légaux à compter du 6 décembre 1978 et des frais de l'instance jusqu'à la date de ce jugement, s'élevant à 1 042,15 florins.
3 Il ressort du dossier que l'acte introductif d'instance qui a abouti au jugement par défaut de la juridiction néerlandaise a été transmis, le 26 mars 1979, au parquet compétent des Pays-Bas, aux fins de notification. Cet acte, de même que la convocation à l'audience du 27 avril 1979, devaient être notifiés à la défenderesse à Neuss, Kaarster strasse 36. Le 17 mai 1979, l'Amtsgericht de Neuss a, conformément à l'article 6, alinéa 2, de la Convention de la Haye, du 15 novembre 1965, ratifiée par le Royaume des Pays-Bas et par la République fédérale d'Allemagne, délivre une attestation sur l'impossibilité de notifier les pièces en question.
4 La défenderesse, Pluspunkt, n'ayant pas comparu, le Tribunal néerlandais de Bois-le-Duc a, par jugement avant dire droit, en date du 8 juin 1979, enjoint à la demanderesse, Pendy Plastic, de prouver que la défenderesse avait eu la possibilité de recevoir la convocation en temps utile où que diligence avait été faite à cet égard pour qu'elle puisse se défendre.
A l'audience du 20 juillet 1979, la demanderesse présenta un extrait du registre de commerce et une communication de l'Amtsgericht de Neuss, selon laquelle les dossiers en sa possession faisaient apparaitre que l'adresse de la défenderesse était Kaarster strasse 36.
5 Compte tenu de ces indications, le Tribunal néerlandais de Bois-le-Duc a considéré que la transmission au parquet néerlandais, selon le document établi le 26 mars 1979, était suffisante et a rendu le jugement par défaut, en date du 14 septembre 1979, pour lequel Pendy Plastic a requis l'apposition de la formule exécutoire auprès des juridictions allemandes.
6 Dans son ordonnance du 8 juillet 1981, le Bundesgerichtshof rapporte l'opinion de l'Oberlandesgericht de Düsseldorf. Selon cette dernière juridiction, la demanderesse à l'exequatur a pris des mesures inappropriées pour prendre connaissance de l'adresse commerciale de la défenderesse à l'exequatur et en apporter la preuve au Tribunal néerlandais, le registre de commerce ne mentionnant que le siège de l'entreprise, en l'espèce, Neuss, qui, dans le cas de la défenderesse à l'exequatur, n'avait pas changé. Aussi, le principe procédural relatif au droit d'être entendu aurait-il été violé à l'égard de la défenderesse à l'exequatur. De l'avis du même Oberlandesgericht, le fait que la juridiction néerlandaise ait considéré que la notification était régulière ne suffit pas à justifier l'apposition de la formule exécutoire au titre de la Convention de Bruxelles.
7 C'est dans ces conditions que le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de demander à la Cour de répondre à la question suivante :
'Est-il également possible de refuser la reconnaissance d'une décision en vertu de l'article 27, 2), de la Convention de Bruxelles lorsque le défendeur n'avait pas comparu dans l'état d'origine et lorsque l'acte introductif de l'instance en question ne lui avait pas été notifié régulièrement et en temps utile pour qu'il puisse se défendre, dès lors que, conformément aux dispositions combinées de l'article 20, alinéa 3, de la Convention de Bruxelles et de l'article 15 de la convention relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires en matière civile ou commerciale signée à la Haye, le 15 novembre 1965, la juridiction de l'état d'origine avait établi que le défendeur avait eu la possibilité de recevoir la convocation en temps utile pour se défendre?'
8 Il convient, liminairement, d'observer que, selon les motifs mêmes de l'arrêt de renvoi, le litige pour la solution duquel le Bundesgerichtshof pose cette question préjudicielle porte, en réalité, non seulement sur la reconnaissance mais également sur l'exécution en République fédérale d'Allemagne d'une décision de la juridiction néerlandaise. Cette constatation nécessaire n'a, cependant, dans la présente affaire, qu'une portée très réduite. En effet, la reconnaissance et l'exécution des décisions de justice sont réglées par le même titre III de la Convention de Bruxelles. L'article 34, qui traite de l'exécution, précise que la requête en apposition de la formule exécutoire ne peut être rejetée que pour l'un des motifs prévus aux articles 27 et 28 qui sont, eux-mêmes, relatifs à la reconnaissance des décisions de justice.
9 La question posée par le Bundesgerichtshof porte ainsi, en substance, sur le point de savoir si, dans le cadre de la Convention de Bruxelles, le juge de l'état requis peut se fonder sur les stipulations de l'article 27, 2), de cette convention pour refuser de reconnaitre ou de revêtir de la formule exécutoire la décision prise par la juridiction d'un autre état, partie à la convention où s'il est, au contraire, lié par les conclusions tirées par le juge de l'état d'origine de l'application de l'article 20, alinéa 3, de la Convention de Bruxelles et de l'article 15 de la Convention de la Haye, du 15 novembre 1965.
10 En vertu de l'article 27, 2), de la Convention de Bruxelles, les décisions prises par les juridictions des autres états contractants 'ne sont pas reconnues', 'si l'acte introductif d'instance n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu'il puisse se défendre'. L'article 46, alinéa 2, de la même convention exige, d'ailleurs, que la partie qui invoque la reconnaissance ou demande l'exécution, dans un État membre, d'une décision rendue par défaut dans un autre État membre, produise l'original ou une copie certifiée conforme du document établissant que l'acte introductif d'instance a été signifié ou notifié à la partie défaillante.
11 Pour sa part, l'article 20 de la Convention de Bruxelles prévoit, par son alinéa 2, que, lorsque le défendeur domicilie sur le territoire d'un état contractant est attrait devant une juridiction d'un autre état contractant et ne comparait pas, le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu'il n'est pas établi que ce défendeur a été mis à même de recevoir l'acte introductif d'instance en temps utile pour se défendre ou que toute diligence a été faite à cette fin. En vertu de l'alinéa 3 de l'article 20, ces dernières dispositions sont remplacées par les dispositions de l'article 15 de la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 si l'acte introductif d'instance a du être transmis en exécution de cette convention.
12 Ainsi que l'a constaté le Bundesgerichtshof, tel était précisément le cas en l'espèce, le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale d'Allemagne étant également parties à la Convention de la Haye. Comme l'article 20, alinéa 2, de la Convention de Bruxelles mais, selon des modalités sensiblement plus complètes et plus précises, l'article 15 de la Convention de la Haye indique à quelles conditions un acte introductif d'instance peut être regardé comme signifié, notifié ou remis au défendeur qui, domicilié à l'étranger, ne comparait pas.
13 Sans harmoniser les différents systèmes de notification et de signification des actes judiciaires à l'étranger en vigueur dans les États membres, les stipulations de la Convention de Bruxelles visent à assurer au défendeur une protection effective de ses droits. C'est dans ce but que le contrôle de la régularité de la notification de l'acte introductif d'instance a été confié à la fois au juge de l'état d'origine et au juge de l'état requis. L'objectif de l'article 27 de la convention exige, par conséquent, que le juge de l'état requis procède à l'examen prescrit à l'alinéa 2 de cette stipulation, nonobstant la décision rendue par le juge de l'état d'origine sur la base de l'article 20, alinéas 2 et 3. Ce contrôle ne comporte qu'une seule limite exprimée à l'article 34, alinéa 3, de la convention aux termes duquel en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond.
14 Il convient, par conséquent, de répondre à la question posée par le Bundesgerichtshof que le juge de l'état requis peut, lorsqu'il estime remplies les conditions prévues à l'article 27, 2), de la Convention de Bruxelles, refuser la reconnaissance et l'exécution d'une décision judiciaire, même si la juridiction de l'état d'origine a tenu pour établi, en application des stipulations combinées de l'article 20, alinéa 3, de cette convention et de l'article 15 de la Convention de la Haye, du 15 novembre 1965, que le défendeur, qui n'a pas comparu, avait eu la possibilité de recevoir communication de l'acte introductif d'instance en temps utile pour se défendre.
Sur les dépens
15 Les frais exposés par les Gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, de la République italienne, du Royaume-Uni et de la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (deuxième chambre),
Statuant sur la question à elle soumise par le Bundesgerichtshof, par ordonnance du 8 juillet 1981, dit pour droit :
Le juge de l'état requis peut, lorsqu'il estime remplies les conditions prévues à l'article 27, 2), de la Convention de Bruxelles, refuser la reconnaissance et l'exécution d'une décision judiciaire, même si la juridiction de l'état d'origine a tenu pour établi, en application des stipulations combinées de l'article 20, alinéa 3, de cette convention et de l'article 15 de la Convention de la Haye, du 15 novembre 1965, que le défendeur, qui n'a pas comparu, avait eu la possibilité de recevoir communication de l'acte introductif d'instance en temps utile pour se défendre.