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Décisions

CJCE, 17 novembre 1992, n° C-235/91

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

Irlande

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Due

Présidents de chambre :

MM. Iglesias, Zuleeg

Avocat général :

M. Gulmann

Juges :

MM. Mancini, Joliet, Schockweiler, Moitinho de Almeida, Grévisse, Edward

CJCE n° C-235/91

17 novembre 1992

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 septembre 1991, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que, en soumettant toutes les importations de sperme d'animaux domestiques des espèces bovine et porcine à une licence et à diverses conditions restrictives, l'Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité, du règlement (CEE) n° 805-68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 148, p. 24), du règlement (CEE) n° 827-68 du Conseil, du 28 juin 1968, portant organisation commune des marchés pour certains produits énumérés à l'annexe II du traité (JO L 151, p. 16), de la directive 77-504-CEE du Conseil, du 25 juillet 1977, concernant les animaux de l'espèce bovine reproducteurs de race pure (JO L 206, p. 8), et de la décision 88-124-CEE de la Commission, du 21 janvier 1988, fixant la présentation type des certificats généalogiques relatifs au sperme et aux ovules fécondés d'animaux de l'espèce bovine reproducteurs de race pure et les mentions à y faire figurer (JO L 62, p. 32).

2 La Commission fait valoir que l'exigence d'une licence d'importation constitue une entrave aux échanges intracommunautaires et que les restrictions imposées par l'Irlande, qui ne peuvent pas être justifiées par des motifs vétérinaires, ne respectent pas les normes zootechniques fixées par la réglementation communautaire.

3 L'Irlande reconnaît que sa législation n'est pas conforme aux dispositions communautaires et qu'elle doit être adaptée pour obtenir cette conformité. Mais elle soutient que, dans l'attente de l'adoption des textes nécessaires, cette réglementation fonctionne, en fait, conformément au droit communautaire, qui admet des mesures nationales de contrôle zootechniques et vétérinaires, et qu'il a été satisfait dans la pratique à toutes les préoccupations exprimées par la Commission dans son avis motivé.

4 L'argumentation de l'Irlande ne peut pas être retenue.

5 En premier lieu, l'article 30 du traité, dont les dispositions ont été expressément reprises dans les règlements n° 805-68 et n° 827-68, fait obstacle à l'application, dans les rapports intracommunautaires, d'une législation nationale qui maintiendrait l'exigence, serait-elle purement formelle, de licences d'importation ou tout autre procédé similaire (arrêt du 8 février 1983, Commission/Royaume-Uni, point 9, 124-81, Rec. p. 203). A cet égard, l'exception prévue à l'article 36 du traité pour des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ne peut être invoquée pour justifier, même provisoirement, le maintien d'une telle législation lorsque des directives communautaires prévoient l'harmonisation des mesures nécessaires pour garantir la protection de la santé des personnes et des animaux et lorsqu'elles aménagent des procédures de contrôle de leur observation (arrêt du 8 novembre 1979, Denkavit, point 14, 251-78, Rec. p. 3369).

6 Lorsque sont intervenues des dispositions communautaires aménageant des procédures de contrôle harmonisé, c'est uniquement dans le cadre tracé par ces dispositions que les contrôles appropriés doivent être effectués.

7 En ce qui concerne l'espèce bovine, ces mesures d'harmonisation ont été fixées notamment par la directive 77-504 et les décisions de la Commission prises pour son application, au nombre desquelles figure la décision 88-124, et par la directive 87-328-CEE du Conseil, du 18 juin 1987, relative à l'admission à la reproduction des bovins reproducteurs de race pure (JO L 167, p. 54), puis, ultérieurement, par la directive 88-407-CEE du Conseil, du 14 juin 1988, fixant les exigences de police sanitaire applicables aux échanges intracommunautaires et aux importations de sperme surgelé d'animaux de l'espèce bovine (JO L 194, p. 10).

8 En ce qui concerne l'espèce porcine, des dispositions de même nature ont apparemment harmonisé les contrôles zootechniques et vétérinaires. Ces dispositions figurent notamment dans la directive 88-661-CEE du Conseil, du 19 décembre 1988, relative aux normes zootechniques applicables aux animaux de l'espèce porcine reproducteurs (JO L 382, p. 36), et la directive 90-429-CEE du Conseil, du 26 juin 1990, fixant les exigences de police sanitaire applicables aux échanges intracommunautaires et aux importations de sperme d'animaux de l'espèce porcine (JO L 224, p. 62). Les dates limites d'entrée en vigueur de ces mesures sont postérieures à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé de la Commission et celle-ci ne les invoque, d'ailleurs, pas dans le présent recours. Mais le gouvernement irlandais, qui admet que sa législation doit être modifiée pour remplacer le régime des licences à l'importation par un système de certificats conforme aux directives et décisions communautaires, ne démontre pas, ni même ne soutient expressément, que cette législation, en tant qu'elle concerne les importations de sperme d'animaux de l'espèce porcine, pouvait relever, avant l'entrée en vigueur définitive des dispositions d'harmonisation, de l'exception prévue à l'article 36 du traité.

9 En second lieu, l'incompatibilité de la législation nationale avec les dispositions communautaires, même directement applicables, ne peut être définitivement éliminée qu'au moyen de dispositions internes à caractère contraignant ayant la même portée juridique que celles qui doivent être modifiées.

10 Selon la jurisprudence constante de la Cour relative à la mise en œuvre des directives, de simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l'administration et dépourvues d'une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable des obligations du traité (arrêt du 15 octobre 1986, Commission/Italie, point 13, 168-85, Rec. p. 2945).

11 Par conséquent, l'Irlande, qui ne conteste pas que sa législation nationale doit être modifiée en raison de sa contrariété avec les dispositions communautaires invoquées par la Commission, ne peut se soustraire, même provisoirement, à ses obligations en invoquant à la fois des raisons générales d'ordre sanitaire et la mise en œuvre d'une certaine pratique administrative prétendument conforme à ces dispositions.

12 Dans ces conditions, il y a lieu de constater le manquement dans les termes découlant des conclusions de la Commission.

Sur les dépens

13 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. L'Irlande ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

Déclare et arrête:

1) En soumettant les importations de sperme d'animaux domestiques des espèces bovine et porcine à une licence et à diverses conditions restrictives, l'Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CEE, du règlement (CEE) n° 805-68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine, du règlement (CEE) n° 827-68 du Conseil, du 28 juin 1968, portant organisation commune des marchés pour certains produits énumérés à l'annexe II du traité, de la directive 77-504-CEE du Conseil, du 25 juillet 1977, concernant les animaux de l'espèce bovine reproducteurs de race pure, et de la décision 88-124-CEE de la Commission, du 21 janvier 1988, fixant la présentation type des certificats généalogiques relatifs au sperme et aux ovules fécondés d'animaux de l'espèce bovine reproducteurs de race pure et les mentions à y faire figurer.

2) L'Irlande est condamnée aux dépens.