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Décisions

CJCE, 6e ch., 12 octobre 2000, n° C-314/98

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Snellers Auto's BV

Défendeur :

Algemeen Directeur van de Dienst Wegverkeer

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Gulmann

Avocat général :

M. Léger

Juges :

MM. Puissochet, Macken

Avocats :

Mes van Overbeek, Hoskins, van der Woude

CJCE n° C-314/98

12 octobre 2000

LA COUR (sixième chambre),

1. Par arrêt du 10 août 1998, parvenu à la Cour le 14 août suivant, le Nederlandse Raad van State (Pays-Bas) a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), six questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 83-189-CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 109, p. 8), telle que modifiée par la directive 88-182-CEE du Conseil, du 22 mars 1988 (JO L 81, p. 75, ci-après la "directive 83-189"), et par la directive 94-10-CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 mars 1994, portant deuxième modification substantielle de la directive 83-189 (JO L 100, p. 30), ainsi que des articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE).

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la société Snellers Auto's BV (ci-après "Snellers"), établie à Deurningen (Pays-Bas), au Algemeen Directeur van de Dienst Wegverkeer (directeur général de l'office de la circulation routière) au sujet de la détermination de la date de la première admission à la circulation d'un véhicule importé.

Le droit communautaire

3. En vertu de l'article 30 du traité, les restrictions quantitatives à l'importation et les mesures d'effet équivalent sont interdites entre les États membres. Selon l'article 36 du traité, les interdictions ou restrictions à l'importation entre les États membres qui sont justifiées par, notamment, des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé et de la vie des personnes sont autorisées, pourvu qu'elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce intracommunautaire.

4. Conformément à l'article 1er, point 5, de la directive 83-189, il convient d'entendre par "règle technique" "les spécifications techniques, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, à l'exception de celles fixées par les autorités locales".

5. Aux termes de l'article 1er, point 1, de la directive 83-189, une spécification technique est "la spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d'un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d'emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la terminologie, les symboles, les essais et méthodes d'essai, l'emballage, le marquage et l'étiquetage...".

6. Les articles 8 et 9 de la directive 83-189 imposent aux États membres, d'une part, de communiquer à la Commission les projets de règles techniques relevant de son champ d'application et, d'autre part, de reporter de plusieurs mois l'adoption de ces projets afin de donner à la Commission la possibilité de vérifier s'ils sont compatibles avec le droit communautaire ou de proposer ou arrêter une directive sur la question.

7. Il ressort des douzième et quatorzième considérants de la directive 94-10, d'une part, que la mise en œuvre de la directive 83-189 a fait apparaître la nécessité de clarifier la notion de règle technique de facto, notamment en ce qui concerne les dispositions par lesquelles l'autorité publique se réfère à des spécifications techniques ou d'autres exigences ou incite à leur observation, et, d'autre part, que l'expérience du fonctionnement de la directive 83-189 a également fait apparaître l'opportunité de clarifier ou de préciser certaines définitions, règles de procédure ou obligations des États membres au titre de ladite directive.

8. Ainsi, l'article 1er, points 2 et 3, de la directive 83-189, telle que modifiée par la directive 94-10, comporte les nouvelles définitions suivantes:

"2) 'spécification technique: une spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d'un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d'emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la dénomination de vente, la terminologie, les symboles, les essais et méthodes d'essai, l'emballage, le marquage et l'étiquetage, ainsi que les procédures d'évaluation de la conformité.

[...]

3) 'autre exigence: une exigence, autre qu'une spécification technique, imposée à l'égard d'un produit pour des motifs de protection, notamment des consommateurs ou de l'environnement, et visant son cycle de vie après mise sur le marché, telle que ses conditions d'utilisation, de recyclage, de réemploi ou d'élimination lorsque ces conditions peuvent influencer de manière significative la composition ou la nature du produit ou sa commercialisation."

9. Selon l'article 1er, point 9, de la directive 83-189, telle que modifiée par la directive 94-10, on entend par "règle technique", au sens de cette directive, "une spécification technique ou autre exigence, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l'article 10, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres visant l'interdiction de fabrication, d'importation, de commercialisation ou d'utilisation d'un produit".

10. Aux termes de l'article 2 de la directive 94-10, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive au plus tard le 1er juillet 1995.

Le droit national

11. La Wegenverkeerswet 1994 (loi relative à la circulation routière) constitue le fondement de la réglementation néerlandaise en matière de circulation routière. Elle institue un organisme public, le Dienst Wegverkeer (office de la circulation routière), qui est chargé de délivrer les certificats d'immatriculation pour les véhicules automobiles aux Pays-Bas.

12. Ces certificats comportent trois parties. La partie I contient les données techniques détaillées du véhicule ainsi qu'une rubrique, intitulée "Particularités", qui mentionne la date de la première admission à la circulation du véhicule.

13. Les règles relatives à la détermination de cette date sont édictées par la Regeling houdende vaststelling van regels omtrent de wijze waarop de datum van eerste toelating tot de openbare weg op het kentekenbewijs, dan wel het registratiebewijs van een voertuig wordt bepaald (règlement relatif aux modes de fixation de la date de la première admission sur le certificat d'immatriculation d'un véhicule, ci-après le "règlement"). Ce règlement a été adopté par le ministre des Transports et des Travaux publics le 9 décembre 1994. Il est entré en vigueur le 1er janvier 1995.

14. En vue de déterminer la date de la première admission à la circulation d'un véhicule, le règlement envisage essentiellement trois hypothèses.

15. La première hypothèse concerne les véhicules qui n'ont jamais fait l'objet d'une immatriculation ni aux Pays-Bas ni à l'étranger. Dans ce cas, l'article 3 du règlement prévoit que le Dienst Wegverkeer est chargé de vérifier si le véhicule présente des "traces manifestes d'utilisation". Si tel est le cas, la date de la première admission à la circulation du véhicule est celle de la date de construction. Si le véhicule ne présente aucune trace manifeste d'utilisation, le Dienst Wegverkeer délivre un certificat d'immatriculation "en blanc", à savoir un certificat qui indique, comme date de la première admission, la date de la délivrance du certificat d'immatriculation en cause.

16. La deuxième hypothèse concerne les véhicules qui ont déjà fait l'objet d'une précédente immatriculation aux Pays-Bas. Dans ce cas, l'article 2 du règlement prévoit que les données figurant sur l'ancien certificat d'immatriculation néerlandais sont reportées sur le nouveau certificat.

17. La troisième hypothèse concerne les véhicules qui ont déjà fait l'objet d'une précédente immatriculation en dehors des Pays-Bas. Dans ce cas, l'article 4 du règlement prévoit que le Dienst Wegverkeer est chargé de vérifier si le véhicule présente des "traces manifestes d'utilisation". Si le véhicule ne présente aucune trace manifeste d'utilisation, le Dienst Wegverkeer est habilité à délivrer un certificat d'immatriculation "en blanc", pour autant que le demandeur produise:

- un certificat d'immatriculation étranger établi depuis deux jours au maximum, et

- la facture d'achat originale mentionnant le numéro de TVA du vendeur, le décompte kilométrique du véhicule, qui ne peut dépasser 2 500 km, le numéro d'identification du véhicule ainsi qu'une déclaration du vendeur attestant du caractère neuf et non utilisé du véhicule.

18. Si le véhicule est resté immatriculé pendant plus de deux jours à l'étranger, le Dienst Wegverkeer délivre un certificat d'immatriculation qui indique, comme date de la première admission à la circulation du véhicule, la date de sa première mise en circulation à l'étranger.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

19. Le 6 août 1996, la société Autohaus Werner Pelster GmbH (ci-après "Autohaus Werner"), établie à Gronau (Allemagne), a fait immatriculer une voiture de tourisme de marque BMW au Zentrale Fahrzeugregister (registre central des véhicules). L'instance chargée de l'immatriculation des véhicules en Allemagne a délivré à cette date un certificat d'immatriculation établi au nom d'Autohaus Werner. Conformément à la législation allemande, le véhicule a été ainsi admis à la circulation en Allemagne.

20. Le 13 août 1996, Autohaus Werner, qui est un revendeur officiel du réseau de distributeurs de BMW AG, a vendu le véhicule à Snellers qui, sans faire partie du réseau de distributeurs de BMW AG, commercialise aux Pays-Bas, entre autres, des véhicules BMW qu'elle importe suivant des circuits parallèles. À cette date, Snellers n'avait pas encore trouvé un acheteur pour le véhicule. La facture de vente mentionnait qu'il s'agissait d'un véhicule neuf et indiquait que le kilométrage de 800 km qu'il présentait était dû à son transport par route depuis l'usine où il avait été fabriqué jusqu'à Gronau.

21. Le 14 août 1996, Snellers a pris livraison du véhicule à Gronau et l'a importé aux Pays-Bas. Le 15 août 1996, elle l'a présenté à la station de contrôle technique du Dienst Wegverkeer à Lichtenvoorde. Lors de ce contrôle, Snellers s'est vu remettreun formulaire de déclaration relatif à la taxe sur les voitures/taxe sur le chiffre d'affaires comportant, à la rubrique relative à la date de la première admission à la circulation, la mention "neuf".

22. Le 10 janvier 1997, le Dienst Wegverkeer a délivré un certificat d'immatriculation portant, dans la partie I, à la rubrique "Particularités", la mention suivante: "Date de première admission 060896".

23. Par lettre du 27 janvier 1997, Snellers a introduit une réclamation auprès du Dienst Wegverkeer contre la décision de fixer au 6 août 1996 la date d'admission à la circulation du véhicule. Snellers a considéré que la décision du Dienst Wegverkeer avait pour conséquence de réduire la valeur du véhicule, compte tenu de la date de délivrance du certificat d'immatriculation néerlandais, le 10 janvier 1997. En effet, en raison de la mention "Date de première admission 060896" sur le certificat d'immatriculation, le véhicule a été considéré comme un véhicule relevant de l'année de construction 1996, ce qui aurait entraîné l'annulation du contrat de vente du véhicule par l'acheteur trouvé par Snellers. En revanche, si le Dienst Wegverkeer avait délivré un certificat en blanc, le véhicule aurait pu être considéré, étant donné la date de délivrance du certificat, comme relevant de l'année de construction 1997.

24. Par décision du 13 février 1997, le Dienst Wegverkeer a déclaré les griefs de Snellers non fondés.

25. Snellers a formé un recours contre cette décision devant l'Arrondissementsrechtbank te Almelo et a également demandé au président de cette juridiction de prendre des mesures provisoires. Par décision du 3 avril 1997, le président de l'Arrondissementsrechtbank a déclaré le recours fondé et a annulé la décision du 13 février 1997. Par lettre reçue le 16 avril 1997, le Dienst Wegverkeer a fait appel de cette décision devant l'Afdeling Bestuursrechtspraak (section d'administration) du Nederlandse Raad van State.

26. En appel, Snellers a soutenu, d'une part, que le règlement était une règle technique au sens de la directive 83-189 qui n'avait pas été communiquée à la Commission ainsi qu'elle aurait dû l'être conformément à l'obligation imposée par cette directive. Elle a également fait valoir que, en vertu de l'arrêt du 30 avril 1996, CIA Security International (C-194-94, Rec. p. I-2201), le Nederlandse Raad van State ne pouvait pas, pour cette raison, appliquer le règlement dans la procédure pendante devant lui. D'autre part, elle a considéré que le règlement était incompatible avec les articles 30 et 36 du traité au motif qu'il constituait une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, qui n'était pas susceptible d'être justifiée par des exigences tenant à la protection de l'environnement ou à la sécurité routière.

Les questions préjudicielles

27. Dans ces circonstances, le Nederlandse Raad van State a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Pour appliquer la directive 83-189-CEE, telle que modifiée par la directive 88-182-CEE, à une réglementation nationale adoptée le 9 décembre 1994, y a-t-il lieu de prendre également en considération les modifications apportées, après cette date, par la directive 94-10-CE, eu égard entre autres aux formulations utilisées dans le préambule de celle-ci?

2) Si la question 1 appelle une réponse affirmative: une réglementation telle que [le règlement] relève-t-elle du champ d'application de la directive 83-189-CEE, telle que modifiée par les directives 88-182-CEE et 94-10-CE?

3) Si la question 1 appelle une réponse négative:

a) y a-t-il lieu d'interpréter l'expression 'spécification technique figurant à l'article 1er, point 1, de la directive 83-189-CEE, telle que modifiée par la directive 88-182-CEE, en ce sens qu'elle s'applique également à une réglementation telle que [le règlement]?

b) dans le cas contraire, une telle réglementation relève-t-elle de l'article 1er, point 5, de la directive telle que modifiée de la sorte ('règle technique)?

4) Une réglementation nationale relative à la délivrance de certificats d'immatriculation en blanc, qui n'opère aucune distinction formelle entre importateurs officiels et parallèles, mais qui rend en pratique plus difficile pour les importateurs parallèles de livrer des voitures accompagnées d'un certificat d'immatriculation en blanc parce qu'ils ne peuvent s'approvisionner à l'étranger qu'en voitures immatriculées, alors que cette même réglementation fait dépendre la délivrance d'un certificat d'immatriculation en blanc, entre autres, de l'absence d'une immatriculation de plus de deux jours, dans un autre État membre, de la voiture importée de cet État membre, constitue-t-elle une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative aux importations au sens de l'article 30 du traité CE?

5) Si la question 4 appelle une réponse affirmative, une réglementation telle que [le règlement] est-elle alors justifiée par les impératifs de sécurité routière et/ou de protection de l'environnement, notamment en raison de son lien avec les exigences applicables à la voiture et avec la détermination de la date à laquelle une obligation périodique générale de contrôle technique prend cours?

6) Si la question 5 appelle une réponse affirmative, faut-il considérer qu'un tel obstacle aux échanges est proportionnel à l'objectif poursuivi par la réglementation nationale concernant la délivrance de certificats d'immatriculation en blanc si ladite réglementation ne permet pas de prouver le caractère neuf; la possibilité pour un importateur parallèle de convenir avec son fournisseur dans un autre État membre que ce dernier demandera, après la délivrance du certificat d'immatriculation étranger, la suspension de l'admission ainsi octroyée et lèvera cette suspension lorsque l'importateur parallèle demandera l'immatriculation dans le pays d'importation revêt-elle une importance pour répondre à cette question?"

Sur les première et deuxième questions

28. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, en vue d'apprécier si une réglementation nationale, telle que le règlement, adoptée le 9 décembre 1994, constitue une règle technique soumise à l'obligation de notification prévue par la directive 83-189, il convient de tenir compte des modifications ultérieures apportées par la directive 94-10.

29. Dans l'arrêt de renvoi, cette juridiction constate que, au vu de sa date d'adoption, le règlement échappe au champ d'application ratione temporis de la directive 94-10, les États membres étant seulement tenus de transposer cette directive le 1er juillet 1995 au plus tard. Toutefois, eu égard aux considérants de la directive 94-10, celle-ci pourrait ne représenter qu'une clarification de notions figurant déjà dans la directive 83-189, et non pas une extension ou une modification de ces notions.

30. À cet égard, selon Snellers, il serait significatif que, au quatorzième considérant de la directive 94-10, il est constaté par le législateur communautaire que l'expérience a fait apparaître l'opportunité de clarifier certaines définitions de la directive 83-189. Snellers soutient ainsi que l'introduction de l'expression "dénomination de vente" à l'article 1er, point 2, de la directive 83-189, telle que modifiée par la directive 94-10, ne fait que clarifier la définition du terme "spécification technique" figurant déjà dans la directive 83-189. Ainsi, la directive 94-10 serait pertinente pour permettre à la juridiction de renvoi de déterminer si le règlement aurait dû être communiqué au moment de son adoption.

31. Il convient d'abord de relever, comme l'ont fait les gouvernements néerlandais, belge, français, autrichien et du Royaume-Uni ainsi que la Commission, que l'objet de la directive 94-10 n'est pas seulement de clarifier les notions figurant dans la directive 83-189. En effet, ainsi qu'il ressort de l'intitulé, du deuxième considérant et des dispositions de la directive 94-10, celle-ci modifie substantiellement le champ d'application matériel de la directive 83-189.

32. Dans ces conditions et conformément à l'analyse de ces gouvernements et de la Commission, il y a lieu de constater que, s'agissant d'apprécier si le règlement doit être qualifié de règle technique au sens de la réglementation communautaire, il convient de se fonder sur la définition de cette notion figurant dans la directive 83-189, la modification de cette définition introduite par la directive 94-10 ne se limitant pas à clarifier ladite notion.

33. Il convient dès lors de répondre à la première question posée que, en vue d'apprécier si une réglementation nationale, telle que le règlement, adoptée le 9 décembre 1994, constitue une règle technique soumise à l'obligation de notification prévue par la directive 83-189, il convient de ne pas tenir compte des modifications ultérieures apportées par la directive 94-10.

34. Au vu de la réponse à la première question, il n'y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur la troisième question

35. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une réglementation nationale relative à la fixation de la date de la première admission à la circulation d'un véhicule, telle que le règlement, relève du champ d'application de la directive 83-189.

36. Snellers estime que le règlement relève de la définition de la "spécification technique" énoncée à l'article 1er, point 1, de la directive 83-189. Elle renvoie au fait que cette disposition prévoit que les exigences concernant le "marquage et l'étiquetage" des produits relèvent de cette définition. Snellers considère que la mention d'une date de première admission sur un document, selon qu'il s'agit de véhicules immatriculés depuis plus ou moins de deux jours, doit être considérée comme le marquage et l'étiquetage d'un produit en tant que produit neuf et non usagé.

37. À cet égard, il convient de constater que, ainsi que l'ont relevé les Gouvernements néerlandais, français et autrichien, ainsi que la Commission, des règles qui visent, comme celles en cause au principal, à déterminer la date de la première admission à la circulation d'un véhicule ne constituent pas des spécifications techniques au sens de la directive 83-189 et que, dès lors, elles ne peuvent être qualifiées de règles techniques relevant du champ d'application de cette directive.

38. En effet, conformément à l'article 1er, point 1, de la directive 83-189, est une spécification technique au sens de cette directive, pour ce qui concerne des produits tels ceux en cause au principal, "la spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d'un produit". Les spécifications techniques au sens de la directive 83-189 doivent ainsi se référer au produit en tant que tel, ce qui est par ailleurs confirmé par la liste non exhaustive des spécifications concernées, donnée à titre d'exemple par l'article 1er, point 1, de ladite directive.

39. Or, le règlement prévoit des critères pour établir la date à laquelle un véhicule, au sens de la Wegenverkeerswet, est réputé avoir été admis pour la première fois à circuler sur la voie publique, aux fins de l'établissement d'un certificat d'immatriculation. Ce règlement ne définit donc aucune caractéristique requise du produit en tant que tel.

40. Dans ces conditions, il convient de répondre à la troisième question qu'une réglementation nationale relative à la fixation de la date de la première admission à la circulation d'un véhicule, telle que le règlement, ne relève pas du champ d'application de la directive 83-189.

Sur la quatrième question

41. Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, au sens de l'article 30 du traité, une réglementation nationale selon laquelle, pour un véhicule importé, la fixation de la date de sa première admission à la circulation au jour de la délivrance de son certificat d'immatriculation est subordonnée à la condition que ce véhicule n'ait pas été immatriculé plus de deux jours dans un autre État membre (ci-après la "condition litigieuse").

42. La juridiction de renvoi relève que le règlement, sur le plan formel, n'opère aucune distinction entre importateurs officiels et parallèles, mais que sa mise en œuvre pratique a pour effet de désavantager les importateurs parallèles par rapport aux importateurs officiels.

43. Snellers fait valoir que le règlement constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 30 du traité. Elle observe que, dans la pratique, il est presque impossible pour des importateurs parallèles de s'approvisionner en véhicules non immatriculés auprès des revendeurs agréés dans un autre État membre étant donné que les constructeurs et fournisseurs de véhicules interdisent généralement à leurs revendeurs agréés de vendre des véhicules non immatriculés. Elle fait valoir, en outre, que le règlement a pour conséquence qu'elle ne peut vendre les voitures qu'à un prix inférieur à celui auquel elle les a achetées, bien qu'elle fasse savoir aux acheteurs qu'il s'agit de voitures neuves et non usagées. En effet, les acheteurs tiendraient compte du prix qu'ils pourraient en tirer au cas où ils les revendraient en tant que véhicules usagés. Aux Pays-Bas, ce prix serait essentiellement déterminé par la date de la première admission mentionnée sur le certificat d'immatriculation néerlandais. En effet, en cas de revente, aucun document ne permettrait de savoir si, au moment de la délivrance de ce certificat, la voiture était une voiture neuve et non usagée, ce fait n'étant pas mentionné sur le certificat. C'est précisément parce que la voiture rapporterait un prix plus bas en cas de revente que les acheteurs néerlandais n'achèteraient pas, ou n'achèteraient pas au même prix, de telles voitures.

44. Le Gouvernement néerlandais soutient que la manière dont est déterminée la date de la première admission à la circulation aux Pays-Bas ne constitue pas une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 30 du traité. Il découlerait du règlement que, lorsqu'un certificat d'immatriculation est demandé aux Pays-Bas pour une voiture qui a déjà été admise à la circulation à une date antérieure, c'est cette dernière date qui est en principe inscrite sur le certificat d'immatriculation comme date de la première admission à la circulation. Aucune distinction ne serait faite à cet égard selon le lieu de la première admission. À supposer que l'importateur parallèle subisse une entrave, celle-ci découlerait des contraintes que le constructeur impose à ses distributeurs agréés.

45. Le Gouvernement autrichien et la Commission considèrent qu'une réglementation nationale telle que le règlement aurait pour effet de désavantager le circuit de distribution parallèle par rapport au réseau officiel et pourrait ainsi être considérée comme une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 30 du traité.

46. À cet égard, il convient de constater que, même si le règlement, sur le plan formel, n'opère aucune distinction entre importateurs officiels et parallèles, il crée en pratique un désavantage pour les importateurs parallèles en ce que ceux-ci doivent respecter des exigences qui sont strictes et difficiles à remplir pour bénéficier de certificats d'immatriculation indiquant comme date de la première admission à la circulation du véhicule la date de la délivrance du certificat d'immatriculation. Le règlement n'affecte ainsi pas de la même manière la commercialisation, d'une part, des véhicules importés par des distributeurs agréés et, d'autre part, des véhicules importés par des voies parallèles par des distributeurs non agréés.

47. Le fait que les difficultés des importateurs parallèles à respecter la condition litigieuse puissent être causées par des difficultés pour ceux-ci de s'approvisionner, auprès des revendeurs agréés dans un autre État membre, en véhicules immatriculés à une date qui rend le respect de ladite condition possible, ainsi que l'a relevé le Gouvernement néerlandais, n'a pas pour conséquence que cette condition ne constitue pas une entrave à la libre circulation des marchandises au sens de l'article 30 du traité.

48. Dès lors, il convient de répondre à la quatrième question que constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, au sens de l'article 30 du traité, une réglementation nationale selon laquelle, pour un véhicule importé, la fixation de la date de sa première admission à la circulation au jour de la délivrance de son certificat d'immatriculation est subordonnée à la condition que ce véhicule n'ait pas été immatriculé plus de deux jours dans un autre État membre.

Sur les cinquième et sixième questions

49. Par ses cinquième et sixième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une réglementation nationale telle que le règlement, malgré ses effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises, peut être justifiée par des impératifs de sécurité routière et/ou de protection de l'environnement et, le cas échéant, si une telle restriction est proportionnée à ces objectifs.

50. Dans ce contexte, il est demandé si la possibilité pour un importateur parallèle de convenir avec son fournisseur établi dans l'État membre d'exportation que ce dernier demandera, après la délivrance du certificat d'immatriculation dans l'État membre d'exportation, la suspension de l'admission ainsi octroyée et lèvera cette suspension lorsque l'importateur parallèle demandera l'immatriculation dans l'État membre d'importation revêt une importance pour répondre à cette question.

51. Snellers soutient que des considérations de sécurité routière et/ou de protection de l'environnement ne peuvent justifier la condition litigieuse. Par ailleurs, si un tel obstacle aux échanges devait être considéré comme justifié, il ne pourrait pas être considéré comme proportionné à l'objectif poursuivi s'il ne permet pas de prouver le caractère neuf du véhicule.

52. Le Gouvernement néerlandais fait valoir que la condition litigieuse est justifiée par les impératifs de la sécurité routière et de la protection de l'environnement. Les intérêts que le règlement vise à atteindre par la détermination de la date à laquelle le véhicule est admis pour la première fois sur la voie publique seraient tels que ce ne serait que dans une mesure très limitée que pourraient être acceptées des exceptions à la règle de la fixation de cette date conformément à la situation réelle. Les buts recherchés ne seraient, dans le cas contraire, pas ou pas suffisamment atteints. Le règlement prévoirait une exception à la règle selon laquelle c'est la date de délivrance de la première immatriculation nominative qui est déterminante et cet assouplissement ne pourrait être accordé que s'il est assorti de conditions strictes.

53. Le Gouvernement français considère que la protection de la santé et de l'environnement au travers des règles de contrôle des véhicules et des émissions de gaz polluants émis par ces véhicules peut justifier le règlement. En ce qui concerne la proportionnalité de la mesure, le Gouvernement français considère que la situation géographique des Pays-Bas permet, dans un rayon de 2 500 km et dans un délai de deux jours, d'acheter et d'importer un véhicule, parallèlement au réseau officiel, à partir de la totalité des États membres.

54. La Commission estime que la sécurité routière peut être considérée comme un motif justifiant une restriction à la libre circulation des marchandises. Plus une voiture est ancienne et a été utilisée, plus il importerait de veiller à ce qu'elle satisfasse encore à des exigences élémentaires de sécurité. Mais, la réglementation nationale devrait être nécessaire et proportionnée à l'objectif qu'elle poursuit, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce. En effet, le fait qu'un véhicule soit immatriculé pendant plus de deux jours dans un autre État membre n'indiquerait rien quant à son ancienneté ou son degré d'utilisation.

55. À cet égard, il convient de rappeler qu'il ressort d'une jurisprudence constante que des restrictions à la libre circulation des marchandises au sens de l'article 30 du traité peuvent être justifiées par des exigences impératives telles que la protection de la sécurité routière (voir arrêt du 5 octobre 1994, Van Schaik, C-55-93, Rec. p. I-4837) et la protection de l'environnement (voir arrêt du 14 juillet 1998, Bettati, C-341-95, Rec. p. I-4355, point 62) et qu'il ne peut donc être exclu que des règles nationales définissant des critères pour la fixation de la date de la première admission à la circulation d'un véhicule, telles que le règlement, puissent être justifiées. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est effectivement le cas dans l'affaire au principal.

56. Si, à la suite de cette vérification, la juridiction de renvoi constate qu'une telle réglementation est justifiée par des considérations tenant à la protection de la sécurité routière et/ou à la protection de l'environnement, encore faut-il, selon une jurisprudence constante (voir arrêt Bettati, précité, points 63 et 64), vérifier si la restriction à la libre circulation des marchandises découlant spécifiquement pour les importateurs parallèles de la condition litigieuse est nécessaire pour assurer la sécurité routière et/ou protéger l'environnement et si cette restriction n'est pas disproportionnée par rapport à ces objectifs, notamment en ce sens qu'il n'est pas possible de trouver d'autres mesures moins restrictives.

57. À cet égard, il convient de relever, ainsi que l'a fait la Commission, que le fait qu'un véhicule soit immatriculé pendant plus de deux jours dans un autre État membre n'apporte aucune information sur son ancienneté ou son degré d'utilisation et que, au surplus, le contrôle technique permet, au moins dans une certaine mesure, d'établir l'état technique du véhicule et de vérifier la véracité de la déclaration du vendeur attestant du caractère neuf et inutilisé du véhicule.

58. Il convient d'ajouter que la possibilité d'accords entre l'importateur parallèle et son fournisseur, tels que ceux mentionnés au point 50 du présent arrêt, peut être prise en compte afin d'apprécier si la condition litigieuse est ou non proportionnée à son objectif. Toutefois, pour qu'un tel élément puisse être pris en considération, il faut que la possibilité envisagée existe réellement pour l'importateur parallèle.

59. Il appartient à la juridiction de renvoi, à la lumière des considérations qui précèdent, de vérifier si, en l'espèce, la condition litigieuse est effectivement nécessaire pour assurer la sécurité routière et/ou protéger l'environnement et si la restriction qui en découle n'est pas disproportionnée par rapport à ces objectifs, notamment en ce sens qu'il n'est pas possible de trouver d'autres mesures moins restrictives.

60. Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux cinquième et sixième questions qu'une réglementation nationale telle que le règlement peut, malgré ses effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises, être justifiée par des exigences impératives telles que la sécurité routière et/ou la protection de l'environnement s'il peut être démontré que la restriction qui en découle est nécessaire pour assurer la sécurité routière et/ou protéger l'environnement et que la restriction n'est pas disproportionnée par rapport à ces objectifs, notamment en ce sens qu'il n'est pas possible de trouver d'autres mesures moins restrictives.

Sur les dépens

61. Les frais exposés par les Gouvernements néerlandais, belge, français, autrichien et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour,ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Nederlandse Raad van State, par arrêt du 10 août 1998, dit pour droit:

1) En vue d'apprécier si une réglementation nationale, telle que la Regeling houdende vaststelling van regels omtrent de wijze waarop de datum van eerste toelating tot de openbare weg op het kentekenbewijs, dan wel het registratiebewijs van een voertuig wordt bepaald, adoptée le 9 décembre 1994, constitue une règle technique soumise à l'obligation de notification prévue par la directive 83-189-CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, telle que modifiée par la directive 88-182-CEE du Conseil, du 22 mars 1988 , il convient de ne pas tenir compte des modifications ultérieures apportées par la directive 94-10-CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 mars 1994, portant deuxième modification substantielle de la directive 83-189.

2) Une réglementation nationale relative à la fixation de la date de la première admission à la circulation d'un véhicule, telle que la Regeling houdende vaststelling van regels omtrent de wijze waarop de datum van eerste toelating tot de openbare weg op het kentekenbewijs, dan wel het registratiebewijs van een voertuig wordt bepaald, ne relève pas du champ d'application de la directive 83-189, telle que modifiée par la directive 88-182.

3) Constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, au sens de l'article 30 du traité CE (devenu, après modification, article 28 CE), une réglementation nationale selon laquelle, pour un véhicule importé, la fixation de la date de sa première admission à la circulation au jour de la délivrance de son certificat d'immatriculation est subordonnée à la condition que ce véhicule n'ait pas été immatriculé plus de deux jours dans un autre État membre.

4) Une telle réglementation nationale peut, malgré ses effets restrictifs sur la libre circulation des marchandises, être justifiée par des exigences impératives telles que la sécurité routière et ou la protection de l'environnement s'il peut être démontré que la restriction qui en découle est nécessaire pour assurer la sécurité routière et/ou protéger l'environnement et n'est pas disproportionnée par rapport à ces objectifs, notamment en ce sens qu'il n'est pas possible de trouver d'autres mesures moins restrictives.