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Décisions

CJCE, 6e ch., 4 octobre 1991, n° C-183/90

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Van Dalfsen, Jantina Timmerman, Harm van Dalfsen, Jentje Harmke, Gerard van Dalfsen

Défendeur :

Van Loon, Berendsen

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Mancini

Avocat général :

M. Gerven

Juges :

MM. Higgins, Kakouris, Schockweiler, Kapteyn

CJCE n° C-183/90

4 octobre 1991

LA COUR (sixième chambre),

1 Par ordonnance du 1er juin 1990, parvenue à la Cour le 11 juin suivant, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation, par la Cour de justice, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32, ci-après "convention "), trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 37, deuxième alinéa, et 38, premier alinéa, de la convention.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige pendant devant cette juridiction entre, d'une part, B. J. Van Dalfsen, J. Timmerman, H. Van Dalfsen, J. Harmke et G. Van Dalfsen (ci-après "Van Dalfsen e. a."), qui ont leur domicile aux Pays-Bas, et, d'autre part, B. Van Loon et T. Berendsen (ci-après "Van Loon e. a"), domiciliés en Belgique.

3 Il ressort du dossier transmis à la Cour que, par jugement du 21 octobre 1986, le vrederechter van het kanton Herentals (Belgique) a rejeté la demande principale, ayant pour objet l'annulation d'un contrat de location existant entre les parties au principal, que Van Dalfsen e.a avaient introduite à l'encontre de Van Loon e. a. et reconnu le bien-fondé en principe de la demande subsidiaire de Van Dalfsen e. a., tendant à obtenir de Van Loon e. a. le remboursement du coût d'investissements durables qu'ils avaient effectués dans l'immeuble loué, tout en ordonnant une expertise pour en déterminer le montant exact. Statuant sur la demande reconventionnelle de Van Loon e.a., le vrederechter a condamné Van Dalfsen e. a. à payer à Van Loon e. a. la somme de 2 700 000 BFR, à majorer des intérêts, au titre d'arriérés de loyers. Ce jugement a été déclaré "exécutoire par provision, sans préjudice de tous moyens de droit et sans caution ".

4 Le 17 décembre 1986, Van Dalfsen e. a ont interjeté appel contre la partie condamnatoire de ce jugement devant le rechtbank van eerste aanleg te Turnhout (Belgique).

5 Van Loon e.a ont, pour leur part, demandé au président de l'arrondissementsrechtbank te Zwolle (Pays-Bas) d'autoriser, conformément à l'article 31 de la convention, l'exécution aux Pays-Bas du jugement du vrederechter belge. Par décision du 23 janvier 1987, le président de l'arrondissementsrechtbank a accordé cette autorisation.

6 Contre cette décision, Van Dalfsen e. a. ont formé, le 2 avril 1987, sur la base de l'article 36 de la convention, un recours devant l'arrondissementsrechtbank te Zwolle. Dans le cadre de ce recours, Van Dalfsen e. a. se sont bornés à demander à l'arrondissementsrechtbank de surseoir à statuer sur le recours, conformément à l'article 38, premier alinéa, de la convention, en invoquant le fait qu'ils avaient interjeté appel du jugement rendu par le vrederechter te Herentals et constitué une caution bancaire en garantie du montant que ce jugement les avait condamnés à payer à Van Loon e. a. ; ils ont, en outre, souligné que leur demande subsidiaire en paiement avait été admise en principe et évaluée, dans le cadre d'une expertise provisoire, à 477 954 BFR.

7 Par jugement du 13 avril 1988, l'arrondissementsrechtbank te Zwolle a rejeté la demande de sursis à statuer, au motif que Van Dalfsen e. a. ne s'étaient fondés, pour étayer cette demande, sur aucun autre moyen que ceux que le juge étranger avait pu examiner dans sa décision; par le même jugement, l'arrondissementsrechtbank a déclaré le recours non fondé et, dès lors, autorisé l'exécution aux Pays-Bas du jugement rendu par le vrederechter belge, tout en subordonnant d'office l'exécution, conformément à l'article 38, dernier alinéa, de la convention, à la constitution, par Van Loon e. a., d'une garantie bancaire d'un montant de 478 000 BFR jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur la demande subsidiaire de Van Dalfsen e.a.

8 Van Dalfsen e. a. se sont pourvus en cassation contre ce jugement, conformément à l'article 37, deuxième alinéa, de la convention, devant le Hoge Raad der Nederlanden. Par leur unique moyen de cassation, ils ont reproché à l'arrondissementsrechtbank de s'être fondé sur une appréciation incorrecte de l'étendue des pouvoirs que l'article 38 de la convention confère à la "juridiction saisie du recours", au sens de cette disposition. En effet, selon Van Dalfsen e. a. , une juridiction statuant au titre de cette disposition doit tenir compte de toutes les circonstances que le juge étranger a déjà pu prendre en considération dans sa décision, et notamment apprécier les chances de succès du recours ordinaire qui a été ou doit être introduit dans un autre État contractant.

9 Le Hoge Raad der Nederlanden s'est, au préalable, posé la question de savoir si le jugement entrepris devait être considéré comme une "décision rendue sur le recours", au sens de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention. Dans la négative, le pourvoi en cassation formé par Van Dalfsen e. a. serait irrecevable. En revanche, en cas de réponse affirmative à cette question, il conviendrait d'examiner le bien-fondé de ce pourvoi et se poserait alors le problème de l'étendue des pouvoirs que l'article 38 de la convention confère à la "juridiction saisie du recours ".

10 Estimant que le litige soulevait, dès lors, des questions d'interprétation de la convention, le Hoge Raad der Nederlanden a, par ordonnance du 1er juin 1990, décidé, en application du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation, par la Cour de justice, de la convention, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée, à titre préjudiciel, sur les questions suivantes :

"1) La décision de " la juridiction saisie du recours " de faire usage ou non, le cas échéant d'une manière déterminée, des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 38 de la convention de Bruxelles, peut-elle être considérée comme une " décision rendue sur le recours " contre laquelle, conformément à l'article 37, deuxième alinéa, de la convention de Bruxelles, un pourvoi en cassation est ouvert aux Pays-Bas?

a) même lorsque la partie appelante n'invoque, à l'appui de sa demande invitant la juridiction à surseoir à statuer ou à subordonner l'exécution à la constitution d'une garantie, pas d'autres moyens que ceux auxquels le juge étranger a pu répondre dans sa décision,

b) uniquement lorsque le recours est fondé en partie ou exclusivement sur des moyens qui n'ont pas été invoqués dans la procédure devant le juge étranger ou

c) uniquement lorsque le recours est fondé en partie ou exclusivement sur des moyens qui n'ont pas pu être invoqués au cours de la procédure devant le juge étranger parce qu'à l'époque la partie appelante n'avait pas encore connaissance des faits sur lesquels lesdits moyens sont fondés?"

11 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure et des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

12 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que les articles 37, deuxième alinéa, et 38, premier alinéa, de la convention font partie du titre III, section 2, de cette convention, concernant l'exécution des décisions judiciaires qui sont exécutoires dans l'État contractant où elles ont été rendues.

13 En vertu de l'article 31 de la convention, de telles décisions sont mises à exécution dans un autre État contractant après y avoir été déclarées exécutoires, à la requête de toute partie intéressée, par la juridiction compétente prévue par l'article 32 de la convention et conformément aux règles inscrites aux articles 33 à 35 et 42 à 45 de cette convention. Il importe de relever, en particulier, que, en vertu de l'article 34 de la convention, la partie contre laquelle l'exécution est demandée ne peut pas, à ce stade de la procédure, présenter d'observations, que la requête en exécution ne peut être rejetée que pour l'un des motifs prévus aux articles 27 et 28 de la convention et qu'en aucun cas la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond.

14 Lorsque l'exécution est autorisée, la partie contre laquelle l'exécution est demandée peut, conformément à l'article 36 de la convention, former un recours contre cette décision devant l'une des juridictions mentionnées à l'article 37, premier alinéa, de la convention. L'article 39 de la convention prévoit que, pendant le délai de ce recours et jusqu'à ce qu'il ait été statué sur celui-ci, il ne peut être procédé qu'à des mesures conservatoires sur les biens de la partie contre laquelle l'exécution est demandée.

15 Si la décision étrangère, dont l'exécution est demandée, fait, dans l'État d'origine, l'objet d'un recours ordinaire ou si le délai pour former un tel recours n'est pas expiré, l'article 38 de la convention prévoit que la juridiction de l'État requis saisie du recours peut, à la requête de la partie qui a formé le recours au titre de l'article 36, surseoir à statuer sur celui-ci. Conformément à l'article 38, dernier alinéa, de la convention, cette juridiction peut également subordonner l'exécution à la constitution d'une garantie par la partie qui bénéficie de l'autorisation d'exécution.

16 En vertu de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention, la décision rendue sur le recours ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation ou d'un recours analogue.

Sur les première et deuxième questions

17 Par ses deux premières questions préjudicielles, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l'article 37, deuxième alinéa, de la convention doit être interprété en ce sens qu'une décision prise au titre de l'article 38 de la convention, par laquelle la juridiction saisie du recours formé contre l'autorisation d'exécution d'une décision judiciaire rendue dans un autre État contractant a refusé de surseoir à statuer et a ordonné la constitution d'une garantie par le bénéficiaire de l'autorisation d'exécution, constitue une "décision rendue sur le recours", au sens de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention, et peut, dès lors, faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou d'un recours analogue. La juridiction de renvoi demande, en outre, si la réponse à cette question varie suivant que la décision prise au titre de l'article 38 de la convention et la "décision rendue sur le recours", au sens de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention, figurent ou non dans un même jugement.

18 À cet égard, il convient de relever d'abord que la convention ne donne pas de définition de ce qu'il faut entendre par "décision rendue sur le recours", au sens de l'article 37, deuxième alinéa.

19 Il y a lieu de constater ensuite que la Cour s'est prononcée en faveur d'une interprétation restrictive de la notion de "décision rendue sur le recours", figurant à l'article 37, deuxième alinéa, de la convention, en disant pour droit, dans l'arrêt du 27 novembre 1984, Brennero/Wendel, point 15 (258-83, Rec. p. 3971), que, dans le cadre de l'économie générale de la convention et à la lumière de l'un de ses objectifs principaux, qui est de simplifier les procédures dans l'État où l'exécution est demandée, cette disposition ne saurait être étendue de façon à permettre un pourvoi contre une autre décision que celle statuant sur le recours, comme un pourvoi contre une décision préparatoire ou interlocutoire ordonnant des mesures d'instruction.

20 Le rapport d'experts, établi à l'occasion de l'élaboration de la convention (JO 1979, C 59, p. 1), a également souligné la nécessité d'une interprétation stricte de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention. En effet, selon ce rapport, "la multiplicité des voies de recours, en permettant à la partie perdante de les utiliser à des fins purement dilatoires, constituerait, en définitive, une entrave à la libre circulation des jugements vers laquelle tend la convention ".

21 Il résulte de ce qui précède que, compte tenu du fait que la convention tend à faciliter la libre circulation des jugements, en mettant en place une procédure simple et rapide dans l'État contractant où l'exécution d'une décision étrangère est demandée, l'expression "décision rendue sur le recours", qui figure dans l'article 37, deuxième alinéa, de la convention, doit être comprise en ce sens qu'elle ne vise que les décisions qui statuent sur le bien-fondé du recours formé contre une décision accordant l'autorisation d'exécution d'une décision judiciaire rendue dans un autre État contractant, à l'exclusion de celles prises au titre de l'article 38 de la convention.

22 Il convient d'ajouter que, même dans l'hypothèse où la décision refusant de surseoir à statuer ou ordonnant la constitution d'une garantie est contenue dans le même jugement que la décision statuant sur le bien-fondé du recours formé contre l'autorisation d'exécution, les procédures intentées respectivement au titre de l'article 36 et de l'article 38 de la convention n'en ont pas moins un objet différent.

23 En effet, la procédure de recours prévue par l'article 36 porte sur la question juridique de savoir si, au regard des motifs limitativement énumérés aux articles 27 et 28 de la convention, l'autorisation d'exécution a été accordée à bon droit, alors que la décision relative au sursis à statuer ou à la constitution d'une garantie en vertu de l'article 38 constitue une mesure accessoire, destinée à régler le déroulement ultérieur de la procédure, qui présuppose la mise en balance des intérêts respectifs du créancier et du débiteur.

24 Dans ces conditions, une décision rendue en application de l'article 38 de la convention ne saurait être assimilée à la décision qui accueille ou rejette le recours formé contre l'exequatur, en dépit du fait que, formellement, elle fait partie du même jugement que cette dernière décision.

25 Il en résulte que, même lorsqu'une décision fondée sur l'article 38 de la convention figure dans le même jugement que la décision qui statue sur le bien-fondé du recours formé contre l'autorisation d'exécution, une telle décision n'est pas à considérer comme une "décision rendue sur le recours" au sens de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention et n'est, en conséquence, pas susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

26 Il y a, dès lors, lieu de répondre aux première et deuxième questions posées par la juridiction de renvoi que l'article 37, deuxième alinéa, de la convention doit être interprété en ce sens qu'une décision prise au titre de l'article 38 de la convention, par laquelle la juridiction saisie du recours formé contre l'autorisation d'exécution d'une décision judiciaire rendue dans un autre État contractant a refusé de surseoir à statuer et a ordonné la constitution d'une garantie par le bénéficiaire de l'autorisation d'exécution, ne constitue pas une "décision rendue sur le recours" au sens de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention et ne peut, dès lors, pas faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou d'un recours analogue. La réponse à cette question n'est pas différente lorsque la décision prise au titre de l'article 38 de la convention et la "décision rendue sur le recours" au sens de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention, figurent dans un même jugement.

Sur la troisième question

27 Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi vise, en substance, à savoir si l'article 38, premier alinéa, de la convention doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie du recours formé contre l'autorisation d'exécution d'une décision judiciaire rendue dans un autre État contractant ne saurait prendre en considération, dans sa décision relative à une demande de sursis à statuer au titre de cette disposition, que des moyens que la partie qui a introduit le recours n'était pas en mesure de faire valoir devant le juge de l'État d'origine, ou bien si cette juridiction peut également tenir compte, dans une telle décision, des moyens qui ont déjà été soumis au juge étranger, ainsi que des moyens dont ce juge n'avait pas connaissance au moment de prendre sa décision, du fait que la partie qui a intenté le recours avait omis de les invoquer devant lui.

28 En vue de répondre à cette question, il convient de relever d'abord que l'article 31, premier alinéa, de la convention consacre le principe selon lequel les décisions rendues dans un État contractant et qui y sont exécutoires peuvent être mises à exécution dans un autre État contractant, même si elles n'ont pas force de chose jugée.

29 Il est fait exception à ce principe par la faculté de surseoir à statuer reconnue par l'article 38, premier alinéa, de la convention, à la juridiction saisie du recours formé contre l'autorisation d'exécution d'une décision judiciaire rendue dans un autre État contractant. Ainsi qu'il ressort du rapport d'experts établi à l'occasion de l'élaboration de la convention, cette exception doit permettre de protéger la partie contre laquelle l'exécution est demandée contre les dommages qui pourraient résulter de l'exécution de décisions, non encore passées en force de chose jugée, qui viendraient à être modifiées, et sert ainsi de contrepoids au caractère unilatéral de la procédure d'exequatur prévue par les articles 31 et suivants de la convention.

30 Il en résulte que, s'agissant d'une disposition dérogatoire, l'article 38, premier alinéa, de la convention doit être interprété de façon stricte, sous peine de porter atteinte à l'effet utile de l'article 31 de cette convention et de compromettre l'objectif poursuivi par celle-ci, qui est d'assurer la libre circulation des jugements en permettant que les décisions exécutoires rendues dans un État contractant puissent être mises à exécution dans un autre État contractant.

31 Il y a lieu de rappeler ensuite que l'article 34, troisième alinéa, de la convention consacre le principe fondamental selon lequel la décision rendue dans l'État d'origine ne peut, en aucun cas, faire l'objet d'une révision au fond par les juridictions de l'État requis.

32 Or, si la juridiction saisie du recours pouvait prendre en considération, pour rendre sa décision sur une demande de sursis à statuer au titre de l'article 38, premier alinéa, de la convention, des moyens qui ont déjà été soumis au juge étranger, il existerait un risque réel que cette juridiction procède, directement ou indirectement, à une révision au fond de la décision étrangère, laquelle est formellement prohibée par la convention. Il en serait de même si cette juridiction était autorisée à apprécier les chances de succès d'un recours ordinaire formé ou à introduire dans l'État d'origine.

33 Dans ces conditions, l'article 38, premier alinéa, de la convention ne saurait être interprété en ce sens que la juridiction saisie du recours puisse prendre en considération, dans une décision relative à une demande de sursis à statuer, des moyens qui ont déjà été soumis au juge étranger.

34 En ce qui concerne la question de savoir si la juridiction saisie du recours peut prendre en considération, dans une décision relative à une demande de sursis à statuer au titre de l'article 38, premier alinéa, de la convention, des moyens dont le juge étranger n'avait pas connaissance au moment de rendre sa décision, du fait que la partie qui a intenté le recours avait omis de les invoquer devant lui, il convient de rappeler que, dans l'arrêt du 4 février 1988, Hoffmann/Krieg (145-86, Rec. p. 645), la Cour a jugé, à propos de l'article 36 de la convention, que le fait qu'une partie avait omis d'intenter un recours privait celle-ci de la possibilité de se prévaloir, à un stade ultérieur de la procédure, d'un moyen qui aurait étayé ce recours.

35 Or, il y a lieu de constater que ce principe s'applique de la même façon à propos de l'article 38, premier alinéa, de la convention. En effet, le système de la convention et, en particulier, le principe de la libre circulation des jugements, qui constitue un objectif essentiel de celle-ci, fait obstacle à ce qu'une partie qui s'est abstenue d'invoquer des moyens devant le juge étranger puisse encore les faire valoir devant la juridiction appelée à se prononcer, conformément à l'article 38, premier alinéa, sur une demande de sursis à statuer sur le recours intenté contre l'autorisation d'exécution.

36 Dès lors, l'article 38, premier alinéa, de la convention ne saurait davantage être interprété en ce sens que la juridiction saisie du recours puisse prendre en considération, dans une décision relative à une demande de sursis à statuer au titre de cette disposition, des moyens dont le juge étranger n'avait pas connaissance au moment de rendre sa décision, du fait que la partie qui a intenté le recours avait omis de les invoquer devant lui.

37 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'il convient de répondre à la troisième question posée par la juridiction de renvoi que l'article 38, premier alinéa, de la convention doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie du recours formé contre l'autorisation d'exécution d'une décision judiciaire rendue dans un autre État contractant ne saurait prendre en considération, dans sa décision relative à une demande de sursis à statuer au titre de cette disposition, que des moyens que la partie qui a introduit le recours n'était pas en mesure de faire valoir devant le juge de l'État d'origine.

Sur les dépens

38 Les frais exposés par les gouvernements allemand et néerlandais et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Hoge Raad der Nederlanden, par ordonnance du 1er juin 1990, dit pour droit :

1) L'article 37, deuxième alinéa, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu'une décision prise au titre de l'article 38 de la convention, par laquelle la juridiction saisie du recours formé contre l'autorisation d'exécution d'une décision judiciaire rendue dans un autre État contractant a refusé de surseoir à statuer et a ordonné la constitution d'une garantie par le bénéficiaire de l'autorisation d'exécution, ne constitue pas une "décision rendue sur le recours" au sens de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention et ne peut, dès lors, pas faire l'objet d'un pourvoi en cassation ou d'un recours analogue. La réponse à cette question n'est pas différente lorsque la décision prise au titre de l'article 38 de la convention et la "décision rendue sur le recours" au sens de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention, figurent dans un même jugement.

2) L'article 38, premier alinéa, de la convention doit être interprété en ce sens que la juridiction saisie du recours formé contre l'autorisation d'exécution d'une décision judiciaire rendue dans un autre État contractant ne saurait prendre en considération, dans sa décision relative à une demande de sursis à statuer au titre de cette disposition, que des moyens que la partie qui a introduit le recours n'était pas en mesure de faire valoir devant le juge de l'État d'origine.