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Décisions

CJCE, 14 décembre 1976, n° 24-76

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Estasis Salotti di Colzani Aimo, Gianmario Colzani

Défendeur :

Rüwa Polstereimaschinen GmbH

CJCE n° 24-76

14 décembre 1976

LA COUR,

1 Attendu que, par ordonnance du 18 février 1976, parvenue au greffe de la Cour le 11 mars suivant, le Bundesgerichtshof a posé, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (appelée ci-après 'la convention'), des questions portant sur l'interprétation de l'article 17 de ladite convention ;

2 Qu'il apparait de l'ordonnance de renvoi qu'à ce stade, le litige, porté par voie de révision devant le Bundesgerichtshof, concerne la compétence du Landgericht de Cologne pour connaitre d'un procès introduit par une entreprise établie dans le ressort de cette juridiction contre une entreprise italienne ayant son siège à Meda (Milan), pour inexécution d'un contrat portant sur la livraison, par l'entreprise allemande à l'entreprise italienne, de machines destinées à l'installation d'une fabrique de meubles capitonnés ;

3 Qu'il résulte des données retenues dans l'ordonnance de renvoi que la livraison en question avait été convenue dans un contrat écrit, signé à Milan, sur papier commercial à en-tête de l'entreprise allemande, au verso duquel étaient imprimées les conditions générales de vente de celle-ci ;

Que ces conditions générales comportent une clause attribuant compétence aux tribunaux de Cologne pour tout litige à naitre entre les parties au sujet du contrat ;

Que, s'il est vrai que le texte du contrat ne fait pas expressément mention de ces conditions générales, il renvoie à des offres antérieures de la firme allemande, qui comportaient un renvoi explicite aux mêmes conditions générales, également reproduites au verso des pièces en question ;

4 Que le Landgericht de Cologne, saisi par l'entreprise allemande, s'est déclaré incompétent, par jugement du 9 avril 1974, pour connaitre du litige ;

Qu'il considère, en effet, que la clause attributive de juridiction n'a pas été valablement convenue entre parties, compte tenu des dispositions du droit italien, auquel, selon le tribunal, le contrat entre parties serait soumis ;

Que ce jugement a été reformé par arrêt du 18 novembre 1974 de l'Oberlandesgericht de Cologne qui, considérant que le contrat en question est soumis aux dispositions du droit allemand, a infirmé la décision de première instance, déclaré le Landgericht compétent et renvoyé l'affaire devant celui-ci ;

5 Que l'entreprise italienne s'étant pourvue en révision contre cet arrêt devant le Bundesgerichtshof, cette juridiction estime que la question litigieuse doit être résolue sur base de l'article 17 de la convention ;

Qu'à cet égard, le Bundesgerichtshof a posé deux questions relatives à l'interprétation de l'alinéa 1 de cet article ;

Sur l'interprétation de l'article 17 de la convention en général

6 Attendu qu'aux termes de l'article 17, alinéa 1, de la convention, 'si, par une convention écrite ou par une convention verbale confirmée par écrit, les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un état contractant, ont désigné un tribunal ou les tribunaux d'un état contractant pour connaitre des différends nés ou à naitre à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet état sont seuls compétents' ;

7 Que les conditions d'application de cette disposition doivent être interprétées à la lumière de l'effet de la prorogation de compétence, qui est d'exclure tant la compétence déterminée par le principe général consacré par l'article 2 que les compétences spéciales des articles 5 et 6 de la convention ;

Que, compte tenu des conséquences qu'une telle option peut avoir pour la position des parties dans le procès, les conditions auxquelles l'article 17 subordonne la validité des clauses attributives de juridiction sont d'interprétation stricte ;

Qu'en subordonnant celle-ci à l'existence d'une 'convention' entre parties, l'article 17 impose au juge saisi l'obligation d'examiner, en premier lieu, si la clause qui lui attribue compétence a fait effectivement l'objet d'un consentement entre parties, qui doit se manifester d'une manière claire et précise ;

Que les formes exigées par l'article 17 ont pour fonction d'assurer que le consentement entre parties soit effectivement établi ;

Que c'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'examiner les questions posées par le Bundesgerichtshof ;

Sur les questions posées par le Bundesgerichtshof

8 Attendu que, par la première question, il est demandé s'il est satisfait à l'exigence de forme écrite prévue à l'article 17, alinéa 1, de la convention, lorsqu'une clause attributive de juridiction est contenue dans les conditions générales de vente imprimées au verso d'un contrat signé par les deux parties ;

9 Attendu que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de dire qu'en elle-même, la simple impression, sur le verso d'un contrat établi sur le papier d'affaires de l'une des parties, d'une clause attributive de juridiction dans le cadre des conditions générales de cette partie ne satisfait pas aux exigences de l'article 17, aucune garantie n'étant donnée par ce procédé que l'autre partie a consenti effectivement à la clause dérogatoire au droit commun en matière de compétence judiciaire ;

Qu'il en est autrement dans le cas où, dans le texte même du contrat signé par les deux parties, un renvoi exprès est fait à des conditions générales comportant une clause attributive de juridiction ;

10 Qu'il y a donc lieu de répondre qu'il n'est satisfait à l'exigence de forme écrite posée par l'article 17, alinéa 1, de la convention, dans le cas où une clause attributive de juridiction est contenue dans les conditions générales de vente de l'une des parties, imprimées au verso d'un acte contractuel, que si le contrat signé par les deux parties comporte un renvoi exprès à ces conditions générales ;

11 Attendu que, par la deuxième question, il est demandé s'il est satisfait à l'exigence de forme écrite prévue à l'article 17, alinéa 1, de la convention lorsque, dans le texte du contrat, les parties se réfèrent à une lettre d'offre antérieure qui, à son tour, renvoyait à des conditions générales de vente comportant une clause attributive de juridiction ;

12 Attendu qu'il est en principe satisfait à l'exigence de forme écrite posée par l'article 17, aliéna 1, lorsque, dans le texte de leur contrat, les parties se sont référées à une offre qui, à son tour, renvoyait de manière expresse à des conditions générales comportant une clause attributive de juridiction ;

Que cette appréciation ne vaut cependant que pour le cas d'un renvoi explicite, susceptible d'être contrôlé par une partie appliquant une diligence normale et s'il est établi que les conditions générales comportant la clause attributive de juridiction ont été effectivement communiquées à l'autre partie contractante avec l'offre à laquelle il est renvoyé ;

Que, par contre, l'exigence de forme écrite posée par l'article 17 ne serait pas remplie dans le cas de renvois indirects ou implicites à des correspondances antérieures, aucune certitude n'étant alors donnée que la clause attributive de juridiction a effectivement fait l'objet du contrat proprement dit ;

13 Qu'il y a donc lieu de répondre que, dans le cas d'un contrat conclu par renvoi à des offres antérieures faites avec référence aux conditions générales d'une des parties comportant une clause attributive de juridiction, il n'est satisfait à l'exigence de forme écrite prévue à l'article 17, alinéa 1, de la convention que si le renvoi est exprès et donc susceptible d'être contrôlé par une partie appliquant une diligence normale ;

Quant aux dépens

14 Attendu que les frais exposés par le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement ;

Que la procédure revêtant à l'égard des parties au principal le caractère d'un incident soulevé au cours du litige pendant devant le Bundesgerichtshof, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens ;

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesgerichtshof par ordonnance du 18 février 1976, dit pour droit :

Il n'est satisfait à l'exigence de forme écrite posée par l'article 17, alinéa 1, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dans le cas où une clause attributive de juridiction est contenue dans les conditions générales de vente de l'une des parties, imprimées au verso d'un acte contractuel, que si le contrat signé par les deux parties comporte un renvoi exprès à ces conditions générales.

Dans le cas d'un contrat conclu par renvoi à des offres antérieures faites avec référence aux conditions générales d'une des parties comportant une clause attributive de juridiction, il n'est satisfait à l'exigence de forme écrite prévue à l'article 17, alinéa 1, de la convention que si le renvoi est exprès et donc susceptible d'être contrôlé par une partie appliquant une diligence normale.