Cass. soc., 7 novembre 2006, n° 05-43.549
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Groupement interproducteurs Collioure et Banyuls
Défendeur :
François
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chagny (faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Rovinski
Avocat général :
M. Legoux
Avocats :
SCP Defrénois, Levis, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Attendu que M. François a été engagé le 13 septembre 2001 par deux contrats distincts en qualité de VRP multicartes par le Groupement interproducteurs Collioure Banyuls (GICB), enseigne le Cellier des Templiers et par la société les Caves du Soleil ; que le salarié qui était rémunéré exclusivement par des commissions a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 4 septembre 2002, motif pris du défaut de fourniture des échantillons qu'il réclamait pour la continuation de son activité; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins de réclamer la requalification de son contrat de travail en celui d'un VRP exclusif et obtenir une somme à titre de complément de salaire correspondant à la rémunération minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 outre des dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail;
Sur le premier moyen : - Attendu que le GICB fait grief à l'arrêt attaqué (Agen, 7 juin 2005) d'avoir dit que M. François devait bénéficier des dispositions de l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP et de l'avoir condamné à lui payer une somme au titre de la rémunération minimale des VRP alors, selon le moyen, que seuls les VRP dont le contrat de travail prévoit une clause d'exclusivité peuvent prétendre à la rémunération minimale forfaitaire; qu'en l'espèce, les contrats de travail de M. François ne comportaient aucune clause d'exclusivité; qu'en affirmant que le salarié serait un VRP exclusif et non un VRP multicartes au motif inopérant qu'il serait avec la société les Caves du Soleil le seul et unique employeur de M. François et non deux employeurs distincts, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 5-1 dudit accord;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté, d'abord, que le contrat de travail passé entre M. François et le GICB interdisait au salarié de représenter aucune autre entreprise commercialisant des vins et spiritueux à l'exception de la société les Caves du Soleil et décidé, ensuite, que le GICB et la société les Caves du Soleil étaient un seul et unique employeur et non deux employeurs distincts, en a exactement déduit, sans encourir le grief du moyen, que M. François était un VRP exclusif ; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que le GICB fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la rupture du contrat de travail résultait de la méconnaissance par lui de ses obligations et s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de l'avoir en conséquence condamné à payer à M. François diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et non-respect de la procédure et à titre d'indemnité de préavis incluant les congés payés alors, selon le moyen : 1°) que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce qu'en initiant un système lui permettant de se dispenser du versement de la rémunération minimale des VRP, l'employeur aurait violé ses obligations légales, ce qui lui rendait imputable la rupture du contrat de travail, sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et a violé les dispositions de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile; 2°) que si en cas de prise d'acte de la rupture du contrat par le salarié, le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui, même si le salarié ne les a pas mentionnés dans la lettre de rupture, il ne peut cependant pas imputer la rupture du contrat à l'employeur en se fondant sur un grief qui n'aurait pas été invoqué par le salarié comme étant à l'origine de sa prise d'acte de la rupture; qu'en l'espèce, M. Français n'a, à aucun moment, fait valoir que l'absence de versement de la rémunération minimale des VRP aurait justifié sa prise d'acte de la rupture ; qu'en se fondant sur une méconnaissance par l'employeur de ses obligations légales relatives au versement de la rémunération minimale des VRP pour lui rendre imputable la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 122-14-5 du Code du travail ; 3°) qu'en constatant que les griefs invoqués par M. François lors de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur n'étaient pas établis et en décidant néanmoins qu'il y avait lieu de rendre imputable à l'employeur la rupture du contrat de travail en raison de sa méconnaissance des obligations légales relative au versement de la rémunération minimale des VRP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 122-14-3 et L. 122-5 du Code du travail ;
Mais attendu que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige; que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit;
Et attendu que le salarié a dénoncé devant la juridiction prud'homale le système mis en place par l'employeur lui permettant de se dispenser du versement de la rémunération minimale des VRP en établissant deux contrats donnant l'apparence de deux entreprises employant le même salarié à titre non exclusif, montage que le salarié ne pouvait déceler ni reprocher à l'employeur dans sa lettre de démission et qui constituait de la part du groupement interprofessionnel une méconnaissance grave de ses obligations légales, à savoir le respect de la convention collective des VRP; que la cour d'appel a pu en déduire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.