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Décisions

Conseil Conc., 8 novembre 2006, n° 06-D-33

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés de travaux publics de bâtiment dans la région Auvergne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Ferrero, par Mme Aubert, vice-présidente, présidant la séance, Mmes Behar-Touchais, Mader-Saussaye, MM. Combe, Flichy, Ripotot, Piot, membres.

Conseil Conc. n° 06-D-33

8 novembre 2006

Le Conseil de la concurrence (Section IV),

Vu la lettre enregistrée le 1er août 2001 sous le n° F 1330, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées à l'occasion de marchés publics de travaux de bâtiment dans la région Auvergne durant la période 1996-1998 ; Vu le livre IV du Code de commerce, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 modifié, fixant ses conditions d'application ; Vu les observations présentées par les sociétés Sobea Auvergne ex-Sogea Auvergne, Merle, Satec Cassou Bordas (SCB), Campenon Bernard Régions (CBR), GFC Construction, SNC Dagois, Eiffage Construction Auvergne ex-Socae Auvergne, Entreprise générale Léon Grosse, Société Lyonnaise de Génie Civil et Cie (Solgec), Dumez Rhône-Alpes pour Dumez Rhône-Alpes Auvergne Bourgogne (Dumez RAAB) et son agence Dumez Auvergne, GTM Construction, Dumez Lagorsse, Fougerolle et Cie Société nouvelle Constructions de Touraine (SNCT), Eiffage Construction Rhône- Alpes pour Fougerolle et Cie Setrac, Forezienne d'Entreprise et de Terrassement pour Ballot-Menager-Gorce, le liquidateur de Vialet & Cie ainsi que par le commissaire du gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du gouvernement et les sociétés Sobea Auvergne ex-Sogea Auvergne, Merle, Satec Cassou Bordas (SCB), Campenon Bernard Régions (CBR), GFC Construction, SNC Dagois, Eiffage Construction Auvergne ex-Socae Auvergne, Entreprise générale Léon Grosse, Société Lyonnaise de Génie Civil et Cie (Solgec), Dumez Rhône-Alpes pour Dumez Rhône-Alpes Auvergne Bourgogne (Dumez RAAB) et son agence Dumez Auvergne, GTM Construction, Dumez Lagorsse, Fougerolle et Cie Société nouvelle Constructions de Touraine (SNCT), Eiffage Construction Rhône-Alpes pour Fougerolle et Cie Setrac, Forezienne d'Entreprise et de Terrassement pour Ballot-Menager-Gorce, entendus lors de la séance du mercredi 27 septembre 2006 , les sociétés Schiochet et Vialet & Cie, ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE MINISTERIELLE

1. Par lettre enregistrée le 1er août 2001, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence d'un dossier relatif à des pratiques anticoncurrentielles relevées lors de l'attribution de marchés publics de travaux de bâtiment dans la région Auvergne durant la période 1996-1998.

2. La brigade inter-régionale d'enquête de concurrence de Lyon (ci-après BIEC) a procédé aux investigations en réalisant notamment des opérations de visites et saisies le 6 avril 2000, autorisées par ordonnance du 16 mars 2000 du Président du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, dans les locaux de dix entreprises : Dumez Auvergne, Sobea Auvergne ex-Sogea Auvergne, Socae Auvergne, GFC Construction, situées à Clermont-Ferrand (63), Dumez Rhône-Alpes et Spie Citra Sud Est à Lyon (69), Vialet au Puy-en-Velay (43), Merle à Langeac (43), Dagois à Moulins (03) et Ballot-Ménager-Gorce à Saint Germain des Fossés (03). L'enquête de la BIEC de Lyon a donné lieu à l'établissement d'un rapport administratif, daté du 2 avril 2001, accompagné de 23 annexes comportant 5 224 cotes.

3. Les sociétés visées dans l'enquête sont au nombre de seize à savoir :

<emplacement tableau>

4. L'enquête administrative a permis de réunir des éléments relatifs à d'éventuelles concertations entre des entreprises importantes au plan local à l'occasion de l'attribution des huit marchés suivants pour la construction ou la rénovation de bâtiments publics, dont les montants sont compris entre 46 et 126 millions F TTC :

• restructuration de l'hôpital Emile-Roux au Puy-en-Velay (43) ;

• restructuration de deux collèges à Clermont-Ferrand (63) et à Lempdes (63) ;

• construction de la deuxième phase de l'IFMA à Aubière (03) ;

• rénovation restructuration du lycée d'Yzeure (03) ;

• construction du centre des congrès de Clermont-Ferrand (63) ;

• construction du lycée de Cusset (03) ;

• construction du centre européen de volcanisme dit Vulcania (63) ;

• réhabilitation de l'hôpital général du Puy-en-Velay (43).

B. LES GRIEFS NOTIFIES

1. LE MARCHE DE RESTRUCTURATION DE L'HOPITAL EMILE-ROUX DU PUY EN VELAY (43)

5. Dans le cadre de sa restructuration, le centre hospitalier Émile-Roux du Puy-en-Velay lançait, début 1996, une deuxième phase de travaux portant sur un marché en sept lots relatif à la construction des pôles chirurgie, mère-enfant, urgences (CMED). C'est le lot n° 2, gros œuvre/maçonnerie, qui a fait l'objet des observations de la BIEC de Lyon.

a) L'appel d'offres restreint

6. Le maître d'ouvrage a choisi la procédure d'appel d'offres restreint en groupement d'entrepreneurs conjoints, à l'exclusion des entreprises générales. L'estimation des travaux a été arrêtée à la somme de 39 159 000 F HT (soit près de 6 millions d'euro), la date limite de remise des candidatures a été fixée au 5 juin 1996, celle de remise des offres au 28 octobre 1996.

7. La commission de choix des candidatures a retenu, le 17 juin 1996, sept groupements d'entreprises dont deux d'entre eux ne remirent pas d'offre : Solgec/Arnaud/Pieux Ouest/MCR d'une part, Dumez Auvergne/Mazet et Cie/Ballot-Menager-Gorce, d'autre part.

8. Le dépouillement des plis se présente comme suit :

<emplacement tableau>

9. Les deux premières soumissions se distinguaient par leur niveau de prix inférieur à l'estimation. La commission d'appel d'offres du 29 novembre 1996 décidait donc de retenir le groupement GFC Construction/Intrafor/Farigoule/Socobat/Changea/ Multicarrelage qui faisait la proposition la moins-disante d'un montant de 36 880 000 F.

10. Cependant, informée par le maître d'œuvre que les deux meilleures offres se révélaient non conformes et jugeant les trois autres propositions trop nettement supérieures à l'estimation, la commission d'appel d'offres, réunie le 1er avril 1997, déclarait l'appel d'offres infructueux et recourait à la procédure de marché négocié.

b) Le marché négocié

11. Après avis d'appel public à la concurrence publié dans le BOAMP du 18 avril 1997, les huit entreprises ou groupements suivants ont été consultés pour le lot n° 2 gros œuvre : GFC Construction, Solgec, SCB, Vialet/Dumez, Fougerolle et Cie Setrac, Sogea Auvergne/Socae Auvergne, Merle, Spie.

12. La date limite de remise des offres était fixée au 16 juin 1997. Les résultats de la consultation ont été les suivants :

<emplacement tableau>

13. Le rapport d'analyse des offres établi par la maîtrise d'œuvre proposait, en octobre 1997, de recourir à l'offre moins-disante de Vialet/Dumez avec l'option 1, pour un montant de 39 515 000 F HT.

c) La relance du marché négocié en 1998

14. Faisant suite aux propositions d'un cabinet conseil en ingénierie médicale, des modifications sont intervenues durant la période de négociation des marchés. Aussi, a-t-il été demandé à toutes les entreprises, ayant remis une offre, d'évaluer et chiffrer leur incidence pécuniaire.

15. L'ouverture des nouvelles offres eut lieu le 4 mars 1998 :

<emplacement tableau>

16. Le marché était finalement attribué au groupement moins-disant Vialet/Dumez/Astruc/ Franki pour un montant de 38 299 529 F HT.

17. A l'examen des soumissions à l'appel d'offres restreint de 1996, le rapport d'enquête constate que des entreprises ou groupements d'entreprises filiales d'un même groupe national se font concurrence.

18. Ainsi, lors de la première consultation, la société Merle se trouve en concurrence avec SCB, toutes deux du même groupe Compagnie générale des Eaux (ci-après CGE).

19. Par la suite, lors du marché négocié, le groupement Merle/SCB se présente comme concurrent de la société Sogea Auvergne, toutes trois appartenant au groupe précité CGE.

20. De même, la société Solgec se présente alors comme concurrente de Fougerolle et Cie Setrac groupée avec Socae Auvergne, alors qu'elles sont du même groupe national Eiffage.

21. Lors du marché négocié se présente également un groupement composé d'entreprises filiales de deux groupes nationaux : dans le groupement Fougerolle et Cie Setrac/Socae Auvergne/Sogea Auvergne, les sociétés Fougerolle et Cie Setrac et Socae Auvergne font partie du groupe Eiffage tandis que la société Sogea Auvergne fait partie du groupe CGE.

22. Par ailleurs, deux notes manuscrites saisies au siège de la société Merle, datées respectivement du 3 septembre 1996 et 21 octobre 1996, prévoient le bouclage de l'offre de cette société pour le marché de 1996 chez Campenon Bernard Régions (CBR) du même groupe CGE, la première pour le 8 octobre 1996, la seconde pour le 21 octobre 1996. Les documents saisis sont les suivants :

• le premier, daté du 3 septembre 1996, porte la mention manuscrite : "réunion commerciale du 03-09-96...CHER Bouclage CBR 8 oct",

• le deuxième du 21 octobre 1996 comporte une fiche de bouclage de six pages sous l'intitulé de la société Campenon Bernard Régions où il est fait mention :

"bouclage... affaire CMED... hôpital Emile-Roux... estim. KF HT : 36 500 date de remise 23/10/96... réunion de bouclage date 21/10/96 lieu Lyon CBR heure 14 H 00 ... participants... MMe, AFr, MBé, Ypé...".

23. Les déclarations en date du 24 octobre 1997 de MM. G... et M..., respectivement directeur et responsable commercial de l'agence SCB Auvergne à Clermont-Ferrand, sont de nature à révéler une certaine dépendance de SCB à l'endroit de CBR : "(l'agence) SCB Auvergne est un centre de travaux non enregistré au registre du commerce et qui est rattaché au siège de notre société (SCB) à Chaponost (69), lui-même rattaché à CBR (Campenon Bernard Régions) sise à Vaulx-en-Velin ... au niveau des études, quels que soient les dossiers que nous avons eu à traiter depuis notre installation à Clermont-Ferrand, les études gros œuvre ont été réalisées chez Campenon Bernard Régions à Vaulx-en-Velin (69)... cela concerne les marchés IFMA, le lycée d'Yzeure, le Centre des congrès, deux affaires pour Michelin, le lycée de Cusset, une opération de réhabilitation à Montluçon et les études des opérations Carré de Jaude. En revanche, nous n'avons étudié quoi que ce soit au niveau de SCB Auvergne sur le dossier collège de l'Oradou à Clermont-Ferrand...".

24. Par ailleurs, l'acte d'engagement et la proposition de prix de Solgec du groupe Eiffage pour le marché négocié de 1997 se trouvaient dans les locaux de Merle du groupe CGE alors que ces deux sociétés étaient en concurrence pour son attribution. 7 d) Le grief notifié

25. "Il est fait grief aux entreprises Sobea, Merle et SCB gérées par la société Campenon Bernard du groupe CGE, à l'occasion de l'appel d'offres relatif à la construction du Centre Hospitalier Émile-Roux au Puy-en-Velay, d'avoir trompé le maître d'ouvrage et entravé le libre jeu de la concurrence en déposant des offres en apparence concurrentes alors qu'elles avaient été élaborées en concertation entre elles. De même, en instaurant une fausse concurrence avec sa filiale Solgec et en communiquant à la société Merle l'étude des prix ainsi que l'acte d'engagement Solgec avant l'attribution définitive du marché, la société Fougerolle France et sa filiale Solgec ont faussé le jeu de la concurrence".

2. LE MARCHE DE CONSTRUCTION DES DEUX COLLEGES ST-EXUPERY A LEMPDES (63) ET ORADOU A CLERMONT-FERRAND (63)

26. Le conseil général du Puy-de-Dôme a lancé, le 26 octobre 1996, une procédure d'appel d'offres restreint sur performances (en entreprise générale) pour la restructuration et la remise aux normes de deux collèges, St-Exupéry à Lempdes et Oradou à Clermont-Ferrand, les travaux devant être réalisés pendant les trois mois de l'été 1997.

a) L'appel d'offres restreint sur performances

27. L'estimation des travaux a été arrêtée à la somme de 34 964 000 F HT (soit 5,3 millions d'euro) pour le collège St-Exupéry et à 38 000 000 F HT (soit près de 5,8 millions d'euro) pour le collège Oradou, avec une enveloppe budgétaire ne tolérant qu'un dépassement de 7 %, la date limite de remise des candidatures étant fixée au 12 novembre 1996.

28. La commission de choix des candidats admis à soumissionner a retenu, les 17 et 18 novembre 1996, dix entreprises réparties cinq par cinq entre les deux ouvrages à réaliser et en séparant autant que possible les entreprises relevant d'un même groupe national :

- cinq pour le collège Oradou à Clermont-Ferrand : Socae Auvergne, Dumez Auvergne, SCB, GFC et Dalla Verra ;

- cinq pour le collège St-Exupéry à Lempdes : GTM Construction, Sogea Auvergne, Léon Grosse, Fougerolle et Cie Setrac, Campenon Bernard Régions/Merle.

29. Les plis ont été ouverts, le 9 janvier 1997, par la commission d'appel d'offres.

<emplacement tableau>

30. Pour le collège Oradou, l'offre moins-disante de GFC Construction a été déclarée irrecevable par la commission qui retenait, le 21 janvier 1997, celle de Dumez Auvergne seule à être pleinement conforme pour un montant de travaux de 40 551 287 F HT.

<emplacement tableau>

31. Pour le collège St-Exupéry, les trois candidates ont remis une offre générale très succincte et dépassant largement l'estimation. Sans déclarer le marché infructueux, la collectivité a procédé à la mise au point du marché avec les entreprises qui ont accepté de baisser leurs offres de prix. C'est finalement l'entreprise moins-disante Sogea Auvergne qui a été retenue par la commission d'appel d'offres, réunie le 13 février 1997, pour un montant de travaux de 42 102 134 F HT.

32. Le rapport d'enquête souligne l'absence de soumission du groupement Campenon Bernard Régions/Merle car en concurrence avec Sogea Auvergne, toutes trois du même groupe CGE. Le même reproche de "raréfaction" de la concurrence par abstention de soumissionner est également adressé à l'entreprise indépendante Léon Grosse.

33. Par ailleurs, le rapport d'enquête relève que le 10 janvier 1997, soit le lendemain de l'ouverture des plis, la Sogea avait connaissance des offres de ses concurrents, GTM Construction et Setrac, ce qui a pu lui permettre d'adapter son attitude dans les négociations ultérieures relatives au collège St-Exupéry.

34. De leur côté, les concurrents GTM Construction et Fougerolle et Cie Setrac ont peu diminué le prix de leur offre, laissant ainsi le champ libre à Sogea Auvergne pour le collège St-Exupéry.

b) Le grief notifié

35. "Il est fait grief aux entreprises Sogea, Setrac et GTM, à l'occasion des offres relatives aux marchés de restructuration du collège Saint-Exupéry à Lempdes (63) et du collège Oradou à Clermont-Ferrand (63), de s'être concertées préalablement au dépôt de leurs offres de prix, le parallélisme de comportement de ces entreprises ayant notamment pesé sur le niveau élevé des prix du marché. Il est fait grief aux entreprises GFC, Dumez, Socae et SCB de s'être concertées préalablement au dépôt de leurs offres de prix et, en présentant des dossiers "inanalysables", d'avoir favorisé l'offre de la société GFC".

3. LE MARCHE DE CONSTRUCTION DE L'IFMA A AUBIERE (63)

36. Le conseil régional d'Auvergne a lancé, le 27 juin 1997, un appel d'offres ouvert de réalisation de travaux de bâtiments (tous corps d'état en entreprise générale), pour l'opération de deuxième phase de construction de l'Institut français de mécanique avancée (IFMA) à Aubière (63), avec une date limite de remise des offres fixée au 22 septembre 1997.

a) L'appel d'offres ouvert

37. Le marché était estimé à la somme de 43 193 600 F HT (soit 6,5 millions d'euro). Les offres se présentent comme suit :

<emplacement tableau>

38. Les quatre propositions de prix dépassant largement l'estimation, la commission d'appel d'offres, réunie le 7 octobre 1997, a déclaré l'appel d'offres infructueux et a demandé aux services de la région de procéder à une nouvelle consultation sur la base de marchés séparés par lots.

39. La commission d'appel d'offres s'est à nouveau réunie, le 27 octobre 1997, pour finalement décider, devant les problèmes d'allongement des délais et les surcoûts susceptibles d'être engendrés par une nouvelle procédure par lots, de passer à un marché négocié, en restant sur le principe initial de recherche d'offres en entreprise générale, mais en demandant à la maîtrise d'œuvre de réaliser des économies de coûts pour un montant de 6,2 millions F HT.

40. Une note du 13 octobre 1997 saisie chez Sobea Auvergne révèle que des échanges ont eu lieu entre ce soumissionnaire et l'architecte maître d'œuvre et que le président de la commission d'appel d'offres était d'accord pour négocier le marché et continuer la procédure en entreprise générale avec une enveloppe maximum de 48 millions de F.

b) Le marché négocié

41. Dans ces conditions, les deux offres suivantes sont restées en lice le 4 décembre 1997 :

<emplacement tableau>

42. La commission d'appel d'offres a attribué le marché d'entreprise générale au groupement Sobea Auvergne/GFC Construction/Lagorsse pour un montant de 47 500 000 F HT, soit 5,5 millions F HT de moins que sa première offre. Cette offre s'inscrivait dans l'enveloppe financière prévisionnelle.

43. Lors de l'appel d'offres ouvert initial, les deux premières offres ont émané de groupements constitués par des filiales des majors de la construction avec croisement :

- groupement Sobea Auvergne (CGE)/GFC Construction (Bouygues)/Lagorsse (Lyonnaise des Eaux) ;

- groupement Dumez Auvergne (Lyonnaise des Eaux)/Socae Auvergne (Eiffage)/Schiochet (entreprise indépendante locale).

44. La troisième offre émanait de l'entreprise SCB du groupe CGE ; la quatrième de l'indépendant Léon Grosse.

45. La société SCB, qui fait partie du même groupe que la société Sobea Auvergne, s'est désistée lors du marché négocié. Le rapport d'enquête rapporte à cet égard les propos de M. G..., chef d'agence chez SCB : "en ce qui concerne le dossier de l'IFMA, SCB a remis une offre seule mais sans être rentré dans le détail - étude sommaire, peu fouillée mais permettant commercialement d'être présent - ".

46. Le rapport d'enquête souligne que la complémentarité économique des groupements d'entreprises, provenant de groupes différents et en principe concurrents, n'est que de façade.

47. Il est fait également état de deux notes saisies chez Sobea Auvergne, en date des 16 et 19 juin 1997, décrivant un possible accord de groupement entre Sobea Auvergne et Léon Grosse pour l'IFMA mais qui n'aboutira pas, notamment en raison apparemment d'un "pb GFC/Dalla Vera".

48. A cet égard, M. P..., directeur de la société Sobea Auvergne du groupe CGE, déclare avoir rencontré M. B..., directeur de l'entreprise Lagorsse du groupe Lyonnaise des Eaux GTM et secrétaire de la fédération départementale du BTP, pour discuter des opérations à venir en 1997 et des associations pressenties, à la Fédération départementale du BTP du Puy de Dôme à l'occasion d'une réunion, qui a dû se tenir en juillet 1997, ayant pour objet l'éventualité de la constitution d'une structure régionale SNBATI et à laquelle assistait également l'entreprise GFC Construction du groupe Bouygues. Cette dernière entreprise n'était pas adhérente à la fédération du BTP, ce qu'a confirmé M. P..., directeur de GFC Construction.

49. Le principe de mise en œuvre d'une société en participation (ci-après SEP) pour se répartir les travaux du marché IFMA a été arrêté dès août 1997 et une convention de SEP a été effectivement signée, le 16 janvier 1998, répartissant les travaux entre Sobea Auvergne pour 50 %, GFC pour 38 % et Lagorsse pour 12 %.

50. Par ailleurs, le rapport d'enquête révèle l'existence d'une convention préliminaire de groupement momentané d'entreprises en date du 10 juillet 1997 entre Dumez Auvergne, Socae Auvergne et Schiochet pour ce marché IFMA qui prévoit, dans son article deux, une obligation d'exclusivité pour ne poursuivre les études et la réalisation des prestations qu'entre elles, obligation qui s'impose également à leurs propres filiales ou à leur société mère et ses autres filiales.

51. Il est ainsi relevé que Dumez Auvergne n'aurait pas exercé une véritable concurrence sur le marché IFMA face à la société Lagorsse, du même groupe Lyonnaise des Eaux, qui a répondu en groupement avec Sobea et GFC Construction.

c) Le grief notifié

52. "Il est fait grief aux entreprises Sobea, GFC, Lagorsse, Dumez, Schiochet, Socae, SCB et Léon Grosse, à l'occasion des offres relatives au marché de la construction de la deuxième phase de l'Institut français de mécanique avancée à Aubière (63), d'avoir fait entrave au libre jeu de la concurrence en participant à des groupements d'entreprises non-concurrents et, après s'être préalablement entendus sur la répartition des marchés, d'avoir fait au maître d'ouvrage des offres de prix non réellement concurrentes".

4. LE MARCHE DE RENOVATION DE LA CITE SCOLAIRE D'YZEURE (03)

53. Le conseil régional d'Auvergne a lancé, en 1997, un marché pour la rénovation/restructuration de la cité scolaire d'Yzeure sous forme d'appel d'offres ouvert avec une date limite de remise des offres fixée au 7 octobre 1997.

a) L'appel d'offres ouvert

54. Le montant prévisionnel des travaux était arrêté à la somme de 49 658 000 F HT ou 59 888 634 F TTC (soit 9 millions d'euro). La commission d'ouverture des plis s'est réunie, le 27 octobre 1997, pour examiner les offres suivantes :

<emplacement tableau>

55. Il a été décidé d'attribuer le marché au groupement GFC Construction/SCB qui proposait l'offre la moins-disante pour un montant de travaux de 50 650 000 F HT.

56. Les quatre soumissions émanaient de quatre grands groupes du BTP présents en Auvergne et le groupement titulaire du marché était composé de deux entreprises appartenant à deux groupes différents, dont l'une, SCB, appartenait au même groupe CGE qui avait également soumissionné au travers de l'offre de Sobea Auvergne.

57. Le rapport d'enquête relève que l'offre de Dagois à Moulins (63), établissement secondaire de Socae Auvergne, ne pouvait être qu'une offre de couverture, faute d'être "analysable" par la commission d'appel d'offres.

58. Par ailleurs, M. P..., directeur de Sobea Auvergne a déclaré, par procès-verbal d'audition du 23 octobre 1997 : "le dossier Yzeure n'était pas un dossier prioritaire pour Sobea sinon je me serais associé avec une PME gros œuvre du secteur de Moulins pour augmenter la compétitivité de l'offre".

59. L'offre de Sobea Auvergne pour le gros œuvre était supérieure de 22 % à l'offre du titulaire, GFC Construction/ SCB.

60. M. M..., chef de l'agence Dumez Auvergne a précisé par procès-verbal du 23 octobre 1997 : "l'étude a été faite en trois jours alors qu'il faut habituellement trois semaines" et "les frais généraux ont été calculés sans risques".

61. Le cahier de notes manuscrites précité de la "réunion commerciale" du 25 août 1997, saisi chez Sobea Auvergne, comporte les mentions suivantes : "ST YZEURE possible le 3 Arrêt prix le 8/ AM 14 H chez SCB".

b) Le grief notifié

62. "Il est fait grief aux entreprises GFC Construction, SCB, Sobea, SNC Dagois et Dumez Auvergne, à l'occasion des offres relatives au marché de la rénovation de la cité scolaire d'Yzeure (03), de s'être concertées préalablement au dépôt de leur offre tout en affichant être en compétition".

5. LE MARCHE DU CENTRE D'EXPOSITION ET DE CONGRES DE LA VILLE DE CLERMONT-FERRAND (63)

63. La ville de Clermont-Ferrand a lancé en 1997 le marché de construction du centre d'exposition et de congrès de Clermont-Ferrand selon la procédure d'appel d'offres ouvert. L'estimation des travaux de structure (lot n° 12-1 : fondations, gros œuvre, lot n° 12-2 : fondation, gros œuvre, scène de musique et lot n° 13-1 : charpente métallique) mis sur ce marché était fixée à la somme globale de 51 500 000 F HT (soit 7,8 millions d'euro).

a) L'appel d'offres ouvert

64. Les plis des deux groupements Fougerolle et Cie Setrac/Sobea Auvergne/Viry comme Dioguardi/Canam n'ont pas été ouverts et ont été renvoyés à leurs expéditeurs, leurs dossiers administratifs s'avérant incomplets.

65. La commission d'ouverture des plis réunie, le 9 octobre 1997, a constaté les quatre propositions suivantes :

<emplacement tableau>

66. Le marché a été attribué au moins-disant, le groupement Socae Auvergne/Dumez Construction/Dumez Auvergne/Schiochet/Gagne pour un montant de 54 495 000 F HT (+ 6 % de l'estimation).

67. Une note manuscrite, saisie au siège de la société Sobea Auvergne, comporte les mentions suivantes :

"Réunion commerciale -du 19/09/97-

-RC+ - BV - GA -JJP

-Ph G.... M... . - R...

-AF

(3) commercial :

(A) Palais Congrès = Sobea= Quantités rentrées en machine ? étude GA/M...

29/09/ - 12H SCB = étude avec Merle/R... ? S> saisie

Orchad R... -/diskette Merle

Sobea Setrac/Viry

SCB/Merle/Baudin chateauneuf

* Bouclage Sogea = J 25/09/97 9 H 30 9H".

68. Cette note manuscrite révèle l'existence d'une réunion chez Sobea Auvergne, en date du 19 septembre 1997, qui a rassemblé les responsables de cette société ainsi que ceux de SCB et de Merle faisant partie toutes trois du groupe CGE : en l'occurrence Philippe G... et Louis M... pour SCB, "AF" = Antoine F... pour Merle, ainsi que les responsables de Sobea Auvergne : "BV" = Bernard V..., "GA" = Guy A... et "JJP" = Jean-Jacques P... . Trois semaines avant la remise des offres, les études pour la construction du Centre des Congrès ont donc été évoquées chez Sobea Auvergne par les trois entreprises Sobea Auvergne, Merle et SCB du groupe CGE, alors que les offres ont été réalisées de façon séparée par SCB et Merle d'une part et Sobea Auvergne avec Fougerolle et Cie Setrac du groupe Eiffage et l'indépendant Viry d'autre part.

69. Le directeur de Fougerolle et Cie Setrac du groupe Eiffage, M. C..., a confirmé que les études de leur groupement Fougerolle et Cie Setrac/Sobea Auvergne/Viry avaient été faites par Sobea Auvergne : "Concernant le centre d'exposition et congrès de Clermont-Ferrand, la société a répondu en groupement avec Sobea Auvergne qui a fait les études et c'est Setrac qui est mandataire pour des raisons de qualification. Notre offre nous a été retournée sans avoir été ouverte".

b) Le grief notifié

70. "Il est fait grief aux entreprises Socae Auvergne, SCB Auvergne, Merle et Sobea du groupe Compagnie générale des Eaux-SGE et aux entreprises Fougerolle et Setrac du groupe Eiffage/Fougerolle, à l'occasion des offres relatives au marché de la construction du Centre d'exposition et de congrès à Clermont-Ferrand (63), d'avoir pratiqué une concertation préalable au dépôt des offres pour tromper le maître d'ouvrage sur la réalité de la concurrence et fait ainsi entrave à son libre jeu".

6. LE MARCHE DE LA CONSTRUCTION DU LYCEE DE CUSSET (03)

71. Le conseil régional d'Auvergne a lancé, le 30 juin 1997, le marché de la construction du lycée de Cusset (03) près de Vichy selon la procédure d'appel d'offres ouvert. L'estimation haute des travaux était fixée à la somme de 98 700 000 F HT (soit 15 millions d'euro).

a) L'appel d'offres ouvert

72. La commission d'appel d'offres s'est réunie, le 27 octobre 1997, pour l'ouverture des plis et le 13 novembre 1997 pour le choix du titulaire du marché. Quatre offres ont été examinées :

<emplacement tableau>

73. Le marché a été attribué au moins-disant, seule entreprise à avoir produit l'ensemble des pièces demandées au dossier d'appel d'offres, le groupement Socae Auvergne/Dagois/ Ballot Menager Gorce/Fougerolle et Cie Setrac/Dumez Auvergne pour un montant de 104 951 814 HT, dépassant de 1,3 % l'estimation du maître d'œuvre après prise en compte d'un taux de tolérance de 5 %.

74. Selon le rapport d'enquête, l'analyse de la composition des groupements montre qu'ils n'avaient pas intérêt à se faire concurrence : le groupe CGE était présent dans deux groupements par l'intermédiaire des sociétés Merle d'une part, Sobea et SCB d'autre part ; le groupe Lyonnaise des Eaux était présent dans deux groupements par l'intermédiaire des sociétés Dumez Auvergne et Lagorsse.

75. La note manuscrite, saisie au siège de Sobea Auvergne, et déjà évoquée au paragraphe 68, contient les mentions suivantes :

"Réunion commerciale -du 19/09/97-

-RC+ - BV - GA -JJP

-Ph G.../ M... . - R...

-AF

(...)

Lycée de CUSSET : = pour le 22/10 - 12H

-SOBEA -SCB

-SOCAE/ DUMEZ/ SETRAC/ BALLOT

Quantitatifs -GFC (Planche)

-LAGORSSE

étude = GO /R... = à partir du 30/09

CET SEC ? = M... +GA".

76. Bien que Merle fasse partie d'un groupement concurrent pour le lycée de Cusset, il participe via M. Antoine F... à une réunion avec Sobea Auvergne/SCB un mois avant la remise des offres.

77. Le marché a été attribué au moins-disant, le groupement Socae Auvergne/Dagois/Ballot Menager Gorce/Fougerolle et Cie Setrac/Dumez Auvergne, seul à avoir produit l'ensemble des pièces demandées au dossier d'appel d'offres. Il a paru peu concevable que les trois autres groupements, composés d'entreprises ayant l'habitude des appels d'offres, aient par hasard produit des dossiers si incomplets qu'ils n'ont pu être analysés par la commission d'appel d'offres.

b) Le grief notifié

78. "Il est fait grief aux entreprises Sobea Auvergne, SNC Satec Cassou Bordas (SCB), d'une part, aux entreprises GFC Construction, Planche, Reolon, d'autre part, et aux entreprises Léon Grosse, Lagorsse, Merle, à l'occasion des offres relatives au marché de la construction du Lycée de l'agglomération vichyssoise à Cusset (03), de s'être préalablement entendues avant de procéder à la remise de leurs offres, au caractère volontairement incomplet. Il est fait également grief aux entreprises du groupement Socae/ Dagois/Ballot Menager Gorce/Setrac/Dumez, titulaire du marché et bénéficiaire de l'entente, d'avoir participé à l'entente préalable, une SEP, qui traditionnellement est constituée après l'attribution du marché pour fixer les participations de chaque partenaire au groupement, ayant été constituée dès le mois d'août 1997, soit un mois avant l'attribution du marché, cette situation ne pouvant exister que dans le cadre d'une entente très contrôlée".

7. LE MARCHE DE CONSTRUCTION DU CENTRE EUROPEEN DU VOLCANISME A SAINT-OURS-LES-ROCHES DENOMME "VULCANIA" (63)

79. Le conseil régional d'Auvergne a décidé, en 1997, la création d'un centre européen du volcanisme dans le parc naturel des volcans d'Auvergne dans le département du Puy-de-Dôme. La procédure de passation du marché adoptée a été l'appel d'offres ouvert avec une estimation des travaux fixée à la somme de 64 625 000 F HT (soit 9,8 millions d'euro).

a) L'appel d'offres ouvert

80. La commission d'appel d'offres, réunie le 3 novembre 1997, a déclaré l'appel d'offres infructueux à cause de l'écart important entre les trois offres et l'estimation initiale des travaux :

<emplacement tableau>

81. Subdivisé en quatre lots, le marché était relancé sous la forme d'un appel d'offres restreint en mars 1998.

b) L'appel d'offres restreint

82. Sept groupements ou entreprises ont répondu dont quatre seulement pour l'ensemble des quatre lots proposés :

• Spie Citra ;

• Sobea Auvergne/Merle/GFC/Lagorsse ;

• Dumez Auvergne/Fougerolle/Ballot/Socae Auvergne ;

• EI/ GCC.

83. Le 2 mai 1998, l'entreprise non auvergnate Spie Citra, moins-disante, a été retenue pour un montant global de travaux de 96 801 000 F HT, son offre restant supérieure de 50 % à l'estimation initiale.

84. De leur côté, les offres des deux groupements ayant répondu à l'ensemble des lots se révélaient de beaucoup supérieures à celle de Spie Citra : + 78 % de l'estimation initiale pour Sobea Auvergne/Merle/GFC/Lagorsse d'une part et + 129 % pour Dumez Auvergne/ Fougerolle/Ballot/Socae Auvergne, d'autre part.

c) Le grief notifié

85. "Il est fait grief aux entreprises Sobea Auvergne, Merle, GFC, Dumez Auvergne, Fougerolle, Ballot et Socae, à l'occasion des offres relatives au marché de la construction du Centre européen du volcanisme à Saint-Ours-les-Roches dénommé "VULCANIA" (63), d'avoir pratiqué des groupements d'entreprises de façon concertée afin de réduire la concurrence potentielle et provoquer ainsi une offre de prix anormalement élevée".

8. LE MARCHE DE TRANSFORMATION DE L'HOPITAL GENERAL DU PUY-EN-VELAY (43) EN BATIMENT ADMINISTRATIF POUR LE CONSEIL GENERAL

86. Le conseil général de la Haute-Loire a lancé, le 28 novembre 1997, sous la forme d'un appel d'offres ouvert, le marché d'édification de son siège par la réhabilitation de l'hôpital général du Puy-en-Velay.

87. Le marché était divisé en plusieurs lots et en tranches pour lesquels seuls les lots gros œuvre des tranches A et B ont fait l'objet de l'enquête administrative :

• tranche A : bâtiments A et F,

• tranche B : bâtiments B, C, D, E.

88. L'estimation de l'ensemble des lots s'élevait à la somme de 145 242 000 F TTC. La date limite de remises des offres était fixée au 21 janvier 1998.

a) L'appel d'offres ouvert

89. Les deux sociétés Dumez Auvergne et Vialet se sont excusées, la première en arguant de la charge de travail de son bureau d'études, la seconde en raison de la situation juridique alors incertaine de l'un de ses partenaires essentiels à quelques jours du dépôt de son offre ; la société SCB n'a répondu que pour la tranche A et le groupement Merle/Pateu et Robert/GFC/Comte pour les deux tranches A et B :

<emplacement tableau>

90. La commission d'appel d'offres déclarait l'appel d'offres infructueux le 23 janvier 1998, le total des meilleures offres pour la totalité des lots s'élevant à plus de 200 millions F, soit un dépassement de 38 % par rapport à l'estimation initiale.

b) Le marché négocié

91. Un nouvel avis d'appel public à la concurrence pour un marché négocié a été publié au BOAMP du 27 février 1998.

92. L'allotissement du marché a été modifié :

- Lot 01 A1 Fondations, gros œuvre, bâtiment A, tranche A,

- Lot 01 A2 Terrassement, fondations, soutènement, gros œuvre, bâtiment F, tranche A,

- Lot 01 A3 Façades bâtiment A et F, tranche A,

- Lot 01 B1 Fondations, gros œuvre, bâtiments B, C, D, et E,

- Lot 01 B2 Façades, bâtiments B, C, D et E, tranche B.

93. Parmi une dizaine de candidats, les sociétés GTM Construction et SCB se sont excusées. Les négociations ont débuté le 30 mars 1998 et la remise des offres a été fixée au 4 mai 1998. A l'issue des négociations, les offres de prix pour les lots gros œuvre et terrassement ont été les suivantes :

<emplacement tableau>

94. On voit apparaître un groupement d'entreprises locales avec l'entreprise Vialet comme mandataire, un groupement habituel associant des entreprises des groupes CGE, Bouygues et Lyonnaise des Eaux, la société Solgec du groupe Eiffage et des entreprises indépendantes.

95. A l'issue des négociations le 31 juillet 1998, le conseil général a attribué les cinq lots gros œuvre, d'une part pour quatre d'entre eux au groupement d'entreprises indépendantes Vialet/Franki/Le Compagnon/Therond pour un montant global de 39 486 897 F TTC, supérieur de 39,8 % à l'estimation et d'autre part pour le lot 01 A2 au groupement Merle/ Arnaud pour un montant de 25 224 000 F TTC, supérieur de 23,3 % à l'estimation.

c) Le grief notifié

96. "Il est fait grief aux entreprises Vialet, Dumez Rhône-Alpes, Merle et SCB Auvergne, à l'occasion des offres relatives au marché de la réhabilitation de l'hôpital général du Puy-en-Velay (43), d'avoir faussé le libre jeu de la concurrence par un jeu multiforme d'ententes préalables entre elles avant la présentation des offres de prix".

9. CONCLUSIONS SUR LES GRIEFS NOTIFIES

97. Le rapporteur nouvellement nommé a reçu les observations des parties sur les questions de fond et a renoncé dans son rapport à soutenir la totalité des griefs précédemment formulés en proposant de ne pas poursuivre la procédure à l'égard des sociétés incriminées.

98. Dans ses observations écrites, le commissaire du gouvernement a finalement renoncé à défendre les griefs relatifs à la reconstruction des collèges Saint-Exupéry et Oradou (grief n° 2), à la construction du centre européen du volcanisme (grief n° 7) et à la réhabilitation de l'hôpital du Puy-en-Velay (grief n° 8). Il a renoncé en séance à défendre le grief n° 1, relatif à la réhabilitation du CHER du Puy-en-Velay.

II. DISCUSSION

A. SUR LA PROCEDURE

1. SUR LA PRESCRIPTION DES FAITS

99. Un courrier du rapporteur daté du 9 septembre 2002, visant à faire préciser l'identité des sociétés en cause et la modification de leur structure après la saisine ministérielle constitue un acte de recherche, de constatation et de sanction visé à l'article L. 462-7 du Code de commerce. En effet, la bonne identification des sociétés mises en cause est un préalable indispensable à l'instruction d'un dossier. Il convient de rappeler à cet égard les importantes modifications qui ont affecté le secteur du BTP notamment lors de la création du pôle Vinci et le retrait subséquent des deux grands groupes CGE et Lyonnaise des Eaux intervenu à cette époque. Les courriers, adressés aux deux sociétés Sobea Auvergne et Merle du groupe CGE, demandaient des précisions sur les évolutions qui ont touché le pôle BTP du groupe Vinci et ont donc interrompu la prescription. Dès lors, les faits n'étaient pas prescrits lors de l'envoi de la notification de griefs le 22 juillet 2005.

100. Il convient donc d'écarter le moyen tiré de la prescription des faits.

2. SUR LES DELAIS

101. Les sociétés Léon Grosse, Dagois et Eiffage Construction Auvergne ex-Socae Auvergne, Dumez Rhône-Alpes, GTM Construction et Dumez Lagorsse soulignent la durée anormalement longue de la procédure, près de huit ans s'étant écoulés entre le début des investigations le 23 octobre 1997 aboutissant à la saisine du ministre le 1er août 2001, et la notification de griefs datée du 22 juillet 2005, ce qui serait préjudiciable aux droits de la défense.

102. Mais, compte tenu tant du nombre de marchés concernés que de l'abondance des documents recueillis lors de l'enquête administrative, la durée de moins de quatre années qui s'est écoulée entre la saisine du ministre en août 2001 et l'envoi en juillet 2005 de la notification de griefs par le rapporteur du Conseil ne paraît pas anormale.

103. En toute hypothèse, en l'absence de démonstration établissant que la durée de l'instruction a irrémédiablement compromis l'exercice des droits de la défense, la procédure ne saurait être déclarée irrégulière du seul fait de sa durée. Enfin, la Cour de cassation a retenu, dans un arrêt du 28 janvier 2003, "qu'à supposer les délais de la procédure excessifs au regard de la complexité de l'affaire (...) la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le Conseil de se prononcer dans un délai raisonnable résultant éventuellement du délai subi n'est pas l'annulation ou la réformation de la décision mais la réparation du préjudice".

104. Il convient donc d'écarter ce moyen.

3. SUR L'ABSENCE AU DOSSIER DE L'ORDONNANCE AUTORISANT LES OPERATIONS DE VISITE ET SAISIE ET SUR LES IRREGULARITES PRETENDUES DES OPERATIONS

105. La société Léon Grosse fait valoir que plusieurs documents cités par le rapporteur dans la notification des griefs ont été saisis le 6 avril 2000 "dans les locaux de l'entreprise Sobea Auvergne" en vertu d'une ordonnance rendue par le président du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, le 16 mars 2000, sur la requête de la DGCCRF et que ces documents ne figurent pas au dossier du Conseil de la concurrence qui peut être consulté par les parties. Dès lors, cette société aurait été privée de la possibilité de formuler auprès du juge compétent le recours prévu par le dernier alinéa de l'article L. 450-4 du Code de commerce. La société Léon Grosse conclut, en conséquence, à la nullité de la procédure engagée à son encontre devant le Conseil de la concurrence (premier point). La société Eiffage Construction Auvergne ex-Socae Auvergne expose que ni l'agenda 1999 de M. M..., ni le cahier de notes personnelles "9 novembre 1998/ octobre 1999" n'étaient concernés par l'ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 16 mars 2000 portant sur six marchés attribués entre janvier 1997 et juillet 1998 limitativement énumérés :

• restructuration de l'hôpital Emile-Roux au Puy-en-Velay (43) ;

• restructuration de deux collèges à Clermont-Ferrand (63) et à Lempdes (63) ;

• construction de la deuxième phase de l'IFMA à Aubière (03) ;

• rénovation-restructuration du lycée d'Yzeure (03) ;

• construction du lycée de Cusset (03) ;

• construction du centre européen de volcanisme dit Vulcania (63).

106. La société Eiffage Construction Auvergne ex-Socae Auvergne prétend que les enquêteurs n'auraient pu saisir que des documents concernant la période d'attribution des marchés visés et non des documents postérieurs à cette période, close en juillet 1998 (second point).

107. En application des deux derniers alinéas de l'article L. 450-4 du Code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 qui, dès lors qu'elle porte sur des dispositions de procédure, est applicable sur ce point immédiatement, y compris pour la répression des infractions commises avant son entrée en vigueur, une telle argumentation critiquant le déroulement des opérations de visites ou saisies aurait dû être portée dans les deux mois suivant lesdites opérations, devant le juge qui les a autorisées. Mais, compte tenu de l'état du droit, antérieur à l'intervention de la loi du 15 mai 2001, applicable à la date à laquelle les saisies ont eu lieu, il convient d'y répondre à toutes fins.

108. Sur le premier point, aucune disposition du Code de commerce ne commande au Conseil de mettre les ordonnances du juge autorisant les visites et saisies à la disposition des parties dans le dossier d'instruction.

109. Au surplus, la société Léon Grosse n'explique pas en quoi l'absence de ces pièces au dossier aurait pu lui faire grief. Cette société a eu accès à l'intégralité du dossier du Conseil, et notamment aux procès-verbaux de visite et saisie opérées auprès de dix entreprises sur ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand. Il lui appartenait de demander cette ordonnance au juge compétent.

110. Sur le second point, des documents, même postérieur à la période de passation des marchés, peuvent receler des informations de nature à éclairer son déroulement.

111. Enfin, la société mise en cause fait elle-même remarquer que la saisie des documents précités ne lui a pas fait grief et que ces pièces n'ont pas été utilisées par le rapporteur pour fonder ses charges.

112. Il convient donc d'écarter ces moyens de procédure.

4. SUR LA DELEGATION DE POUVOIR DE LA RAPPORTEURE GENERALE ADJOINTE

113. Les sociétés Dumez Rhône-Alpes, GTM Construction et Dumez Lagorsse signalent en note de bas de page que la rapporteure générale adjointe n'avait pas compétence pour notifier, par courrier du 9 juillet 2005, les griefs établis par le rapporteur.

114. Mais, par décision du 8 janvier 2004 portant attribution de fonctions, publiée au journal officiel de la République française du 17 janvier 2004, le rapporteur général a conféré à Mme Irène Luc délégation permanente pour exercer, au sujet des dossiers dont le suivi lui a été confié, les attributions de notifications prévues à l'article L. 463-2 du Code de commerce.

115. Il convient donc d'écarter ce moyen.

5. SUR LA MISE HORS DE CAUSE DES SOCIETES FOUGEROLLE ET CIE SNCT, CAMPENON BERNARD REGIONS, PLANCHE ET REOLON

116. La société Fougerolle et Cie SNCT, inscrite sous le n° RCS 347 562 178, fait remarquer la confusion opérée entre elle et la société quasi-homonyme Fougerolle et Cie Setrac, n° RCS 325 695 757. Elle souligne ne pas être concernée par les faits de l'espèce. De son côté, la société Campenon Bernard Régions relève l'absence de tout grief formulé à son encontre.

117. La société Fougerolle et Cie SNCT n'est pas intervenue lors de la mise en concurrence des huit marchés ayant fait l'objet d'observations de la BIEC de Lyon.

118. De même, la société Campenon Bernard est seulement mentionnée comme gestionnaire des trois sociétés Sobea Auvergne, Merle ou SCB dans le grief portant sur le premier marché hôpital Emile-Roux au Puy-en-Velay.

119. Les entreprises Planche et Reolon sont mentionnées comme ayant participé à une entente concernant le marché de la construction du lycée de Cusset mais n'ont pas reçu notification du grief.

120. Il convient donc de mettre hors de la cause les sociétés Fougerolle et Cie SNCT, Campenon Bernard Régions, Planche et Reolon.

B. SUR LE FOND

1. SUR LE CONTEXTE

121. Il ressort de l'instruction et des explications des sociétés mises en cause que les collectivités locales (conseil régional d'Auvergne et conseil général du Puy-de-Dôme) ont lancé entre 1996 et 1998 des travaux pour une somme comprise entre 600 et 800 millions de F, après une période difficile pour le BTP dans la région.

122. Ces circonstances ont eu une double conséquence pour le secteur du BTP : d'une part, la disparition des petites entreprises locales qui ont été liquidées ou absorbées par les groupes nationaux et d'autre part, une concentration inhabituelle de marchés en 1997 avec des phases d'études et d'exécution se chevauchant, nécessitant de la part des entreprises une planification indispensable de leurs moyens humains et matériels qui les a incitées à recourir à la formule du groupement (notamment pour pallier les insuffisances de moyens sur tel ou tel marché et pouvoir être en mesure d'assurer l'exécution éventuelle de chacun des marchés en question).

2. SUR LES MARCHES

a) Le marché de restructuration de l'hôpital Emile-Roux du Puy-en-Velay (43)

Sur l'entente entre Sobea Auvergne, Merle et SCB

123. Le dépôt d'offres concurrentes par des entreprises appartenant à un même groupe n'est pas en soi illicite au regard du droit de la concurrence, dès lors que ces entreprises ne se sont pas concertées avant le dépôt des offres.

124. En l'espèce, si la société Merle apparaît avoir élaboré son offre au siège de Campenon Bernard Régions, sa maison mère, ce qui n'est pas en soi répréhensible, la société Campenon Bernard Régions n'ayant pas répondu à l'appel d'offres, aucun élément de l'enquête et de l'instruction n'a permis d'établir l'existence d'un échange d'informations entre les trois sociétés Sobea Auvergne, Merle et SCB, antérieur aux soumissions de ces sociétés, qui serait de nature à démontrer l'absence d'indépendance de leurs offres.

125. Les déclarations de MM. G... et M..., respectivement directeur et responsable commercial de l'agence SCB Auvergne à Clermont Ferrand, reprises au paragraphe 23 de la décision, ne mentionnent pas explicitement que les études de gros œuvre de la société SCB Auvergne portant sur le marché de restructuration de l'hôpital Emile-Roux du Puy-en- Velay ont été réalisées chez Campenon Bernard Régions, en concertation avec la société Merle.

126. En outre, ces déclarations, postérieures à la réorganisation précitée de CGE en date du 30 juin 1997, s'avèrent contradictoires avec le nouvel organigramme qui ne montre aucun lien entre Campenon Bernard Régions et SCB, mais des liens de mère à filles entre Campenon Bernard SGE d'une part et SCB, Merle, Sobea Auvergne et CBR d'autre part. En effet, la société SCB, auparavant contrôlée par la Compagnie générale de Bâtiment et de Construction (CBC), a été apportée le 30 juin 1997 à Campenon Bernard SGE, entité qui coiffe les quatre sociétés SCB, Merle, CBR et Sobea Auvergne. Dans ces conditions, SCB n'est pas rattachée à Campenon Bernard Régions mais à Campenon Bernard SGE depuis le 30 juin 1997.

127. Elles sont également contredites par la présence chez SCB d'un ingénieur d'études, M. R..., cité entre autres, dans un cahier manuscrit saisi chez Sobea Auvergne comme devant réaliser l'étude du centre d'exposition et de congrès de Clermont-Ferrand (cf. paragraphe 67).

128. Dans ses observations, la société SCB déclare que son offre pour le marché de l'hôpital Emile-Roux a été réalisée par elle et chez elle à Chaponost où elle a son siège social et dispose de locaux distincts de ceux de Campenon Bernard Régions. L'offre de SCB s'est, par ailleurs, révélée non conforme aux prescriptions du maître d'œuvre à la différence de celle de Merle.

129. En ce qui concerne le marché négocié de 1997, où la date limite des offres était fixée au 16 juin 1997 soit avant la restructuration intervenue le 30 juin 1997 au sein du groupe CGE, la société Sogea Auvergne d'une part et les deux sociétés Merle et SCB de l'autre, qui ont répondu en groupement au marché négocié de 1997, n'étaient liées entre elles que par la holding CGE du groupe, chacune des trois entités appartenant alors à des branches distinctes du groupe CGE.

130. Par la suite, aucune des trois sociétés du groupe CGE n'a concouru pour la mise en compétition ultime de 1998.

Sur l'entente entre Solgec et Merle

131. La présence dans le bureau d'études de M. Hervé A... (HA) lors de la visite et saisie chez Merle le 6 avril 2000 de la proposition de prix et de l'acte d'engagement de la société Solgec du groupe Eiffage en date du 16 juin 1997, date limite de remise de la soumission au marché négocié (paragraphe 24), s'explique par l'arrivée chez Merle depuis le 1er décembre 1997 de M. Hervé A..., ancien chargé d'études auprès de Solgec, qui a gardé les documents en question.

132. En effet, les documents portant sur la proposition de prix de Solgec et l'acte d'engagement de Solgec ont été saisis chez Merle dans le bureau de M. Hervé A..., la proposition de prix Solgec portant d'ailleurs les initiales de M. Hervé A... (HA). Grâce aux éléments versés au dossier tant par Merle que par Solgec, il est établi que ce technicien a effectué l'étude de prix de cette opération pour la société Solgec avant d'être engagé par la société Merle, le 1er décembre 1997, après avoir occupé les mêmes fonctions chez Solgec entre novembre 1988 et octobre 1997.

133. Dès lors, aucun échange d'informations préalable au dépôt des offres n'est démontré entre les sociétés Solgec et Merle.

134. Par ailleurs, le rapport d'enquête a seulement constaté l'existence du groupement de moyens entre Sobea Auvergne du groupe CGE et les deux sociétés Fougerolle et Cie Setrac et Socae Auvergne du groupe Eiffage dans le cadre du marché négocié en 1997.

135. Or, la constitution d'un groupement composé de filiales de groupes nationaux en principe concurrents comme celui réunissant Fougerolle et Cie Setrac/Socae du groupe Eiffage et Sobea Auvergne du groupe CGE n'est pas répréhensible en soi, notamment si un tel regroupement leur permet de combiner plusieurs champs de compétence ou de disposer d'une main-d'œuvre, d'un personnel d'encadrement ou de matériel répondant aux besoins importants du marché.

136. Enfin, le rapport d'enquête ne révèle pas que Fougerolle et Cie Setrac et Solgec, qui n'avaient pas de liens capitalistiques directs au sein du groupe Eiffage au cours de la période 1996-1998, ont échangé des informations lorsqu'ils ont soumissionné en concurrence au marché négocié de 1997.

137. Il résulte de ce qui précède que la pratique d'entente notifiée aux sociétés Sobea Auvergne, Merle, SCB, Fougerolle et Cie Setrac et Solgec relative au marché CMED Emile-Roux au Puy-en-Velay, n'est pas établie.

b) Le marché de construction des deux collèges St-Exupéry à Lempdes (63) et Oradou à Clermont-Ferrand (63)

138. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 26 à 34 qu'aucun échange d'informations entre soumissionnaires n'a été démontré avant le dépôt des offres.

139. La société Sobea Auvergne rappelle d'abord qu'il s'agissait d'une procédure d'appel d'offres sur performances dont la caractéristique est de faire appel à l'ingéniosité des candidats pour répondre aux besoins du maître d'ouvrage, ce qui induit de très lourds coûts d'études non remboursés en cas d'échec, ce qui rend illusoire de prétendre que de telles sommes pourraient être investies seulement pour favoriser un concurrent. Elle souligne ensuite que le maître d'ouvrage a procédé de manière concomitante à deux appels d'offres, totalement distinct, à savoir les collèges St-Exupéry à Lempdes et Oradou à Clermont-Ferrand, auxquels ont participé des entreprises différentes. Dans ces conditions, l'analyse de ce grief nécessite de traiter séparément les deux marchés en question. Elle soutient enfin que le document mis en avant par l'enquête montre que sa connaissance des offres concurrentes ne date que du 10 janvier 1997, soit du lendemain de l'ouverture des plis et que rien ne permettait alors de penser que le maître d'ouvrage déciderait le 21 janvier 1997 de négocier avec les trois soumissionnaires.

140. Pour sa part, la société Fougerolle et Cie Setrac indique que la découverte chez Sobea Auvergne des offres de prix des soumissionnaires le lendemain de l'ouverture des plis est de nature à révéler une relation privilégiée du côté des décideurs publics avec Sogea Auvergne sans démontrer l'existence d'une entente puisqu'au contraire, en cas d'entente, Sogea Auvergne n'avait aucun intérêt à connaître l'offre des soumissionnaires.

141. Les sociétés GTM Construction, Dumez Rhône-Alpes pour Dumez RAAB et son agence Dumez Auvergne, SCB, GFC et Socae Auvergne allèguent l'absence de toute preuve matérielle de concertation sur le marché des deux collèges St-Exupéry et Oradou.

142. La pratique d'entente notifiée aux sociétés Sogea Auvergne, Fougerolle et Cie Setrac, GTM Construction, GFC Construction, Dumez RAAB, Socae Auvergne et SCB, relative au marché des deux collèges St-Exupéry et Oradou, qui ne repose sur aucun indice de concertation préalable aux soumissions, n'est pas établie.

c) Le marché de construction de l'IFMA à Aubière (63)

143. Les constatations faites aux paragraphes 36 à 52 ne permettent pas de recueillir d'indices précis, graves et concordants d'un échange d'informations préalable au dépôt des offres entre les entreprises mises en cause.

144. En effet, les doutes quant à la justification économique des groupements (paragraphe 46) ne peuvent suffire à caractériser une pratique anticoncurrentielle. La société Sobea Auvergne apporte à ce sujet des justifications plausibles sur la constitution du groupement Sobea Auvergne/GFC Construction/Lagorsse, en expliquant que GFC Construction lui donnait une bonne image auprès du maître d'ouvrage et Lagorsse son implantation locale ainsi que sa compétence en gros œuvre. Elle a également envisagé de se grouper avec l'entreprise Léon Grosse avant d'y renoncer comme l'indiquent ses notes internes, en date des 16 et 19 juin 1997 (paragraphe 47) qui sont antérieures à la date effective du lancement du marché IFMA, le 27 juin 1997.

145. Le dépôt d'une offre de principe par la société SCB, reconnu par M. G..., chef d'agence (paragraphe 45) et le désistement de SCB lors du marché négocié, ne démontrent pas que cette entreprise a voulu avantager Sobea Auvergne, faisant partie du même groupe, en l'absence d'autres éléments démontrant un échange d'informations avant le dépôt des offres ou le dépôt d'une offre de couverture.

146. L'existence de contacts entre les sociétés Sobea Auvergne, GFC et Lagorsse mentionnés au paragraphe 48 pour constituer un groupement qui a répondu à l'appel d'offres, la constitution de ce groupement en SEP le 16 janvier 1998 pour la réalisation des travaux de l'IFMA notifiés le 15 janvier 1998 (paragraphe 49) ne constituent pas des pratiques de nature à caractériser une entente anticoncurrentielle

147. Il en va de même de la convention préliminaire de groupement momentané d'entreprises entre les sociétés Dumez Auvergne, Socae Auvergne et Schiochet qui prévoyait une exclusivité pour ne poursuivre les études et la réalisation des prestations qu'entre ses membres, l'obligation d'exclusivité s'imposant à leurs propres filiales ou à leur société mère et ses autres filiales (paragraphe 50) puisque cette convention s'adressait aux seuls membres du groupement en vue d'organiser la soumission et l'exécution du marché au sein du groupement s'il en devenait attributaire et ne faisait pas obstacle au dépôt d'offres concurrentes par les autres soumissionnaires à ce marché.

148. La pratique d'entente notifiée aux sociétés Sobea Auvergne, GFC Construction, Lagorsse, Dumez RAAB, Schiochet, Socae Auvergne, SCB et Léon Grosse, relative au marché IFMA du conseil régional d'Auvergne, n'est donc pas établie.

d) Le marché de rénovation de la cité scolaire d'Yzeure (03)

149. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 53 à 61 qu'aucun indice d'échange d'informations entre les entreprises mises en cause, préalable au dépôt des offres, n'a été rapporté.

150. La mention "St Yzeure possible le 3 Arrêt prix le 8/ AM 14 H chez SCB", portée sur le cahier de notes manuscrites saisi chez Sobea Auvergne, et citée au paragraphe 61 de la décision, ne permet pas d'établir qu'une réunion se serait tenue le 8 septembre 1997 chez SCB, préalablement à l'ouverture des plis, le 27 octobre 1997, entre les sociétés concurrentes SCB et Sobea Auvergne du même groupe CGE. En effet, aucune indication du mois concerné ne figure sur le document en cause. De plus, la présence d'une encre différente de celle utilisée sur l'ensemble du document pour rédiger la mention "chez SCB" ne permet pas davantage d'affirmer que cette mention a été rédigée le même jour donc avant la date limite de remise des offres le 7 octobre 1997. Ainsi, il n'est pas certain qu'une réunion était programmée chez SCB, ni qu'elle s'est réellement tenue. Par ailleurs, dans des déclarations recueillies par procès-verbal du 24 octobre 1997, M. Philippe G..., directeur de SCB, a affirmé que l'arrêt des prix de l'offre groupée de SCB avec GFC Construction résultait d'une "réunion de bouclage qui a dû avoir lieu dans les locaux de GFC soit le 4 et le 9 septembre 1997". Dès lors, cette mention manuscrite n'est pas suffisante pour établir une preuve matérielle de concertation entre Sobea Auvergne et SCB groupée avec GFC qui ont déposé des offres concurrentes.

151. Par ailleurs, aucun indice n'établit que les offres des sociétés Dagois, Sobea Auvergne et Dumez Auvergne ont été des offres de couverture.

152. La société Dagois a expliqué le caractère incomplet de son offre par manque de temps car ayant, de prime abord, envisagé d'être co-traitante et non sous-traitante de Sobea Auvergne, elle s'est décidée ensuite à présenter en entreprise générale une offre qui pouvait être amendée en donnant des éléments plus détaillés dans un délai de trois semaines.

153. S'agissant de la société Sobea Auvergne, le simple constat d'une proposition en gros œuvre supérieure de 22 % à l'offre du titulaire du marché GFC Auvergne/SCB ne saurait suffire à démontrer le caractère d'offre de couverture de sa soumission au marché, d'autant qu'après les corrections opérées, l'écart entre les deux offres ne s'est élevé qu'à 5,4 %.

154. Enfin, la société Dumez Rhône-Alpes justifie les déclarations retranscrites au paragraphe 60, faisant état de l'élaboration de l'offre en trois jours "alors qu'il faut habituellement trois semaines", en relevant que concomitamment à l'appel d'offres pour la cité scolaire Yzeure lancé en 1997, l'agence Dumez Auvergne concourait aux appels d'offres de l'IFMA (AO lancé le 27 juin 1997), du lycée de Cusset (30 juin 1997), du centre d'exposition de Clermont-Ferrand (1er août 1997), de Vulcania (27 octobre 1997). Le montant total des estimations de ces quatre marchés était de 317,6 millions de F, soit environ trois fois le chiffre d'affaires de 100 millions de F réalisé par Dumez Auvergne en 1997.

155. La pratique d'entente notifiée aux sociétés GFC Construction, SCB, Sobea, SNC Dagois et Dumez Auvergne, relative au marché de la cité scolaire d'Yzeure n'est donc pas établie.

e) Le marché du centre d'exposition et de congrès de Clermont-Ferrand (63)

156. L'existence d'une "réunion commerciale", le 19 septembre 1997, chez Sobea Auvergne où se trouvaient des responsables des sociétés Merle et SCB du même groupe CGE ne suffit pas, en soi, à établir une concertation entre ses participants susceptible de revêtir un caractère anticoncurrentiel.

157. D'ailleurs, ainsi que les trois sociétés du groupe CGE mises en cause l'ont souligné dans leurs observations en réponse, les mentions du document décrit aux paragraphes 67 et 68 de la décision révèlent que l'étude Sobea Auvergne a été réalisée en interne par MM. A... (GA) et M..., respectivement responsable d'études de prix et ingénieur d'études ("Sobea= Quantités rentrées en machine ? étude GA/ M..."). Ce document montre également que l'étude Merle/SCB a été réalisée entre les deux co-traitants de cet appel d'offres et qu'elle a été saisie sur ordinateur puis insérée dans le logiciel de prix de SCB "Orchad" par M. R..., ingénieur d'études chez SCB ("SCB = étude avec Merle/ R... ? saisie Orchad R... -/ diskette Merle").

158. Aucune mention de ce document ne vient attester de "la réalisation en commun" des études des sociétés Sobea Auvergne qui a fait partie d'un groupement concurrent dont l'offre incomplète n'a pas été examinée (paragraphe 64) et Merle/SCB, lors de la réunion du 19 septembre 1997.

159. En l'absence d'autres éléments de nature à démontrer l'existence de l'entente notifiée aux sociétés Socae Auvergne, SCB Auvergne, Merle, Sobea Auvergne et Fougerolle et Cie Setrac, relative au marché du Centre d'exposition et de congrès de Clermont-Ferrand, la pratique n'est pas établie.

f) Le marché de la construction du lycée de Cusset (03)

160. La constitution de groupements, composés de filiales de groupes nationaux en principe concurrents ou de sociétés du même groupe, n'est pas répréhensible par elle-même. La création d'une SEP entre des membres d'un même groupement avant l'attribution du marché afin de définir la participation de chaque membre à ce marché n'est pas non plus prohibée.

161. La note manuscrite décrite au paragraphe 75 mentionne le nom d'autres entreprises qui ont concouru à cet appel d'offres mais on ne peut inférer de ce seul indice l'existence d'un échange d'informations entre les groupements soumissionnaires, car la connaissance par Sobea Auvergne du nom des entreprises candidates a pu être obtenue auprès de tiers tels que des fournisseurs, des sous-traitants ou des bureaux d'études consultés par plusieurs candidats.

162. Le rapport d'analyse des offres réalisé par la maîtrise d'œuvre ne retient comme dossier "non conforme" que la seule offre du groupement Léon Grosse/Lagorsse/Merle, faute de présenter une décomposition des prix. Il ne manque aux deux autres groupements SCB/ Sogea Auvergne et GFC/Planche/Reolon que la décomposition du prix global et forfaitaire, ce qui n'était pas en soi de nature à entraîner le rejet de leur offre.

163. En conséquence, la pratique d'entente notifiée aux sociétés Sobea Auvergne, SCB, GFC Construction, Planche, Reolon, Léon Grosse, Lagorsse, Merle, Socae , Dagois, Ballot-Menager-Gorce, Fougerolle et Cie Setrac, Dumez, relative au marché de la construction du lycée de Cusset, n'est pas établie.

g) Le marché de construction du centre européen du volcanisme à Saint-Ours-les-Roches dénommé "VULCANIA" (63)

164. L'enquête et l'instruction n'ont pas permis de recueillir des éléments de nature à démontrer l'existence d'une concertation entre les sociétés mises en cause.

165. En présence des carences constatées par la chambre régionale des comptes concernant l'estimation des travaux relatifs à la construction d'un ouvrage hors norme, il ne peut être reproché aux entreprises soumissionnaires l'utilisation concertée de groupement afin de présenter des offres d'un prix anormalement élevé, comme étant de nature à prouver l'existence d'une entente.

166. La pratique d'entente notifiée aux sociétés Sobea Auvergne, Merle, GFC Construction, Dumez Auvergne, Fougerolle et Cie Setrac, Ballot-Menager-Gorce et Socae Auvergne, relative au marché de la construction du centre européen du volcanisme "VULCANIA", n'est donc pas établie.

h) Le marché de transformation de l'hôpital général du Puy-en-Velay (43) en bâtiment administratif pour le conseil général

167. Les trois entreprises Merle, Sobea Auvergne et SCB appartenant au même groupe CGE avaient la possibilité de présenter des offres distinctes et concurrentes à la condition de ne pas se concerter avant le dépôt des offres. Ainsi, lors de la première consultation à laquelle Sobea Auvergne n'a pas concouru, Merle et SCB ont déposé chacune une offre concurrente. Ensuite, ces trois mêmes entreprises se sont accordées pour décider quelle serait l'entreprise qui déposerait une offre lors du marché négocié et seule Merle a remis une offre. Cette concertation n'est pas répréhensible puisque ni Sobea Auvergne, ni SCB n'ont concouru au marché négocié.

168. Le liquidateur de la société Vialet fait état du marché de restructuration de l'hôpital Emile-Roux comme cause de sa mise en liquidation le 21 décembre 2001. La société Vialet n'a pas répondu à l'appel d'offres ouvert en raison de la défaillance de la société Franki, indispensable à sa proposition. Le découpage ultérieur en lots plus petits dans le marché négocié a permis à Vialet de répondre en groupement avec des PME locales. La société Vialet reconnaît avoir rencontré la société Merle, le 4 juin 1998, mais sur l'invitation du conseil général et dans ses locaux. Saisie chez Merle, la lettre du 4 juin 1998, adressée au maître d'ouvrage par les sociétés Merle et Vialet après la réunion, fait le point sur le montant des offres en tenant compte des économies recherchées par le maître d'ouvrage : "Suite à notre réunion de ce jour, nous avons l'honneur de vous confirmer la réalisation des lots 1 A1, 1 A2, 1 A3, 1 B1 et 1 B2 de l'opération en objet pour un montant toutes taxes comprises de 64 500 000 F suivant la décomposition suivante entre les entreprises :

1. Groupement Vialet pour les lots 1 A1, 1 A3, 1 B1 et 1 B2 pour un montant toutes taxes comprises de 39 276 000 F

2. Groupement Merle pour le lot 1 A2 pour un montant toutes taxes comprises de 25 224 000 F. Nous vous confirmons aussi que ce niveau de prix est rendu possible grâce à des aménagements techniques à mettre au point avec l'équipe de maîtrise d'œuvre".

169. Les documents échangés entre les sociétés Merle ou Vialet avec le bureau d'étude Technip, l'architecte Wilmotte et le maître d'ouvrage, révèlent ainsi, non un arrangement occulte, mais une réelle mise au point de l'offre de Merle et de Vialet lors du marché négocié avec le maître d'ouvrage.

170. L'association de la société Vialet avec Dumez Auvergne n'a pas faussé la concurrence puisque Dumez Auvergne, avec laquelle elle était déjà groupée pour réaliser le marché de l'hôpital Emile-Roux au Puy-en-Velay (marché n°1), n'a pas été candidate au marché en cause situé au même chef-lieu.

171. Il ressort du dossier que la société Dumez Rhône-Alpes au nom de Dumez Auvergne s'est excusée de ne pas participer à la consultation en raison de sa charge de travail et s'est associée ultérieurement comme sous-traitant de l'attributaire Vialet qui avait les plus grandes difficultés à mener de front la restructuration de l'hôpital général en sus de celui Emile-Roux tous deux au Puy-en-Velay.

172. La pratique d'entente notifiée aux sociétés Vialet, Dumez Rhône-Alpes, Merle et SCB Auvergne relative au marché de transformation de l'hôpital général du Puy-en-Velay (43) en bâtiment administratif pour le conseil général, n'est donc pas établie.

Décision

Article 1er : Les sociétés Fougerolle et Cie Société Nouvelle Constructions de Touraine (SNCT), Campenon Bernard Régions, Planche et Reolon sont mises hors de cause.

Article 2 : Il n'est pas établi que les sociétés Sobea Auvergne ex-Sogea Auvergne, Merle, Satec Cassou Bordas (SCB), Eiffage Construction Rhône-Alpes pour Fougerolle et Cie Setrac, Forezienne d'Entreprise et de Terrassement pour Ballot-Menager-Gorce, Dagois, Eiffage Construction Auvergne ex-Socae Auvergne, Société Lyonnaise de génie civil et Cie (SOLGEC), GFC Construction, Dumez Rhône-Alpes pour Dumez Rhône- Alpes Auvergne Bourgogne (Dumez RAAB) et son agence Dumez Auvergne, GTM Construction, Dumez Lagorsse, Entreprise générale Léon Grosse, Schiochet et Vialet & Cie ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.