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Décisions

Cass. crim., 24 octobre 2006, n° 04-86.687

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Castagnede

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié

Dijon, ch. corr., du 14 oct. 2004

14 octobre 2004

LA COUR : - Vu la communication faite au Procureur général; - Statuant sur le pourvoi formé par X Michel, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 14 octobre 2004, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 4 000 euro d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 et 6-2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, L. 121-1 du Code de la consommation, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X coupable de publicité de nature à induire en erreur par utilisation sur des étiquettes et contre-étiquettes habillant des bouteilles de vin, des mentions " tête de cuvée et "jus de goutte -;

"1°) alors que la non-conformité de l'étiquetage d'un vin par rapport au contenu de la bouteille ne peut être déduite que de constatations certaines et que la cour d'appel, qui admettait expressément dans sa décision que les vins commercialisés par Michel X n'avaient jamais été analysés, ne pouvait, sans méconnaître des dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, faire état de ce que l'étiquetage incriminé ne correspondait pas au vin commercialisé;

"2°) alors que tout prévenu étant présumé innocent, il appartient à la partie poursuivante d'apporter la preuve de l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction objet de la prévention ; que dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Michel X faisait valoir que la DGCCRF, partie poursuivante, du fait de l'absence d'analyse des vins, ne rapportait pas la preuve de la fausseté de l'étiquetage incriminé et qu'en s'abstenant de répondre à cet argument péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X coupable de publicité de nature à induire en erreur relativement à l'utilisation de la mention " Brouilly ";

"au motif que la référence, dans la description du positionnement géographique du Château Y, à " Brouilly " était quant à elle de nature à entraîner une confusion avec une appellation d'origine contrôlée à laquelle le vin du Domaine " Château Y " ne peut prétendre;

"1°) alors que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que l'étiquette incriminée était, comme le faisait observer Michel X dans ses conclusions régulièrement déposées, ainsi libellée: situé sur le territoire de la commune de xxx, le Château Y, construction romantique du XIXe et niché dans un bouquet d'arbres au sommet de la colline jumelle de Brouilly et qu'il résulte sans ambiguïté de ces mentions que la publicité critiquée n'a pas localisé la production du vin "Château Y 2001 " à "Brouilly",

"2°) alors que dans sa décision, la cour d'appel n'a aucunement constaté l'inexactitude de la localisation du Château Y " dans un bouquet d'arbres au sommet de la commune jumelle de Brouilly " et que cette localisation ayant dès lors été implicitement mais nécessairement considérée par la cour d'appel comme exacte, cette juridiction ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, entrer en voie de condamnation à l'encontre de Michel X du chef de publicité de nature à induire en erreur;

"3°) alors que dans ses conclusions Michel X faisait observer que l'étiquetage incriminé était d'autant moins susceptible d'induire le consommateur en erreur qu'il était apposé sur des vins commercialisés en primeur cependant qu'il n'existe pas de " Brouilly" dans cette catégorie et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale";

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X coupable de publicité de nature à induire en erreur pour avoir indiqué sur l'étiquette des bouteilles vendues " mis en bouteille par Michel X viticulteur à yyy ";

"aux motifs que la mention litigieuse relative à l'embouteilleur figurant sur l'étiquette des bouteilles de Beaujolais " Domaine Z 1999 " est la suivante : " mis en bouteille pour Michel X, propriétaire à yyy (Rhône) "; qu'il apparaît à l'examen du dossier de la procédure que le vin ainsi commercialisé avait été vendu en vrac par l'EARL Michel X, " Domaine Z " à yyy, viticulteur, à la société X Père et Fils, négociant à Chagny, et que l'opération d'embouteillage a été réalisée par cette dernière, pour son propre compte et dans ses locaux de Chagny; que l'accord donné par l'EARL Michel X à la société X Père et Fils quant à l'usage par cette dernière du nom de Michel X, Domaine Z, en contrepartie d'un prix d'achat majoré, n'autorisait pas la société X Père et Fils à apposer sur les étiquettes, s'agissant de l'embouteilleur, une mention de nature à induire en erreur le consommateur moyennement éclairé en lui laissant entendre que c'était Michel X, propriétaire du Domaine Z, qui avait fait mettre son vin en bouteille par un prestataire sur le lieu de son exploitation ; que le fait que le code embouteilleur porté sur les étiquettes (Emb 71073D) soit celui de la société X Père et Fils - et non celui de Michel X, viticulteur - n'apparaît pas de nature à compléter la mention litigieuse et à informer sur l'identité exacte de l'embouteilleur et le lieu d'embouteillage véritable, une telle mention n'ayant pas sens pour un consommateur moyennement éclairé ; que la mention litigieuse garantissait donc faussement à ce dernier une mise en bouteille du vin pour le compte du viticulteur producteur, sur le lieu-même de l'exploitation; une telle garantie constitue pour ledit consommateur, eu égard à la nature du produit en cause, une qualité substantielle de ce dernier; que le jugement dont appel doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a déclaré Michel X coupable de publicité mensongère en procédant à la vente de bouteilles de Beaujolais " Domaine Z 1999 " portant, sur leur étiquette, la mention suivante : Mis en bouteille pour Michel X, propriétaire à yyy (Rhône) " (étant observé que la poursuite exercée par le ministère public ne vise pas la réglementation communautaire et que la mention par la Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation, dans son procès-verbal clos le 15 juin 2002, d'un règlement qui aurait cessé d'être applicable depuis quinze jours est donc sans conséquence juridique;

"alors que la cour d'appel, qui constatait expressément dans sa décision que les étiquettes litigieuses comportaient en réalité la mention mis en bouteille pour Michel X, propriétaire à yyy (Rhône) " et non la mention " mis en bouteille par Michel X viticulteur à yyy " comme indiqué dans la prévention, mention qui impliquait d'autant moins une mise en bouteille sur le lieu-même de l'exploitation de Michel X que le code embouteilleur porté sur les mêmes bouteilles l'excluait formellement, ne pouvait, sans se contredire et méconnaître le sens et la portée de la notion de consommateur moyennement éclairé", entrer en voie de condamnation à l'encontre de Michel X du chef de publicité de nature à induire en erreur";

Les moyens étant réunis; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 122-3 du Code pénal, L. 121-1 du Code de la consommation, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X coupable de publicité de nature à induire en erreur par l'utilisation, sur les étiquettes de vin commercialisé, de la mention " tête de cuvée ";

"alors que le moyen tiré de l'erreur de droit est un moyen péremptoire qui doit être examiné par les juges du fond à peine de nullité de leur décision ; que devant la cour d'appel, en page 15 de ses conclusions régulièrement déposées, Michel X soutenait avoir cru, par une erreur de droit qu'il n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement utiliser la mention " tête de cuvée " et que la cour d'appel, qui s'est abstenue d'examiner ce chef de conclusions a méconnu ses pouvoirs et ce faisant, privé Michel X du procès équitable auquel il avait droit";

Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, dès lors qu'ils retenaient, par une appréciation souveraine, que le vin, objet de la publicité litigieuse, n'était pas issu de jus de premier pressurage, les juges n'étaient pas tenus de répondre davantage aux conclusions par lesquelles le prévenu faisait valoir qu'il avait cru, par une erreur de droit, qu'il pouvait appliquer à un vin tirant son origine de ce mode de vinification la mention " tête de cuvée"; d'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.