CA Colmar, 1re ch. civ. A, 20 juin 2006, n° 05-02968
COLMAR
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Strasbourg Evènement (SAEML)
Défendeur :
Elvis Boots (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Hoffbeck
Conseillers :
MM. Cuénot, Allard
Avocat :
Me Heichelbech
Attendu que se plaignant d'avoir été évincée de la possibilité de participer à la foire de Strasbourg de septembre 2003, la société Elvis Boots a assigné la société Strasbourg Expo Congrès en paiement de dommages et intérêts;
Attendu que par jugement du 27 mai 2005, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la SA Strasbourg Expo Congrès à payer à la SARL Elvis Boots une indemnité de 5 000 euro pour rupture abusive sans préavis;
Attendu que la SAEML Strasbourg Evènement, venant aux droits de la SA Strasbourg Expo Congrès par suite d'une fusion, a relevé appel de ce jugement le 16 juin 2005, dans des conditions de recevabilité non contestées;
Attendu qu'au soutien de son recours, la société Strasbourg Evènement indique qu'il n'y avait pas avec la SARL Elvis Boots de relations commerciales établies, mais un renouvellement annuel et facultatif d'une autorisation de participer à la foire de Strasbourg;
Qu'elle conteste par ailleurs la brusquerie de son refus, en indiquant que la société Elvis Boots en a été avisée verbalement le 29 avril 2003, avec confirmation écrite le 3 juin;
Attendu qu'elle explique que la surface d'exposition a été réduite, et qu'elle a dû exclure les exposants qui n'avaient pas strictement respecté le règlement de la foire, et en particulier la SARL Elvis Boots qui avait fermé son stand le 16 septembre 2002;
Qu'elle estime en conséquence qu'il n'y a aucun abus, aucune brusquerie de sa part, et que sa condamnation à payer des dommages et intérêts à la SARL Elvis Boots ne se justifie donc pas;
Qu'elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris au rejet des demandes de la SARL Elvis Boots, et à sa condamnation à lui payer 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
Attendu que la SARL Elvis Boots a été assignée au lieu indiqué comme étant son siège social, par acte délivré au fils de la gérante, qui a déclaré être habilité à en recevoir une copie;
Attendu que l'huissier n'a pas à vérifier l'habilitation d'une personne qui accepte l'acte pour le compte d'une société à son siège social, et qu'une remise dans ces conditions équivaut à une délivrance à la personne-même du destinataire;
Que l'arrêt est donc réputé contradictoire;
Attendu qu'il faut rappeler qu'au fond, la SARL Elvis Boots, qui vend des articles de cuir, a participé comme exposante à la foire de Strasbourg au cours de plusieurs années, au nombre de 8 selon ses indications;
Attendu que lors de la foire de septembre 2002, elle a reçu un avertissement pour la fermeture de son stand un lundi matin;
Que d'après elle, il s'agissait d'une absence fortuite et occasionnelle, tandis que d'après la société organisatrice de l'exposition, elle s'était absentée malgré un refus d'autorisation d'absence;
Attendu qu'en avril 2003, la SARL Elvis Boots a manifesté son étonnement de ne pas avoir été conviée à l'exposition de septembre 2003;
Qu'il lui a été répondu verbalement que sa participation n'était pas admise en raison du manquement constaté en 2002;
Que par lettre du 3 juin 2003, cette décision lui a été confirmée, et qu'il a été précisé que la décision était aussi liée à la perte de surface récupérée par la ville de Strasbourg;
Attendu que la SARL Elvis Boots a contesté cette mesure, considérée comme discriminatoire dans le cadre d'un abus de position dominante;
Attendu que ce moyen, tiré de l'application de l'article L. 420-2 du Code de commerce, a été écarté, et qu'il n'a pas été repris en cause d'appel ;
Attendu cependant que le premier juge s'est fondé sur l'évocation, assez discrète d'ailleurs dans les conclusions d'une des parties, d'une brusquerie dans la rupture de relations commerciales établies, susceptible d'engager la responsabilité de l'auteur de la rupture sur le fondement de l'article L. 442-6;
Attendu que l'application de cette disposition au cas d'espèce apparaît malgré tout comme assez problématique, et que la brusque rupture de relations commerciales établies est plutôt en principe l'interruption d'un flot continu et permanent d'affaires, dans des conditions précipitées qui rendent difficile la recherche assez rapide d'un partenaire de remplacement;
Attendu que dans le cas d'espèce, il n'y avait que des relations intermittentes une fois par an, et qu'elles étaient régies en outre par des stipulations contractuelles qui permettaient à l'organisateur de la foire de ne pas renouveler l'inscription sans avoir de motif particulier à donner;
Attendu qu'il faut noter ici que les motifs ont cependant été donnés, et qu'ils n'ont pas été reconnus faux;
Que même si l'incident de septembre 2002 était effectivement mineur, il reste que confronté à une réduction de la surface d'exposition, le choix d'éviction s'est normalement reporté sur les exposants qui n'étaient pas à l'abri de toute critique;
Attendu que pour revenir à l'imputation d'une brusque rupture des relations commerciales, cette cour estime que ce grief ne peut pas être retenu dans le cadre particulier précédent;
Qu'il n'y a pas eu véritablement interruption d'un flux permanent d'affaires, et que la notification du refus de renouveler la participation de la société Elvis Boots à la foire-exposition n'a pas été tardive et brusquement invoquée dans les jours précédant cette manifestation;
Attendu que la SARL Elvis Boots en a été informée verbalement à la fin du mois d'avril, avec confirmation écrite au début du mois de juin;
Qu'elle a disposé donc de trois mois au moins et de quatre mois au plus pour rechercher une autre exposition, et que rien n'établit précisément que cela ait été impossible;
Qu'elle ne précise pas en particulier quelle a été son activité en septembre 2003, à l'époque de la foire de Strasbourg;
Attendu qu'au total, cette cour ne retient pas le grief de brusque rupture d'une relation commerciale établie;
Attendu qu'il faut rappeler d'ailleurs que les dispositions contractuelles du règlement général permettaient dans son article 2 à l'organisateur de retirer même une autorisation accordée, et sans que l'exposant puisse réclamer de dommages et intérêts, mais seulement le remboursement des sommes versées pour sa participation à l'exposition;
Attendu que ces dispositions contractuelles n'ont pas été précisément critiquées, arguées de nullité ou d'incompatibilité avec des prescriptions légales;
Attendu qu'il n'est donc pas possible d'imputer à l'organisateur de la foire de Strasbourg une brusque rupture de relations commerciales établies;
Que réformant le jugement entrepris de ce chef, la cour déboute la SARL Elvis Boots de l'ensemble de ses demandes;
Attendu que cette cour estime que l'équité ne commande pas particulièrement de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel de la SAEML Strasbourg Evènement contre le jugement du 27 mai 2005 du Tribunal de grande instance de Strasbourg; Au fond, Reforme le jugement entrepris dans ses dispositions dévolues à cette cour sur l'appel de la société Strasbourg Evènement, et statuant à nouveau, Déboute la SARL Elvis Boots de l'ensemble de ses demandes; Rejette les demandes reconventionnelles présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne la SARL Elvis Boots aux entiers dépens de première instance et d'appel.