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Décisions

CA Besançon, assemblée des ch., 14 juin 2006, n° 594-06

BESANÇON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ammann Yanmar (SA)

Défendeur :

Patroons (ès qual.), Van Meensel (ès qual.), Zwaans BVA (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Humbert

Conseillers :

Mmes Sanvido, Levy, Boucon, M. Pollet

Avoués :

SCP Dumont-Pauthier, Me Graciano

Avocats :

Mes Corcos, Evrard

T. com. Saint-Dizier, du 2 juill. 1999

2 juillet 1999

Faits et prétentions des parties:

En 1990, la société Ammann-Yanmar, société française fabricant des pelles mécaniques, a confié à la société Zwaans BVA, société de droit belge, la commercialisation de ses machines en Belgique. Un contrat rédigé en langue allemande et intitulé Importeurvertrag a été établi par les parties, en date du 17 mai 1990, mais n'a pas été signé.

Après avoir, par courriers du 28 juin et du 14 novembre 1995, manifesté son mécontentement en raison de l'insuffisance des ventes réalisées par la société Zwaans BVA en Belgique, la société Ammann-Yanmar lui a notifié, par lettre en date du 15 décembre 1995, sa décision de mettre fin à leurs relations commerciales, avec un préavis d'un an commençant à courir le 1er janvier 1996.

Le 9 janvier 1996, la société Ammann-Yanmar a mis en demeure la société Zwaans BVA de lui payer la somme de 1 452 983,88 F au titre des ventes de matériels qu'elle lui avait livrés et, par acte d'huissier du 23 janvier 1996, elle l'a fait assigner en paiement de cette somme devant le Tribunal de commerce de Saint-Dizier.

La société Zwaans BVA ayant soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit des juridictions belges et formé une demande reconventionnelle en invoquant le caractère abusif de la rupture des relations commerciales, le Tribunal de commerce de Saint-Dizier a rendu successivement trois décisions :

- par jugement du 21 mars 1997, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Dijon du 8 juillet 1997, il s'est déclaré compétent,

- par jugement du 20 février 1998, il a condamné la société Zwaans BVA à payer à la société Ammann-Yanmar la somme de 2 037 500 F outre intérêts, et ordonné la traduction en langue française du contrat du 17 mai 1990,

- par jugement du 2 juillet 1999, il a:

* qualifié cette convention de contrat de concession exclusive à durée indéterminée, déclaré le contrat valable au regard de l'article 85-1 du traité de Rome et dit qu'il est soumis à la loi belge du 27 juillet 1961,

* débouté la société Zwaans BVA de ses demandes d'indemnités au motif qu'elle ne démontrait pas que la société Ammann-Yanmar n'avait pas respecté le délai de préavis d'un an.

La société Zwaans BVA ayant interjeté appel de ce dernier jugement, la Cour d'appel de Dijon, par arrêt du 19 décembre 2000, a:

- confirmé le jugement en ce qu'il a dit que le contrat intitulé Importeurvertrag régit les rapports entre les parties, qu'il s'agit d'un contrat de concession exclusive à durée indéterminée, qu'il est valable au regard de l'article 85-1 du traité de Rome et qu'il est soumis à la loi belge du 27 juillet 1961,

- réformant pour le surplus, dit que la société Ammann-Yanmar a violé le préavis d'un an qu'elle avait donné, et ordonné une expertise comptable à l'effet de déterminer les indemnités dues en vertu de la loi belge, c'est-à-dire une indemnité compensatrice de préavis correspondant à une année de bénéfice semi-net et une indemnité complémentaire évaluée en fonction notamment de la plus-value de clientèle,

Sur pourvoi de la société Ammann-Yanmar, la Cour de cassation, par arrêt en date du 25 novembre 2003, a cassé l'arrêt de la Cour de Dijon du 19 décembre 2000, en ce qu'il a fait application de la loi belge au contrat du 17 mai 1990.

Pour statuer ainsi, la Cour suprême a considéré que la Cour d'appel de Dijon avait violé l'article 4, paragraphe 2, de la Convention de Rome du 19 juin 1980, selon lequel le contrat est présumé être régi, en l'absence de choix des parties, par la loi du pays où le débiteur de la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle. En effet, selon la Cour de cassation, la prestation caractéristique est, pour un contrat de distribution, la fourniture du produit, émanant en l'espèce de la société Ammann-Yanmar ayant son siège en France, et non, comme l'avait décidé la cour d'appel, la distribution des produits incombant à la société Zwaans BVA domiciliée en Belgique.

Entre-temps, l'expertise ordonnée par l'arrêt du 19 décembre 2000 s'était déroulée, et l'expert avait déposé son rapport le 26 septembre 2002. Au vu de ce rapport, la Cour d'appel de Dijon, par arrêt en date du 18 décembre 2003, a condamné la société Ammann-Yanmar à payer à la société Zwaans BVA :

- la somme de 96 025 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- la somme de 106 100 euro au titre de l'indemnité complémentaire.

Devant la présente cour désignée comme juridiction de renvoi après cassation, Maîtres Van Meensel et Patroons, agissant en qualité de curateurs de la société de droit belge Zwaans BVA déclarée en faillite, concluent à la condamnation de la société Ammann-Yanmar à leur payer les indemnités fixées par l'arrêt de la Cour de Dijon du 18 décembre 2003, outre intérêts à compter de l'assignation, avec capitalisation.

Ils demandent en outre:

- une somme de 15 955,71 euro au titre du stock de pièces de rechange que la société Ammann-Yanmar aurait dû reprendre après la résiliation du contrat,

- la somme de 10 856,84 euro au titre du remboursement des frais d'expertise,

- une somme de 20 000 euro pour résistance abusive,

- une somme de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir, pour l'essentiel :

- que, si le contrat du 17 mai 1990 n'a pas été signé par les parties, celles-ci en ont exécuté les clauses principales, en sorte que le jugement du 2 juillet 1999 doit être confirmé en ce qu'il a considéré que les relations commerciales entre les parties étaient régies par ce contrat,

- que le dit contrat échappe à l'interdiction des contrats d'exclusivité édictée par l'article 85-1 du traité de Rome, ses effets anti-concurrentiels étant limités dès lors que la part de la société Ammann-Yanmar dans le marché belge des produits en cause n'était que de 4 %,

- que, malgré la décision rendue par la Cour de cassation, le contrat est bien soumis à la loi belge, non par application de la convention de Rome du 19 juin 1980, mais par la volonté des parties, telle qu'exprimée à l'article 12.4 du dit contrat, selon lequel la loi applicable est celle du pays dans lequel le défendeur a son siège social,

- que la société Ammann-Yanmar a commis une faute engageant sa responsabilité en violant le préavis d'un an qu'elle avait donné, puisqu'il est démontré que, dès le 1er janvier 1996, elle avait engagé un autre concessionnaire en Belgique,

- que le préjudice résultant de cette faute doit être indemnisé conformément à la loi belge, c'est-à-dire par une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité complémentaire pour perte de clientèle telles que chiffrées par l'expert judiciaire désigné par la Cour d'appel de Dijon.

La société Ammann-Yanmar conclut à la confirmation du jugement du 2 juillet 1999 ayant débouté la société Zwaans BVA de ses prétentions, et à la condamnation de celle-ci au paiement d'une somme de 60 000 euro à titre de dommages-intérêts, ainsi que d'une somme de 15 080 euro au titre de ses frais irrépétibles.

Elle fait valoir, en substance,

- que seule la loi française est applicable, et ce, pour deux raisons:

* d'une part, par ce que l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2003 a statué en ce sens s'agissant de l'application de la convention de Rome,

* d'autre part, parce que le contrat du 17 mai 1990 n'ayant pas été signé, il ne peut être invoqué par la société Zwaans BVA, qu'il est au surplus nul au regard du droit communautaire de la concurrence et qu'en toute hypothèse, s'agissant de la désignation de la loi applicable par l'article 12.4 du contrat, cette stipulation s'insère dans une clause d'arbitrage à laquelle la société Zwaans BVA a renoncé, tout d'abord en engageant une procédure devant les juridictions belges, puis en formant une demande reconventionnelle devant le Tribunal de commerce de Saint-Dizier,

- que les demandes de la société Zwaans BVA ne peuvent prospérer au regard du droit français, celui-ci autorisant la résiliation d'un contrat à durée indéterminée par une partie, sans indemnité en faveur de l'autre partie, sous réserve de respecter un préavis suffisant, ce qui a été le cas en l'espèce, dès lors que :

* la lettre de résiliation du 15 décembre 1995 prévoyait un préavis d'un an,

* le non-paiement par la société Zwaans BVA, pendant le préavis, des sommes dues au titre des ventes de matériel, déliait l'autre partie de sa propre obligation de respecter le préavis,

* contrairement aux affirmations de la société Zwaans BVA, l'engagement d'un autre concessionnaire pour la remplacer n'a pas été antérieur, mais postérieur, à sa défaillance dans le paiement des sommes dues.

- qu'à supposer même que le non-respect du préavis soit fautif, la société Zwaans BVA ne pourrait prétendre à une indemnisation,

* d'abord, parce qu'en vertu du droit français applicable, seul le caractère brutal de la rupture pourrait donner lieu à indemnisation, ce qui exclut l'indemnité complémentaire pour perte de clientèle prévue par la loi belge,

* ensuite, parce que, s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, les calculs de l'expert judiciaire sont critiquables, la société Zwaans BVA n'ayant en réalité subi aucune perte de bénéfice au regard de ses résultats des années antérieures qui étaient en moyenne négatifs.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance en date du 4 avril 2006.

Motifs de la décision

Attendu que, l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2003 ayant cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon du 19 novembre 2000 uniquement en ce que cet arrêt avait fait application de la loi belge au contrat du 17 mai 1990, les autres points jugés par la Cour d'appel de Dijon ne peuvent être remis en cause, dans la mesure où ils sont indépendants de la question de la loi applicable; qu'il en est ainsi des dispositions de l'arrêt du 19 décembre 2000 ayant dit que le contrat intitulé Importeurvertrag régit les rapports entre les parties, qu'il s'agit d'un contrat de concession exclusive à durée indéterminée et qu'il est valable au regard de l'article 85-1 du traité de Rome;

Attendu qu'il s'ensuit que la société Ammann-Yanmar n'est plus recevable à prétendre que le contrat du 17 mai 1990 serait inapplicable faute d'avoir été signé par les parties, ou encore qu'il serait nul au regard du droit communautaire de la concurrence;

Attendu que le litige soumis à la présente cour de renvoi consiste donc seulement à déterminer quelles sont les sommes auxquelles la société Zwanns BVA peut prétendre, en vertu du droit français, du fait de la rupture des relations contractuelles par la société Ammann-Yanmar,

Attendu toutefois que la société Zwanns BVA soutient encore que la loi belge serait applicable, en invoquant non plus cette fois la Convention de Rome, mais une clause du contrat lui-même ; qu'il convient d'examiner préalablement ce point;

Sur la détermination de la loi applicable au contrat

Attendu que l'article 12.4 du contrat du 17 mai 1990, en vertu duquel, selon la société Zwanns BVA, la loi belge serait applicable, est rédigé comme suit:

"Les deux parties ont bien l'intention de régler à l'amiable tous les conflits qui pourraient survenir à propos de ce contrat de distribution. Au cas où, dans un délai de trois mois, de telles négociations n'auraient pas abouti, les parties acceptent la médiation d'une procédure d'arbitrage. Ce sont les règles d'arbitrage de la Chambre Internationale de Commerce qui s'appliqueront alors ainsi que le droit du pays dans lequel le défendeur à son siège social. La décision du tribunal d'arbitrage engage les deux parties."

Attendu qu'il apparaît clairement à la lecture de cette clause que le choix, par les parties, de soumettre leurs litiges éventuels au "droit du pays dans lequel le défendeur a son siège social" s'inscrit dans le cadre d'une clause compromissoire et, par conséquent, que cette stipulation ne trouve à s'appliquer qu'en cas de recours à la procédure d'arbitrage prévue par le contrat;

Or attendu qu'en l'espèce, la société Zwanns BVA n'a jamais sollicité l'application de la procédure d'arbitrage; qu'elle y a même renoncé, tout d'abord en saisissant elle-même une juridiction étatique belge, puis, la juridiction française saisie par son adversaire s'étant déclarée compétente, en formulant ses prétentions par voie reconventionnelle devant cette juridiction ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'article 12.4 du contrat n'est pas applicable, que la loi à laquelle ce contrat est soumis doit être déterminée par application de la Convention de Rome et que, selon l'interprétation de l'article 4, paragraphe 2, de cette convention résultant de l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2003, qui n'est plus contestée par les parties, c'est la loi française qui est applicable;

Sur les conditions de la résiliation du contrat

En droit

Attendu que la loi française applicable en l'espèce est l'article L. 442-6,1, 5°, du Code de commerce, aux termes duquel engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels;

Attendu que le texte de loi précité ajoute que ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou cas de force majeure;

Attendu que le contrat liant les parties est conforme, en ses dispositions concernant la résiliation, au droit français, puisqu'il prévoit, à l'article 10.1, un préavis d'un an, et stipule, à l'article 10.2, que le droit à résiliation prématurée pour motif grave reste entier;

Attendu qu'il s'ensuit qu'en vertu tant du contrat que du droit français auquel celui-ci est soumis, la société Ammann-Yanmar pouvait, sans engager sa responsabilité, rompre ses relations commerciales avec la société Zwanns BVA sous réserve de respecter un préavis d'un an, ainsi qu'elle l'a fait par sa lettre de dénonciation du 15 décembre 1995 ; qu'en revanche, elle ne pouvait ultérieurement, pendant la durée du préavis, rompre le contrat, sauf à prouver l'existence d'un motif grave tenant à l'inexécution de ses obligations par son co-contractant;

En fait

Attendu que la société Ammann-Yanmar soutient avoir été dispensée de l'exécution du préavis du fait du non-paiement des sommes qui lui étaient dues par la société Zwanns BVA; qu'elle se prévaut d'une mise en demeure de payer une somme de 1 452 983,88 F notifiée à la société Zwanns BVA le 9 janvier 2006 et demeurée sans effet;

Mais attendu que la société Zwanns BVA a répondu à cette mise en demeure par une lettre de son avocat en date du 18 janvier 1996, exposant qu'elle avait appris que la société Ammann-Yanmar avait déjà engagé un nouveau concessionnaire, qu'elle n'avait donc pas l'intention de respecter le préavis d'un an, qu'elle était dès lors redevable d'une indemnisation et qu'il y avait lieu à compensation entre la somme dont elle était créancière et les indemnités dont elle était redevable;

Attendu que les allégations de la société Zwanns BVA selon lesquelles, avant même de se prévaloir du non-paiement des sommes qui lui étaient dues, la société Ammann-Yanmar avait confié la distribution de ses produits à un autre importateur en Belgique, sont confirmées:

- par un article paru dans la revue Bouwbedrijf datée du 26 janvier 2006, présentant la société Blackwood Hodge comme importateur en Belgique des machines Ammann-Yanmar,

- par un document publicitaire de la société Blackwood Hodge parti en août 1996 mais mentionnant la commercialisation par celle-ci du matériel Ammann-Yanmar à compter du 1er janvier 1996;

Attendu que, compte tenu des délais nécessaires pour nouer des relations commerciales avec un nouveau concessionnaire, il apparaît que l'engagement par la société Ammann-Yanmar d'un nouveau distributeur a été antérieur au non-respect, par la société Zwanns BVA, de la mise en demeure qui lui a été adressée le 9 janvier 1996;

Attendu que la société Ammann-Yanmar a par conséquent engagé sa responsabilité pour non-respect du préavis ; que le jugement du Tribunal de Saint-Dizier du 2 juillet 1999 doit sur ce point être réformé;

Sur les conséquences de la résiliation du contrat

Sur la nature du préjudice indemnisable

Attendu que, selon le droit français applicable en l'espèce, le non-respect du préavis par l'une des parties ouvre droit en faveur de l'autre à une indemnité correspondant à la marge brute qu'elle aurait réalisée pendant la durée du préavis si celui-ci avait été respecté;

Attendu en revanche que, seul le caractère brutal de la rupture du contrat pouvant donner lieu à réparation, et non la rupture elle-même qui, s'agissant d'un contrat à durée indéterminée, pouvait intervenir librement, l'indemnité complémentaire prévue par la loi belge, destinée à compenser la plus-value apportée par le concessionnaire à la clientèle du concédant, n'est pas due en l'espèce;

Attendu que la société Zwanns BVA ne peut donc prétendre qu'à une indemnité compensatrice de préavis;

Sur le montant de l'indemnité due

Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu par la société Ammann-Yanmar, l'expertise ordonnée par l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon du 19 décembre 2000 n'est pas nulle ; qu'en effet, cet arrêt n'ayant été cassé qu'en ce qu'il avait fait application de la loi belge, l'expertise comptable ordonnée demeure valable en ce qui concerne les opérations techniques de l'expert indépendantes de la loi applicable;

Or attendu que, s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, la loi belge qui en fixe le montant à une année de bénéfice semi-net ne diffère pas du droit français, selon lequel l'indemnité doit correspondre à la marge que le concessionnaire aurait réalisée pendant la durée du préavis ; que, par conséquent, pour l'évaluation de cette indemnité, l'expertise judiciaire litigieuse constitue un élément d'appréciation parfaitement recevable;

Attendu que l'expert Pierre Vieillard s'est attaché à calculer le chiffre d'affaire réalisé par la société Zwanns BVA, pendant les trois années précédant la rupture du contrat, du fait de la revente des machines acquises auprès de la société Ammann-Yanmar; qu'il a augmenté ce chiffre d'affaires de 5 % pour tenir compte des prestations de service après-vente; qu'il a ensuite déterminé la marge moyenne réalisée par le concessionnaire en rapprochant les factures de vente de celles d'achat, parvenant ainsi à un pourcentage de marge moyenne de 15,8 %; que, sur la marge concernant le service après-vente, il a appliqué une déduction de 11 % correspondant aux charges salariales; qu'il a ainsi abouti à une marge semi-nette moyenne annuelle relative à la vente de machines Ammann-Yanmar d'un montant de 96 025 euro;

Attendu que les critiques formées par la société Ammann-Yanmar à l'encontre du rapport de l'expert judiciaire ne sont étayées d'aucun justificatif; qu'elles reposent sur le postulat que l'activité de revente de machines Ammann-Yanmar par la société Zwanns BVA était déficitaire, ce qui n'apparaît guère vraisemblable dès lors que ce n'est pas la société Zwanns BVA qui est à l'origine de la rupture du contrat; que les contestations de la société Ammann-Yanmar ont été présentées, sous forme de dire, à l'expert, qui les a réfutées en faisant observer, notamment, que sa méthode, fondée sur les bilans de la société, éléments incontestables, était préférable, qu'il avait pu examiner 71 % des ventes de machines Ammann-Yanmar effectuées par la société Zwanns BVA, soit un échantillon parfaitement représentatif, et que le coefficient de 5 % retenu au titre du service après-vente correspond à une moyenne observée chez des sociétés concurrentes;

Attendu qu'au vu de l'expertise judiciaire et à défaut d'autre élément comptable probant, le préjudice de la société Zwanns BVA, résultant de l'inobservation du préavis par la société Ammann-Yanmar, sera fixé à 96 025 euro;

Attendu que cette indemnité sera productive d'intérêts non pas à compter de l'assignation, comme le sollicite la société Zwanns BVA, mais à compter du présent arrêt, conformément à l'article 1153-1 du Code civil;

Attendu que la capitalisation de ces intérêts sollicitée par la société Zwanns BVA est de droit, année par année, en vertu de l'article 1154 du Code civil;

Sur la reprise du stock de pièces de rechange

Attendu que, si la société Zwanns BVA était fondée à exiger, conformément à l'article 11.2 du contrat, que la société Ammann-Yanmar reprenne le stock de pièces de rechange, encore fallait-il qu'elle en fasse la demande, ce dont elle ne justifie pas; qu'en effet, la société Zwanns BVA n'a formé qu'une demande d'indemnité à ce titre, et ce, postérieurement à l'expertise judiciaire;

Attendu en outre que la société Zwanns BVA se borne à produire un listing informatique des pièces de rechange concernées, établi par ses propres services comptables ; que ce document non contradictoire ne saurait constituer une preuve de la consistance du stock litigieux;

Attendu que la demande de la société Zwanns BVA au titre du stock sera par conséquent rejetée;

Attendu qu'aucune des parties ne démontre que l'autre ait adopté un comportement procédural abusif; que les demandes réciproques en dommages-intérêts de ce chef seront donc rejetées;

Attendu que la société Ammann-Yanmar, qui succombe en plus grande part, sera condamnée aux dépens des instances d'appel devant la Cour de Dijon et devant la présente cour, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire;

Attendu que l'équité ne prescrit pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre partie;

Par ces motifs, LA COUR, statuant en audience publique, contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré, Vu le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Dizier en date du 2 juillet 1999, l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon du 19 décembre 2000, l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2003 et l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon du 18 décembre 2003, Déclare l'appel de la société Zwaans BVA recevable et partiellement fondé; Réforme le jugement rendu le 2 juillet 1999 par le Tribunal de commerce de Saint-Dizier, en ce qu'il a constaté que la société Ammann-Yanmar a respecté un délai de résiliation suffisant, a en conséquence débouté la société Zwanns BVA de sa demande d'indemnité pour non-respect du préavis, l'a condamnée à payer la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 à la société Ammann-Yanmar et à supporter les dépens; Statuant à nouveau sur ces points, Dit que la société Ammann-Yanmar a engagé sa responsabilité en ne respectant le préavis qu'elle avait donné; Condamne la société Ammann-Yanmar à payer à Maîtres Van Meensel et Patroons, ès qualité de curateurs de la société belge en faillite Zwanns BVA, la somme de 96 025 euro (quatre-vingt seize mille vingt-cinq euro) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil; Rejette la demande de la société Ammann-Yanmar formée en première instance et fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Ammann-Yanmar aux dépens de première instance; Ajoutant au jugement déféré, Rejette la demande d'indemnité complémentaire pour perte de clientèle formée par la société Zwanns BVA; Rejette la demande de la société Zwanns BVA au titre du stock de pièces de rechange; Rejette les demandes de chaque partie en dommages-intérêts pour procédure ou résistance abusive; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Dit que le présent arrêt se substitue à celui de la Cour d'appel de Dijon en date du 18 décembre 2003; Condamne la société Ammann-Yanmar aux dépens des instances d'appel devant la Cour d'appel de Dijon et devant la présente cour y compris les frais d'expertise judiciaire, avec droit pour Me Graciano, avoué, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.