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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 26 janvier 2006, n° 04-04647

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sac Story (SARL), Sac Story Gestion (SA), Fourquié (ès qual.), Gouleau (ès qual.)

Défendeur :

Mirsac (SARL), Aldom (SARL), Aux Lilas (SARL), Gauvain, Delaporte

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Selmes

Conseillers :

MM. Vergne, Baby

Avoués :

SCP Malet, SCP Cantaloube-Ferrieu Cerri

Avocats :

Me Jung, SCP Cohen-Thevenin

T. com. Toulouse, du 27 sept. 2004

27 septembre 2004

Faits et procédure

La SA Sac Story Franchise exploitait un réseau de distribution de maroquinerie sous l'enseigne "Sac Story" depuis 1995, activité exercée ensuite par la SARL Sac Story depuis juin 2000. Cette activité était exercée dans le cadre de points de vente appartenant aux sociétés Sac Story, ayant leur siège social à Toulouse, ou par des commerçants liés aux sociétés Sac Story par un contrat de concession commerciale et de licence de marque.

En mars 2003, la SARL Mirsac, exploitant le point de vente Sac Story de Rennes, la SARL Aldom, exploitant celui de Saint-Nazaire, la SARL Aux Lilas, exploitant celui de Caen et la SARL Olico, exploitant celui de Bayeux, ont assigné les deux sociétés Sac Story devant le Tribunal de commerce de Toulouse pour voir prononcer la nullité du contrat de concession commerciale et du contrat de licence de marque, et obtenir remboursement du droit d'entrée et des redevances payées, ou, subsidiairement, la résiliation des contrats et l'allocation de 60 000 euro de dommages-intérêts.

Le même tribunal, par jugement du 24 septembre 2004, a prononcé le redressement judiciaire des sociétés Sac Story, et désigné Maître Dutot en qualité de représentant des créanciers, Maître Fourquié étant nommé administrateur judiciaire.

Par jugement du 27 septembre 2004, le tribunal a joint les instances et débouté les concessionnaires de leur demande d'annulation des contrats de concession et de licence de marque. Au motif qu'ils créaient une situation de dépendance économique, il a prononcé la résiliation judiciaire de ces contrats, aux torts de la SARL Sac Story, et a condamné celle-ci à payer à la SARL Mirsac 12 195,92 euro de dommages-intérêts, à la SARL Aux Lilas la somme de 15 244,90 euro à titre de dommages-intérêts, outre le remboursement d'un trop perçu de 4 070,77 euro, à la SARL Aldom une somme de 31 000 euro ; cette société a par ailleurs été condamnée à payer à la SARL Sac Story une somme de 31 122,95 euro, la compensation étant ordonnée. Ces sommes ont été assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, l'exécution provisoire a été ordonnée, et les SARL Mirsac et Aux Lilas ont obtenu chacune 1 900 euro en indemnisation de leurs frais irrépétibles, M. Alain Gauvain et Mme Dominique Delaporte, mis en cause ès qualités de cautions de la SARL Aldom, obtenant chacun 1 000 euro, les demandes des sociétés Sac Story à leur encontre ayant été rejetées.

La SARL Sac Story et la SA Sac Story Gestion, assistées de Maître Dutot et Maître Fourquié, ont relevé appel de cette décision par déclaration remise le 19 octobre 2004 au greffe de la cour.

Maître Fourquié a repris l'instance par conclusions du 9 novembre 2005, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SARL Sac Story, arrêté par jugement du 12 août 2005. Ce même jugement a désigné M. Alain Gouleau en qualité de mandataire ad hoc de ladite société, et celui-ci a conclu aux côtés de Maître Fourquié.

Moyens et prétentions des parties

Les appelantes précisent que la SARL Olico, qui les avaient assignées le 18 mars 2003 dans les mêmes termes que les intimées, s'est désistée de son action, et elles demandent à la cour de lui en donner acte, le tribunal n'ayant pas statué à cet égard.

La SARL Aux Lilas a conclu le contrat de concession commerciale et de licence de marque le 12 octobre 2000, et l'a exécuté jusqu'en mars 2003, l'assignation ayant précédé son terme de quelques mois, tandis qu'une ordonnance de référé était intervenue pour la condamner au paiement de sommes dues.

Le contrat de la SARL Mirsac est en date du 20 juin 2001, et elle a pareillement été condamnée en référé à payer des sommes en retard.

La SARL Aldom a signé son contrat le 29 octobre 2001, et elle lui doit 31 122,95 euro.

Elles affirment avoir respecté l'article L. 330-3 du Code de commerce, de sorte que la nullité des contrats, tous exécutés pendant plusieurs années, ne peut être prononcée, aucun vice du consentement n'étant démontré.

La SARL Sac Story justifie de son droit de propriété sur la marque Sac Story.

Il n'y a pas infraction à l'article L. 442-5 du Code de commerce, la vente à un prix inférieur au prix conseillé étant toujours possible.

Il n'y a pas davantage abus de dépendance économique, les stocks n'ayant jamais été retournés au fournisseur.

La résiliation des contrats ne pouvait intervenir qu'aux torts des franchisés, tous débiteurs de sommes importantes au titre de la fourniture de marchandises.

La clause d'exclusivité consentie à la SARL Aux Lilas n'a pas été violée.

Elle conclut donc au débouté des intimées, et demande leur condamnation à payer des dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat, outre 1 524,49 euro par infraction constatée à leur obligation post-contractuelle de non-concurrence.

Il est ensuite demandé la condamnation solidaire de la SARL Aldom et de ses cautions, M. Alain Gauvain et Mme Dominique Delaporte, à lui payer 31 122,95 euro avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2003.

La condamnation de tout succombant au paiement de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile est enfin sollicitée.

Les intimées précisent qu'elles ont déclaré leurs créances à la procédure collective.

Elles maintiennent leur demande d'annulation du contrat : l'information pré-contractuelle délivrée n'était pas conforme aux exigences de l'article L. 330-3 du Code de commerce, ce qui constitue un dol. Le projet de contrat n'a pas été communiqué. La SARL Aldom s'est vue attribuer le secteur de Saint-Nazaire alors que Brest était mentionné sur le document d'information pré-contractuelle. Le document ne contenait pas les informations prévues au sujet du réseau, ni le fait que le tiers des franchisés l'a quitté en 2003. Les documents comptables du franchiseur n'étaient pas produits, pour cacher ses difficultés financières. Le chiffre d'affaires annoncé à la SARL Aux Lilas était supérieur de 30 % à celui effectivement réalisé. Le fait que les contrats aient été exécutés ne fait pas obstacle à leur annulation, qui est demandée à la cour.

En conséquence de cette annulation, la SARL Aldom demande le remboursement de son droit d'entrée (15 244,90 euro) des redevances payées (2 457,86 euro) et 60 000 euro de dommages-intérêts au titre du préjudice subi, soit un total de 77 702,76 euro.

La SARL Mirsac demande la même somme au titre du droit d'entrée, 3 241 euro de redevances pour 2001 et 3 971 euro pour 2002, outre 60 000 euro de dommages-intérêts, soit un total de 82 456 euro.

La SARL Aux Lilas demande aussi la même somme au titre du droit d'entrée, 16 654 euro en remboursement des redevances, outre 60 000 euro de dommages-intérêts. La SA Sac Story Gestion et la SARL Sac Story qui lui a succédé sans l'accord de la SARL Aux LiLas devront être condamnées conjointement et solidairement au paiement de ces sommes, soit 91 898,90 euro.

Subsidiairement, la violation des articles L. 442-5, L. 442-6 et L. 420-2 du Code de commerce doit entraîner l'annulation des contrats et non leur résiliation : les prix de vente et la marge étaient imposés, l'abus d'exclusivité est un abus de dépendance économique. Les demandes formulées sur ces fondements sont les mêmes que dans le cadre de la demande principale.

A titre "éminemment subsidiaire", les sociétés intimées concluent à la confirmation du jugement, les contrats devant être résiliés aux torts du fournisseur, qui a manqué à ses obligations.

La clause d'exclusivité dont bénéficiait la SARL Aux Lilas a été violée avec l'installation d'un franchisé à Bayeux, soit dans le rayon de 60 km du centre ville de Caen pour lequel une exclusivité lui avait été accordée.

La SARL Aldom soutient ne rien devoir à Sac Story, en l'état d'un contrat nul, et, subsidiairement, conclut à la confirmation du jugement sur ce point, la compensation étant ordonnée.

M. Gauvain et Mme Delaporte n'ont pas signé d'engagement de caution valable, la mention manuscrite n'étant pas conforme aux exigences de l'article 1326 du Code civil. Même associés et gérants de la SARL, ils n'ont pas la qualité de commerçant et les règles de preuve du droit civil s'appliquent. L'obligation principale étant nulle, leur cautionnement n'est pas valable, et, en tout état de cause, il est limité à 18 293,88 euro. La confirmation du jugement est demandée sur ce point.

La demande reconventionnelle de Sac Story doit être rejetée, aucun préjudice n'étant démontré, il n'y a pas violation de la clause de non-concurrence, qui est disproportionnée et nulle en ce qu'elle interdit sans motif légitime au franchisé d'exercer son activité.

Outre les créances détaillées ci-dessus, il est enfin demandé à la cour de fixer la créance de chacune des sociétés intimées à 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, chacune des cautions demandant que sa créance à ce titre soit fixée à 1 000 euro.

Sur quoi

Les écritures déposées par les intimées le 9 décembre 2005, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture du 8 novembre 2005, seront écartées des débats par application de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile.

Il apparaît sans intérêt que la cour se prononce sur le désistement de la SARL Olico, qui n'a été ni appelante ni intimée devant elle, et n'est même pas mentionnée comme demanderesse ou défenderesse dans le jugement déféré.

Par ailleurs, la question de la propriété de la marque, évoquée dans les assignations, n'est plus discutée par les concessionnaires, ce qui prive d'intérêt l'argumentation des appelantes de ce chef.

Sur la nullité des contrats

- Sur le fondement de l'article L. 330-3 du Code de commerce

Les parties conviennent que le contrat qui les lie entre bien dans le champ d'application de ce texte, leur opposition concernant seulement les conditions de délivrance d'une information pré-contractuelle dont il n'est pas contesté qu'elle a bien été délivrée. Mais il ne suffit pas de constater que certains éléments d'information n'ont pas été transmis, ou l'ont été de façon incomplète ou tardive encore faut-il que ces circonstances soient constitutives d'un dol, et manifestent une volonté d'obtenir un accord qui n'aurait pas été donné en l'absence de manœuvres, qui doivent être caractérisées. Seule la responsabilité pré-contractuelle du concédant pourrait être recherchée au titre d'une information préalable simplement incomplète, et aucune demande en ce sens n'est présentée en l'espèce.

Comme l'a jugé le tribunal, il apparaît que l'information fournie répondait globalement aux exigences de la loi et de son décret d'application, même si elle était pour certains éléments très succincte : manquaient ainsi la domiciliation bancaire, ce qui ne peut être sérieusement considéré comme de nature à vicier le consentement des concessionnaires, et les comptes annuels du concédant, accessibles au greffe du tribunal de commerce. Il n'est pas démontré que les comptes de 1999, 2000 et même 2001 du concédant révélaient des difficultés financières, les sociétés Sac Story n'ayant été mises en redressement judiciaire qu'en septembre 2004. De la même façon, une simple recherche sur annuaire permettait d'accéder aux coordonnées précises des membres du réseau, leur ville d'implantation étant indiquée. De telles insuffisances ne peuvent donc, en l'absence de circonstance particulière, caractériser une volonté de tromper le cocontractant, et de lui cacher des éléments dont la communication aurait été de nature à le dissuader de contracter, puisqu'il pouvait se les procurer par ses propres moyens. Le fait que de nombreux concessionnaires aient quitté le réseau en 2003 est inopérant, s'agissant ici de contrats conclus en 2000 ou 2001, années pendant lesquelles le réseau s'est au contraire développé, au vu des statistiques produites : il n'est pas justifié du départ, dans l'année précédant la signature de chacun des contrats, de concessionnaires autres que ceux dont la cessation d'activité est révélée par l'information précontractuelle fournie. Il est de même évident que la SARL Aldom s'est en connaissance de cause et sans pression d'aucune sorte installée à Saint-Nazaire au lieu de Brest, comme le prévoyait le projet initial : le bon sens impose de considérer qu'une telle modification de son implantation géographique n'a pu lui être imposée par des manœuvres dolosives. Il est fait mention d'un dirigeant dont le départ aurait entraîné une perte d'efficacité commerciale, mais en l'absence de tout autre élément, relatif par exemple au poste occupé et à la date de ce départ, il n'est pas possible de retenir que cette information aurait dû être fournie aux concessionnaires, et que son omission pourrait caractériser une réticence dolosive. il n'est pas plus sérieux de prétendre que les volumes de stocks fixés aux contrats n'ont été connus qu'après la signature de ceux-ci : les chiffres n'ont pas été insérés à l'insu du signataire, qui a, pour le moins, lu le contrat avant de le signer. Quant au chiffre d'affaires prévisionnel prévu pour la SARL Aux Lilas, il s'agissait d'une simple indication, et non d'un engagement du concédant.

C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'annuler les contrats sur le fondement de l'article L. 330-3 du Code de commerce, et sa décision sera confirmée de ce chef.

- Sur le fondement de l'article L. 442-5 du Code de commerce

Il sera tout d'abord observé que la seule sanction prévue par l'article L. 442-5 du Code de commerce est de nature pénale (amende), et que la nullité du contrat n'est pas une conséquence nécessaire de la commission de l'infraction visée.

Surtout, la pratique interdite par l'article L. 442-5 est celle tendant à imposer un caractère minimal au prix de revente ou à la marge, dans un souci de lutte contre la hausse des prix à la consommation, et de protection non pas des revendeurs, mais des consommateurs: en l'espèce, le concept commercial développé sous la marque " Sac'Story " est au contraire celui du prix maximum, dont le niveau très bas entraîne "l'achat d'impulsion" d'un consommateur plus soucieux de mode et de variété que de qualité et de solidité du produit. Le contrat de concession rappelle d'ailleurs expressément que le concessionnaire fixe librement ses prix de vente (article 8). De la même façon, la marge fixée en pourcentage d'un prix de revente maximum est nécessairement une marge maximum, que le revendeur peut réduire en pratiquant un prix inférieur au prix conseillé, et le taux conséquent de sa marge contractuelle lui permet de le faire sans revendre à perte. La référence à ce texte n'est donc pas pertinente en l'espèce. Lorsque le prix d'achat des produits, fixé ordinairement à 45 % ou 43,6 % de leur prix de revente conseillé, est limité à 35 %, il en résulte une augmentation et non une diminution de la marge, de sorte que l'on comprend mal le grief articulé de ce chef particulier.

- Sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce

Ce texte oblige l'auteur d'un abus de position dominante à en réparer les conséquences préjudiciables pour son partenaire économique, sans que, là encore, la nullité du contrat dont l'application donne lieu aux pratiques interdites en découle nécessairement.

Le seul alinéa pertinent de ce texte, dans le cadre du présent litige, est l'alinéa I-2° b), qui impose à l'opérateur économique coupable " d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées" de réparer le préjudice en résultant. Ce n'est pas la "puissance" d'achat ou de vente des sociétés Sac'Story qui est ici en cause, une telle puissance n'étant pas démontrée ni seulement alléguée, mais les conditions commerciales et obligations imposées. Il appartient donc aux concessionnaires de rapporter la preuve du caractère injustifié des obligations qui leur sont faites, compte tenu de l'objet du contrat. Il est à ce titre reproché au concédant la fixation d'un quota de vente excessif, et un système d'approvisionnement échappant à la maîtrise du concessionnaire. Mais le quota de vente, élément fixé au contrat, a été accepté : il s'agit donc d'un engagement librement souscrit par un commerçant, qui s'impose à lui, et n'est pas, en son principe, injustifié, il n'est pas démontré que le stock minimal fixé, qui correspond à moins de deux mois de chiffre d'affaires, serait excessif pour ce type d'activité commerciale, et dès lors injustifié. Seule la SARL Aldom justifie avoir dénoncé au fournisseur l'inadaptation des produits à l'attente de la clientèle : à le supposer fondé, ce grief peut certes contribuer à expliquer la baisse d'activité observée en 2003 sur l'ensemble du réseau et le dépôt de bilan du concédant, mais il ne constitue pas, en soi, une condition commerciale ou une obligation injustifiée. Là encore, les conditions d'application du texte invoqué ne sont pas réunies.

- Sur le fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce

S'agissant de l'article L. 420-2, seule l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique de ses concessionnaires pourrait utilement être reprochée en l'espèce à la SARL Sac'Story, les clauses contractuelles matérialisant une telle exploitation étant frappées de nullité par l'article L. 420-3 du Code de commerce. Mais le principe même du contrat de concession exclusive consiste en une exclusivité d'approvisionnement, justifiée par le droit tout aussi exclusif à utiliser en contrepartie, une marque dont la notoriété profite au concessionnaire, qui bénéficie d'une politique commerciale menée au plan national, voire international : de tels contrats ne sont pas en leur principe illicites, et il appartient au concessionnaire de rapporter la preuve de pratiques imposées sans nécessité par rapport à l'objectif poursuivi dans l'intérêt des deux parties, et tenant au respect de l'identité de la marque. Surtout, pour que l'exploitation d'un état de dépendance économique puisse être sanctionnée sur le fondement de ce texte, elle doit être "susceptible d'affecter le fonctionnement de la structure de la concurrence" : rien dans le dossier ne permet de penser que cette condition serait remplie, de sorte que ce texte, dont l'application est en tout état de cause de la compétence du Conseil de la concurrence, est ici vainement invoqué.

Aucune cause de nullité des contrats de concession exclusive n'est donc établie, de sorte que la demande d'annulation desdits contrats et les demandes consécutives de restitution seront rejetées.

Sur la résiliation des contrats

Il sera observé que la résolution du contrat, sanction usuelle des contrats instantanés tels que la vente, ne se conçoit pas généralement pour un contrat à exécution successive tel que le contrat de concession exclusive de vente, seulement susceptible d'être privé d'effet pour l'avenir, les actes d'exécution passés n'étant pas remis en cause.

Les sociétés concessionnaires intimées sont toutes les trois à l'origine de la rupture de leur contrat, selon des modalités qui ne sont pas discutées par le concédant, et il leur appartient de démontrer que leur décision a pour origine la faute contractuelle du concédant, dès lors qu'elles sollicitent une indemnisation en suite de cette rupture.

Le grief articulé par les trois concessionnaires à cet égard réside dans le manquement par le concédant "à une de ses obligations essentielles consistant en la fourniture de produits devant être vendus avec succès". Il résulte certes de l'évolution d'ensemble de l'activité du réseau que celui-ci a connu, dès 2002 pour la plupart des points de vente et, plus spectaculairement encore en 2003, cette fois pour l'ensemble des magasins, une baisse de chiffre d'affaires. Les intimées ne sont pas contredites lorsqu'elles affirment que de nombreux concessionnaires ont quitté le réseau en 2003. L'échec commercial est donc avéré et son caractère général permet de considérer qu'il n'est pas imputable aux exploitants des points de vente. Pour autant, il ne résulte pas nécessairement d'une faute du concédant : l'incapacité à s'adapter au marché n'est pas fautive en soi, et sa sanction est d'ordre économique : elle a consisté dans le dépôt de bilan des sociétés Sac Story.

Seule la SARL Aldom s'est expressément plainte de la qualité des produits, inadaptés à la mode, et de livraisons excessives au regard de ses capacités de vente, la mettant dans l'impossibilité de payer les produits livrés. Aucune réponse n'est apportée à ces griefs dans les écritures des appelantes, et le concédant n'en avait d'ailleurs tenu aucun compte pendant l'exécution du contrat, manifestant au contraire son mépris pour ces critiques. Ces circonstances, compte tenu de la nature des relations contractuelles et notamment de leur caractère exclusif, justifient la rupture du contrat aux torts du concédant, qui a manqué de loyauté dans l'exécution du contrat.

Il apparaît dès lors justifié d'allouer à cette société une indemnisation égale aux factures dont le paiement lui est réclamé, soit 31 122,95 euro : il peut être considéré en effet que l'exécution défectueuse du contrat a privé la concessionnaire de la trésorerie nécessaire au paiement de ces factures.

Pour sa part, la SARL Mirsac produit en tout et pour tout, outre le contrat de concession lui-même en de multiples exemplaires, ses états financiers au 31 décembre 2002 : ils montrent qu'elle a financé exclusivement par l'emprunt l'acquisition d'un fonds de commerce d'une valeur de plus de 155 000 euro, s'imposant des charges financières proches de 4 % du chiffre d'affaires, tandis que salaires et charges absorbaient en 2002 plus de la moitié de sa marge commerciale. Ces choix ne sont pas imputables au concédant, et ne lui sont d'ailleurs pas imputés. Cette société, qui n'est pas débitrice de Sac Story, n'établit ainsi aucune faute du concédant dans le cadre de l'exécution du contrat, et ne saurait être indemnisée à ce titre.

La SARL Aux Lilas ne fournit aucun autre élément relatif à l'exécution du contrat par le concédant que celui examiné au point suivant.

Sur la clause de non-concurrence en faveur de la SARL Aux Lilas

La convention des parties visait bien une exclusivité d'implantation en centre ville à Caen et dans un rayon de 60 km de cette ville, et une exclusivité d'implantation en centre commercial pendant 18 mois dans ce rayon de 60 km et non l'inverse, comme le prétendent les appelantes, tout en admettant que l'engagement a été violé, le manquement, certes minimisé puisque qualifié de " non substantiel ", étant finalement reconnu. Il n'est pas discuté en effet que l'implantation de la SARL Olico a eu lieu dans le centre ville de Bayeux 15 mois après la signature du contrat avec la SARL Aux Lilas. Certes, le co-contractant de la SARL Aux Lilas est la SA Sac'Story Franchise, tandis que la SARL Olico a contracté avec la SARL Sac'Story. Mais il résulte de l'avenant au contrat signé le 12 mars 2001 entre la SARL Aux Lilas, la SA Sac'Story Gestion (anciennement Sac'Story Franchise) et la SARL Sac'Story, que cette dernière est substituée au concédant dans tous ses droits et obligations, avec l'accord du concessionnaire. Seule la SARL Sac Story doit donc répondre de la violation de la clause de non-concurrence, en sa qualité de signataire du contrat de concession avec la SARL Olico.

Il y a bien eu en l'espèce une violation flagrante par le concédant de son obligation, qui justifie à elle seule la rupture du contrat aux torts du concédant, et l'indemnisation corrélative du concessionnaire. Toutefois, en l'absence d'élément de nature à établir plus précisément le préjudice subi, il sera alloué à la SARL Aux Lilas une indemnité de principe, d'un montant correspondant à la somme allouée à un titre différent par le tribunal, soit 15 244,90 euro. S'agissant d'une indemnité, les intérêts sur cette somme n'avaient pas lieu de courir avant le jugement qui en a ordonné le paiement : celui-ci sera donc réformé en ce qu'il avait fixé le point de départ des intérêts au 27 mars 2003. La question du point de départ des intérêts se trouve privée de portée par l'ouverture de la procédure collective, trois jours avant la décision de première instance.

Sur les créances des sociétés Sac'Story à l'encontre des concessionnaires

Relatives à des fournitures de produits dont le prix n'a pas été payé, ces créances ne sont pas contestables en leur principe, dès lors que les produits ont effectivement été livrés, l'exécution par le vendeur de son obligation, non contestée, imposant à l'acheteur d'exécuter sa propre obligation de paiement du prix.

- SARL Aux Lilas

Cette société a été condamnée en référé à payer la somme de 18 630,37 euro correspondant aux factures de novembre et décembre 2002. Elle justifie par sa comptabilité avoir payé sur ce montant 4 070,77 euro le 15 janvier 2003, et ce paiement partiel n'est pas contesté par les appelantes. Celles-ci ne discutent pas davantage le paiement effectif des causes de l'ordonnance de référé, bien que la preuve de ce paiement ne figure pas au dossier. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que le paiement de 4 070,77 euro constituait un trop perçu, et donc une créance de la SARL Aux Lilas sur la SARL Sac Story. Il sera seulement substitué à la condamnation une fixation de créance au passif.

- SARL Aldom

Le tribunal a condamné cette société à payer la somme de 31 122,95 euro, correspondant à des marchandises dont la livraison n'est pas contestée, et dont il n'est pas prétendu qu'elles auraient été retournées au fournisseur, malgré les critiques formulées au sujet de leur qualité : dès lors, le concessionnaire en doit le prix, et le jugement ne pourra être que confirmé, la compensation étant ordonnée eu égard à la connexité des créances réciproques issues d'un même contrat.

Sur les engagements de caution

Le créancier ne rapporte pas la preuve de la qualité de commerçant de M. Gauvain et Mme Delaporte, seul M. Gauvain est présenté comme gérant de la SARL Aldom, fonction qui n'est pas à elle seule de nature à lui conférer cette qualité. La seule mention manuscrite " bon pour caution solidaire et indivisible " apposée par eux est donc manifestement insuffisante au regard des exigences de l'article 1326 du Code civil, dont l'application n'est écartée qu'en présence d'une caution agissant en tant que commerçant. Le jugement sera donc, confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de condamnation formées à leur encontre.

Sur les autres demandes reconventionnelles des sociétés Sac Story

La SARL Sac Story ne justifie en rien du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la rupture anticipée des contrats, dont il vient d'être dit qu'elle portait la responsabilité, au moins s'agissant des SARL Aldom et Aux Lilas, tandis qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun manquement de la SARL Mirsac dans le cadre de l'exécution du contrat, aucune créance n'étant alléguée au titre de fournitures impayées, et aucun grief n'étant articulé à son encontre au titre des circonstances de la rupture des relations.

Sa demande de ce chef sera donc rejetée.

La demande relative à la prétendue violation de l'obligation de non-concurrence n'est pas davantage établie : le constat de la présence des signes distinctifs " Sac'Story " sur le magasin exploité par la SARL Mirsac le 20 janvier 2003, alors que la rupture a été signifiée le 27 février 2003 par la concessionnaire, n'a rien d'anormal. Quant à l'exploitation d'un magasin de maroquinerie à l'enseigne " BC Bag " dans le même local le 24 novembre 2003, postérieurement à la rupture, rien n'établit qu'elle serait le fait de la SARL Mirsac.

De la même façon, le constat de la présence des signes distinctifs "Sac'Story" sur le magasin exploité par la SARL Aux Lilas le 14 janvier et le 17 février 2003 n'est pas susceptible d'être sanctionné à ce titre: la date à laquelle le contrat a cessé d'être exécuté ne résulte d'aucune pièce du dossier.

S'agissant de la SARL Aldom, il n'est tout simplement produit aucun élément de nature à étayer la demande.

Compte tenu des résultats de l'appel et eu égard à la position respective des parties, il n'est pas justifié de faire en l'espèce application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur des sociétés présentes à l'instance, seuls M. Gauvain et Mme Delaporte, vainement mis en cause devant la cour, se voyant allouer à ce titre une somme complémentaire de 1 000 euro chacun.

Par ces motifs, LA COUR, Recevant les SA et SARL Sac'Story en leur appel, Donne acte à Maître Fourquié de son intervention ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL Sac'Story, et à M. Alain Gouleau de la sienne en qualité de mandataire de ladite société, Réforme partiellement le jugement déféré ; Rejette les demandes d'annulation des contrats de concession commerciale sur le fondement des articles L. 330-3, L. 420-2, L. 442-5 et L. 442-6 du Code de commerce, et les demandes d'indemnisation subséquentes, Prononce la résiliation judiciaire de ces contrats pour inexécution, Dit que cette inexécution est fautive de la part de la SARL Sac Story à l'égard dos seules SARL Aldom et Aux Lilas, Donnant acte aux intimées de leurs déclarations de créance au passif des appelantes, Fixe à 31 122,95 euro (trente et un mille cent vingt deux euro et quatre-vingt quinze centimes) la créance de la SARL Aldom au passif de la SARL Sac Story à ce titre, Fixe à 15 244,90 euro (quinze mille deux cent quarante quatre euro et quatre-vingt dix centimes) la créance de la SARL Aux Lilas au passif de la SARL Sac Story à ce même titre, Dit que la SARL Mirsac ne justifie d'aucune créance de ce chef, le jugement étant réformé en ce qui la concerne, Faisant les comptes entre les parties, Condamne la SARL Aldom à payer à la SARL Sac'Story une somme de 31 122,95 euro (trente et un mille cent vingt deux euro et quatre-vingt quinze centimes) au titre de factures de fournitures impayées, Ordonne la compensation de ce montant avec la créance détenue par la SARL Aldom à l'encontre de la SARL Sac'Story, Fixe à 4 070,77 euro (quatre mille soixante dix euro et soixante dix sept centimes) la créance de la SARL Aux Lilas au passif de la SARL Sac'Story au titre d'un trop perçu sur factures de fournitures, Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la SARL Sac'Story de ses demandes à l'encontre de M. Gauvain et Mme Delaporte en leur qualité de cautions, Rejette les demandes reconventionnelles présentées par la SARL Sac'Story et la SA Sac'Story en réparation du préjudice subi du fait de la rupture des contrats, Rejette leurs demandes sur le fondement de la violation de la clause de non-concurrence, Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel en faveur des sociétés appelantes ou intimées, Confirmant les dispositions du jugement relatives à l'application du même article, Condamne la SARL Sac'Story à payer une somme complémentaire de 1 000 euro (mille euro) à M. Alain Gauvain, au titre de ses frais irrépétibles d'appel, La condamne à payer à Mme Dominique Delaporte la même somme complémentaire au même titre, Dit que las dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure collective des sociétés appelantes, la SCP Cantaloube-Ferrieu-Cerri étant autorisée, le cas échéant, à se prévaloir de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.