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Décisions

CA Pau, ch. corr., 15 juin 2006, n° 06-00074

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Distribution Leader Price (SNC), Pyrsan (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Saint-Macary

Conseillers :

MM. Le Maitre, Granger

Avocats :

Mes Obadia, Chonnier

TGI Tarbes, ch. corr., du 13 déc. 2005

13 décembre 2005

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le Tribunal correctionnel de Tarbes, par jugement contradictoire, en date du 13 décembre 2005

a déclaré X Davy

coupable de publicité comparative de nature à induire la clientèle en erreur, en janvier 2004, à <localité> (65),

infraction prévue et réprimée par Art. L. 121-8 et suivants, L. 213-1 du Code de la consommation, L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle.

et, en application de ces articles,

- l'a condamné à une amende de 3 000 euro,

- a ordonné aux frais du condamné la publication par extrait de la présente décision dans les journaux "La Dépêche du Midi" édition Hautes-Pyrénées et "La Nouvelle République des Pyrénées" à deux reprises à une semaine d'intervalle

Et sur l'action civile a:

- reçu la SNC Distribution Leader Price en sa constitution de partie civile

- déclaré Monsieur X Davy responsable du préjudice subi par la SNC Distribution Leader Price

- condamné Monsieur X Davy à payer à la SNC Distribution Leader Price la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts

- condamné Monsieur X Davy à verser à la SNC Distribution Leader Price, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la somme de 400 euro

- reçu le SAS Pyrsan en sa constitution de partie civile

- déclaré Monsieur X Davy à payer à la SAS Pyrsan la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts

- condamné Monsieur X Davy à verser à la SAS Pyrsan, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la somme de 400 euro.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Maître Rolfo loco Maître Chonnier au nom de Monsieur X Davy, le 19 décembre 2005, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles

Monsieur le Procureur de la République, le 19 décembre 2005 contre Monsieur X Davy

X Davy, prévenu, a été assigné à la requête de Monsieur le Procureur général, par acte en date du 10 mars 2006, à sa personne, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 6 avril 2006.

La société Distribution Leader Price, partie civile, a été assignée à la requête de Monsieur le Procureur général, par acte en date du 15 mars 2006, à personne habilitée à recevoir et signer l'acte, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 6 avril 2006.

La société Pyrsan, partie civile, a été assignée à la requête de Monsieur le Procureur Général, par acte en date du 23 mars 2006, à personne habilitée à recevoir et signer l'acte, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 6 avril 2006.

Décision :

Vu les appels réguliers interjetés le 19 décembre 2005 par Maître Rolfo loco Maître Chonnier au nom de Monsieur X Davy et par Monsieur le Procureur de la République contre Monsieur X Davy à l'encontre du jugement rendu contradictoirement le 13 décembre 2005 par le Tribunal correctionnel de Tarbes.

Il est fait grief au prévenu:

- d'avoir dans le courant du mois de janvier 2004, au sein du supermarché Z de <localité> (65), effectué une publicité comparative, de nature à induire en erreur sa clientèle, entre les produits Leader Price distribués localement par la société Pyrsan et les produits Z gamme éco +

infraction prévue et réprimée par les articles 121-1, 121-4, 121-5, 121-6, 213-1 du Code de la consommation

Les faits:

Début janvier 2004, le responsable de la société Pyrsan, qui exploite à Tarbes (65) l'enseigne Leader Price fait constater dans deux établissements à l'enseigne Z (<localités>) les conditions d'une publicité comparative qu'elle estime illicite.

Elle produit en effet un constat dressé le 12 janvier 2004 par la SCP Saintraille-Miqueu, huissiers de justice à Tarbes, décrivant dans ces deux succursales, l'exposition au public de trois caddies chargés de marchandises juchés sur une estrade de 70 cm de haut, portant chacun une affichette reproduisant l'agrandissement du ticket de caisse correspondant de trois marques de supermarché, Leader Price, Lidl et Z <localité> : le prix de chacun des 42 articles sélectionnés est indiqué, ainsi que le différentiel de prix en pourcentage.

Devant l'estrade, à même le sol, un panneau comporte la mention "Comparatif du 30 décembre 2003 pour 42 articles", au-dessous, sont reproduits agrandis les tickets de caisse.

L'huissier procède à l'inventaire de ces 42 produits.

Il effectue les mêmes constatations au [magasin] Z du quartier xxx à Tarbes.

Le constat note des différences de teneur et quantité sur 14 de ces articles:

<emplacement tableau>

Il convient de préciser, outre ces différences, que le caddie Z contient un litre de jus d'ananas, absent du caddie Leader Price, ce dernier 2 litres d'eau de source, absent du caddie Z. Deux articles sont mentionnés en volume chez l'un, poids chez l'autre (crème fraîche, mayonnaise en pot).

Dans ses conclusions, la partie civile relève 6 autres différences dans les qualités de ses produits par rapport à ceux de la société du prévenu:

<emplacement tableau>

La réalité de ces différences n'est pas contestée par le prévenu.

Cité directement devant le Tribunal correctionnel de Tarbes par la partie civile, pour les seuls faits constatés à <localité>, Davy X, Directeur général de la société Y, a été déclaré coupable du délit de publicité comparative de nature à induire en erreur la clientèle, et condamné le 13 décembre 2005 à 3 000 euro d'amende et la publication à ses frais dans les journaux la Dépêche du Midi et la République des Pyrénées à deux reprises à une semaine d'intervalle de la décision.

La société Leader Price et la SA Pyrsan ont obtenu chacune une somme de 1 500 euro de dommages et intérêts, outre 400 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Suivant déclarations du 19 décembre 2005, le prévenu puis le Ministère public de manière incidente, interjettent appel de la décision.

Renseignements :

Aucune condamnation ne figure au casier judiciaire du prévenu.

Sur quoi, LA COUR :

Les appels sont réguliers et recevables en la forme.

Au fond, le prévenu, qui ne conteste pas les éléments de fait relevés par le constat d'huissier, estime qu'il n'a pas commis d'infraction, la publicité litigieuse ne portant que sur le prix des marchandises recensées, et sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif

Il résulte de la rédaction actuelle du 2° de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, que l'identité des produits cités dans une publicité comparative n'est plus aussi absolue que naguère.

Ainsi, l'on peut estimer qu'à deux produits près (des boissons, eau ou jus de fruit) les produits objets de la publicité incriminée étant identiques quant à leur nomenclature, cette disposition n'a pas été enfreinte.

Il est tout aussi exact que la seule comparaison uniquement sur le prix répond aux exigences du 3° de ce texte qui stipule "une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens au services, dont le prix peut faite partie" : a contrario le prix peut donc être la caractéristique essentielle, et la seule, facultativement une parmi les autres.

La loi édicte cependant une comparaison objective.

Le prix est la contrepartie en valeur de la marchandise acquise.

Il ne saurait y avoir comparaison objective de ces contreparties dès lors que les marchandises, quoique ressortant de la satisfaction de mêmes besoins, nécessités ou motivations du consommateur, présentent des caractéristiques diverses tel est le cas en l'espèce puisqu'il ressort du constat d'huissier que sur 14 des 43 articles comparés, des différences existaient quant aux quantités, composition ou origine des articles proposés à la vente; différences notables de l'ordre de 10 %, parfois 30 % du composant noble de ces produits (café, crème fraîche, fruit, matière grasse, poisson), de la confection ou esthétique du produit (décoration de l'essuie-tout, poignée des sacs).

D'autres différences sont tout aussi notables dans 6 autres produits, que le prévenu ne conteste pas (12 oeufs au lieu de 10, origine attestée d'une charcuterie).

De la sorte, alors que la présentation des produits, sur une estrade non accessible, avec les seules mentions comme à l'accoutumée abrégées du ticket de caisse, ne permettait pas au consommateur de vérifier ces qualités, quantités ou composants sur les produits exposés de la gamme des sociétés parties civiles, la publicité comparative ainsi effectuée ne peut être considérée comme loyale et régulière, en tout cas comme permettant de comparer objectivement les marchandises exposées.

La décision déférée sera donc confirmée sur la déclaration de culpabilité.

Quant aux sanctions, une peine d'amende de 5 000 euro apparaît davantage proportionnée aux revenus du prévenu.

La publication à deux reprises dans deux journaux du dispositif de la présente décision est également justifiée tenant la nature même de l'infraction commise, et le dommage qu'elle cause aux consommateurs et au public en général.

Publication ordonnée en application de l'article 121-4 du Code de la consommation, deux fois par quotidien, et à une semaine d'intervalle.

Sur l'action civile

Les constitutions de parties civiles de la société Leader Price, nommément désignée et affichée sur la publicité en cause, et de la société Pyrsan qui exploite une grande surface à cette enseigne, concurremment avec le prévenu, sont recevables et régulières en la forme.

Le procédé déloyal et irrégulier utilisé par le prévenu, mettant directement en cause les pratiques et argumentaires commerciaux des parties civiles, ne peut que leur avoir occasionné un préjudice certain.

Celui-ci a été justement apprécié par le premier juge à la somme de 1 500 euro chacune.

Il est équitable de leur allouer en outre, pour l'ensemble de l'instance, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, une somme de 1 000 euro.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi; Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort Reçoit les appels comme réguliers en la forme. Au fond, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Davy X en sa qualité de responsable de la SA Y, exploitant un supermarché à l'enseigne Z à <localité> (65) coupable du délit de publicité comparative irrégulière. Emendant sur les peines, Le condamne à une amende de 5 000 euro. Constate que le Président n'a pu aviser le prévenu des dispositions de l'article 707-3 du Code de procédure pénale que s'il s'acquitte du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro et que le paiement de l'amende ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours. Ordonne aux frais du condamné la publication par extraits de la présente décision dans les journaux suivants : - La Dépêche du Midi édition des Hautes-Pyrénées - La Nouvelle République des Pyrénées et ce à deux reprises, à une semaine d'intervalle. Sur l'action civile : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions. Porte à 1 000 euro à chacune la somme allouée à la société Leader Price et la société Pyrsan, parties civiles, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable le condamné; Le tout par application du titre XI de la loi du 4 janvier 1993, les articles 131-35 du Code pénal, L. 121-8 et suivants, L. 213-1 du Code de la consommation, L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle, 475-1 du Code de procédure pénale.