Cass. soc., 28 novembre 2006, n° 05-41.183
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Société générale d'édition et de diffusion (SNC), Lory (ès qual.), Paultre de Lamotte (ès qual.)
Défendeur :
Chrétien
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Texier (faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Texier (faisant fonctions)
Avocat général :
M. Legoux
Avocats :
SCP Gatineau, Me Foussard
LA COUR : - Attendu que Mme Chrétien a été engagée par la Société générale d'édition et de diffusion (SGED) à compter du 9 mai 1995, en qualité de "déléguée VRP" soumise à la convention collective nationale des VRP et rémunérée sous forme de commissions; qu'à compter de 1997, elle a exercé son activité dans la boutique "France Loisirs" à Angers; qu'elle a été licenciée pour motif économique par lettre du 22 mai 2002 et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes;
Sur le premier moyen : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Angers, 4 janvier 2005) d'avoir dit que Mme Chrétien était recevable à contester son statut de VRP et de l'avoir, en conséquence, condamné à verser à la salariée une somme à titre de salaire, alors, selon le moyen, que les parties ne sont pas recevables à invoquer en cause d'appel des moyens nouveaux auxquels elles ont renoncé devant le juge de première instance ; qu'en retenant que Mme Chrétien pouvait contester en cause d'appel l'application du statut de VRP, après l'avoir cependant admis en première instance, la cour d'appel a violé l'article 563 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que si Mme Chrétien a admis, en première instance, relever du statut de VRP, il ne ressort pas des éléments du dossier qu elle ait expressément renoncé devant les premiers juges à le contester ultérieurement; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le second moyen : - Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à Mme Chrétien une somme à titre de rappel de salaires, alors, selon le moyen : 1°) que la qualité de VRP résulte suffisamment de l'exercice, sur un secteur déterminé, d'une activité de prospection aux fins de prendre des commandes; que le secteur de prospection peut s'entendre aussi bien d'une aide géographique que d'une catégorie de clients, voire d'un client unique, peu important dans ce dernier cas que l'activité de prospection ne soit pas itinérante ; qu'en l'espèce, la société SGED faisait valoir que Mme Chrétien exerçait son activité de prospection dans une boutique de la société France Loisirs à Angers, en exécution d'un accord conclu entre les deux sociétés autorisant les représentants statutaires de la première à prospecter les clients de la seconde dans ses propres locaux ; qu'elle soulignait, sans être contredite sur ce point, que la salariée avait pouvoir pour prendre des commandes et que sa rémunération était constituée de commissions sur les ventes réalisées par son intermédiaire; qu'en retenant que l'affectation de la salariée à un magasin de la société France Loisirs ne pouvait, faute d'activité itinérante, caractériser une activité de prospection mais seulement celle de vendeuse, sans à aucun moment constater que la salariée ne prenait pas d'ordre de la clientèle prospectée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 751-1 du Code du travail ; 2°) que l'activité de prospection, caractéristique du statut de VRP, peut indifféremment s'exercer dans une totale autonomie ou dans un lien de subordination; que l'assujettissement du représentant à un horaire déterminé ne saurait donc suffire à écarter la qualification de VRP; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 751-1 du Code du travail ; 3°) qu'en tout état de cause, les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents qui leur sont soumis; qu'en l'espèce, dans leurs attestations visées par la cour d'appel, M. Lamargot et Mmes Martinet, Dubuisson et Beltran-Torres se sont bornés à constater la présence régulière de la salariée aux horaires d'ouverture du magasin, soit de 9 heures 30 à 18 heures 30; qu'aucune de ces attestations ne faisait apparaître que la salariée aurait été astreinte à respecter cet horaire, ou qu'elle aurait été sanctionnée pour ne s'y être pas conformée ; qu'en retenant néanmoins, au vu de ces attestations, que la salariée avait "des horaires fixes qu'elle était tenue de respecter", la cour d'appel a dénaturé la portée de ces attestations et violé l'article 1134 du Code civil ; 4°) que si, dans son courrier du 31 janvier 2002, la société SGED reprochait à Mme Chrétien d'avoir été absente de son poste le jeudi 31 janvier 2002 à 11 heures 15, elle ne le faisait qu'après avoir rappelé à la salariée que son contrat prévoyait une " activité à temps plein en réalisant vingt-cinq argumentations par semaine"; qu'elle l'invitait ensuite, pour lui permettre de "vérifier le travail" accompli, à "indiquer pour chaque personne argumentée le nom, le prénom et le numéro de téléphone"; que la société SGED s'enquérait donc de l'assiduité de la salariée à seule fin de s'assurer que celle-ci réalisait le volume d'objectifs requis; qu'en retenant néanmoins, au vu de ce courrier, que la société SGED n'aurait jamais évoqué que des questions d'horaires sans aborder la question des objectifs, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 31 janvier 2002 et violé l'article 1134 du Code civil; 5°) que l'application du statut de VRP résulte exclusivement des conditions de fait d'exercice de la profession, indépendamment des termes retenus par les parties pour caractériser la relation de travail ; qu'en écartant néanmoins cette qualification en raison de l'emploi par l'employeur, des termes "déléguée commerciale" plutôt que "VRP" et "agence" un lieu de "secteur", la cour d'appel a violé l'article L. 751-1 du Code du travail; 6°) qu'en tout état de cause, le juge ne peut arbitrer forfaitairement le montant d'un rappel de salaires; qu'en retenant néanmoins que la demande de rappel de salaires formée par la salariée ne pouvait être "arbitrée qu'à la somme forfaitaire de 28 000 euro", la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que Mme Chrétien n'avait aucune obligation de prospection de clientèle et ne disposait d'aucun secteur géographique de prospection, qu'elle exerçait des fonctions de vendeuse ou de délégué commercial, et dans un magasin de la société France Loisirs ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu décider, sans dénaturation et sans encourir les autres griefs du moyen, que la salariée ne pouvait prétendre au statut de VRP; que le moyen n'est pas fondé;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.