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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 12 décembre 2006, n° ECEC0812850X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

Défendeur :

Broissiat, Centre des Monuments Nationaux, Euro Vending Medal (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pezard

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Mouillard

Avoués :

SCP Bommart-Forster, SCP Gerigny-Freneaux, Me Huyghe, SCP Gaultier Kistner

Avocats :

Mes Jeanneney, Teissonière, Bazin, Zambrowski

CA Paris n° ECEC0812850X

12 décembre 2006

En 1994, le patrimoine culturel national comptait environ 40 000 monuments historiques et 4 000 musées, parmi lesquels un millier de sites étaient visités par plus de 20 000 visiteurs par an. De plus en plus souvent, la visite des sites touristiques est complétée par des espaces d'exposition, des activités ludiques ou festives, ainsi que des restaurants, des cafés et des boutiques. En 1994, le ratio de dépenses sur un site touristique pouvait atteindre 15 F par visiteur, en particulier lorsque le taux de satisfaction de ce dernier était élevé. Selon une étude de 1997, le chiffre d'affaires du marché spécifique des souvenirs était estimé à 3,2 milliards de francs.

Les médailles, ou jetons, souvenirs font partie des produits vendus à cette occasion. Ce sont des objets "monétiformes", qui ont la particularité de présenter, sur l'une de leurs faces, l'effigie du lieu ou du site touristique visité, qui sont vendus pour un prix relativement modique (2 euro environ) et qui peuvent être conservés ou collectionnés, au même titre que d'autres produits souvenirs comme les cartes postales ou les objets décorés. Vendues traditionnellement "à la corbeille", c'est-à-dire au comptoir de l'espace de vente du site, elles ont fait l'objet, au cours des années 1990, d'un nouveau mode de commercialisation, par distributeur automatique, qui a donné lieu à la présente affaire.

Sur ce secteur d'activité, intervient notamment la Monnaie de Paris, dénomination couramment utilisée de la Direction des monnaies et médailles, direction d'administration centrale relevant du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et qui, dotée d'un budget annexe, gère un service public à caractère industriel et commercial. Elle exerce deux types d'activités. Au titre d'activités régaliennes exercées en monopole, elle est chargée de la frappe des pièces de monnaie courantes et d'une mission de contrôle et de lutte contre la contrefaçon, elle assure en outre la gestion du musée de la monnaie et entretient l'Hôtel de la Monnaie de Paris. Au titre d'activités commerciales exercées sur des marchés concurrentiels, en particulier à l'exportation, elle fabrique et vend des monnaies métalliques courantes étrangères, des monnaies de collection, des fontes d'art et des bijoux, plus particulièrement des médailles souvenirs à caractère touristique, étant précisé qu'elle n'en est que le fabricant et non l'éditeur. Elle vend ces médailles à des distributeurs qui ont noué des relations commerciales avec les gestionnaires des sites touristiques, lesquels les revendent aux clients finals. La marque "Monnaie de Paris" a été déposée par l'Etat, le 12 juin 1992, pour les monnaies, décorations, monnaies de collection et bijoux, les fontes d'art, plaques de cheminée et galvanoplasties ainsi que les catalogues et publications.

Parmi les exploitants de distributeurs automatiques de médailles souvenirs, figure la SARL Euro Vending Medal (ci-après la société EVM), créée le 4 janvier 1996, qui a été la première, en France, à commercialiser des médailles souvenirs par le biais de distributeurs directement implantés sur les sites touristiques. Cette société a déposé le 10 juillet 1998 la marque "Euro Vending Medal" et le 11 février 2000 le dessin et modèle "distributeur automatique de médailles souvenir". Son activité repose principalement sur un partenariat avec chacun des sites touristiques ou culturels qu'elle démarche, et auquel elle propose de devenir son fournisseur officiel de médailles souvenirs à son effigie. C'est dans le cadre de cette activité qu'elle a conclu avec la Monnaie de Paris, le 26 avril 1996, un contrat non exclusif de "licence de marque et de fourniture de jetons souvenirs".

La SARL LB et associés, créée en 1995, comptait deux salariés et avait notamment pour objet de fabriquer et distribuer tous objets promotionnels commémoratifs ou de souvenirs par l'utilisation de distributeurs automatiques. Elle s'est lancée fin 1996, sous la dénomination de "International Sites Market", dans une activité consistant à mettre à la disposition de gestionnaires de sites touristiques des distributeurs automatiques de médailles. Elle a procédé à d'importants investissements pour lancer son activité mais a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 1er septembre 1998. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actifs le 22 octobre 2001.

La SA Médailles souvenirs, créée le 10 novembre 1998, qui a compté 7 puis 5 salariés, avait conçu deux distributeurs automatiques, l'un gravant des médailles personnalisées, l'autre commercialisant des médailles non personnalisables. Les premiers ont été implantés sur 17 sites, les autres sur 9 sites. Elle a enregistré de lourdes pertes à partir de 1999 et, lorsqu'elle a été mise en liquidation judiciaire, le 7 novembre 2001, par le Tribunal de commerce de Morlaix, son passif atteignait 3 000 000 F.

Intermédiaires incontournables entre les fabricants ou éditeurs de médailles, les sociétés qui exploitent des distributeurs de médailles souvenirs et les visiteurs des sites, le Centre des monuments nationaux (ci-après le CMN) et la Réunion des musées nationaux (ci-après la RMN) aèrent les principaux sites touristiques en France ainsi que leurs espaces commerciaux. Ce sont des établissements publics existant depuis plus d'un siècle, placés sous la tutelle du ministre de la Culture, et qui comprennent tous deux une centrale d'achats.

Le 15 avril 1998, la société LB et associés a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques imputées à la Monnaie de Paris, à qui elle reprochait, malgré un accord de principe du 2 février 1998, d'avoir refusé de lui fournir des médailles en se retranchant derrière les contrats déjà conclus avec la société EVM.

Le 22 décembre 2005, le Conseil de la concurrence a rendu la décision n° 05-D-75 comportant le dispositif suivant :

Article 1er : il est établi que la Monnaie de Paris (direction des Monnaies et médailles du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie) a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Article 2 : il est infligé à la Monnaie de Paris (direction des Monnaies et médailles du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie) une sanction pécuniaire de 100 000 euro.

Article 3 : il est enjoint à la Monnaie de Paris, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la présente décision, et pendant une durée de 3 mois minimum, de faire paraître l'encadré suivant sous la rubrique "Actualité" de la page d'accueil du site Internet Monnaie de Paris:

Par une décision du n° 05-D-75 en date du 22 décembre 2005 le Conseil de la concurrence a établi que la Monnaie de Paris avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et abusé, en 1998 et en 2000/2001, de sa position dominante sur le marché de la fabrication de médailles souvenirs en refusant l'approvisionnement en médailles des sociétés LB et Associés et Médailles Souvenirs.

La Monnaie de Paris, direction d'administration centrale rattachée au ministère de l'Economie et des Finances, a en effet privilégié son partenariat avec la société EVM au détriment des concurrents de cette société sur le marché de le vente de médailles souvenirs sur les sites touristiques. A cette fin, elle a exploité la notoriété de sa marque et autorisé, notamment, l'usage de la mention "Collection nationale, Monnaie de Paris, Médaille officielle" sur les médailles-souvenirs commercialisées dans les distributeurs EVM, conférant ainsi à des produits issus d'une activité purement commerciale un caractère officiel indu.

Cette pratique a eu pour objet et pour effet de faire obstacle à la libre concurrence en restreignant l'entrée sur le marché de la vente de médailles souvenirs sur les sites touristiques. Le Conseil a décidé dans cette affaire d'imposer une sanction pécuniaire de 100 000 euro à la Monnaie de Paris et d'ordonner la diffusion de l'information relative à cette décision.

Le texte intégral de la décision du Conseil de la concurrence est disponible sur son site internet à l'adresse suivante : http://www.conseil-concurrence.fr

Article 4 : il est enjoint à la Monnaie de Paris d'expédier sous pli recommandé, suivant les mêmes délais et à ses frais, une copie de cet encadré par courrier dans une lettre en format A4 et en caractères Times New Roman de dimension 12, noir sur fond blanc, à l'Amicale des collectionneurs de jetons touristiques (ACIT), ainsi qu'aux responsables des espaces commerciaux des sites touristiques gérés par la Réunion des Musées Nationaux et par le Centre des Monuments Nationaux.

La parution de l'encadré sur le site internet de la Monnaie de Paris et les renvois par courriers seront précédés de la mention : "Décision n° 05-D-75 du 22 décembre 2005 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par la Monnaie de Paris".

LA COUR:

Vu le recours formé par le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, direction des Monnaies et Médailles, dénommée la "Monnaie de Paris" (ci-après la Monnaie de Paris), le 30 janvier 2006, tendant à l'annulation ou, le cas échéant, à la réformation de la décision du Conseil de la concurrence;

Vu le mémoire déposé le 22 mars 2006 par la Monnaie de Paris à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 18 septembre 2006, par lequel la requérante demande à la cour d'annuler ou, le cas échéant, de réformer la décision du Conseil de la concurrence, et en cas d'annulation de la décision attaquée, à titre subsidiaire d'accepter en vertu de l'article L. 464-8 du Code de commerce les engagements proposés par elle, enfin de rejeter la demande de la société LB et associés au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu le mémoire déposé le 16 mai 2006 par le CMN qui demande sa mise hors de cause;

Vu le mémoire en réplique déposé le 16 mai 2006 par la société LB et associés, agissant par son mandataire ad hoc, M. Ludovic Broissiat, désigné à cette fonction par ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris du 26 juillet 2005, et son mémoire en duplique du 26 septembre 2006 par lequel cette société demande à la cour:

- in limine litis, de constater que la Monnaie de Paris soulève dans son mémoire du 18 septembre 2006 des moyens nouveaux d'insuffisance de motivation et de contradiction des motifs à l'encontre de la décision du Conseil de la concurrence querellée, que le recours de la Monnaie de Paris est dirigé contre la société EVM, le CNM et la Réunion des Musées Nationaux, personnes morales qui n'étaient pas parties devant le Conseil de la concurrence, que la Monnaie de Paris n'a pas qualité pour alléguer une violation des droits de la défense de la société EVM, en conséquence, de juger que les moyens d'insuffisance de motivation et de contradiction de motifs présentés par la Monnaie de Paris plus de deux mois après sa déclaration de recours du 30 janvier 2006 sont irrecevables, que le recours de la Monnaie de Paris est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre la société EVM, le CNM et la Réunion des Musées Nationaux, que la Monnaie de Paris est irrecevable à invoquer une prétendue violation des droits de la défense de la société EVM;

- au fond, de constater que le principe du contradictoire a été respecté par le Conseil de la concurrence, que les droits de la défense ont été respectés par le Conseil de la concurrence, que l'abus de position dominante de la Monnaie de Paris du fait du refus de vente opposé aux sociétés LB et associés et Médailles souvenirs est caractérisé, en conséquence, de confirmer en toutes ses dépositions la décision prise;

- à titre reconventionnel, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, de condamner la Monnaie de Paris à lui payer la somme de 12 000 euro et la société EVM à lui payer celle de 6 000 euro, enfin de condamner solidairement la Monnaie de Paris et la société EVM aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré directement par son avoué dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les conclusions déposées le 18 septembre 2006, par lesquelles la société EVM intervient volontairement à l'instance et demande à la cour de la déclarer recevable en son intervention, de constater que la mention "Collection nationale" apposée sur les médailles souvenirs éditées par elle vise uniquement à renforcer leur attrait pour les collectionneurs, que la mention "Médaille officielle" fait uniquement référence au site considéré, en conséquence de réformer la décision du Conseil de la concurrence et dire que le Monnaie de Paris n'a pas conféré un caractère officiel indu aux médailles souvenirs et qu'elle-même pourra continuer l'apposition des mentions "Collection National, Médaille Officielle" sur les médailles souvenirs qu'elle commercialise, enfin de condamner la société LB à lui payer la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 22 juin 2006 tendant au rejet du recours;

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, en date du 23 juin 2006, tendant au rejet du recours et à la mise hors de cause du CMN;

Ouï à l'audience publique du 10 octobre 2006, en leurs observations orales, les conseils des parties, ainsi que le représentant du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer et la société requérante ayant eu la parole en dernier;

Sur ce,

Considérant qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de radiation présentée par la société LB et associés, à laquelle celle-ci a renoncé dès lors que la Monnaie de Paris avait justifié, en cours de procédure, avoir exécuté la décision déférée;

- Sur la demande de mise hors de cause du CMN

Considérant que, bien que la déclaration de recours vise cet organisme et que le recours lui ait été dénoncé conformément aux dispositions de l'article 4 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, c'est spontanément que le CMN est intervenu à la présente procédure, le juge délégué par le premier président de cette cour n'ayant pas fait usage du pouvoir de mise en cause qu'il tient de l'article 7 du même décret ; que son intervention n'étant pas contestée et aucune demande n'ayant été formée contre lui, aucune considération ne fait obstacle à sa demande de mise hors de cause, qui ne préjudicie pas aux parties;

- Sur le recours de la Monnaie de Paris

Considérant qu'il convient de rappeler, à titre liminaire, qu'aux termes de l'article 2, alinéa 2, 3°, du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987, lorsque la déclaration ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification du Conseil de la concurrence; qu'il suit de là que sont irrecevables les moyens déposés au-delà de ce délai et que tel est le cas des moyens soutenus par la Monnaie de Paris, pour la première fois, dans son mémoire du 18 septembre 2006, la notification de la décision lui ayant été adressée le 28 décembre 2005;

Sur la procédure

Considérant que la Monnaie de Paris fait valoir que le Conseil de la concurrence a méconnu le principe de la contradiction en la sanctionnant pour un grief qui ne lui avait pas été notifié ; qu'elle prétend que le rapprochement des points 83 et 89, et de l'article 3 de la décision démontre qu'elle a été sanctionnée également pour "avoir exploité la notoriété de sa marque et autorisé, notamment, l'usage de la mention "Collection nationale, Monnaie de Paris, Médaille officielle" sur les médailles souvenirs commercialisées dans les distributeurs EVM, conférant ainsi à des produits issus d'une activité purement commerciale un caractère officiel indu, cette pratique ayant eu pour objet et pour effet de faire obstacle à la libre concurrence en restreignant l'entrée sur le marché de la vente de médailles souvenirs sur les sites touristiques";

Mais considérant que ce moyen procède d'une dénaturation de la décision, obtenue par le rapprochement orienté de motifs extraits de leur contexte; qu'en réalité, le Conseil de la concurrence, qui a sanctionné la Monnaie de Paris parce qu'elle a refusé d'approvisionner en médailles les sociétés LB et Associés et Médailles Souvenirs, consentant ainsi à la société EVM une exclusivité indue sur le marché de la commercialisation des médailles souvenirs sur les sites touristiques, s'est borné à souligner l'effet d'éviction majoré de cette pratique tenant au fait que la Monnaie de Paris apposait sur les médailles commercialisées par la société EVM la mention "Collection nationale, Monnaie de Paris, Médaille officielle", qui leur conférait un caractère officiel particulièrement apprécié de la clientèle ; qu'au demeurant, cet aspect de la pratique était précisément décrit aux pages 31 et 32 dans la notification des griefs, sur laquelle la Monnaie de Paris avait été mise en mesure de s'expliquer ; qu'il ne peut donc être retenu que la Monnaie de Paris ait été sanctionnée pour un grief supplémentaire, même si la décision souligne aussi, inutilement, qu'elle a, ce faisant, entretenu la confusion entre ses missions régaliennes et ses activités commerciales;

Considérant, ensuite, que c'est en vain que la Monnaie de Paris invoque une violation des droits de la défense de la société EVM, d'une part, parce que seule cette dernière aurait qualité pour s'en prévaloir, d'autre part, parce que cette société, n'ayant pas été poursuivie dans la procédure, n'avait pas de défense à exercer;

Sur le fond

Considérant que la Monnaie de Paris soutient qu'elle ne détenait pas de position dominante sur le marché de la fabrication des médailles souvenirs ; qu'elle fait valoir à cet égard que de nombreux autres fabricants, notamment les autres instituts monétaires européens, étaient en mesure de fabriquer des produits substituables aux médailles fabriquées par elle et qu'en retenant que les éléments du dossier ne permettaient pas de retenir que tel était le cas, le Conseil a fait indûment peser sur elle la charge de la preuve qu'elle n'était pas en position dominante alors que c'était à la partie saisissante qu'il incombait de rapporter la preuve du contraire;

Mais considérant que c'est par une juste appréciation - que la cour fait sienne (points 72 à 76) - des éléments concrets figurant au dossier que le Conseil a retenu, après avoir analysé les caractéristiques respectives de chacune des entreprises vers qui la société LB et associés aurait pu se tourner, ou s'était effectivement tournée, qu'aucune d'entre elles n'était véritablement capable, au cours de la période sous examen, de proposer une offre comparable à celle de la Monnaie de Paris, pour en déduire que la Monnaie de Paris était la seule, entre 1998 à 2001, à être en mesure de fabriquer les médailles souvenirs constituant le marché pertinent ; qu'en retenant que la Monnaie de Paris n'avait apporté aucun élément contredisant ces appréciations motivées, ce que le caractère contradictoire de la procédure avait précisément pour objet de lui permettre de faire, le Conseil n'a pas inversé le fardeau de la preuve mais s'est borné à exposer les conclusions auxquelles il parvenait à l'issue de débats conduits contradictoirement ; qu'enfin, la délimitation géographique du marché retenu, ainsi que l'avantage concurrentiel, essentiel, résultant pour la Monnaie de Paris du caractère officiel de la monnaie qu'elle frappait excluait que sa position sur ce marché puisse être contestée par les autres instituts monétaires européens;

Sur les injonctions

Considérant que la Monnaie de Paris soutient que l'injonction de faire paraître pendant trois mois le communiqué figurant au dispositif de la décision et celle d'expédier sous pli recommandé une copie de ce communiqué à l'Amicale des collectionneurs de jetons touristiques (l'ACJT), ainsi qu'aux responsables des espaces commerciaux de sites touristiques gérés par la RMN et par le CMN sont dépourvues de lien avec les pratiques retenues, que le résumé de la décision qu'il lui est imposé de publier est, pour partie, sans rapport avec le grief retenu, en ce qu'il fait état d'une pratique tendant à créer une confusion entre ses activités régaliennes et ses activités concurrentielles, et que les destinataires de l'envoi de ce résumé n'entretiennent aucune relation commerciale ou contractuelle avec elle ; qu'elle en déduit que ces injonctions, qui auront pour effet de détériorer son image d'une manière excessive, ne sont pas proportionnées à la pratique reprochée;

Considérant que le Conseil a retenu à juste titre que la pratique consistant, pour une entreprise détenant un monopole légal, à s'appuyer sur la renommée et le savoir-faire qu'elle détient du fait de ce monopole pour faire obstacle à l'entrée d'entreprises sur un marché connexe revêt un caractère de gravité certain; que cette appréciation justifie la diffusion sur le site Internet de la Monnaie de Paris d'un résumé de la décision soulignant cette particularité de la pratique ; que toutefois c'est à juste titre que la Monnaie de Paris souligne que la référence au caractère officiel indu de la mention figurant sur ces monnaies est dénuée de relation avec la caractérisation de la pratique anticoncurrentielle sanctionnée; qu'il suit de là qu'aurait dû être retranchée de cette publication la seconde phrase du deuxième paragraphe du communiqué;

Considérant, en outre, qu'il est constant que la Monnaie de Paris n'entretient de relations commerciales ni avec l'ACJT, ni avec les responsables des sites touristiques gérés par la RMN et le CMN, à qui il lui a été enjoint d'adresser, par lettre recommandée, un résumé de la décision ; que la première mesure de diffusion étant partiellement maintenue, la seconde, en ce qu'elle est destinée à des personnes qui ne sont pas concernées directement par les pratiques dont s'agit, apparaît dès lors injustifiée, et sera supprimée;

Considérant enfin que, compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formée à titre subsidiaire par la Monnaie de Paris en cas d'annulation;

- Sur l'intervention volontaire de la société EVM

Considérant que si cette intervention est recevable en ce qu'elle se rattache aux demandes de la Monnaie de Paris par un lien suffisant et que la société EVM a le droit d'agir relativement à la prétention qu'elle élève, elle n'apparaît pas fondée en revanche dès lors qu'il ne résulte pas du dispositif de la décision déférée qu'il soit fait interdiction à la Monnaie de Paris d'apposer sur les médailles souvenirs qu'elle commercialise la mention "Collection nationale, Médaille officielle" ; que sa demande de réformation de cette décision, tendant à ce que la cour dise qu'elle pourra continuer à apposer cette mention sur les médailles qu'elle commercialise, est donc sans objet et doit être rejetée;

Et considérant que la société LB et associés a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge; qu'il convient de condamner la Monnaie de Paris à lui payer une somme de 4 000 euro à ce titre;

Qu'enfin, la représentation des parties n'étant pas obligatoire en cette matière, les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile sont inapplicables à la présente instance;

Par ces motifs, Ordonne la mise hors de cause du Centre des monuments nationaux; Sur le recours du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (Direction des Monnaies et Médailles) ; Infirme la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-75 du 22 décembre 2005, mais seulement en ses articles 3 et 4, et, statuant à nouveau de ces chefs, Ordonne le retranchement du texte du communiqué visé à l'article 3 de la seconde phrase du deuxième paragraphe commençant par "A cette fin" et finissant par "caractère officiel indu"; Dit n'y avoir lieu à l'injonction prévue à l'article 4; Rejette le recours pour le surplus; Déclare recevable mais non fondée l'intervention volontaire principale de la société EVM, la déboute en conséquence de ses demandes; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (Direction des Monnaies et Médailles) à payer à la société LB et associés la somme de 4 000 euro et rejette la demande de la société EVM.