CA Paris, 1re ch. H, 12 décembre 2006, n° ECEC0812848X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Toffolutti (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pezard
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Mouillard
Avoué :
Me Teytaud
Avocat :
Me Gauclère
Par lettre enregistrée le 28 septembre 1998 sous le numéro F 1081, la société Toffolutti, ci-après Toffolutti, a saisi le Conseil de la concurrence, ci-après le Conseil, de pratiques de prix prédateurs mises eu œuvre au cours de l'année 1998 par ses concurrents à l'occasion d'appels d'offres relatifs à la fourniture et à la mise en œuvre d'enduits bitumineux dans le département du Calvados.
La présidente du Conseil a fait parvenir au Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes une demande d'enquête établie par le rapporteur, qui n'a toutefois pas donné lieu à la transmission d'un rapport d'enquête. A la suite d'une décision n° 01-D-43 du Conseil du 11 juillet 2001, la présidente du Conseil a également demandé par courrier du 13 juillet 2001 adressé au Procureur de la République du Tribunal de grande instance de Rouen et au juge d'instruction près le même tribunal la communication des éléments recueillis par ce magistrat dans le cadre d'une procédure d'instruction visant des faits ayant un lien direct avec la saisine.
C'est dans ces conditions que, par "soit transmis" daté du 7 juillet 2002, ce juge d'instruction a adressé les pièces de son dossier au rapporteur.
Par décision n° 05-D-71 du 19 décembre 2005, le Conseil, qui a constaté que le dernier acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction des pratique dénoncées dans la saisine était constitué par ce "soit transmis", a décidé qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la procédure en raison de la prescription du dossier depuis le 7 juillet 2005, en application des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 4 novembre 2004.
LA COUR,
Vu le recours formé par la société Toffolutti le 13 février 2006;
Vu le mémoire déposé le 13 mars 2006 par cette société à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réponse déposé le 26 septembre 2006, par lequel elle demande à la cour:
- de constater la non-acquisition de la prescription au 7 juillet 2005 pour les faits dénoncés au Conseil de la concurrence,
- d'annuler et/ou de réformer la décision déférée;
Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie, déposées le 20 juin 2006, tendant à faire droit au recours;
Vu les observations du Conseil de la concurrence, déposées le 22 juin 2002;
Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience, concluant à l'annulation de la décision déférée et demandant à la cour de renvoyer l'affaire devant le Conseil aux fins de poursuite de la procédure;
Ouï à l'audience publique du 10 octobre 2006 en leurs observations orales le représentant du ministre chargé de l'Economie, le Ministère public et le conseil de la société Toffolutti;
Sur ce,
Considérant que l'article L. 462-7 du Code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2004-117 du 4 novembre 2004, dispose:
"Le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de cinq ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction";
Considérant que, lorsque la prescription n'est pas acquise, les lois relatives à la prescription sont applicables immédiatement aux pratiques commises avant leur entrée en vigueur;
Considérant qu'en l'espèce, il est constant que le dernier acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction des pratiques dénoncées par Toffolutti, qui, en l'état, n'ont pas donné lieu à une notification de griefs, est constitué par le "soit transmis" du juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Rouen daté du 7 juillet 2002 et que la prescription triennale qui résultait des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2004- 117 du 4 novembre 2004 n'était pas acquise le 6 novembre 2004, date d'entrée en vigueur de ce texte;
Considérant que la requérante est dès lors fondée à soutenir que les faits dénoncés au Conseil, désormais soumis à une prescription de cinq ans à compter du 7 juillet 2002, n'étaient par voie de conséquence pas prescrits à la date du 7 juillet 2005;
Considérant que la cour annulera la décision déférée et, s'agissant d'une décision disant n'y avoir lieu de poursuivre la procédure sans notification préalable de griefs, renverra l'affaire au Conseil aux fins de poursuite de la procédure;
Par ces motifs, Annule la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-71 du 19 décembre 2005, Dit que les faits constituant l'objet de la saisine numéro F 1081 de la société Toffolutti ne sont pas prescrits, Renvoie l'affaire au Conseil de la concurrence aux fins de poursuite de la procédure, Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.