Cass. com., 28 novembre 2006, n° 04-20.555
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Infinitif (SA)
Défendeur :
Rayure (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
M. Main
Avocats :
SCP Defrenois, Levis, SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 novembre 2004), que la société Rayure a poursuivi la société Infinitif pour atteinte au droit d'auteur dont elle est titulaire sur divers modèles de chemisiers et pour concurrence déloyale ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Infinitif fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée pour contrefaçon, alors, selon le moyen, que la preuve de l'originalité des modèles pèse sur l'auteur de l'action en contrefaçon ; qu'en déduisant l'originalité des modèles de la société Rayure de la seule absence de preuve par la société Infinitif de leur appartenance au domaine public, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a pas inversé la charge de la preuve en constatant exactement qu'il revenait au défendeur à l'action en contrefaçon d'établir le défaut de nouveauté des modèles dont la protection était demandée, avant de retenir souverainement, sans se fonder sur l'absence de cette preuve, que les caractéristiques de ces modèles, dans les combinaisons qui en sont faites, procèdent d'un parti pris esthétique traduisant une démarche créative portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Infinitif fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) que les actions en contrefaçon et en concurrence déloyale ayant des fondements distincts, le juge ne peut, pour accueillir une action en concurrence déloyale, prendre en compte des faits de contrefaçon ; qu'en énonçant que la reproduction par la société Infinitif de modèles appartenant à la société Rayure constituait un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) que dans ses dernières écritures signifiées le 11 octobre 2004, elle avait fait valoir que le seul fait d'avoir apposé, dans une seule de ses six boutiques, un ancien panonceau publicitaire de la société Hedyna, où le nom de Rayure avait été effacé au feutre noir, placé derrière la caisse enregistreuse dans le seul but de cacher l'écran plutôt disgracieux de l'ordinateur, n'était pas susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) que dans les mêmes écritures, elle avait fait valoir que l'aménagement des points de vente de la société Rayure et notamment les présentoirs originaux en verre et en inox avaient été réalisés par l'architecte et l'entrepreneur de la société Infinitif, en s'inspirant du décor utilisé par la société Infinitif pour ses points de vente, et ce, à la demande de la société Infinitif elle-même, pour en déduire que cette dernière n'avait ni copié ni parasité la société Rayure dans un but de créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°) que, dans les mêmes conclusions, elle avait précisé que les bustes présentoirs utilisés par la société Infinitif sont des produits issus de la gamme standard de la société Spiegel et Stockman et avait, à l'appui de sa démonstration, communiqué une attestation du directeur de cette société ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen et d'examiner l'attestation précitée, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas pris en considération, à l'appui de la condamnation pour concurrence déloyale, la reproduction de modèles, constitutive de contrefaçon, mais retenu par motifs propres et adoptés, l'existence d'un risque de confusion résultant de la présentation des gammes de chemisiers selon des modalités identiques, de l'utilisation des mêmes bustes, de l'imitation de l'aménagement des magasins de la société Rayure, et du fait que la société Infinitif a exposé dans ses boutiques les panneaux publicitaires de la société Rayure en prenant le soin de dissimuler à l'aide d'un crayon feutre la dénomination de cette société ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel a souverainement apprécié la pertinence du fait justificatif opposé par la société Infinitif et n'avait pas, pour le surplus, à entrer dans le détail de son argumentation ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé en ses autres branches ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Infinitif fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une indemnité pour contrefaçon, et une autre pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale reprochés à la société Infinitif ont entraîné une seule et même conséquence pour la société Rayure, à savoir un détournement de clientèle ; qu'en allouant une indemnité au titre de la contrefaçon et une autre au titre de la concurrence déloyale, la cour d'appel a réparé deux fois le même préjudice, en violation de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que les préjudices résultant d'une contrefaçon, d'une part, et de faits distincts de concurrence déloyale, d'autre part, fussent-ils de même nature, ne constituent pas un même préjudice ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.