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Décisions

Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 04-46.721

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Comasud (Sté)

Défendeur :

Dittmar

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sargos

Rapporteur :

Mme Capitaine

Avocat général :

M. Allix

Avocats :

Me Odent, SCP Masse-Dessen, Thouvenin

Cons. prud'h. Montélimar, du 8 déc. 2003

8 décembre 2003

LA COUR : - Sur le moyen unique : Attendu que M. Dittmar, engagé le 2 juillet 1989 par la société Monier, aux droits de laquelle vient la société Comasud, employé en dernier lieu comme agent technico-commercial, a démissionné le 30 novembre 2002 ; que son contrat de travail contenait une clause de non-concurrence, lui interdisant d'exercer directement ou indirectement une activité susceptible de concurrencer la société, pendant deux ans, et dans le département ainsi que dans trois départements limitrophes et prévoyant la perception d'une indemnité spéciale à la fin de la durée de non concurrence, "égale à un dixième du salaire brut perçu au mois de janvier de la dernière année d'activité au sein de la société, durant le nombre de mois composant la période de non-concurrence" ; que contestant la validité de cette clause, il a saisi la juridiction prud'homale ; que la cour d'appel a fait droit à sa demande en décidant que la contrepartie financière prévue au contrat qui ne s'élevait qu'à l'équivalent de 2,4 mois de salaire pour une durée d'exécution de la clause de non-concurrence de 24 mois était dérisoire, eu égard aux importantes restrictions auxquelles était soumis le salarié, disproportionnées par rapport à l'indemnité mensuelle qui devait en être la contrepartie ;

Attendu que la société Comasud fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 juin 2004), d'avoir déclaré illicite la clause de non-concurrence et de l'avoir condamné à verser au salarié diverses sommes, alors, selon le moyen : 1°) qu'une clause de non-concurrence est licite si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, si elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière ; que tout en constatant que la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail de M. Dittmar prévoyait une contrepartie financière correspondant à une indemnité mensuelle égale à 1/10e du salaire brut de ce salarié, la cour d'appel, qui a cependant conclu à l'absence de contrepartie financière, prétexte pris de son caractère dérisoire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations au regard du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 120-2 du Code du travail ; 2°) que les contreparties financières à une clause de non-concurrence, déterminées dans des accords nationaux interprofessionnels, s'appliquent de plein droit ; que la convention collective du négoce de matériaux de construction a consacré le principe de libre négociation des contreparties financières entre les employeurs et leurs salariés ; qu'en refusant d'appliquer ces dispositions de la convention collective, prétexte pris qu'elles ne fixeraient que le principe de libre négociation mais non le montant des contreparties financières, la cour d'appel a méconnu le principe de libres négociation et fixation, en violation du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 120-2 du Code du travail ; 3°) qu'enfin, tout salarié doit établir l'existence d'un préjudice direct et certain causé par l'illicéité d'une clause de non-concurrence, pour défaut de contrepartie financière ; que tout en constatant que M. Dittmar avait retrouvé rapidement un travail, ce qui induisait l'absence d'entrave apportée par l'existence de la clause de non-concurrence, et par voie de conséquence l'absence de préjudice qu'aurait causé en toute hypothèse une clause illicite, la cour d'appel, qui a cependant accordé une indemnité à M. Dittmar, à raison d'une illicéité de la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail, n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations au regard du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 120-2 du Code du travail ;

Mais attendu qu'une contrepartie financière dérisoire à la clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail équivaut à une absence de contrepartie ;

Et attendu, d'abord, que la cour d'appel qui a constaté que la contrepartie financière prévue au contrat de travail était dérisoire, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, ensuite, que le respect par le salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier le montant ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.