CA Paris, 1re ch. D, 17 mars 2004, n° 2003-20672
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Solinas
Défendeur :
Fabrica Textil Riopele (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Foulon
Conseillers :
Mmes Dintilhac, Kermina
Avocats :
Mes Achache, Sentex-de-Noirmon
LA COUR est saisie du contredit formé par M. Solinas à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 novembre 2003 qui s'est déclaré incompétent au profit dit Tribunal judicial da comarca de Villa Nova de Familicao au Portugal et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
M. Solinas domicilié à Paris, a été agent commercial de la société Fabrica Textil Riopele dont le siège est sis à Pousada de Saramagos au Portugal et qui a un établissement à Paris 2e;
Suite à la notification de la cessation de son mandat par lettre du 28 juillet 2000 envoyée de Pousada de Saragamos, M. Solinas a saisi par assignation du 7 janvier 2003 le Tribunal de commerce de Paris en paiement d'une indemnité de rupture de 915 000 euro et d'une indemnité de 80 000 euro pour le caractère abusif de la rupture. Ce tribunal s'est déclaré incompétent sur l'exception soulevée par la société Fabrica Textil Riopele en raison de l'établissement de son siège social au Portugal;
Par contredit déposé le 1er décembre 2003, M. Solinas fait valoir que dans le cadre du règlement européen du 22 décembre 2000 applicable, le Tribunal de commerce de Paris est compétent en vertu de l'article 60 en raison du principal établissement indiqué dans l'extrait K bis de la société immatriculée à Paris;
Il invoque en outre l'article 5 du même règlement en raison de la prestation de service d'agent commercial faite à Paris et soutient subsidiairement que le tribunal aurait dû au moins retenir sa compétence sur la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive;
Il demande donc d'infirmer le jugement et de dire le Tribunal de commerce de Paris compétent, subsidiairement le dire compétent pour examiner sa demande de dommages-intérêts de 80 000 euro pour rupture abusive et de lui allouer la somme de 5 000 euro pour frais irrépétibles.
Par observations écrites du 17 février 2004 la société Riopele fait valoir que l'indemnité légale de fin de contrat d'agent commercial visée par l'article L. 134-12 du Code de commerce, qui est l'unique indemnité qui peut être réclamée, présente un caractère autonome par rapport à l'exécution du contrat d'agent commercial et constitue une obligation à paiement quérable à son siège social en application de l'article 5-1 du règlement communautaire du 22 décembre 2000 de rédaction similaire à l'ancien article 5 de la Convention de Bruxelles;
Elle soutient que l'usine de fabrication, l'administration et le siège social de la société sont sis au Portugal et que cette société a été le seul interlocuteur de l'agent commercial, l'établissement parisien n'étant qu'un bureau de liaison ;
Elle demande donc de confirmer le jugement, de dire que M. Solinas ne peut réclamer d'autre dommages-intérêts que l'indemnité de fin de contrat et de le condamner à payer la somme de 2 000 euro pour frais irrépétibles.
Sur ce LA COUR,
Sur l'application de l'article 60 du règlement européen du 22 décembre 2000,
Considérant que la SA Fabrica Textil Riopele, société européenne de droit portugais, est inscrite au registre du commerce de Famalicao et est sise à Pousada de Saramagos au Portugal;
Considérant que l'immatriculation au registre du commerce de Paris du 24 août 1995 de la SA Fabrica Textil Riopele précise qu'il s'agit d'un "bureau de liaison représentation commerciale exposition de collection de tissus" dont l'adresse du principal établissement est au 9 rue du sentier Paris 2e;
Considérant qu'il en résulte que la société sise à Paris n'est qu'une succursale ; Que l'indication du principal établissement de ce bureau secondaire énoncé dans l'extrait K bis du registre de commerce de Paris n'est pas susceptible d'établir que c'est l'établissement principal de la SA Riopele sise au Portugal;
Considérant que la SA Fabrica Textil Riopele immatriculée et administrée au Portugal est la société qui était en relation avec M. Solinas pour l'exécution de son mandat d'agent commercial et qui lui a signifié la fin de son contrat;
Considérant dans ces conditions que M. Solinas ne peut invoquer l'établissement de la société filiale à Paris comme lien de compétence;
Sur l'application de l'article 5 du même règlement,
Sur l'indemnité de fin de contrat d'agence :
Considérant que la demande d'indemnité de fin de contrat constitue l'exécution d'une obligation autonome par rapport au contrat qui doit s'exécuter au domicile du débiteur au Portugal ; Que le Tribunal de commerce de Paris est effectivement incompétent pour cette demande;
Sur la demande d'indemnité pour rupture abusive :
Considérant que la demande d'indemnité pour rupture abusive, dont il ne revient pas à la cour statuant sur la seule compétence d'apprécier le bien fondé représente me demande de sanction du contrat d'agent commercial qui était exécuté à Paris en France par M. Solinas qui y est domicilié; Que le Tribunal de commerce de Paris est compétent pour statuer sur ce chef de demande;
Considérant qu'il n'y a pas lieu à dédommagement pour frais irrépétibles.
Par ces motifs, Dit le contredit bien fondé sur la demande d'indemnité de 80 000 euro pour rupture abusive; Dit le Tribunal de commerce de Paris compétent pour examiner ce chef de demande et renvoie devant ledit tribunal sur ce point; Renvoie les parties à mieux de pourvoir pour la demande d'indemnité de fin de contrat; Rejette les demandes de frais irrépétibles; Laisse à chaque partie la charge de ses frais du contredit.