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Décisions

Cass. com., 28 novembre 2006, n° 05-20.181

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

OGF (SA)

Défendeur :

Lamotte et fils (Sté), Ministre de l' Economie, des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Maitrepierre

Avocat général :

M. Main

Avocats :

Mes Thaler, Ricard

Cass. com. n° 05-20.181

28 novembre 2006

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2005), que la société Pompes funèbres privées marbrerie Lamotte et fils, devenue la société Lamotte et fils, qui exerce, à Saint-Maur des Fossés, diverses activités de prestations funéraires, telles que l'organisation d'obsèques, a saisi, en octobre 2003, le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques émanant de la société Pompes funèbres générales, aux droits de laquelle vient la société OGF, tendant à entretenir la confusion dans l'esprit du public entre, d'une part, l'activité de gestion exclusive des chambres funéraires de Villeneuve-Saint-Georges, Bry-sur-Marne et Saint-Maur des Fossés, dont cette dernière société est investie et, d'autre part, l'activité d'organisation d'obsèques exercée par cette même société dans ces communes ; que, le 2 mars 2004, le Conseil a notifié à la société OGF une série de griefs, sur le fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce, mettant en cause, pour les années 1992, 1993 et 1994, d'une part, l'agencement de ses locaux dans les communes précitées, leur identification sur l'annuaire téléphonique, le mode de facturation des prestations funéraires qui y sont fournies et, d'autre part, les conventions que cette société a conclu avec les hôpitaux et les maisons de retraite de la région par lesquelles cette dernière a consenti à assurer gratuitement le transport dans ces chambres funéraires des personnes décédées dans ces établissements, incitant ainsi ces derniers à s'adresser de préférence à elle pour le transport des défunts, et rendant de ce fait plus difficile le choix des familles en faveur d'un opérateur concurrent ; que, le 9 mars 2004, la Présidente du Conseil a décidé de faire juger l'affaire sans établissement d'un rapport, selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3 du Code de commerce ; qu'à la demande de la société OGF, suivant procès-verbal du 10 mai 2004, établi en application de l'article L. 464-2-II dans sa rédaction applicable aux faits, cette dernière a déclaré ne pas contester la réalité des griefs qui lui ont été notifiés et a souscrit divers engagements visant à modifier ses comportements pour l'avenir ; qu'estimant ces engagements pertinents, le rapporteur général a proposé au Conseil de réduire la sanction à prononcer dans une proportion allant de 40 % à 50 % du montant qui aurait été normalement infligé en application de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en vigueur lors de la commission des faits ; que par décision du 27 juillet 2004 (n° 04-D-37), le Conseil a jugé que les pratiques reprochées étaient constitutives d'un abus de position dominante, a pris acte des engagements souscrits par la société OGF, qui ont été confirmés en séance, a enjoint à cette dernière de les respecter et lui a infligé une sanction pécuniaire de 76 224 euro ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société OGF fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) que lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ; qu'en refusant d'annuler la décision du Conseil de la concurrence qui a appliqué le montant maximum prévu dans le cadre de la procédure simplifiée sans faire bénéficier de la réduction légale de moitié la société OGF en contrepartie de ses engagements et de sa renonciation à contester la réalité des griefs, la cour d'appel a violé les articles 13 et 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 avant leur modification par la loi NRE du 15 mai 2001 et l'article L. 464-2-II du Code de commerce ; 2°) que le principe du respect de la confiance légitime a pour objet de protéger les ressortissants communautaires contre les changements exagérément brutaux de la réglementation économique ; qu'en refusant d'annuler la décision du Conseil de la concurrence tout en relevant qu'en séance le rapporteur général et le Commissaire du Gouvernement ont précisé que la réduction légale de moitié de l'article L. 464-2-II du Code de commerce s'appliquait, cette affirmation ayant fondé la société OGF à faire légitiment confiance au rapporteur général et à accepter la transaction la cour d'appel a méconnu le principe de confiance légitime, violant l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; 3°) que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se contenant d'entériner une transaction fondée sur la croyance légitime que les engagements pris dans le cadre de la procédure de transaction avaient comme contrepartie l'application de la réduction légale sur le plafond d'amende de 76 224 euro prévu par l'article 22, sans permettre que la société OGF, après avoir été avertie que cette contrepartie n'existait pas, puisse décider de poursuivre ou non dans la voie de la procédure de transaction, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et l'égalité des armes, violant l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et l'article 6 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, le Conseil a fait bénéficier la société OGF de la réduction légale de moitié prévue à l'article L. 464-2-II du Code de commerce, devenu l'article L. 464-2-III du même Code, dès lors qu'il a réduit de moitié le montant maximum de la sanction encourue, tel que fixé à l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu, en second lieu, que la procédure prévue à l'article L. 464-2-II, devenu L. 464-2-III du Code de commerce, ne peut être mise en œuvre que si l'entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir ; que si l'entreprise ne peut subordonner son absence de contestation et ses engagements à condition, elle dispose devant le Conseil, qu'elle ne peut ignorer non lié par les propositions de réduction de la sanction émises par le rapporteur général et le Commissaire du Gouvernement, de la faculté de présenter toutes observations et de produire toutes pièces utiles à la détermination de la méthode de calcul du montant de la sanction pécuniaire encourue et à la fixation du montant qui en résulte ; que la société OGF n'ayant pas contesté avoir été à même de présenter de telles observations tant par écrit qu'oralement lors de la séance du Conseil, avant que ce dernier n'adopte sa décision, la cour d'appel a statué à bon droit ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société OGF fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) que les griefs doivent être notifiés aux personnes à l'encontre desquelles le Conseil de la concurrence envisage de prendre des sanctions pour leur permettre d'en discuter ; en refusant de réformer la décision ayant retenu la persistance d'une pratique anticoncurrentielle jusqu'en 2004 pour déterminer la sanction, bien que les griefs notifiés n'aient concerné que la période 1992, 1993 et 1994, et que OGF n'ait été avisée qu'après son acceptation d'une procédure de transaction où elle renonçait à contester les griefs, de la prise en compte de ce constat d'huissier du 20 janvier 2004 concernant une pratique postérieure aux pratiques notifiées, la cour d'appel a violé l'ancien article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu article L. 463-2 du Code de commerce et l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; 2°) qu'en considérant que le Conseil n'avait pas retenu cet élément comme facteur aggravant la sanction, la cour a dénaturé la décision du Conseil de la concurrence qui écrit dans la partie "sanction" qu'elle calcule l'amende en l'aggravant en raison de "l'absence de neutralité dans la signalisation de la chambre funéraire de Saint-Maur (qui) perdurait encore au mois de janvier 2004, la société OGF n'ayant pas démenti, lors de la séance, la présence persistante d'un panneau porteur de son sigle, visible pour toute personne entrant au funérarium", violant ainsi l'article 4 du nouveau Code de procédure civile et l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté, sans dénaturer la décision du Conseil, que ce dernier n'avait pris en compte la pièce litigieuse qu'en tant qu'élément d'appréciation, parmi d'autres, de la proportionnalité de la sanction infligée à la société OGF, et non en tant qu'élément constitutif d'un nouveau grief, et que cette société avait été à même d'en discuter lors de la séance du Conseil, la cour d'appel a statué à bon droit ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.