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Décisions

Cass. com., 28 novembre 2006, n° 04-14.124

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

The Scotch Whisky association

Défendeur :

Les Grands Chais de France (SA), Groupe 20 (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocat général :

M. Main

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Thomas-Raquin, Bénabent

Paris, 4e ch. civ., sect. A, du 8 oct. 2…

8 octobre 2003

LA COUR : Sur les premier et second moyens, les moyens étant réunis : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 8 octobre 2003), que l'association The Scotch Whisky association (l'association), qui a pour objet d'assurer la protection et la défense du whisky écossais, estimant que la société Les Grands Chais de France (la société) et la société G 20 Groupe 20 commercialisent un whisky dénommé "Cromwell's rare blended whisky" dont la présentation est de nature à induire le consommateur en erreur sur l'origine géographique du produit et que la marque "Cromwell's", dont est titulaire la société pour désigner des whiskies, a dégénéré en marque trompeuse, a assigné ces sociétés en réparation des préjudices causés par les actes de concurrence déloyale invoqués et en déchéance des droits de la société sur sa marque ;

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action en concurrence déloyale engagée à l'encontre des sociétés Les Grands Chais de France et G 20 et d'avoir rejeté sa demande en déchéance des droits du titulaire de la marque dénominative "Cromwell's", alors, selon le moyen : 1°) que constitue un acte de concurrence déloyale la commercialisation d'un produit créant un risque de confusion avec un autre produit, quant à son origine, chez un consommateur d'attention moyenne qui ne dispose pas en même temps des deux produits ; qu'en écartant la concurrence déloyale de la société Les Grands Chais de France pour la commercialisation du whisky Cromwell's, après avoir pourtant expressément constaté que 42 % des personnes interrogées au cours d'un sondage réalisé au mois de mars 2002 avaient spontanément répondu que ce whisky était d'origine écossaise et que ce pourcentage s'élevait même à 59 % lorsqu'était présentée une liste des pays producteurs de whisky, ce dont il résultait bien l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne sur l'origine de ce produit, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article 1382 du Code civil ; 2°) que le risque de confusion sur l'origine de plusieurs produits ne s'apprécie pas au regard des dissemblances mais des ressemblances entre les produits, le juge devant rechercher si l'impression d'ensemble que dégage l'examen de ceux-ci est de nature à établir un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne ne disposant pas de ces produits en même temps ; qu'ainsi, en se bornant à écarter un risque de confusion entre le whisky Cromwell's et un whisky écossais sans procéder à une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble dégagée par l'examen de ces produits, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée par l'association, si le risque de confusion entre le whisky Cromwell's et un whisky d'origine écossaise ne résultait pas de ce que près de 90 % des whiskies vendus en France provenaient d'Ecosse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; 4°) que le risque de confusion sur l'origine de deux produits doit s'apprécier au regard des ressemblances entre ces deux produits en recherchant si l'impression d'ensemble qui se dégage de leur examen est de nature à établir un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne ne disposant pas de ces deux produits en même temps ; que l'indication de l'origine d'un produit ne suffit pas, à elle seule, dans tous les cas, à éliminer le risque de confusion ; qu'ainsi, en écartant tout risque de confusion entre le whisky "Cromwell's" et le whisky "Cromwell's Royal Scotch Whisky" produit en Ecosse, motif pris que celui-ci précisait clairement qu'il provenait d'Ecosse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; 5°) que le risque de confusion sur l'origine de deux produits doit s'apprécier au regard des ressemblances entre ces deux produits en recherchant si l'impression d'ensemble qui se dégage de leur examen est de nature à établir un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne ne disposant pas des deux produits en même temps ; qu'en écartant tout risque de confusion entre le whisky "Cromwell's" et le whisky "Cromwell's Royal Scotch, d'origine écossaise, après avoir pourtant constaté l'utilisation de la même marque "Cromwell's" ainsi que les ressemblances entre la forme des bouteilles, les couleurs des étiquettes, la typographie des caractères utilisés, leur dimension et leur graphisme, sans rechercher, compte tenu de ces éléments, si l'impression d'ensemble procurée par l'examen des deux produits n'était pas de nature à créer un risque de confusion chez un consommateur d'attention moyenne ne disposant pas en même temps de ces produits, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; 6°) que l'indication du lieu d'origine et de provenance d'une denrée alimentaire est obligatoire lorsque son omission est de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur sur l'origine ou la provenance réelle du produit, le manquement à cette obligation étant susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale ; qu'en écartant toute faute de la société Les Grands Chais de France s'agissant du défaut d'indication de la provenance du whisky "Cromwell's" au motif "qu'en l'espèce, aucun risque de confusion n'est démontré", après avoir pourtant expressément constaté que "71 % des personnes interrogées ont attribué une provenance britannique au whisky litigieux", la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les dispositions des articles R. 112-7 et R. 112-9 du Code consommation, ensemble celles de l'article 1382 du Code civil ; 7°) que l'indication du lieu d'origine et de provenance d'une denrée alimentaire est obligatoire lorsque son omission est de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur sur l'origine ou la provenance réelle du produit ; qu'en écartant la demande formée par l'association, au seul motif inopérant qu'il n'existait pas de risque de confusion entre le whisky "Cromwell's" et un whisky d'origine écossaise, sans rechercher si l'omission de la provenance de ce whisky n'était pas de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit de l'acheteur quant à l'origine ou la provenance réelle du produit, quelle qu'elle soit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles R. 112-9 du Code consommation et L. 714-6 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'appréciant souverainement la valeur probante des éléments de preuve versés aux débats et notamment des sondages produits par l'association, l'arrêt retient par motifs propres et adoptés que le whisky "Cromwell's rare blended whisky"mis en bouteille par la société pour la société Cromwells International n'est pas présenté comme un whisky écossais, que le nom "Cromwell" évoque le passé historique de l'Angleterre, que, ni ce nom ni l'utilisation de la langue anglaise sur l'étiquette ne sont de nature à établir un lien dans l'esprit du consommateur entre l'Ecosse et la boisson en cause, que le terme "blended" qui signifie qu'un whisky est issu d'un assemblage de whiskies n'est pas spécifique au whisky écossais, que l'étiquette du produit litigieux ne fait aucune allusion à l'Ecosse, à ses traditions ou à ses paysages, que le fait que la société commercialise également sous une présentation similaire à celui du "Cromwell's rare blended whisky", un whisky écossais dénommé "Cromwell's Royal De Luxe Scotch Whisky" n'est pas de nature à entraîner un risque de confusion entre le whisky litigieux et un whisky écossais dès lors que ni la forme identique des bouteilles contenant ces deux whiskies, ni la composition similaire des étiquettes de ces bouteilles ne constituent des éléments identifiant, aux yeux du consommateur français, un whisky comme étant d'origine écossaise ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il ressort que la présentation d'ensemble du "Cromwell's rare blended whisky", qui ne conduit pas le public moyennement attentif à attribuer à ce produit une origine écossaise, n'est pas de nature à engendrer un risque de confusion dans l'esprit du public, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties relative au pourcentage de whisky écossais vendu en France, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel a pu déduire du fait que le risque de confusion invoqué par l'association entre le whisky litigieux et un whisky d'origine écossaise n'était pas démontré, que la non indication sur l'étiquette de la bouteille du "Cromwell's rare blended whisky" de l'origine de ce whisky n'était pas de nature à créer une confusion dans l'esprit du consommateur ; qu'elle a ainsi, sans avoir à procéder à la recherche invoquée par la dernière branche du moyen que ses constatations rendaient inutiles, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.