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Décisions

Cass. crim., 7 novembre 2006, n° 04-86.323

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Castagnède

Avocat général :

M. Charpenel

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Spinosi

Versailles, 9e ch., du 16 sept. 2004

16 septembre 2004

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par X Leïla, Y Mohamed, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 16 septembre 2004, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, tromperie, infractions à la législation sur les chiens susceptibles d'être dangereux, les a condamnés, chacun, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, à 25 000 euro d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire commun aux demandeurs ainsi que le mémoire en défense produits ;

Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 et 111-4 du Code pénal, L. 211-12 et L. 215-2 du Code rural, de l'article 1er de l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour l'application de l'article 211-1 du Code rural et établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux, faisant l'objet des mesures prévues aux articles 211-1 à 211-5 du même Code, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Leïla X et Mohamed Y du chef d'acquisition, cession et introduction sur le territoire national de chiens de première catégorie ;

"aux motifs que certains chiens de 2e catégorie doivent être vendus avec les documents prouvant leur origine, à défaut de quoi ils sont considérés comme appartenant à la 1re catégorie ; le Amstaff, qui figure dans la 2e catégorie des chiens susceptibles d'être dangereux doit être inscrit dans un livre généalogique et être obligatoirement de race pure pour être commercialisé ; sans document attestant de son appartenance à la race Amstaff, l'animal est assimilable à un Pitbull, chien inscrit en 1re catégorie, interdit de vente ;

"alors que seuls les chiens assimilables aux races Staffordshire terrier, Américan Staffordshire terrier, Mastiff et Tosa, parmi lesquelles ne figure pas la race Amstaff, peuvent, en raison de l'absence d'inscription à un livre généalogique, figurer parmi les chiens de première catégorie dont l'acquisition, la cession et l'introduction sur le territoire national est punie des peines prévues par l'article L. 215-2 du Code rural ; qu'en conséquence, l'acquisition, la cession et l'introduction sur le territoire national de chiens de race Amstaff sans document prouvant leur origine n'est pas pénalement sanctionnée ; que, dès lors, la cour d'appel a violé les textes précités" ;

Attendu qu'en désignant comme "Amstaff" deux chiens dont elle relevait qu'ils étaient exposés à la vente, dépourvus de documents attestant de leur inscription dans un livre généalogique, la cour d'appel a utilisé l'abréviation usitée de l'Américan Staffordshire terrier ; d'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, L. 121-1 du Code de la consommation et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Leïla X et Mohamed Y du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur pour avoir utilisé les mentions " dans un cadre verdoyant ", " plus de 70 chiots " et " plus de 100 chiots et chatons " ;

"aux motifs que le cadre verdoyant n'existait pas ; cette allégation était donc de nature à induire en erreur ; que la publicité qui fait état en permanence de 70 animaux a induit en erreur le consommateur sur l'importance de la société, en tous cas sur le volant de chiots pouvant être vendus, ce dont le client déduisait nécessairement qu'il existait une importante quantité d'offre et un renouvellement rapide des stocks ;

"alors que la publicité fausse ou de nature à induire en erreur n'est pénalement répréhensible que si elle porte sur l'existence, la nature, la composition, les qualités substantielles, la teneur en principes utiles, l'espèce, l'origine, la quantité, le mode et la date de fabrication, les propriétés, les prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité, les conditions de leur utilisation, les résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, les motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services, la portée des engagements pris par l'annonceur, l'identité, les qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires ; que ne relèvent d'aucune de ces dispositions les allégations relatives au cadre dans lequel les produits sont vendus et à l'étendue du stock disponible ; qu'en conséquence la cour d'appel a violé les textes précités" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, L. 121-1 du Code de la consommation et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Leïla X et Mohamed Y du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur pour avoir utilisé les mentions " de nombreuses races disponibles " ;

"aux motifs que toutes les victimes, dont les parties civiles, ont fait état d'un mensonge parce qu'un chiot " de race " leur était annoncé avec ou sans commande préalable ; qu'aucun chiot ne pouvait se prévaloir du qualificatif " chiens de race " ;

"alors, d'une part, que la prévention vise le fait d'avoir effectué une publicité fausse ou de nature à induire en erreur en utilisant la mention " de nombreuses races disponibles " ; qu'en conséquence, en se référant à la mention " chiens de race ", non comprise dans les termes de sa saisine, la cour d'appel a violé l'article 388 du Code de procédure pénale et a commis un excès de pouvoir ;

"alors, d'autre part, que la publicité visée par les termes de la prévention ne contient que la mention " de nombreuses races disponibles " ; qu'en conséquence, en retenant de cette publicité une mention " chiens de race " qu'elle ne contient pas, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 121-1 du Code pénal, L. 121-1 du Code de la consommation, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Leïla X et Mohamed Y du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur pour avoir utilisé la mention " éleveurs " et " parents visibles à la ferme " ;

"aux motifs que l'allégation " parents visibles à la ferme " est fausse ; qu'aucun des chiots n'est né sur place ou dans l'un des établissements annexes ; pourtant, dans toutes les publicités faites dans les pages jaunes, l'entreprise Z est apparue dans la rubrique " éleveur " alors qu'il existait une rubrique "animalerie" ; en 2000 les gendarmes relevaient l'existence d'une enseigne comportant la mention " vente de chiots et de chats (d'élevage) de toute race " ;

"alors, d'une part, que l'allégation " parents visibles à la ferme " n'est pas visée par la prévention et n'est pas comprise dans la saisine de la cour d'appel ; qu'en conséquence, en condamnant les prévenus du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur pour avoir utilisé la mention " parents visibles à la ferme ", la cour d'appel a violé l'article 388 du Code de procédure pénale et a commis un excès de pouvoir ;

"alors, d'autre part, que la prévention vise, au titre de la publicité fausse ou de nature à induire en erreur, la parution d'annonces dans les " pages jaunes " dans la rubrique " éleveurs " ;

que l'utilisation de la mention " élevage " dans une enseigne n'est pas comprise dans la prévention ; qu'en conséquence, en condamnant les prévenus pour avoir utilisé une enseigne comportant la mention " vente de chiots et de chats (d'élevage) de toute race ", la cour d'appel a violé l'article 388 du Code de procédure pénale et a commis un excès de pouvoir ;

"alors, enfin, qu'en se prononçant par de tels motifs, sans répondre au moyen pris de ce que le choix de la rubrique " éleveurs " pour la publication des annonces était le fait de l'éditeur des " pages jaunes " et non le fait personnel des prévenus, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, L. 121-1 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Leïla X et Mohamed Y du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur pour avoir utilisé la mention " tatoués, vaccinés, garantis " ;

"aux motifs que si un tatouage existait, il était parfois effectué par les responsables de la société au lieu du vétérinaire ; la garantie de technicité et de salubrité pour les chiots n'était par conséquent pas effective ; si les vaccins paraissaient avoir été effectués, ceux-ci ne l'étaient pas dans les règles de l'art puisqu'en effet les vétérinaires appelés à consulter les chiens malades ou mourants ont expliqué que l'efficacité de certains vaccins dépendant de l'âge où ils étaient administrés : vaccinés trop jeunes, les chiots ne bénéficiaient pas de la protection souhaitée ; or il a été établi que le vétérinaire fixait l'âge du chiot à son arrivée à la société, compte tenu de son apparence dès lors qu'une date de naissance ne figurait sur les documents d'accompagnement ; la mention des vaccins requis sur papiers commerciaux et sanitaires remis lors de la vente ne constituait pas une garantie de l'efficacité des vaccins faits au hasard d'une appréciation de l'âge de l'animal ; à l'égard du consommateur, la vaccination a été dans tous les cas une annonce publicitaire de nature à induire en erreur du fait du caractère toujours aléatoire de l'efficacité et plus généralement en raison de la déloyauté relative à la détermination de l'âge ou des mentions fausses nécessairement volontaires sur la vaccination ; s'agissant plus généralement de la garantie, l'affirmation selon laquelle la garantie était assurée en application des articles 284 et suivants du Code rural, rappelés sur les contrats, est totalement inopérante au regard de la pratique effective ; que les annonces (...) étaient de nature à induire en erreur les consommateurs qui, pour ceux qui sont entrés en voie d'achat ignoraient effectivement les pratiques de tatouage, de vaccination médicalement ineffectives et de refus de garanties, ce qu'ils n'ont découvert, à leur détriment, qu'après l'arrivée du sinistre ;

"alors, d'une part, qu'en se bornant à relever que les consommateurs ignoraient effectivement les pratiques de tatouage et de vaccination médicalement ineffectives sans expliquer en quoi ils avaient été induits en erreur sur ce point par les mentions " tatouages" et " vaccinés ", la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

"alors, d'autre part, que ne constitue pas une publicité fausse ou de nature à induire en erreur la remise de documents à l'acheteur lors de la vente ; qu'en conséquence, en se référant aux "papiers commerciaux et sanitaires remis lors de la vente" et aux "mentions fausses nécessairement volontaires sur la vaccination" comprises dans les documents remis aux acquéreurs, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

"alors, enfin, que ne relève d'aucune des mentions visées par l'article L. 121-1 du Code de la consommation, notamment de celles relatives à la portée des engagements pris par l'annonceur, l'allégation d'une garantie auquel ce dernier est légalement tenu ; qu'en conséquence, en condamnant du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur le fait pour les prévenus d'avoir mentionné au sein des annonces publicitaires la garantie légale à laquelle ils sont tenus en vertu des articles 284 et suivants du Code rural, la cour d'appel a violé les textes précités" ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, L. 121-1 du Code de la consommation, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Leïla X et Mohamed Y du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur pour avoir utilisé la mention " suivi vétérinaire " et " 25 ans d'expérience " ;

"aux motifs que l'allégation " suivi vétérinaire " est mensongère ou de nature à induire en erreur puisque le consommateur croit ainsi dans le sérieux de l'entreprise à l'égard de l'état de santé des animaux ; que l'allégation " 25 ans d'expérience " induit en erreur le consommateur qui, attiré par l'expérience alléguée était enclin à se fournir auprès d'une telle société ;

"alors que la prévention vise le fait, pour les prévenus, d'avoir effectué des publicités comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur l'existence, les qualités substantielles, l'espèce, l'origine et la qualité de biens ou services ; qu'en conséquence, en retenant des allégations de nature à induire en erreur le consommateur sur les qualités ou aptitudes du revendeur et non, comme visées par la prévention, sur les qualités des biens et services, la cour d'appel a dépassé les termes de sa saisine, a violé l'article 388 du Code de procédure pénale et a commis un excès de pouvoir" ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, des articles 121-3 du Code pénal et L. 213-1 du Code de la consommation, des articles préliminaire et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation de la présomption d'innocence ;

"en ce que la cour d'appel a condamné Leïla X et Mohamed Y du chef de tromperie sur la qualité de "chien de race", l'âge et l'état sanitaire des chiens ;

"aux motifs que Leïla X et Mohamed Y, qui dans leur discours commercial oral mais surtout écrit, ont vendus des "chiens de race" n'ont pas remis les documents afférents à cette qualité substantielle, dans tous les cas, et ont parfois vendu un chiot dont il a été établi morphologiquement qu'il ne pouvait pas s'agir de "chiens de race" ;

"aux motifs, en outre, que les dates de naissance indiquées sur les actes de vente ne correspondaient pas à la morphologie et à la dentition du chiot plus jeune que son âge officiel ; toute importation ou échange intracommunautaire de chiots de moins de trois mois était soumise à la production d'un certificat sanitaire ce qui expliquait le vieillissement artificiel des chiots ;

"et aux motifs, enfin, que l'état sanitaire réel qui n'apparaissait pas sur les documents de santé ni dans les informations dues par le professionnel commerçant qui le connaissait nécessairement, les conditions de transport depuis la Belgique étaient connues des prévenus ;

"alors, d'une part, que ne constitue pas une tromperie le fait pour un vendeur de ne pas délivrer à l'acquéreur d'un chien les documents attestant de la qualité de " chien de race " de ce dernier ;

qu'en conséquence, la cour d'appel a violé l'article L. 213-1 du Code de la consommation ;

"alors, d'autre part, qu'en se bornant à constater que les prévenus avaient " parfois " vendu un chiot dont il a été établi morphologiquement qu'il ne pouvait s'agir d'un chien de race sans rechercher si le chiot ainsi vendu avait été faussement annoncé comme " chien de race ", la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;

"alors, en outre, qu'en se bornant à constater que les dates de naissance indiquées sur les actes de vente ne correspondaient pas à la morphologie et à la dentition du chiot sans rechercher si les prévenus avaient conscience de cette inexactitude, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;

"alors, encore, qu'en relevant que toute importation ou échange intracommunautaire de chiots de moins de trois mois était soumise à la production d'un certificat sanitaire, ce dont il ne résulte, concernant des chiots âgés de plus de trois mois aux yeux des prévenus, aucune soustraction de leur part à une obligation de contrôle qui leur incombait, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant à établir la mauvaise foi des prévenus et n'a pas légalement motivé sa décision ;

"alors, enfin, qu'en relevant que le professionnel commerçant "connaissait nécessairement" l'état sanitaire des chiots, et en présumant ainsi la mauvaise foi des prévenus du seul fait de leur qualité de commerçant, la cour d'appel a violé l'article 121-3 du Code pénal, l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, l'article préliminaire du Code de procédure pénale et le principe de la présomption d'innocence" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments les délits dont, sans excéder sa saisine, elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.