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Décisions

Conseil Conc., 6 décembre 2006, n° 06-D-36

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre par la société civile de moyens Imagerie Médicale du Nivolet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Seulin, par Mme Perrot, vice-présidente présidant la séance, M. Honorat, Mmes Renard-Payen, Béhar-Touchais, Xueref, membres.

Conseil Conc. n° 06-D-36

6 décembre 2006

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre enregistrée le 21 décembre 2000, sous le numéro F 1283, par laquelle la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Alpes Imagerie Médicale a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société civile de moyens (SCM) Imagerie Médicale du Nivolet et le centre hospitalier de Chambéry ; Vu la décision n° 05-SO-04 du 13 avril 2005, enregistrée sous le numéro 05/0029 F, par laquelle le Conseil de la concurrence a décidé de se saisir d'office de l'ensemble des pratiques mises en œuvre par la SCM Imagerie Médicale du Nivolet au cours des trois dernières années dans le secteur de l'exploration radiologique au moyen d'équipements matériels lourds (scanner et IRM) ; Vu la décision en date du 17 mai 2005 du président du Conseil de la concurrence décidant de recourir à la procédure simplifiée ; Vu la décision de sursis à statuer n° 06-S-03 du 15 mai 2006 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions de son application ; Vu les observations présentées par la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, la SCM des docteurs X, Y, Z, A, B, C, D et E, la SCM des docteurs F, G, H, I, J et K, la SCM Victoria des docteurs L, M, N, O et P ainsi que par les docteurs B, H, A, X, K, L, J, Y, I, D, O, P, M, C, F, G, Z, N, E, Q et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, MM. R et S, radiologues et les représentants de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, de la SCM des docteurs G, H, I, J et K, de la SCM des docteurs X, Y, Z, A, B, C, D et E, de la SCM Victoria des docteurs L, M, N, O et P et du docteur Q, entendus lors de la séance du 24 octobre 2006 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

1. Par saisine enregistrée le 21 décembre 2000 sous le numéro F 1283 et par mémoires complémentaires enregistrés les 26 septembre 2001, 15 novembre 2001, 27 mars 2002, 31 octobre 2003 et 6 avril 2004, la SELARL Alpes Imagerie Médicale, société de médecins radiologues composée des docteurs T, R et S, demande au Conseil de la concurrence de constater que les conditions restrictives imposées à ces trois médecins pour l'utilisation du scanographe exploité par la SCM Imagerie Médicale du Nivolet et l'utilisation des deux IRM exploitées par le groupement d'intérêt économique (GIE) IRM Savoie, sont constitutives d'une entente anti-concurrentielle au sens de l'article L. 420-1 du Code du commerce et d'un abus de position dominante au sens de l'article L. 420-2 du même Code.

2. La SELARL Alpes Imagerie Médicale demande en outre au Conseil de la concurrence d'enjoindre au centre hospitalier de Chambéry et à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet de mettre fin à ces pratiques en octroyant aux docteurs T, R et S une vacation individuelle hebdomadaire de six heures d'utilisation du scanner et une vacation de quatre heures d'utilisation de l'IRM, sous astreinte de 15 000 euro par mois et en condamnant les mêmes au paiement d'une amende ; ils sollicitent également la possibilité d'intégrer le GIE IRM Savoie.

3. Par décision 05-SO-04 du 13 avril 2005, enregistrée sous le numéro 05/0029 F, le Conseil de la concurrence s'est, par ailleurs, saisi d'office de l'ensemble des pratiques mises en œuvre par la SCM Imagerie Médicale du Nivolet au cours des trois dernières années. Les deux saisines ont été jointes le 14 avril 2005, par le rapporteur général.

A. LE CONTEXTE

1. LE REGIME GENERAL APPLICABLE AUX AUTORISATIONS ADMINISTRATIVES POUR L'EXPLOITATION D'UN EQUIPEMENT MATERIEL LOURD

4. Le scanographe à utilisation médicale (scanner) et l'appareil d'imagerie par résonance magnétique nucléaire à utilisation clinique font partie des équipements matériels lourds en vertu de l'article R. 712-2 du Code de la santé publique. Leur exploitation est subordonnée à la délivrance d'une autorisation par la puissance publique.

5. Selon l'article L. 6122-2 du Code de la santé publique, cette autorisation est accordée si l'opération envisagée répond aux besoins de la population tels qu'ils résultent de la carte sanitaire établie au niveau de chaque région sanitaire et si le projet satisfait aux conditions techniques de son bon fonctionnement. Les besoins de la population sont déterminés par des indices fixés au plan national par le ministre de la santé et appliqués ensuite dans chaque région. Le nombre d'équipements lourds est limité et fixé par la carte sanitaire en fonction des indices de besoins.

6. L'arrêté du 11 avril 2002 du directeur régional de l'hospitalisation de la région Rhône-Alpes, portant additif pour les équipements lourds en imagerie au schéma régional d'organisation sanitaire applicable à la région Rhône-Alpes pour les années 1999-2004, autorise cinq appareils de scanner sur le secteur sanitaire n°10 correspondant au département de la Savoie. Ces cinq appareils ont effectivement été attribués. Quatre scanners sont publics. Ils sont détenus par le centre hospitalier de Chambéry et les hôpitaux d'Albertville, de Moûtiers et de Bourg Saint-Maurice. Le cinquième scanner est le seul scanner privé du département. Il appartient à la société civile de moyen (SCM) Imagerie Médicale du Nivolet.

7. Selon le même arrêté portant additif au schéma régional d'organisation sanitaire et sociale de la région Rhône-Alpes, trois appareils d'IRM sont autorisés au sein du département de la Savoie. La première autorisation a été délivrée le 26 août 1993 au groupement d'intérêt économique (GIE) IRM Savoie, composé du centre hospitalier de Chambéry et de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, pour un appareil de 1 Tesla. Cette autorisation a été renouvelée le 13 novembre 2002 pour un appareil de plus forte puissance (1,5 Tesla). La deuxième autorisation a été délivrée le 26 février 2001 au même GIE IRM Savoie également pour un appareil de 1,5 Tesla. La troisième autorisation a été délivrée en 2005 à un GIE situé à Albertville, composé du centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moûtiers et de radiologues libéraux installés à Albertville, Moûtiers, Bourg-Saint-Maurice et Montmélian.

8. La circulaire DHOS/SDO/04 n° 2002-250 du 24 avril 2002 relative aux recommandations pour le développement de l'imagerie en coupe par scanner et IRM, a fixé les lignes directrices pour l'octroi des autorisations administratives d'exploiter un scanner et une IRM. Parmi les objectifs poursuivis par la circulaire, figurent ceux de :

- permettre un accès de tous les professionnels de l'imagerie aux différentes techniques,

- favoriser le regroupement des équipements et des ressources humaines pour permettre d'améliorer la qualité, et répondre au mieux aux besoins de la population, dans le respect des bonnes pratiques,

- promouvoir la diffusion sur tout le territoire des nouvelles techniques validées du scanner et de l'IRM, en favorisant dans la mesure du possible la substitution entre les techniques d'imagerie ou entre une technique d'imagerie et une autre technique médicale ou chirurgicale.

9. Cette même circulaire précise que les prochaines autorisations doivent permettre d'augmenter significativement le nombre de radiologues ayant accès au scanner et à l'IRM. En conséquence, il convient de privilégier les demandes d'autorisation associant un nombre significatif de radiologues, tant hospitaliers que libéraux, dans le cadre d'une structure de coopération adaptée (GIE, convention de co-utilisation ou autre).

10. Le fonctionnement en équipe pluridisciplinaire et l'organisation de réseaux de soins sont également prescrits par le schéma régional d'organisation sanitaire et sociale. L'arrêté du 11 avril 2002 précité insiste sur l'optimisation de l'utilisation des plateaux techniques d'imagerie qui impose l'existence d'équipes pluridisciplinaires et différentes formes de partenariats (public-privé, ou public-public ou privé-privé).

11. Le GIE IRM Savoie s'est engagé à satisfaire cette obligation lors de la présentation de son dossier pour obtenir l'autorisation d'exploiter une seconde IRM. Dans le procès-verbal du comité national d'organisation sanitaire et sociale (CNOSS) du 4 janvier 2001 chargé d'examiner ce projet, il est indiqué au paragraphe "Relations établies ou envisagées avec d'autres établissements de santé ou avec d'autres utilisateurs": "L'ensemble des radiologues du secteur public et privé du secteur 10" (le département de la Savoie). 3

12. S'agissant du dossier présenté par la SCM Imagerie Médicale du Nivolet pour le renouvellement de son scanner, le procès-verbal du comité régional d'organisation sanitaire et sociale (CROSS) du 14 octobre 2003 indique : "Comme souhaité par le CROSS, l'équipement dispose d'une équipe pluridisciplinaire susceptible d'intervenir : spécialistes privés et publics du pôle de référence, proximité du plateau technique des cliniques et du centre hospitalier de Chambéry (...) Il existe une coopération effective des radiologues publics et privés par le biais du GIE public-privé IRM Savoie (mode de coopération de l'IRM existante et de celle en cours d'installation)".

13. Les radiologues, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé, doivent donc normalement coopérer au fonctionnement des équipements matériels lourds. C'est la contrepartie de l'autorisation accordée par les pouvoirs publics et de l'avantage important dont bénéficie le titulaire de l'autorisation, compte tenu de la rareté des appareils autorisés. Ces appareils sont, au départ, financés par la structure d'exploitation, mais leur amortissement, calculé sur une durée de sept ans est, pour le secteur privé, pris en charge par la sécurité sociale qui verse un forfait technique à chaque acte médical réalisé, assurant ainsi le remboursement de l'appareil.

2. LES INTERVENANTS

a) La SCM Imagerie Médicale du Nivolet

14. La société civile de moyens (SCM) Scanner du Nivolet a été créée le 20 septembre 1989. Elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Chambéry sous le numéro D 352 366 769. Sa dénomination a été modifiée en 1991 pour devenir la SCM Imagerie Médicale du Nivolet lorsqu'une demande d'IRM a été faite avec le centre hospitalier de Chambéry, pour une exploitation en commun. Son objet, défini à l'article 1er des statuts dans leur version du 19 octobre 1995, est de "faciliter l'activité professionnelle de ses membres par la mise en commun de tous moyens matériels nécessaires à l'exercice de leur profession notamment dans le cadre d'un centre d'imagerie médicale et dans le cadre de l'exploitation en commun d'une installation d'IRM avec l'hôpital de Chambéry, sans que la société ne puisse elle-même exercer celle-ci" (cote n° 5 de la notification de griefs).

15. Cette société exploite le seul scanner privé du département de la Savoie à la suite de l'autorisation qui lui a été délivrée le 9 mars 1990. Dans les statuts, le capital social de la société, fixé à la somme de 30 000 francs, se répartit comme suit :

- SCM du cabinet des docteurs X, Y, Z, A, B et C : 108 parts, cette société ayant apporté la somme de 10 800 francs. Ces médecins exercent à la clinique Saint-Joseph, à la clinique générale de Savoie et dans un cabinet libéral dénommé "Les Eléphants", situé 12 rue Vieille Monnaie à Chambéry, ainsi que dans un autre cabinet libéral dénommé "Les Portiques", situé à la Motte Servolex ;

- SCM du cabinet des docteurs U, G, F, H et I : 108 parts, cette société ayant apporté la somme de 10 800 francs. Ces médecins exercent à la clinique Cléret, dans un cabinet libéral dénommé "Le Méridien", situé place du Centenaire à Chambéry, et dans un autre cabinet libéral situé à Chambéry le Haut ;

- SCM Victoria des docteurs N, L et M : 70 parts, cette société ayant apporté la somme de 8 400 francs. Ces médecins exercent dans le groupe clinique Herbert situé 1 avenue Victoria à Aix-Les-Bains, dans un cabinet libéral dénommé "Victoria", situé à Aix-les-Bains, et dans un cabinet libéral dénommé "Saint-Antoine", situé à Saint-Jean-de-Maurienne ;

- Le docteur Jacques Q : 14 parts qu'il a achetées après sa séparation de la SCM Victoria. Le docteur Q exerce seul son activité de radiologue à Aix-les-Bains.

16. Le docteur U ayant cessé son activité, il a été remplacé dans la SCM associée par le docteur J. En 2004, cinq autres associés avaient rejoint l'une des trois SCM associées : le docteur K a rejoint la SCM des docteurs H, G, I et J (groupe du Méridien), les docteurs D et E ont rejoint la SCM des docteurs X, Y, Z, A, B et C (groupe des Eléphants) et les docteurs O et P ont rejoint la SCM Victoria.

17. Le docteur F est parti à la retraite le 1er janvier 2005. A partir de cette date, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet représente trois SCM associées regroupant, avec le docteur Q, 19 radiologues libéraux.

18. Depuis sa création, aucun nouvel associé n'est directement entré dans la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, dont les statuts subordonnent l'admission aux conditions et règles propres à la déontologie et aux dispositions du Code de la santé publique. Cette admission se fait soit par cession de parts, soit par augmentation de capital (article 14 des statuts). L'augmentation de capital social est subordonnée à une décision collective extraordinaire des associés (article 8 des statuts).

19. La société est gérée par un ou plusieurs gérants pris parmi les associés et nommés par décision collective prise en la forme d'une décision extraordinaire. Une co-gérance a été instituée entre les docteurs G, X et N, représentant les trois principaux associés.

b) Le GIE IRM Savoie

20. Le règlement intérieur du GIE dispose, en préambule, que "Le fonctionnement du service IRM sera assuré par le centre hospitalier de Chambéry pour le secteur public et par les médecins associés dans la SCM Imagerie Médicale du Nivolet pour le secteur privé". L'appareil IRM et les équipements annexes nécessaires sont la propriété du GIE (article 1er). Le centre hospitalier met à disposition du GIE les locaux à titre gratuit, les travaux d'aménagement du bâtiment et d'installation d'équipement sont pris en charge par le GIE et leur coût réparti pour moitié entre les partenaires (article 3).

21. Le temps d'ouverture journalier du service de 12 heures par jour est réparti à raison de 50 % pour le centre hospitalier de Chambéry qui dispose du lundi après-midi, mardi matin, mercredi après-midi, jeudi matin et vendredi matin et de 50 % pour les praticiens membres de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet qui disposent des plages horaires restantes. Celles-ci ont été étendues pour les radiologues du secteur privé par un avenant du 4 novembre 1999, au terme duquel ces vacations se terminent à 20 h les mardi et jeudi et à 20 h 30 le vendredi. Depuis le 6 novembre 1999, la SCM dispose aussi du samedi matin, de 8 heures à 12 heures 30.

22. Le règlement intérieur du GIE indique également que chaque partenaire fera son affaire de la répartition interne des heures de vacation qui lui sont attribuées.

c) La SELARL Alpes Imagerie Médicale

23. Le docteur T a ouvert son cabinet de radiologie à la Motte Servolex en janvier 1990. Le docteur R s'est installé à Bassens dans le courant de l'année 1995, tandis que le docteur S est arrivé à Chambéry au mois de janvier 1997. Les communes de Bassens et de la Motte Servolex jouxtent la commune de Chambéry.

24. Les docteurs T, R et S ont la particularité d'exercer à titre exclusivement libéral c'est-à-dire sans intervenir dans un établissement d'hospitalisation public ou privé. De plus, ils ne font pas partie des cabinets de radiologie "Les Éléphants", "Le Méridien" et "Victoria" qui regroupent, hormis le docteur Q, tous les autres radiologues libéraux installés dans le bassin de santé de Chambéry-Aix-les-Bains, dont tous les membres appartiennent aux SCM associées de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet.

25. Ces trois médecins radiologues ont constitué une société d'exercice libéral à responsabilité limitée, la SELARL Alpes Imagerie Médicale, au nom de laquelle ils ont sollicité un accès aux équipements lourds d'imagerie médicale installés dans leur zone d'activité. Le docteur S a quitté la SELARL Alpes Imagerie Médicale au mois de décembre 2003 pour créer sa propre société, la SELARL du cabinet d'imagerie médicale des Ducs de Savoie. La SELARL Alpes Imagerie Médicale reste constituée des docteurs T et R.

B. LES PRATIQUES RELEVEES

1. EN CE QUI CONCERNE L'ACCES AU SCANNER

26. La SCM Imagerie Médicale du Nivolet a été saisie par écrit le 6 mai 1997 par les docteurs T, R et S d'une demande d'accès au scanner du Nivolet, juste avant l'arrêté du 11 juin 1997 autorisant le renouvellement de cet appareil.

27. Un premier protocole d'accord a été signé le 3 juillet 1997. Mais, lors des discussions certains membres de la SCM ont déploré l'intervention de l'enquête de la DGCCRF et estimé que la situation ainsi créée rendait impossible de prendre en compte les demandes de vacations de ces trois médecins (cote n° 242 de la notification de griefs).

28. A la suite de nouvelles démarches consécutives, notamment, aux résultats du rapport d'enquête administrative de la DGCCRF, un second protocole a été signé le 9 novembre 1999 sous l'égide de l'ordre des médecins, indiquant qu'"Il est proposé par les représentants du scanner du Nivolet aux docteurs T-S-R, 2 vacations hebdomadaires de scanner de 1 h 30". Mais quelque mois plus tard, les saisissants ont reçu un projet de lettre-contrat divisant quasiment par trois le nombre de vacations accordées dans le protocole d'accord. Cette lettre indiquait que par dérogation à l'exclusivité consentie aux médecins membres de la société, la SCM leur confirmait son accord pour leur attribuer une vacation de 2 heures tous les 15 jours, à pratiquer le lundi de chaque semaine de 18 h 45 à 20 h 45. Cette lettre-contrat leur réclamait aussi le versement d'un dépôt de garantie de 15 000 francs, en plus des frais juridiques inhérents à la rédaction de l'acte (cote n°77 de la notification de griefs).

29. Un document identique a été adressé le 4 octobre 2000 aux docteurs 8, 9 et 10, installés à Pontcharra, dans l'Isère, mais après rectification, ceux-ci se sont vu concéder des vacations de scanner de 2 heures par semaine pour eux trois (pièces n° 81 et n° 133 produites par maître 19 à l'appui de ses observations).

30. En raison de la réduction du nombre de vacations de scanner proposées, aucun compromis n'a pu être trouvé entre la SCM Imagerie Médicale du Nivolet et les docteurs T, R et S (cotes n° 254 et n° 268 de la notification de griefs).

2. EN CE QUI CONCERNE L'ACCES À L'IRM

31. Le 14 septembre 1996, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet a proposé aux docteurs T et R une convention dans laquelle leur était réservée une heure trente de vacations d'IRM à se répartir entre eux tous les quinze jours, soit une moyenne individuelle mensuelle d'une heure trente représentant une moyenne de trois examens d'IRM.

32. Or, trois semaines plus tard, le 6 octobre 1996, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet a proposé au cabinet des Galibouds, à Albertville, composé alors des docteurs V, W, 1 et 2, une convention leur accordant une vacation de 3 h 30 par semaine pour eux quatre, soit une moyenne individuelle mensuelle de 3 h 30 (rapport administratif d'enquête du 26 février 1998).

33. A l'occasion d'une nouvelle demande liée à l'arrivée du docteur S, nouvellement installé, la SCM a proposé, le 18 mars 1997, aux docteurs T, R et S, un projet de convention qui diminuait en pratique le nombre d'heures qui leur étaient réservées, puisqu'à eux trois, ils devaient se partager une heure trente de vacations tous les quinze jours, soit une moyenne mensuelle de une heure chacun. Les saisissants ont donné leur accord sous réserve que ce nombre de vacations soit révisé à la hausse à la fin de l'année, comme cela avait été convenu dans le protocole d'accord du 3 juillet 1997 (cotes n° 241, 242 et 243 de la notification de griefs).

34. Le nombre d'heures accordées aux docteurs T, R et S est ensuite passé, à la fin de l'année 1999, à cinq heures trente par mois à se répartir entre eux trois, soit un peu moins de deux heures mensuelles chacun. Il a d'abord été proposé à ces trois médecins un créneau supplémentaire de cinq heures à se répartir entre eux un samedi sur six. Dans sa réponse du 8 septembre 1999, le docteur T donnait, au nom de ses confrères, un accord de principe mais estimait préférable de raccourcir la durée de la vacation et d'en augmenter la fréquence. Depuis la mise en service, en avril 2004, de la deuxième IRM exploitée par le GIE, ce nombre est passé à sept heures trente par mois pour trois, soit deux heures et demie mensuelles chacun. Ces vacations se répartissent un samedi sur deux à des horaires variables, de 7 h 30 à 10 h 30 pour la semaine 2 et de 7 h 30 à 12 h 30 pour la semaine 4 de chaque mois. Ces trois médecins n'ont jamais rattrapé le nombre d'heures attribuées au cabinet des Galibouts d'Albertville, malgré le doublement de capacité, lié à la mise en service d'une deuxième machine.

35. La SCM Imagerie Médicale du Nivolet a, par la suite, conclu d'autres conventions avec le docteur 5 dont le cabinet de radiologie est à Belley, dans l'Ain et avec les docteurs 11 et 12, installés respectivement à Moûtiers et à Bourg Saint-Maurice.

36. Dans un mémoire du 25 septembre 2001, les docteurs T, R et S résument ainsi leur situation (cotes n° 255 à 259 de la notification de griefs) : "Nos besoins sont directement proportionnels au nombre de patients que nous soignons annuellement, de l'ordre de 18 à 20 000 pour le groupe. Nous estimons qu'actuellement la place qui nous est laissée à l'IRM est de 1/3 seulement de celle accordée aux autres radiologues de la ville, indépendamment de la différence de situation qu'il y a entre les membres du GIE. Exemple : le docteur Q, radiologue à Aix-les-Bains, seul dans son cabinet, membre du GIE, bénéficie à lui seul d'autant d'heures d'IRM que notre groupe. Les radiologues travaillant dans les cliniques privées ne peuvent se prévaloir de cette situation pour réclamer des places supplémentaires, la très grande majorité des examens concernant des patients valides et ambulatoires (référence : courrier du docteur 18 publiée dans la Lettre du Médecin Radiologue de mars 2001)".

37. Les mêmes concluent ainsi : "En ce qui concerne l'IRM, depuis le départ nous demandons un accès décent à cette technique, cohérent avec notre activité, qui pourrait être dans le contexte actuel de trois à quatre heures par semaine. Pour le scanner, nous demandons un accès estimé de l'ordre de quatre à six heures par semaine. Dans les deux cas, nous souhaitons un statut égalitaire avec les autres radiologues intervenants, et que cesse le lien actuel de subordination entre les médecins titulaires d'une autorisation administrative, et ceux qui en sont écartés ou qui sont arrivés après".

38. Dans un courrier du 19 mai 2004, le docteur S ajoute les précisions suivantes (cote n° 271 de la notification de griefs) : il faut comparer les deux heures et demie qui lui sont accordées aux onze heures réservées chaque mois à chaque radiologue membre du GIE, soit 4,5 fois plus. Ayant une activité radiologique légèrement supérieure à la moyenne, la place qui est laissée aux examens IRM et, à plus forte raison, l'absence de place pour les examens de scanner, est très insuffisante pour ses patients. Cette partie de la clientèle se détourne naturellement vers les médecins radiologues du GIE et de la SCM du Nivolet. Ceci est à la fois contraire aux règles de la déontologie médicale, car les patients n'ont plus le libre choix de leur médecin, et de la libre concurrence entre professionnels libéraux.

39. Le docteur R confirme cet état de fait dans un courrier du 27 mai 2004. Selon lui, les inégalités dans l'utilisation du matériel IRM n'ont fait que s'aggraver avec la mise en service de la deuxième IRM et le résultat de ces dysfonctionnements est le détournement de clientèle (cote n° 272 de la notification de griefs).

40. Dans un courrier du 21 septembre 2006, le docteur S indique que pendant l'été 2006, les gérants du GIE IRM Savoie ont décidé de supprimer ses plages horaires d'IRM. Aucun créneau ne lui a ainsi été accordé entre le samedi 8 juillet et le samedi 30 septembre, soit 12 semaines, pendant lesquelles il n'a pu traiter ses patients alors que l'appareil fonctionnait normalement les autres jours.

C. LES GRIEFS NOTIFIES

41. Sur la base de ces éléments de faits, des griefs ont été notifiés, le 26 avril 2005, suivis d'une notification de griefs complémentaires, le 30 juin 2005. Il est reproché à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet d'avoir abusé de sa position dominante en pratiquant un accès discriminatoire aux équipements lourds de radiologie et d'avoir été le support d'une entente anti-concurrentielle entre les médecins membres associés de la SCM, et entre les associés, notamment les trois SCM membres de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet.

42. Les griefs du 26 avril 2005 sont ainsi rédigés :

"1°) Il est fait grief à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché des équipements lourds mis à la disposition des radiologues libéraux sur l'agglomération de Chambéry, en sa qualité de propriétaire et gestionnaire du seul scanner privé du département de Savoie et de co-propriétaire et gestionnaire des deux IRM autorisées sur l'agglomération chambérienne dans le cadre du GIE IRM Savoie, en refusant ou limitant l'accès des docteurs T, R et S à ces équipements lourds de manière discriminatoire, pratiques prohibées par l'article L. 420-2 du Code du commerce ;

2°) Il est fait grief à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet de servir de support à une entente entre les vingt membres associés de la SCM, chacun en ce qui concerne sa période d'association au sein de la SCM, comprenant : les docteurs B, H, A, X, K, L, J, Y, I, D, O, P, M, C, F, G, Z, N, E et Q, le docteur F ayant quitté la SCM à compter du 1er janvier 2005. Cette entente a pour objet de refuser ou limiter l'accès des docteurs T, R et S au marché des examens de scanner et d'IRM pratiqués par les radiologues libéraux sur l'agglomération chambérienne et de faire obstacle à l'exercice normal de leur profession, pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code du commerce".

43. Les griefs complémentaires du 30 juin 2005 sont ainsi rédigés :

"1°) Il est fait grief à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet de servir de support à une entente entre ses membres c'est- à-dire entre la SCM Victoria, la SCM des docteurs H, G, I, J et K, la SCM des docteurs X, Y, Z, A, B, C, D et E et le docteur Q, médecin radiologue indépendant. Cette entente a pour objet de refuser ou limiter l'accès des docteurs T, R et S au marché des examens de scanner et d'IRM pratiqués par les radiologues libéraux sur l'agglomération chambérienne et de faire obstacle à l'exercice normal de leur profession, pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code du commerce ;

2°) Il est fait grief à la SCM Victoria de s'entendre avec la SCM des docteurs H, G, I, J et K, la SCM des docteurs X, Y, Z, A, B, C, D et E et le docteur Q, pour refuser ou limiter l'accès des docteurs T, R et S au marché des examens de scanner et d'IRM pratiqués par les radiologues libéraux sur l'agglomération chambérienne et faire obstacle à l'exercice normal de leur profession, pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code du commerce.

3°) Il est fait grief à la SCM des docteurs H, G, I, J et K de s'entendre avec le docteur Q, la SCM Victoria et la SCM des docteurs X, Y, Z, A, B, C, D et E, pour refuser ou limiter l'accès des docteurs T, R et S au marché des examens de scanner et d'IRM pratiqués par les radiologues libéraux sur l'agglomération chambérienne et faire obstacle à l'exercice normal de leur profession, pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code du commerce.

4°) Il est fait grief à la SCM des docteurs X, Y, Z, A, B, C, D et E de s'entendre avec le docteur Q, la SCM Victoria et la SCM des docteurs H, G, I, J et K, pour refuser ou limiter l'accès des docteurs T, R et S au marché des examens de scanner et d'IRM pratiqués par les radiologues libéraux sur l'agglomération chambérienne et faire obstacle à l'exercice normal de leur profession, pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code du commerce.

5°) Il est fait grief au docteur Q de s'entendre avec la SCM des docteurs X, Y, Z, A, B, C, D et E, la SCM Victoria et la SCM des docteurs H, G, I, J et K, pour refuser ou limiter l'accès des docteurs T, R et S au marché des examens de scanner et d'IRM pratiqués par les radiologues libéraux sur l'agglomération chambérienne et faire obstacle à l'exercice normal de leur profession, pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code du commerce".

II. Discussion

A. SUR LA COMPETENCE

44. Aux termes de l'article L. 410-1 du Code du commerce : "Les règles définies au présent livre s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services ". Dans un arrêt du 4 avril 1997, syndicat des médecins de la Somme, la Cour d'appel de Paris a considéré que "... si l'activité professionnelle libérale de soins médicaux a un caractère spécifique en ce que le choix du patient est dicté par des considérations personnelles où l'aspect financier n'est sans doute pas prioritaire, elle n'est pas pour autant exclue du champ d'application du droit de la concurrence dès lors qu'elle s'analyse en une activité de services, permettant la rencontre, moyennant paiement, d'une demande de la part des malades et d'une offre de la part des médecins".

45. Le caractère d'activité de services est encore renforcé s'agissant du radiologue libéral, car les patients lui sont adressés sur prescription médicale. Il répond à deux demandes à la fois : celle du médecin prescripteur et celle du patient. Il a ainsi une position d'intermédiaire dans la chaîne de soins et joue un rôle décisif dans l'élaboration du diagnostic médical.

B. SUR LA PRESCRIPTION

46. Dans sa décision 03-D-40, le Conseil de la concurrence a rappelé que la prescription de pratiques continues ne commence à courir qu'à compter de la cessation des pratiques.

47. En l'espèce, s'agissant de l'accès à l'IRM, les pratiques dénoncées doivent être regardées comme ayant commencé avec la proposition du 14 septembre 1996 faite par la SCM Imagerie Médicale du Nivolet aux docteurs T et R, de leur accorder une heure trente de vacations tous les quinze jours soit une moyenne individuelle mensuelle de une heure trente, alors que le 6 octobre 1996, la même SCM a proposé au cabinet des Galibouts, à Albertville, composé des docteurs V, W, 1 et 2, une convention leur accordant une vacation de trois heures trente par semaine, soit une moyenne individuelle mensuelle de trois heures trente. Elles se sont poursuivies les années suivantes et à l'heure actuelle, les trois plaignants n'ont jamais rattrapé le niveau de vacations attribuées aux médecins d'Albertville en 1996.

48. S'agissant du scanner privé, les pratiques dénoncées doivent être regardées comme ayant commencé le 3 juillet 1997, lorsque, à l'issue d'une réunion organisée sous l'égide de l'ordre des médecins, il a été répondu aux docteurs T, R et S qu'il n'était pas possible de répondre favorablement à leur demande du 6 mai 1997 d'accéder à cet appareil eu égard à l'enquête menée parallèlement par la DGCCRF. Elles se sont poursuivies les années suivantes car le protocole d'accord du 9 novembre 1999 n'a pas été suivi d'effet et à l'heure actuelle, les trois plaignants n'ont toujours pas accès au scanner privé de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet.

49. Les pratiques contestées, qui n'avaient pas cessé à la date des différentes saisines, présentent donc un caractère continu à partir du 14 septembre 1996 pour l'IRM et du 3 juillet 1997 pour le scanner. La prescription doit être écartée.

C. SUR LA PROCEDURE

1. LE RESPECT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE ET DES DROITS DE LA DEFENSE

50. La SCM Imagerie Médicale du Nivolet et les trois SCM associées soutiennent que les annexes du rapport administratif d'enquête ayant disparu, il n'est pas possible d'en vérifier la légalité, ce qui entache le rapport d'enquête d'irrégularité ; en outre, l'utilisation de ce rapport sans les annexes violerait le principe du contradictoire et le respect dû aux droits de la défense, qui imposent que l'ensemble des éléments pouvant venir à décharge soient pris en considération. Dès lors, la notification de griefs reposant en très grande partie sur les éléments tirés du rapport d'enquête, elle doit être jugée irrégulière dans son ensemble.

51. Dans son arrêt du 24 janvier 2006, "Ordre des avocats au barreau de Marseille", la Cour d'appel de Paris a rappelé que le principe du contradictoire était respecté dès lors que toutes les pièces sur lesquelles le rapporteur fondait son analyse étaient annexées à la notification de griefs et que le requérant ne contestait pas y avoir eu accès.

52. En l'espèce, la notification de griefs ne se fonde pas sur les annexes du rapport d'enquête administrative, puisque celles-ci ont disparu et, au surplus, il n'appartenait pas au Conseil de la concurrence d'apprécier la légalité desdites pièces. La notification de griefs se fonde exclusivement sur le contenu du rapport d'enquête ainsi que sur les pièces qui ont été transmises ou bien par les plaignants à l'appui de leur saisine, ou bien par la SCM Imagerie Médicale du Nivolet par l'intermédiaire du cabinet Jacques Bret (envois reçus les 6 février et 16 avril 2004), ou encore par le centre hospitalier de Chambéry.

53. Par ailleurs, le rapport d'enquête et toutes les pièces ci-dessus visées ont à nouveau été communiqués à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, aux trois SCM associées et au docteur Q, avec la notification de griefs. Ceux-ci ont donc disposé de l'intégralité des pièces sur lesquelles s'est fondé le rapporteur.

54. Il s'ensuit que l'utilisation du rapport d'enquête dans les conditions ci-dessus visées n'a pas violé le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense et que la notification de griefs n'est pas, sur ce point, entachée d'irrégularité.

2. LE RESPECT DU PRINCIPE D'IMPARTIALITE

55. La SCM Imagerie Médicale du Nivolet et les trois SCM associées soutiennent que le courrier du 6 mai 1997 du cabinet d'imagerie médicale des Ducs de Savoie, le courrier du 4 juin 1999 des docteurs T, R et S et le courrier de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet du 2 avril 1999, qui placeraient les saisissants face à leurs propres contradictions, ont sans doute été perdus par le rapporteur car celui-ci ne les vise pas dans sa notification de griefs, alors que ces pièces seraient décisives pour la solution du litige.

56. Les exposantes reprochent également au rapporteur de ne pas avoir vérifié concrètement les conditions dans lesquelles les vacations de scanner étaient attribuées aux membres des sociétés associées et de ne pas avoir demandé à la SCM Imagerie Médicale la raison pour laquelle le protocole d'accord du 9 novembre 1999 n'avait pas été suivi d'effets, car elle lui aurait répondu que l'absence de suite tenait exclusivement aux saisissants, comme l'attestent les courriers transmis en pièces 34 et 35 visés au point 49 des observations en réponse. Elles reprochent aussi au rapporteur de ne pas avoir demandé les statistiques d'intervention à l'IRM de 1998 à 2003 car les statistiques d'utilisation visées dans le rapport d'enquête se rapportent, selon elles, à une période prescrite.

57. L'instruction aurait donc été parcellaire et menée à charge.

58. Dans son arrêt susvisé du 24 janvier 2006, "Ordre des avocats au barreau de Marseille", la Cour d'appel de Paris a rappelé que le rapporteur fonde sa notification de griefs sur les faits qui lui paraissent de nature à en établir le bien-fondé et n'a pas à répondre à tous les arguments développés par les parties. Les précisions suivantes seront néanmoins apportées.

59. Le courrier du 6 mai 1997 dans lequel les docteurs S, T et R demandent à avoir accès au scanner du Nivolet "selon le modèle de convention de contrat en cours pour l'IRM par exemple", figure à l'annexe 18 de la notification de griefs (cote n° 240).

60. Le courrier du 4 juin 1996 dans lequel les docteurs S, T et R accueillent favorablement l'idée d'ouvrir les vacations d'IRM le samedi matin, a bien été reçu par le rapporteur. Cette pièce n'est pas annexée à la notification de griefs compte tenu de la proposition faite ultérieurement d'attribuer aux saisissants une vacation de 5 heures d'IRM un samedi sur 6, qui n'a pas emporté leur adhésion comme l'exprime le courrier du docteur T du 8 septembre 1999 figurant en annexe 24 de la notification de griefs (cote n° 252).

61. Le courrier du 2 avril 1999 de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet était joint à la saisine et figure en annexe 1 de la notification de griefs sous la cote n° 70.

62. Par ailleurs, s'agissant de la clé de répartition des vacations entre les membres des sociétés associées, la notification de griefs indique en page 9 : "le règlement intérieur de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, dans sa version du 8 août 1994 (cote n°117 à 118), réserve l'exclusivité des vacations de scanner aux membres associés des trois SCM et au docteur Q qui représentent quatre groupes d'utilisateurs. La répartition des vacations de scanner entre les membres s'effectue en proportion du nombre de parts détenues par chacun des membres comparé au total des parts appartenant aux quatre parties concernées". La notification de griefs se borne ici à se référer aux termes du règlement intérieur qui gouverne le fonctionnement de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet. Ce passage se situe dans la partie descriptive de la notification de griefs, relative à la présentation des intervenants et ne préjuge pas des investigations qui ont été menées ultérieurement.

63. La pièce n° 34 visée par le cabinet Jacques Bret concerne la transmission, par le cabinet Jacques Bret, aux docteurs T, R et S, d'un projet de lettre-contrat réduisant le nombre de vacations de scanner proposées par rapport au protocole d'accord du 9 novembre 1999, assortie d'une demande de règlement des frais et honoraires d'avocat en plus de l'établissement d'un chèque de 15 000 francs au nom de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet. La pièce n° 35 visée par le cabinet Jacques Bret, concerne le projet de lettre-contrat relatif aux vacations d'IRM : elle est donc sans rapport avec le protocole d'accord du 9 novembre 1999 relatif à l'utilisation du scanner. Ces deux pièces n'établissent pas à elles seules que l'absence de suite incomberait exclusivement aux trois saisissants.

64. S'agissant enfin des statistiques d'utilisation de l'IRM, il ressort des développements qui précèdent que les pratiques contestées présentant un caractère continu à partir du 14 septembre 1996 pour l'IRM et du 3 juillet 1997 pour le scanner, les statistiques visées dans le rapport administratif d'enquête du 26 février 1998 se rapportent à une période non prescrite. En outre, des précisions supplémentaires sur la répartition des vacations d'IRM ont été apportées par les trois co-gérants lors de leur audition du 13 mai 1997 par l'enquêteur de la DGCCRF : la notification de griefs en fait état page 27.

65. Les reproches concernant la conduite de l'instruction sont donc sans fondement.

D. LES PRATIQUES

1. LA DEFINITION DU MARCHE PERTINENT

a) Sur le marché de produits

66. Le marché se définit comme le lieu où se rencontrent l'offre et la demande de produits ou de services qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux mais non substituables aux autres biens ou services offerts (Cour d'appel de Paris, 17 juin 1992, Compagnie générale de vidéocommunication et autres).

67. On peut, dans un premier temps, considérer que le marché de produits concerne les examens de scanner et d'IRM pratiqués par les radiologues libéraux. Ces machines entrent toutes les deux dans la catégorie des équipements matériels lourds aux termes de l'article R. 712-2 du Code de la santé publique. La caractéristique de ce marché est que le nombre d'appareils de scanner et d'IRM est limité par la carte sanitaire et que leur exploitation est soumise à un régime d'autorisation préalable de l'administration. Le radiologue libéral, en sa qualité de prestataire de service de détail, ne peut répondre aux besoins des médecins prescripteurs et des patients que s'il a accès à ces équipements. Il faut donc distinguer un marché amont de l'accès aux équipements différents du marché aval des prestations de radiologie.

68. Le marché amont de l'accès des médecins radiologues aux équipements d'IRM et de scanner croise la demande de praticiens libéraux et l'offre d'entreprises gestionnaires d'équipements de radiologie lourde. Les conditions d'accès des médecins à ces équipements ont un effet sur le marché aval de la prestation de service médical rendue par les radiologues libéraux aux patients, le cas échéant par l'intermédiaire de médecins prescripteurs. Selon les données de l'instruction, presque tous les médecins membres des trois sociétés civiles associées au sein de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet ainsi que le docteur Q, associé individuel de la SCM, pratiquent la radiologie standard associée au scanner et à l'IRM au sein de cabinets privés. Ils sont donc les concurrents directs des docteurs T, R et S sur le marché aval de l'exploration radiologique au moyen d'équipements matériels lourds.

69. Sur ce marché aval des actes de radiologie, selon les données figurant dans la circulaire DHOS/SDO/04 n° 2002-250 du 24 avril 2002 publiée bulletin officiel n° 2002-19, le scanner représente environ 10 % des actes réalisés par les radiologues et l'IRM environ 5 %. Les examens de scanner et d'IRM apparaissent ainsi pour le radiologue libéral comme un marché connexe de celui de la radiologie standard pratiquée en cabinet privé.

70. Selon la même circulaire DHOS/SDO/04, le scanner et l'IRM sont des techniques partiellement substituables en pathologie abdominale. Mais ces techniques peuvent aussi être complémentaires. Ainsi, l'IRM est le plus souvent utilisé en complément du scanner pour l'exploration des affections ORL ainsi que dans les pathologies disco-ligamento dégénératives.

71. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 4127-8 du Code de la santé publique, "Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime les plus appropriées en la circonstance". Il appartient ainsi au médecin radiologue chargé d'examiner un patient de déterminer la technique, scanner ou IRM, qui lui paraît la plus adaptée aux investigations nécessitées par l'état du patient. Ces deux équipements apparaissent donc partiellement substituables du point de vue du médecin radiologue, qui recourra à l'une ou l'autre des machines en vue d'établir son diagnostic.

72. Toutefois, il ressort de la circulaire citée ci-dessus que chaque machine répond à une typologie propre d'examens sur la base d'un document intitulé "Recommandations en matière de prescription d'imagerie médicale", adopté par des experts représentant la radiologie et la médecine nucléaire européenne, en liaison avec le UK Royal College of Radiology, sous la coordination de la Commission européenne.

73. Il est donc possible, selon que l'on considère les actes de radiologie dans leur ensemble ou que l'on distingue certaines spécialités ou pathologies, de définir soit un marché unique de l'exploration radiologique au moyen d'équipements matériels lourds, soit deux marchés distincts, d'une part, le marché des examens de scanner, d'autre part, le marché des examens d'IRM. La définition de ces marchés de service détermine la définition des marchés amont de l'accès aux équipements, ce qui permet le cas échéant, de distinguer le marché de l'accès au scanner et celui de l'accès aux appareils d'IRM.

74. Il n'est cependant pas nécessaire, au cas d'espèce, de trancher la question des deux marchés des examens et donc des deux marchés de l'accès aux matériels de radiologie correspondants. En effet, comme le montre l'analyse ci-après, la délimitation géographique des marchés pertinents dans le département de la Savoie n'est pas la même pour les examens de scanner et d'IRM, ce qui conduit à les considérer en tout état de cause comme des marchés distincts.

b) Sur la délimitation géographique des marchés pertinents

75. Par la décision n° 06-S-03 du 15 mai 2006, le Conseil de la concurrence a décidé de surseoir à statuer sur la présente affaire au motif que les éléments figurant au dossier ne permettaient pas de l'éclairer complètement sur les pratiques dénoncées, notamment en ce qui concerne la délimitation géographique du marché pertinent.

76. Dans son rapport annuel pour 2001 (p. 102), le Conseil a considéré que "la délimitation d'un marché de produits s'entend sur une zone géographique définie, soit parce que l'analyse faite du comportement de la demande n'est valable que sur cette zone géographique, soit parce qu'il s'agit de la zone géographique à l'intérieur de laquelle les demandeurs se procurent ou peuvent se procurer le produit ou le service en question".

77. S'agissant plus particulièrement de l'appréciation de la position dominante dans un marché géographique donné, la Cour de justice a, dans son arrêt United Brands, considéré que l'on devait définir le marché pertinent "par référence à une zone géographique définie dans laquelle (le produit en cause) est commercialisé et où les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes pour pouvoir apprécier le jeu de la puissance économique de l'entreprise intéressée" (CJCE, 14 février 1978, Aff 27-76, United Brands).

78. La délimitation des marchés de l'accès au scanner et à l'IRM s'entend donc de la zone géographique où se rencontrent l'offre d'équipement et la demande d'accès des radiologues et sur laquelle les conditions de concurrence entre radiologues sont suffisamment homogènes, ce qui conduit à examiner les zones géographiques où se rencontrent l'offre des radiologues et la demande d'examens des patients adressés au radiologue sur prescription médicale.

79. Le complément d'instruction a permis d'obtenir des statistiques sur l'origine géographique des patients venant effectuer des examens de scanner et d'IRM en Savoie, informations communiquées, le 16 juin 2006, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie (CPAM). Les chiffres disponibles sont uniquement ceux de l'activité du régime général, qui couvre environ 80 % de la population française et concernent aussi bien l'activité des cliniques privées que du secteur libéral. Ils ne prennent pas en compte les examens internes aux hôpitaux publics réalisés sur des patients hospitalisés, qui entrent dans le cadre du budget global. L'intégralité de ces résultats sont analysés dans le rapport complémentaire du 26 juillet 2006.

80. Les chiffres du régime général fournissent un échantillon suffisamment représentatif du marché puisqu'ils couvrent une très large majorité des patients et que rien ne permet de supposer que le comportement des autres patients, fonctionnaires de l'Etat et salariés relevant de régimes spéciaux, est différent de celui des patients affiliés au régime général. Ce point n'a d'ailleurs été contesté en séance par aucune des parties.

En ce qui concerne les examens de scanner

81. Le département de la Savoie compte près de 400 000 habitants. La répartition géographique de la population est liée au relief alpin du département. Les deux plus importantes agglomérations, Chambéry et Aix-les-Bains, situées seulement à 15 km l'une de l'autre, se situent en dehors des zones montagneuses. L'arrondissement de Chambéry est le plus peuplé des trois que compte la Savoie puisque 60 % de la population y réside. Ceux d'Albertville et de St-Jean-de-Maurienne ne comptent respectivement que 28 % et 11 % de la population.

82. Ce département dispose de cinq scanners. Deux sont installés à Chambéry, l'un est un scanner public appartenant au centre hospitalier de Chambéry tandis que l'autre est le seul scanner privé du département et appartient à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet. Les trois scanners restants sont publics et sont installés respectivement au centre hospitalier d'Albertville, au centre hospitalier de Moûtiers et au centre hospitalier de Saint-Jean de Maurienne.

83. Les chiffres communiqués par la CPAM de la Savoie pour les années 2004 à 2006 permettent de définir trois bassins sanitaires géographiquement distincts, qui s'organisent autour des villes où se trouvent les centres d'examens. Le premier s'organise autour de l'agglomération de Chambéry et Aix-les-Bains, le second, autour des villes d'Albertville et de Moûtiers et le troisième, autour de la ville de Saint Jean de Maurienne.

84. Ces zones correspondent à des marchés locaux où se rencontrent la demande d'examens radiologiques lourds recensés pour les cantons de chaque zone, et l'offre constituée par les centres d'examen situés dans chacune de ces zones. Les cantons regroupés dans chaque zone sont ceux qui sont géographiquement situés le plus près ou reliés le plus facilement à chacune de ces quatre villes. La zone 1 dite de Chambéry correspond au bassin de santé de Chambéry et Aix-les-Bains et comprend 21 cantons. La zone 2 dite d'Albertville correspond au bassin de santé d'Albertville-Moûtiers et comprend 10 cantons. La zone 3 dite de Saint-Jean de Maurienne correspond au bassin de santé de Saint-Jean de Maurienne et comprend 5 cantons.

85. Ces bassins de santé, comme les appellent la CPAM et l'agence régionale d'hospitalisation (ARH), illustrent le fait que les patients effectuent leurs examens de scanner dans les centres se trouvant le plus près de leur domicile. Ce résultat est établi en croisant l'origine géographique des patients et le lieu d'examen de radiologie lourde. Le recouvrement des zones, définies à partir de ces deux critères, est presque total.

86. Ainsi, pour les habitants des 21 cantons de la zone de Chambéry, la moyenne des examens réalisés au centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moûtiers et au centre hospitalier de Saint-Jean de Maurienne est inférieure à 1 %, ce qui signifie que plus de 99 % des examens de radiologie lourde des habitants de la zone 1 sont réalisés à l'intérieur de la zone 1. Cette zone représente 60 % de la population du département.

87. En ce qui concerne les habitants de la zone 2 d'Albertville-Moûtiers, environ 85 % des examens de scanner prescrits sont effectués au centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moûtiers, moins de 10 % ont lieu au scanner du Nivolet, à Chambéry, moins de 5 % à l'hôpital de Chambéry et quasiment aucun à Saint-Jean de Maurienne. Ainsi, 85 % des examens de radiologie lourde des habitants de la zone 2 sont réalisés à l'intérieur de la zone 2. La zone 2 représente 28 % de la population du département.

88. S'agissant enfin des habitants des 5 cantons de la zone 3 dite de Saint-Jean de Maurienne, plus de 80 % des examens de scanner ont lieu au centre hospitalier de Saint-Jean de Maurienne et 10 % environ des examens ont lieu au scanner du Nivolet, à Chambéry, le reste se répartissant entre les deux centres restants. Ainsi, 80 % des examens de radiologie lourde des habitants de la zone 3 sont réalisés à l'intérieur de la zone 3. La zone 3 ne représente que 11 % de la population du département.

89. Compte tenu du faible pourcentage de la demande dirigée vers les centres de radiologie extérieurs à chaque zone, on peut considérer que les scanners des centres hospitaliers d'Albertville-Moûtiers et de Saint-Jean de Maurienne ne sont pas en concurrence directe entre eux, ni en concurrence avec les centres d'examens situés dans la zone de Chambéry, en particulier le scanner du Nivolet, et se trouvent donc sur des marchés géographiques différents, nonobstant la minorité d'examens effectués hors zone.

90. Mais on peut également observer le marché du point de vue de l'offre et évaluer l'origine géographique des patients orientés vers les différents appareils de radiologie lourde. Cette approche, complémentaire de la précédente revient, en quelque sorte, à examiner la zone de "chalandise" de chaque appareil de radiologie lourde ou encore à décrire le marché tel que peut le voir chaque offreur gestionnaire d'un de ces appareils.

91. A cet égard, les statistiques communiquées par la CPAM de la Savoie montrent que le scanner du centre hospitalier de Chambéry (zone 1) réalise 85 % de son activité, hors patients hospitalisés, avec des patients de la zone 1. La zone d'attraction est tout aussi localisée pour le scanner du Nivolet, puisque 93,7 % des patients traités avec cet équipement viennent de la zone 1. De même, le centre hospitalier intercommunal d'Albertville-Moûtiers (zone 2) reçoit 97 % de patients venant de la zone 2, tandis qu'environ 94 % des patients reçus au centre hospitalier de Saint-Jean de Maurienne (zone 3) viennent de la zone 3.

92. Ces résultats démontrent la forte étanchéité géographique des trois bassins de santé. Les centres de radiologie réalisent la quasi-totalité de leur chiffre d'affaires avec des examens réalisés sur des patients de leur zone d'implantation.

93. Ces chiffres confirment aussi que les bassins de santé sont définis par la CPAM et l'agence régionale d'hospitalisation à partir d'une réelle analyse des besoins de la population qui permet elle-même d'accorder les autorisations d'implantation d'appareils de radiologie lourde. Cette carte sanitaire correspond bien à des marchés locaux entre lesquels on n'observe qu'un très faible pourcentage de prestations croisées.

94. Dans sa décision n° 04-D-70 du 16 décembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des pompes funèbres de Saint-Germain en Laye, le Conseil de la concurrence a considéré que : "Le fait que des offreurs installés sur une de ces deux zones peuvent servir des demandes émanant de la zone voisine n'est pas suffisant pour établir qu'elles forment un marché géographique unique, dès lors que les services croisés sont limités à 12 % de l'activité et ne sont donc rendus qu'à titre occasionnel. D'une manière générale, des marchés locaux limitrophes ne sont jamais complètement étanches, sauf dans le cas où ils correspondent à un périmètre réglementaire qui interdit la migration de la demande. Cette relative porosité des bassins de chalandise n'empêche pas le droit de la concurrence de délimiter des marchés locaux".

95. Dans son arrêt du 13 septembre 2006, la Cour d'appel de Paris a confirmé cette solution en considérant que la définition d'un marché géographique unique couvrant plusieurs villes voisines n'était pas justifiée dans la mesure où "les services croisés - dans le cas d'offreurs installés sur une des zones servant des demandes émanant de la zone voisine- ne sont rendus qu'occasionnellement puisqu'ils ne représentent que 12 % de l'activité en cause".

96. Au cas présent, les statistiques communiquées par la CPAM de Savoie, aussi bien pour la demande des patients que pour l'offre de radiologie lourde, montrent que les prestations croisées entre les zones et les centres d'examens restent marginales.

97. Ces marchés locaux correspondent à des "zones de chalandise" dans lesquelles les médecins radiologues qui y sont installés réalisent l'essentiel de leur activité, les patients 17 leur étant le plus souvent adressés sur prescription médicale de médecins voisins. Pour pouvoir exercer dans des conditions de concurrence non faussée vis-à-vis des confrères de la même zone, ils doivent avoir accès aux équipements de scanner et d'IRM installés dans leur zone géographique afin de pouvoir répondre dans de bonnes conditions aux besoins de leurs patients et de leurs médecins prescripteurs.

98. En l'espèce, le scanner du Nivolet et celui du centre hospitalier de Chambéry sont seuls en concurrence pour offrir des prestations de scanner sur le même marché géographique pertinent, celui du bassin de santé de Chambéry-Aix-les Bains (zone 1). Il n'y a pas de substituabilité géographique avec les appareils des autres bassins de santé.

En ce qui concerne les examens d'IRM

99. Les deux machines IRM en service dans le département de la Savoie sont toutes deux installées à Chambéry et sont la propriété conjointe du centre hospitalier de Chambéry et de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet au sein du GIE IRM Savoie. Les chiffres de la CPAM de la Savoie montrent que les examens IRM, qui ne représentent qu'environ un tiers du nombre total d'examens radiologiques lourds, concernent dans une très large majorité des patients du département, les consultations hors département de la Savoie étant marginales.

100. Le marché géographique correspond donc, pour les consultations d'IRM et l'accès des radiologues libéraux de la Savoie à l'IRM, au département de la Savoie.

2. SUR LA POSITION DE LA SCM IMAGERIE MEDICALE DU NIVOLET SUR CES MARCHES

101. Les chiffres communiqués par la CPAM de la Savoie excluent les examens réalisés en interne par les hôpitaux publics sur leurs patients hospitalisés. Ces chiffres regroupent ainsi, pour les cinq centres d'examens concernés, les examens de scanner et d'IRM pris en charge par le régime général de la sécurité sociale réalisés sur des patients "externes" non hospitalisés ou bien sur des patients hospitalisés en cliniques privées, adressés à l'un des cinq centres d'examens du département.

a) En ce qui concerne le marché des examens de scanner sur le bassin de santé de Chambéry-Aix-les-Bains

102. Les chiffres suivants figurent dans le procès-verbal de la séance du CROSS de la région Rhône-Alpes du 14 octobre 2003, relative au renouvellement d'autorisation du scanographe du Nivolet avec remplacement d'appareil (annexe n° 4 du rapport complémentaire du 26 juillet 2006).

<emplacement tableau>

103. Le scanner du Nivolet, qui appartient au secteur libéral, réalise la quasi-totalité des actes de scanner pour les cliniques du bassin de Chambéry-Aix-les-Bains (Cliniques Cléret, Saint-Joseph, Générale de Savoie et Herbert), car la plupart des 19 radiologues libéraux qui composent la SCM Imagerie Médicale du Nivolet interviennent dans ces cliniques privées.

104. Le scanner du Nivolet réalise aussi une part très importante des scanners du centre hospitalier d'Aix-les-Bains (500 actes sur les 578 réalisés pour les hôpitaux en 2002). Malgré cela, plus de 85 % des patients venant passer un examen de scanner au Nivolet sont des patients "externes", c'est-à-dire non hospitalisés.

105. Les statistiques communiquées par la CPAM de la Savoie (rapport complémentaire du 26 juillet 2006, tableau p. 4) montrent qu'à l'intérieur de la zone 1 dite de Chambéry, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet réalise en moyenne par canton près de 90 % des examens des patients de cette zone (hors patients hospitalisés au centre hospitalier de Chambéry).

106. Cette proportion est particulièrement importante sur la zone d'Aix-les-Bains où la SCM Imagerie Médicale du Nivolet détient près de 95 % de part de marché, mais elle est aussi élevée dans les cantons de Chambéry où la part de marché du Nivolet est supérieure à 85 %. Comme cela a été indiqué, il n'existe qu'un faible pourcentage de demande vers les centres d'examens extérieurs à cette zone géographique, la moyenne sur les 21 cantons s'élevant à 0,76 % pour le centre hospitalier d'Albertville-Moûtiers et à 0,86 % pour le centre hospitalier de St-Jean-de-Maurienne.

107. En outre, l'offre de plages horaires du centre hospitalier de Chambéry, qui pourrait être substituable à celle de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, est faible car il ressort de l'instruction qu'il n'est pas possible pour le scanner hospitalier d'accueillir davantage de radiologues libéraux que le quota actuel d'une vacation hebdomadaire de 2 heures 30 minutes. Il faut en effet combiner les créneaux horaires affectés aux patients venant en consultation publique, les créneaux horaires affectés aux patients des praticiens hospitaliers exerçant en secteur libéral, ceux affectés aux patients hospitalisés ainsi que les urgences, au nombre de 10 à 12 examens par jour.

108. A l'intérieur de cette zone géographique, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet se trouve donc en position dominante sur le marché de l'accès aux examens de scanner effectués à titre libéral sur la zone de Chambéry et Aix-les-Bains.

b) En ce qui concerne le marché des examens IRM

109. Les deux machines IRM en service sont installées à Chambéry et sont la propriété conjointe du centre hospitalier de Chambéry et de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet. Le temps d'ouverture journalier du service est réparti à raison de 50 % pour le centre hospitalier et de 50 % pour les praticiens libéraux membres de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, ce qui correspond à 60 heures de vacation chacun pour des heures d'ouverture de 7 h 30 à 19 h.

110. Une extension de plage horaire a été accordée à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet par un avenant du 4 novembre 1999, les vacations se terminant à 20 heures les mardi et jeudi et à 20 heures 30 le vendredi. Depuis le 6 novembre 1999, la SCM dispose aussi du samedi matin, de 8 heures à 12 heures 30.

111. Selon les statistiques communiquées par les parties mises en cause à l'appui de leurs observations en défense du 30 août 2005 (annexe 5 du rapport complémentaire du 26 juillet 2006), l'activité de l'IRM Savoie pour les années 2001, 2002 et 2003 s'établit comme suit :

<emplacement tableau>

112. L'utilisation à titre libéral de l'IRM Savoie concerne les médecins hospitaliers ayant une activité privée à l'hôpital et les médecins libéraux "exclusifs" qui exercent aussi bien en clinique privée qu'en cabinet libéral. Parmi ceux-ci, figurent les 19 médecins radiologues des trois SCM associées de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, le docteur Q et les médecins extérieurs ayant passé une convention avec la SCM pour l'utilisation de l'IRM.

113. Les examens réalisés à titre libéral sur l'IRM Savoie représentaient ainsi 67 % du total des examens en 2001, 68 % en 2002 et 74 % des examens en 2003.

114. Les mêmes statistiques, fournies par les parties mises en cause, donnent une répartition plus détaillée pour le groupe Cléret, le groupe des Eléphants et celui d'Aix et pour les autres utilisateurs. Elles sont rassemblées dans le tableau suivant :

<emplacement tableau>

115. Là encore, l'offre de plages horaires du centre hospitalier de Chambéry de nature à exercer une pression concurrentielle sur la SCM Imagerie Médicale du Nivolet est faible car les 17 heures attribuées aux médecins hospitaliers pour leur activité relevant du secteur privé sont imputées sur les 60 heures hebdomadaires constituant les créneaux horaires attribués à l'hôpital pour les examens d'IRM.

116. Il ressort de l'instruction que les 43 autres heures disponibles sont, en principe, toutes utilisées et tout d'abord par le centre hospitalier de Chambéry lui-même. Ensuite, les centres hospitaliers de Belley, dans l'Ain, d'Albertville et de Saint-Jean de Maurienne disposent aussi de vacations sur les créneaux horaires de l'IRM : 3 heures 30 pour le premier et 2 heures 30 pour les seconds. Un seul radiologue privé installé en libéral dispose d'une vacation sur la partie réservée au centre hospitalier de Chambéry : le docteur 6, qui était auparavant praticien hospitalier à l'hôpital de Chambéry avant de s'installer dans l'Isère (télécopie envoyée le 19 septembre Mme 7, annexe n° 6 du rapport complémentaire du 26 juillet 005).

117. Il faut enfin rappeler que l'accès aux équipements matériels lourds dont l'hôpital est propriétaire obéit à un régime juridique différent de celui applicable au secteur libéral. Selon la jurisprudence administrative, ce n'est que lorsque les nécessités du service public hospitalier le justifient que les praticiens exerçant exclusivement en ville peuvent bénéficier, dans certaines conditions, d'un tel accès (C.E. 27 juillet 2005 requête n° 254232, mentionné aux tables du recueil Lebon).

118. Alors que les plages horaires gérées par l'hôpital restent limitées, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet a obtenu, comme il est indiqué au point 104, une extension de ses plages horaires disponibles. Enfin, les gérants de la SCM déterminent eux-mêmes le nombre de vacations d'IRM à accorder aux médecins "extérieurs" sur le quota réservé au secteur libéral.

119. La SCM Imagerie Médicale du Nivolet se trouve donc en position dominante sur le marché de l'accès aux examens d'IRM réalisés à titre libéral dans le département de la Savoie.

3. SUR LE CARACTERE ABUSIF DES PRATIQUES

a) Sur les différences de traitement en ce qui concerne l'accès au scanner

120. Comme il est indiqué aux points 26 et suivants de la décision, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet a été saisie par écrit le 6 mai 1997 d'une demande d'accès au scanner du Nivolet par les docteurs T, R et S, juste avant l'arrêté du 11 juin 1997 autorisant le renouvellement de cet appareil. La disposition contenue dans le premier arrêté du 9 mars 1990 selon laquelle "le bénéficiaire de la présente autorisation est tenu d'ouvrir l'accès à cet équipement à tout établissement public ou privé qui en ferait la demande" ne justifiait pas en elle-même le refus d'accès opposé à ces trois médecins regroupés en société, même dans l'hypothèse - au demeurant non établie- où le terme "établissement" n'aurait visé que les cliniques et les hôpitaux.

121. D'ailleurs, un premier protocole d'accord a été négocié le 3 juillet 1997, mais sans aboutir car les membres de la société présents lors de la négociation déploraient l'intervention de l'enquête de la DGCCRF et estimaient que la situation ainsi créée rendait impossible la prise en compte des demandes de vacations des trois saisissants au scanner du Nivolet (cote n° 242 de la notification de griefs du 26 avril 2005).

122. Puis, une réunion de conciliation s'est tenue le 9 novembre 1999 dans les locaux du conseil départemental de la Savoie de l'Ordre National des Médecins, qui a abouti à l'adoption des dispositions suivantes : "Il est proposé par les représentants du scanner du Nivolet aux docteurs T - S- R, 2 vacations hebdomadaires de scanner d'1 h 30 (aux horaires de : 18 h 30 - 20 h), sous réserve de l'acceptation par l'Assemblée Générale du scanner du Nivolet. Il est précisé par ailleurs : - que la répartition des patients se fera selon les mêmes modalités que pour les autres radiologues ; - que tous les radiologues participants sont soumis aux mêmes obligations administratives (qui seront précisées par la mise à jour du règlement intérieur)" (cote n° 75 de la notification de griefs).

123. Néanmoins, les saisissants ont reçu, peu de temps après, un projet de lettre-contrat qui divisait la plage horaire quasiment par trois par rapport à ce qui avait été convenu lors de cette réunion de conciliation (cote n° 72 de la notification de griefs). Ce projet de lettre-contrat indiquait, en effet, que la SCM leur attribuait une vacation de 2 h tous les 15 jours, soit une moyenne individuelle mensuelle de 1 h 20 minutes, au lieu de la moyenne individuelle mensuelle de 3 heures chacun, convenue lors de la réunion de conciliation. Ces vacations devaient être pratiquées le lundi de chaque semaine de 18 h 45 à 20 h 45.

124. En raison de la réduction du nombre de vacations de scanner proposées, aucun compromis n'a pu être trouvé entre la SCM Imagerie Médicale du Nivolet et les docteurs T, R et S, malgré les contacts pris de part et d'autre (cotes 254 et 268 de la notification de griefs).

125. Une lettre-contrat identique a été adressée le 4 octobre 2000 aux docteurs 8, 9 et 10 installés à Pontcharra, dans l'Isère, leur accordant 2 heures de vacations au scanner du Nivolet tous les quinze jours, mais ces mentions étaient, en fait, erronées et ont été rectifiées : le véritable quota était de deux heures de vacations par semaine. C'est ainsi que le 28 août 2000, les gérants du Scanner du Nivolet écrivaient : "Comme suite à votre courrier du 28 juillet 2000, nous vous confirmons notre accord après correction concernant les vacations des docteurs 8, 9 et 10. Cette vacation est bien de deux heures par semaine" (pièce 133 des observations en défense). La convention conclue avec les docteurs 8, 9 et 10 a donc été modifiée afin de leur accorder 2 heures de vacations par semaine pour eux trois, soit une moyenne mensuelle de 2 heures et 40 minutes chacun (pièce n° 81 des observations en défense), soit le double de la durée accordée aux plaignants.

126. Il apparaît ainsi que les docteurs T, R et S ont fait l'objet d'un traitement discriminatoire, tant par rapport aux dispositions convenues lors de la réunion de conciliation du 9 novembre 1999 qui les mettaient dans les mêmes conditions que tous les autres intervenants sur le scanner, y compris les médecins membres des trois SCM associées, que par rapport aux autres radiologues extérieurs installés en dehors du département de la Savoie, qui ont pourtant sollicité des plages horaires ultérieurement.

127. Dans le dernier état de leurs écritures, les docteurs T et R estiment l'état de leurs besoins à 3 heures de scanner chacun par semaine, tandis que le docteur S estime l'état de ses besoins à 3 h 30 par semaine.

b) Sur les différences de traitement en ce qui concerne l'accès à l'IRM

128. Les chiffres suivants sont tirés des statistiques communiquées par les parties mises en cause à l'appui de leur mémoire en défense du 30 août 2005. Ils figurent en annexe 5 du rapport complémentaire du 26 juillet 2006.

Sur les différences de traitement entre les trois saisissants et les médecins membres de la SCM

129. L'écart entre les moyennes individuelles d'utilisation de l'IRM est particulièrement net entre les différents groupes de radiologues membres des trois SCM associées au sein de la SCM du Nivolet puisque les plages horaires accordées conduisent en moyenne à un nombre d'examens par médecin quatre à cinq fois plus faible pour les trois saisissants que pour les groupes membres de la SCM.

<emplacement tableau>

130. Une différence de traitement, bien que de moindre ampleur, existe aussi entre les trois plaignants et le docteur Q, seul médecin libéral appartenant à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet à titre individuel et non comme membre de l'une des trois SCM associées, et qui exerce seul dans son cabinet d'Aix-les-Bains. Les chiffres de moyenne individuelle d'utilisation de l'IRM, pour 2002 et 2003, montrent qu'il pratique 2,5 fois plus d'actes sur l'IRM que les trois médecins saisissants.

En ce qui concerne les différences de traitement entre les saisissants et les autres médecins extérieurs

131. Si l'on devait se placer dans l'hypothèse, non démontrée au cas d'espèce, où les contrainte d'exploitation permettraient de justifier de façon objective la différence de traitement identifiée ci-dessus qui ne ferait que traduire la différence de situation des médecins, en considérant que les membres de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet puissent se prévaloir d'une priorité par rapport aux médecins extérieurs, il faudrait vérifier que ces derniers soient traités sur un pied d'égalité. Mais la comparaison des situations faites aux différents médecins extérieurs ne permet pas de vérifier qu'il en est ainsi.

132. Le 14 septembre 1996, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet a proposé aux docteurs T et R une convention dans laquelle leur était réservée 1 h 30 de vacations tous les quinze jours à répartir entre eux deux, soit une moyenne individuelle mensuelle de 1 h 30, représentant une moyenne de trois examens d'IRM.

133. Or, le 6 octobre 1996, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet a proposé au cabinet des Galibouds à Albertville, composé alors des docteurs V, W, 1 et 2, une convention leur accordant une vacation de 3 h 30 par semaine pour eux quatre, soit une moyenne individuelle mensuelle de 3 h 30 (p. 24 du rapport administratif d'enquête du 26 février 1998 joint à la notification de griefs). La moyenne mensuelle individuelle était donc près de 2, 5 fois supérieure à celle des médecins plaignants.

134. Puis, le 18 mars 1997, la SCM a proposé aux docteurs T, R et au docteur S, nouvellement installé, un projet de convention réduisant de fait leur moyenne individuelle de vacations car ces trois médecins devaient se répartir 1h 30 de vacations tous les quinze jours, un mercredi sur deux de 12 h à 13 h 30, soit une moyenne individuelle mensuelle de 1 h chacun (cotes n° 56 et 57 de la notification de griefs). Les saisissants ont donné leur accord sous réserve que ce nombre de vacations soit révisé à la hausse à la fin de l'année, comme cela avait été convenu dans le protocole d'accord du 3 juillet 1997 (cotes n°s 241, 242 et 243 de la notification de griefs).

135. A la fin de l'année 1999, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet a augmenté le nombre d'heures accordées aux docteurs T, R et S en le portant à 5 h 30 par mois à se répartir entre eux trois, soit un peu moins de 2 heures mensuelles chacun. Il était d'abord prévu de leur accorder une seule plage horaire de 5 heures un samedi sur six. Depuis la mise en service, en avril 2004, de la deuxième IRM exploitée par le GIE, ce nombre est passé à 7 h 30 par mois pour trois, soit 2 h 30 mensuelles chacun. Ces vacations doivent être pratiquées un samedi sur deux, à des horaires variables : 7 h 30 à 10 h 30 pour la semaine 2 et 7 h 30 à 12 h 30 pour la semaine 4.

136. Les trois plaignants n'ont donc pas rattrapé le niveau de vacations attribuées aux médecins d'Albertville dès 1996, comme le montre le tableau ci-après :

<emplacement tableau>

137. La SCM Imagerie Médicale du Nivolet a, par la suite, conclu d'autres conventions avec le docteur 5, dont le cabinet de radiologie est situé à Belley dans l'Ain, et avec les docteurs 11 et 12, installés respectivement à Moûtiers et à Bourg Saint Maurice.

138. Les chiffres concernant les docteurs 11 et 12 ne figurent pas au dossier, mais ceux du docteur 5 sont disponibles pour les années 2001, 2002 et 2003. On constate alors que, bien que ce médecin soit installé en dehors du département de la Savoie et qu'il ait présenté sa demande bien après les docteurs T, R et S, il a d'emblée obtenu un nombre de vacations d'IRM comparable, voir légèrement supérieur, à celui des trois plaignants, soit en moyenne mensuelle 43 en 2001, 51 en 2002 et 45 en 2003.

139. Sur les trois années, la moyenne individuelle des docteurs T, R est S est donc inférieure à la moyenne individuelle des autres médecins extérieurs autorisés à utiliser l'IRM, qui n'exercent pas dans la même zone géographique que les trois saisissants et la SCM Imagerie Médicale du Nivolet et ne partagent donc pas le même bassin de chalandise.

140. Dans le dernier état de leurs écritures, les docteurs T et R estiment l'état de leurs besoins à 3 heures de vacations d'IRM chacun par semaine tandis que le docteur S estime l'état de ses besoins à 3 h 30 de vacations d'IRM par semaine, c'est-à-dire un besoin comparable à ceux du groupe d'Albertville qui ont obtenu satisfaction depuis 10 ans.

c) Sur l'absence de justification apportée

141. La SCM Imagerie Médicale du Nivolet indique dans ses observations en défense du 30 août 2005, que la clé de répartition qui avait été retenue pour les vacations de scanner dans le règlement intérieur rédigé au moment de la constitution de la SCM, selon laquelle les vacations sont attribuées au prorata des apports de chaque SCM associées, n'a jamais été respectée. Elle soutient que la répartition des vacations est opérée en fonction, d'une part, des souhaits des médecins demandeurs et, d'autre part, des prescriptions du droit de la santé publique et de l'ARH pour l'octroi des autorisations, sauf en ce qui concerne le cas du docteur Q . Elle invoque aussi, s'agissant notamment des vacations de scanner, la saturation de cet équipement et la possibilité qu'auraient les trois médecins de conclure une convention d'utilisation du scanner et de l'IRM avec le centre hospitalier de Chambéry.

142. Le 14 juin 2006, le rapporteur a demandé à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet quelles étaient les conditions d'attribution des vacations de scanner et d'IRM et, s'agissant des médecins "extérieurs" bénéficiaires de ces vacations, quelles avaient été les conditions d'application de ces critères. Dans son courrier du 30 juin 2006, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet indique que l'attribution des vacations s'est opérée sur la base des considérations suivantes (annexe n° 10 du rapport complémentaire du 26 juillet 2006) :

- radiologues d'Albertville (docteurs V, 1, 3, W et 4) : ces médecins exercent dans un bassin de population important et en liaison avec des établissements de santé ; - ces médecins sont tous compétents, titrés et réputés ; - leur disponibilité et leur dynamisme sont notoires ; - ils ont demandé et obtenu, en partenariat avec l'hôpital d'Albertville, une autorisation d'exploitation d'IRM en 2005.

- docteurs 11 et 12, installés respectivement à Moûtiers et Bourg-Saint-Maurice : leur demande était d'une nature un peu différente car ces médecins désiraient plutôt maintenir leur niveau de compétence dans le domaine de l'IRM dans l'attente d'une autorisation demandée avec le groupe des radiologues d'Albertville plutôt que de développer une activité à Chambéry ; ces médecins effectuent des vacations au scanner de Moûtiers.

- docteurs 8, 9 et 10, installés à Pontcharra, dans l'Isère : ces médecins ont obtenu un nombre de vacations de scanner correspondant à leurs voeux. En 2004, ces médecins ont obtenu, en partenariat avec d'autres médecins du Grésivaudan, une autorisation d'exploiter un scanner, qui sera implanté à Crolles.

143. Aucune clé de répartition quantitative et dont l'objectivité serait vérifiable n'est présentée par les parties mises en cause. Les exemples fournis montrent au contraire que les critères qualitatifs appliqués relèvent de la libre appréciation des gestionnaires de l'équipement radiologique concerné et pourraient tout aussi bien s'appliquer aux docteurs T, R et S .

144. Cette absence de critère objectif est particulièrement mise en évidence par les lacunes des explications données au refus aussi bien que par les variations de celles-ci. Alors que dans le cadre du protocole d'accord conclu le 9 novembre 1999 sous l'égide de l'Ordre des médecins, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet était prête à attribuer aux docteurs T, R et S trois heures de vacations de scanner par semaine, la même SCM invoque aujourd'hui l'incompétence de ces médecins, leur absence de disponibilité et leur non insertion dans un réseau de soins pour justifier la réduction des vacations proposées, alors que ces médecins traitent à eux trois plus de 20 000 patients par an. Les mêmes raisons sont invoquées pour justifier que ne leur soient attribuées chacun que 2 heures 30 de vacations d'IRM mensuelle malgré le doublement, en 2004, de la capacité de cet équipement. Pour ajouter à la confusion, la même SCM indique aussi que certains médecins membres des trois SCM associées n'exercent ni vacation d'IRM, ni vacation de scanner tandis que le docteur Q, membre de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, exerce seul dans son cabinet d'Aix-les-Bains et dans aucune des cliniques du bassin chambérien.

145. Par ailleurs, la saturation des créneaux disponibles, tant pour les examens de scanner que d'IRM, n'est pas démontrée compte tenu des différentes conventions conclues par la SCM Imagerie Médicale du Nivolet avec des médecins extérieurs : - pour l'IRM, convention avec les 4 puis les 5 médecins du cabinet des Galibouts à Albertville ; convention avec le docteur 5 dans l'Isère ; convention avec les docteurs 11 et 12 installés à Bourg Saint Maurice et Moûtiers ; - pour le scanner, convention avec les 3 médecins du groupe de Pontcharra, dans l'Isère.

146. Au surplus, depuis la création de la SCM, cinq nouveaux médecins sont devenus membres des trois SCM associées et bénéficiaires des vacations de scanner et d'IRM : les docteurs K, D, O, P et E.

147. Cette justification ne peut donc être retenue pour expliquer l'accès limité voir inexistant, s'agissant du scanner, des docteurs T, R et S aux équipements matériels lourds gérés par la SCM Imagerie Médicale du Nivolet.

148. En ce qui concerne la possibilité qu'auraient les trois saisissants de conclure une convention d'utilisation du scanner et de l'IRM avec le centre hospitalier de Chambéry, comme il a été dit aux points 107 et 115 à 118 de la décision, il ressort de l'instruction qu'il n'est pas possible pour cet établissement d'accueillir davantage de radiologues libéraux. Il faut en effet combiner les créneaux horaires affectés aux patients venant en consultation publique, les créneaux horaires affectés aux patients des praticiens hospitaliers exerçant en secteur libéral, ceux affectés aux patients hospitalisés ainsi que les urgences, au nombre de 10 à 12 par jour (courriel de Mme 13 du 21 septembre 2005 enregistré sous le n° 1914, apportant ces précisions).

149. S'agissant de l'IRM, il convient de rappeler qu'aux termes du règlement intérieur du GIE IRM Savoie : "Le fonctionnement du service IRM sera assuré par le centre hospitalier de Chambéry pour le secteur public et par les médecins associés dans la SCM Imagerie Médicale du Nivolet pour le secteur privé". La SCM Imagerie Médicale du Nivolet représentant le secteur privé au sein du GIE, c'est à elle que doivent s'adresser les docteurs T, R et S en leur qualité de radiologue libéral, d'autant que la SCM a obtenu une extension de ses plages horaires par rapport à l'hôpital et l'ouverture de l'IRM le samedi matin.

150. Aucune justification n'est ainsi apportée aux pratiques discriminatoires constatées à l'encontre des docteurs T, R et S en ce qui concerne l'octroi des vacations d'IRM et de scanner.

d) Sur l'absence d'infrastructure essentielle pour qualifier l'abus

151. Dans leurs observations orales lors de la séance du 28 février 2006, les défendeurs ont soutenu qu'aucun abus ne peut être constaté dès lors que les équipements gérés par la SCM du Nivolet ne sont pas considérés comme des facilités essentielles et que cette absence de qualification ôte toute justification aux atteintes à la propriété privée que constituerait l'immixtion du droit de la concurrence dans la gestion de l'équipement radiologique dont ils sont propriétaires.

152. En ce qui concerne l'atteinte au droit de propriété, l'argument est sans objet puisqu'il ne s'agit pas ici de se prononcer sur la possibilité qu'ont les plaignants de devenir associés de la SCM propriétaire des équipements, mais simplement sur leur droit à un accès et un usage dans des conditions non discriminatoires. Cette demande porte d'autant moins atteinte au droit de propriété qu'un tel accès a été accordé à plusieurs médecins non membres de la SCM, y compris les saisissants, et que seules sont en cause la différence de traitement entre ces médecins et l'absence de critère clair pour l'attribution de ces droits d'usage.

153. Ensuite, l'existence d'une atteinte à la concurrence doit être constatée indépendamment de la notion d'infrastructure essentielle, comme ceci ressort de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 6 juillet 1994, société Elf Antar France et Total Réunion Comores. Cet arrêt confirme la décision du Conseil de la concurrence n° 93-D-42 du 19 octobre 1993, où étaient en cause deux sociétés titulaires d'un droit d'occupation d'une partie de l'aéroport en vertu d'une convention passée avec la chambre de commerce et d'industrie de la Réunion et propriétaires d'installations de stockage et de distribution de carburéacteur au sein d'un GIE. Ces sociétés s'étaient abstenues de répondre à la demande d'une société tierce qui demandait à utiliser les installations en qualité de simple passeur ou de membre du groupement. La cour d'appel a considéré qu'en s'abstenant de répondre à ces demandes, les sociétés mises en cause avaient créé artificiellement une barrière à l'entrée de la société tierce sur le marché. Ces pratiques, constitutives d'une entente au sens de L. 420-1 du Code du commerce, étaient également constitutives d'un abus de position dominante comme ayant été mises en œuvres par des entreprises bénéficiant d'une position dominante sur le marché de référence. Cette analyse a été confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt du 5 mars 1996.

154. Cette jurisprudence considère donc comme un abus de position dominante le fait, pour les propriétaires ou gestionnaires d'un équipement qui leur donne une position particulière en tant qu'offreur sur le marché, de refuser l'accès ou de donner un accès discriminatoire à l'équipement en cause, sans pour autant invoquer la théorie des facilités essentielles, ni les risques d'atteinte au droit de propriété. Cette solution a d'ailleurs été confirmée par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt, Société des abattoirs de Laval du 22 février 2005.

155. Au cas présent, l'autorisation administrative nécessaire à l'exploitation d'un scanner ou d'une IRM constitue une barrière à l'entrée sur le marché des examens de scanner et d'IRM réalisés par les radiologues libéraux.

156. Il convient de rappeler que le nombre d'équipements matériels lourds, dont font partie le scanner et l'IRM, est fixé par la carte sanitaire. Jusqu'au 31 décembre 2002, aucune demande de scanographe n'était recevable pour le département de la Savoie compte tenu du nombre d'appareils théoriquement autorisés et effectivement installés (arrêté n° 2002-RA-316 du 9 octobre 2002 arrêtant le bilan de la carte sanitaire applicable aux dépôts des dossiers pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2002). A compter du 1er avril 2003, l'agence régionale d'hospitalisation a autorisé l'attribution d'un scanographe 27 supplémentaire dans le bassin de santé de Chambéry et Aix-les-Bains, qui correspond à la zone 1 dite de Chambéry, pour faire face à des besoins exceptionnels tenant à des situations d'urgence et d'impérieuse nécessité en matière de santé publique, avec une procédure d'autorisation deux fois plus longue que la procédure ordinaire.

157. Comme il a été vu au point 8 de la décision, la logique présidant à la délivrance des autorisations d'exploiter un scanner ou une IRM est de "permettre l'accès de tous les professionnels de l'imagerie aux différentes techniques", selon les termes de la circulaire DHOS/SDO/04 n° 2002-250 du 24 avril 2002.

158. Conformément aux orientations définies dans cette circulaire et dans le schéma régional d'organisation sanitaire et sociale, les autorisations d'exploiter un scanner sont délivrées par l'administration à des groupes importants de radiologues afin d'assurer la rentabilité de ces équipements et leur insertion dans un réseau de soins : la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, qui a obtenu une autorisation d'exploiter un scanner en 1991, regroupait à l'origine, par l'intermédiaire des trois SCM associées, 15 radiologues libéraux, qui sont désormais 19 ; la SCM Centre d'Imagerie Médicale du Grésivaudan, dans l'Isère, qui a obtenu en 2004 de manière exceptionnelle une autorisation d'exploiter un scanner sur la commune de Crolles sans être adossée à un établissement de santé (annexe n° 12 du rapport complémentaire du 26 juillet 2006), est composée d'au moins deux médecins du "groupe de Pontcharra" (les docteurs 8 et 10) mais aussi d'autres radiologues comprenant notamment les docteurs 14 (Crolles), 15 (Saint Ismier), 16 (Brignoud), 6 (Pontcharra), soit un total d'au moins 6 radiologues (annexe n° 14 du rapport complémentaire du 26 juillet 2006).

159. S'agissant de l'IRM, les autorisations ont été délivrées, dans le département de la Savoie, lorsqu'il existait un groupement d'intérêt public associant l'hôpital public et un groupe de radiologues privés. Ainsi, le GIE IRM Savoie associe le centre hospitalier de Chambéry et la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, tandis que le GIE d'Albertville, qui a obtenu la troisième autorisation d'IRM du département, est composé du centre hospitalier d'Albertville-Moûtiers et d'un groupe de radiologues libéraux comprenant le groupe des Galibouts d'Albertville (Drs V, W, 1, 3 et 4) ainsi que les docteurs 11 et 12 de Moûtiers et Bourg-St-Maurice et le docteur 17 de Montmélian.

160. Les docteurs T, R et S n'avaient donc aucune chance d'obtenir, pour eux seuls, l'une de ces autorisations d'exploiter un scanner ou une IRM.

161. Or, ces trois médecins étant installés dans la zone 1 dite de Chambéry, ils doivent pouvoir effectuer des examens de scanner et d'IRM sur place pour répondre aux besoins de leurs patients et des médecins prescripteurs, compte tenu du taux de migration quasi-inexistant de ces patients vers les zones géographiques voisines. Il existe en effet une très forte corrélation entre la situation géographique des centres d'examen et celle du cabinet du praticien installé à l'intérieur de cette zone de chalandise qui regroupe 60 % de la population du département de la Savoie.

162. Ainsi qu'il a été vu aux points 93 à 102, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet est en position dominante sur le marché des examens de scanner réalisés à titre libéral pris en charge par le régime général de la sécurité sociale, dans la zone géographique correspondant au bassin de santé de Chambéry-Aix-les-Bains. En limitant l'accès des docteurs T, R et S de manière discriminatoire au scanner du Nivolet, pour lequel aucun compromis n'a pu être trouvé à ce jour, sans pouvoir invoquer des considérations objectives justifiant un traitement différent de celui réservé aux autres médecins extérieurs à la SCM et à ceux qui sont membres des trois SCM associées, elle dresse une barrière artificielle à l'entrée de ces médecins sur ce marché et abuse ainsi de sa position dominante au sens de l'article L. 420-2 du Code du commerce.

163. S'agissant des examens d'IRM, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet est également en position dominante sur le marché des examens d'IRM réalisés à titre libéral dans le département de la Savoie. Là encore, en limitant l'accès des docteurs T, R et S de façon discriminatoire aux IRM qu'elle gère conjointement avec le centre hospitalier de Chambéry dans le cadre du GIE IRM Savoie, concernant le quota d'heures de vacation réservées au secteur libéral, sans indiquer les critères clairs et objectifs sur lesquels elle se fonde par rapport aux autres médecins extérieurs et ceux qui sont membres des trois SCM associées, elle dresse une barrière artificielle à l'entrée de ces médecins sur ce marché et abuse ainsi de sa position dominante au sens de l'article L. 420-2 du Code du commerce.

e) Sur l'entente

164. La jurisprudence admet qu'un refus d'accès à un équipement dans des conditions discriminatoires peut être qualifié aussi bien d'abus de position dominante de la personne morale gestionnaire de l'équipement sur le marché de ces équipements que d'entente entre les associés au sein de cette personne morale pour exclure un de leurs concurrents d'un marché connexe (cf. Cour de cassation GIE de l'aéroport de St-Denis de la Réunion du 5 mars 1996 sus mentionnée).

165. Dans son jugement du 14 novembre 2001 le Tribunal de grande instance d'Annecy a jugé que le refus d'accès à un scanner pour les radiologues non membres de la société de gestion de cet équipement était constitutif d'une entente anticoncurrentielle, mais cette solution s'appuyait sur le fait que les statuts et leur application effective avaient réservé l'usage du scanner aux associés, ce qui avait conduit à exclure totalement de l'accès les radiologues non membres de la société de gestion, en contradiction avec les objectifs énoncés dans l'autorisation des autorités sanitaires.

166. En l'espèce, il n'est contesté, ni par la notification de griefs, ni par les saisissants, que le scanner du Nivolet est accessible à de nombreux radiologues non membres de la SCM de gestion, seules les conditions d'accès discriminatoires étant en cause. Ce comportement est imputable à la seule personne morale étant observé qu'à la différence de ce qui a été jugé par le TGI d'Annecy, aucune disposition des statuts de la SCM de gestion ne peut faire présumer l'accord de volonté des associés et encore moins celui des radiologues membres des différentes sociétés civiles associées pour appliquer des conditions discriminatoires.

167. Il aurait toutefois été envisageable de démontrer, à partir d'indices, cet accord de volonté mais tel n'a pas été le cas. Bien au contraire, le représentant du docteur Q a soutenu en séance que son client s'était désolidarisé des gérants de la SCM sur le sujet des règles d'accès des radiologues extérieurs, sans être contredit par les saisissants. Il n'est donc pas établi par les éléments figurant au dossier que les radiologues auraient individuellement approuvé une politique discriminatoire dans un but anticoncurrentiel.

168. En conséquence, les griefs d'entente doivent être écartés.

E. SUR LES SANCTIONS

1. EN CE QUI CONCERNE LA LOI APPLICABLE

169. Les infractions retenues ci-dessus ont fait l'objet de deux saisines jointes, dont une saisine antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite loi NRE, et une saisine d'office, postérieure à cette loi. Leur commission, pour la période non prescrite, est continue depuis le 14 septembre 1996 en ce qui concerne l'accès à l'IRM et le 3 juillet 1997 en ce qui concerne l'accès au scanner.

170. En vertu de la non-rétroactivité des lois à caractère punitif plus sévères, les dispositions introduites par la loi NRE au I de l'article L. 464-2 du Code du commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne s'appliquent pas aux pratiques commises avant la date de son entrée en vigueur, soit le 18 mai 2001. En outre, la loi NRE a expressément prévu que les nouvelles dispositions sur les sanctions ne s'appliquent pas aux affaires pour lesquelles une saisine du Conseil de la concurrence a été effectuée antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

171. Ainsi, l'application des dispositions plus sévères est soumise à une double condition : que la saisine soit postérieure à la loi et que les faits soient postérieurs à la loi.

172. En l'espèce, les pratiques étant continues avant et après l'entrée en vigueur de la loi, la seconde condition est remplie pour la période 2001-2005. Mais la première condition ne l'est pas. En effet, en présence de saisines multiples portant sur les mêmes pratiques et qui ont été jointes, le fait que l'une d'elles soit postérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi plus sévère est sans incidence sur l'antériorité, par rapport à cette même date, de l'autre saisine qui demeure soumise à l'examen du Conseil dans le cadre du même contentieux.

173. Ainsi, comme l'a déjà décidé le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 05-D-49 du 28 juillet 2005, afin d'assurer une application d'un régime unique aux pratiques visées dans des saisines jointes et le respect du principe de non rétroactivité des lois à caractère punitif plus sévères, il convient de retenir la date de la saisine la plus ancienne pour déterminer la loi applicable.

174. Il en résulte que les dispositions du I de l'article L. 464-2 du Code du commerce applicables en l'espèce sont celles qui prévalaient avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.

2. EN CE QUI CONCERNE LA DETERMINATION DE LA SANCTION

175. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code du commerce dans sa rédaction en vigueur avant la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction".

176. La présente affaire relevant de la procédure simplifiée et d'une première saisine antérieure à la promulgation de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, il y a lieu de faire application de l'article L. 464-5 du Code du commerce dans sa rédaction antérieure à la loi susvisée, qui dispose que : "Le Conseil, lorsqu'il statue selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3, peut prononcer les mesures prévues au I de l'article L. 464-2. Toutefois la sanction pécuniaire ne peut excéder 500 000 francs (76 244 euro) pour chacun des auteurs des pratiques prohibées".

a) Sur la gravité des faits et l'importance du dommage à l'économie

177. Les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre sont graves, parce qu'elles interviennent dans le secteur de la santé publique, dans lequel la concurrence est déjà réduite en raison de l'existence d'une réglementation destinée à assurer le meilleur service de santé pour la population tout en préservant les équilibres budgétaires du système d'assurance maladie et qu'elles perturbent, s'agissant plus particulièrement de la radiologie, un des rares mécanismes concurrentiels encore effectif : la concurrence entre médecins radiologues libéraux. Compte tenu du nombre de patients examinés par les docteurs T, R et S qui s'élève aux alentours de 20 000 patients par an, il en résulte une distorsion de concurrence importante par rapport aux principaux utilisateurs historiques du scanner et des deux IRM, qui sont les concurrents directs des trois plaignants sur le marché aval où ils exercent leur activité.

178. Ces pratiques modifient la portée de l'autorisation administrative délivrée par les pouvoirs publics, en la transformant en un droit exclusif d'exploiter dans un secteur où, de surcroît, la concurrence par les prix joue peu et où l'accès aux installations est un élément essentiel. Les pratiques relevées permettent en effet à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet et aux sociétés de médecins qu'elle regroupe de se réserver un scanner et deux IRM, alors que leur usage avait vocation à être collectif.

179. La logique prévalant à la délivrance des autorisations administratives d'installation est de répondre aux besoins de santé publique de la population : si une complémentarité public-privé est parfois à l'origine des projets, l'adossement à un hôpital public est très souvent recherché, à charge pour le secteur privé de s'organiser, dans le respect du droit de la concurrence.

180. En écartant le docteur T déjà installé sur place et en refusant d'accueillir les docteurs R et S nouvellement installés dans la région - qui n'ont donc pu s'associer au processus de demande des autorisations administratives - la SCM Imagerie Médicale du Nivolet et les trois SCM associées tendent en outre à figer la concurrence et confèrent aux praticiens déjà installés un avantage important par rapport aux nouveaux venus. D'une part, les professionnels de santé exclus ne peuvent réaliser des examens par scanner ou IRM dans de bonnes conditions, ce qui peut signifier, au-delà d'un manque à gagner en terme de chiffre d'affaires, une perte de technicité dommageable pour la collectivité dans son ensemble. D'autre part, cette situation peut conduire à une évasion de la clientèle, dans le mesure où les médecins prescripteurs n'adresseront pas les patients ayant besoin d'examens de scanner ou d'IRM à des radiologues ne pouvant y procéder dans des conditions normales.

181. Cette situation est d'autant plus gênante qu'elle risque de perdurer. En effet, les docteurs T, R et S ont peu de chance de voir évoluer le parc des appareils radiologiques lourds autorisés en Savoie et donc de devenir un jour gestionnaires d'autres installations.

b) Sur la situation de la société concernée

182. La SCM Imagerie Médicale du Nivolet, en qualité de titulaire de l'autorisation administrative d'exploitation d'un scanner privé, de propriétaire et de gestionnaire de cet équipement pour le secteur libéral et en qualité de membre du GIE IRM Savoie, de co-propriétaire et de co-gestionnaire pour le secteur libéral des deux IRM installées sur le bassin de santé de Chambéry-Aix-les-Bains, a pris une part active, directe et prépondérante aux pratiques relatives au traitement discriminatoire des demandes d'accès des docteurs T, R et S à ces équipements matériels lourds. Le montant des bénéfices de la SCM Imagerie Médicale du Nivolet pour le dernier exercice clos (2005) s'est élevé à 1 490 875 euro. En fonction des éléments généraux et individuels exposés, et, notamment, de la durée des pratiques, il y a lieu de lui appliquer une sanction pécuniaire d'un montant de 15 000 euro.

c) Sur la demande d'injonction

183. Il convient d'enjoindre à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet d'édicter des critères clairs, objectifs et non discriminatoires pour l'octroi des vacations de scanner et d'IRM aux médecins radiologues non membres de la SCM.

Décision

Article 1er : Il n'est pas établi que SCM Imagerie Médicale du Nivolet, les trois sociétés civiles de moyens qui en sont membres et, à titre individuel, les médecins libéraux dont la liste est visée par les griefs, tels qu'ils sont rappelées aux points 42 et 43 de la présente décision, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code du commerce.

Article 2 : Il est établi que la SCM Imagerie Médicale du Nivolet a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code du commerce.

Article 3 : Une sanction de 15 000 euro est infligée à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet.

Article 4 : Il est enjoint à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet d'édicter, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, des critères clairs, objectifs et non discriminatoires pour l'octroi des vacations de scanner et d'IRM aux médecins non membres de la SCM.

Article 5 : Dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, la SCM Imagerie Médicale du Nivolet, fera publier le texte suivant, dans une édition du Dauphiné Libéré et dans le Quotidien du Médecin :

"La SCM Imagerie Médicale du Nivolet, titulaire d'une autorisation pour exploiter un scanner privé dans le bassin de santé de Chambéry et qui est, de ce fait, en position dominante sur le marché de l'accès aux examens de scanner et d'IRM réalisés à titre libéral dans le département de la Savoie, a commis un abus de cette position en traitant de façon discriminatoire les demandes d'accès aux équipements présentés par les médecins libéraux. Cette discrimination s'est exercée à l'encontre des docteurs T, R et S, non membres de la société civile de moyens chargée de gérer l'équipement radiologique en cause. Le Conseil de la concurrence a infligé à la SCM Imagerie Médicale du Nivolet une sanction pécuniaire de 15 000 euro et lui a enjoint d'édicter, dans un délai de trois mois, des critères clairs, objectifs et non discriminatoires pour l'octroi des vacations de scanner et d'IRM aux médecins non membres de la SCM"

Cette publication portera la mention : "Décision n° 06-D-36 du 6 décembre 2006 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre par la SCM Imagerie Médicale du Nivolet. Elle peut mentionner, le cas échéant, que la décision fait l'objet d'un recours".