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Décisions

Cass. soc., 13 décembre 2006, n° 05-41.959

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Zaidi

Défendeur :

Federal Mogul (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sargos

Rapporteur :

M. Rovinski

Avocat général :

M. Mathon

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Thomas-Raquin, Bénabent

Paris, 21e ch. civ., du 15 févr. 2005

15 février 2005

LA COUR : - Attendu que M. Zaidi a été engagé le 9 avril 1984 par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de VRP multicartes par la société Abex nouvellement dénommée SAS Federal Mogul, la convention des VRP se trouvant applicable aux relations contractuelles entre les parties ainsi que la loi française bien que le salarié ait eu pour secteur exclusif l'Algérie; qu'il a été licencié le 7 mai 1987 pour faute grave aux motifs de "perte de confiance, mauvaise exécution de son contrat de travail et contrat inexécutable du fait de la législation algérienne" ; que contestant la légitimité de son licenciement, M. Zaidi a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes;

Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi principal du salarié : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur qui est préalable : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 15 février 2005) d'avoir jugé que le licenciement de M. Zaidi était fondé sur une cause réelle et sérieuse et non pas sur une faute grave et de l'avoir en conséquence condamné à lui payer une indemnité de préavis et les congés payés afférents ainsi qu'une indemnité de clientèle alors, selon le moyen, que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis; que la méconnaissance par le VRP de son obligation contractuelle consistant en l'établissement de rapports à l'adresse de son employeur constitue une faute lourde et, à tout le moins, une faute grave ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, après avoir constaté qu'en plus d'une insuffisance de résultats il pouvait être reproché à M. Zaidi la violation de son obligation contractuelle d'établir des rapports d'activité trimestriels n'en écarte pas moins la qualification de faute grave, viole les articles L. 122-6 et L. 751-7 et suivants du Code du travail;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que les manquements du salarié résultaient de son insuffisance de résultats et de sa carence dans l'établissement de ses rapports trimestriels, a pu décider qu'ils ne constituaient pas une faute grave de nature à rendre impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le moyen n'est pas fondé;

Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir dit que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen : 1°) que l'insuffisance de résultats n'est susceptible de fonder un licenciement disciplinaire que si elle procède d'une faute imputable au salarié; qu'en l'espèce, les juges n'ont nullement établi que l'insuffisance de résultats qui lui était reprochée était fautive, affirmant au contraire que "l'insuffisance professionnelle ne revêt pas en soi un caractère fautif"; qu'en jugeant néanmoins que ce grief justifiait son licenciement disciplinaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-3 du Code du travail; 2°) que lorsqu'un licenciement est prononcé pour insuffisance de résultats, les juges doivent rechercher si les objectifs fixés étaient réalistes; qu'en considérant le grief d'insuffisance de résultats comme établi sans examiner si les objectifs fixés par l'employeur étaient réalistes ni même préciser quels étaient les résultats qu'il avait obtenus pour l'année 1987, étant précisé qu'il n'a travaillé que quatre mois sur cette année, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-3 du Code du travail; 3°) que nul ne peut se constituer un titre à soi-même; que pour considérer comme établi à son encontre le grief de remise tardive de ses rapports d'activité allégué par l'employeur, la cour d'appel s'est fondée sur les courriers que lui a adressés l'employeur les 4 décembre 1986 et 16 janvier 1987; qu'en considérant que ces courriers établissaient la réalité des retards reprochés, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil;

Mais attendu que la cour d'appel qui a estimé que la carence du salarié dans l'établissement de ses rapports d'activité trimestriels était établie a par ce seul motif et sans encourir les griefs du moyen légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal du salarié : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir ordonner un complément d'expertise et d'avoir limité la condamnation de la SAS Federal Mogul à lui payer les sommes de 798,80 euro à titre de rappel sur commissions et de 7 713,83 euro à titre de rappel de commissions de retour sur échantillonnage, alors, selon le moyen : 1°) que conformément à son contrat de travail, le taux de commissionnement qui lui était dû variait entre 5 et 20 % en fonction du taux de remise accordé au client sur le tarif export en vigueur; que le rappel de commission qui lui était dû a été calculé par l'expert selon le taux minimum de 5 % et non pas selon le taux de commission réellement applicable, ainsi qu'il l'avait souligné dans ses dires laissés sans réponse (voir rapport d'expertise p. 14-15 et dires des 5 janvier et 20 avril 1999) ; qu'en entérinant le rapport de l'expert après avoir estimé que l'expert avait répondu à ses dires, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et ses dires auxquels il n'a pas répondu, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 2°) que les juges du fond doivent répondre aux conclusions des parties; qu'il faisait valoir que, pour calculer le rappel des commissions de retour sur échantillonnage, l'expert avait fait application d'un taux moyen pondéré et non pas du taux réellement applicable ; qu'en entérinant le rapport de l'expert sur ce point, sans répondre à ce chef péremptoire de ses écritures, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif certain; 3°) que l'expert avait relevé que des affaires importantes avaient été facturées à un de ses clients (la SNVI) au-delà de la période de trois ans pendant laquelle il avait droit à des commissions de retour sur échantillonnage et avait laissé aux juges le soin de trancher la question de savoir si cette facturation ouvrait droit à commission en sa faveur; que la cour d'appel a jugé qu'il avait droit à des commissions de retour sur échantillonnage pour un montant total de 50 599,38 francs, correspondant aux seules factures émises avant juillet 1990, sans nullement se prononcer sur la question de savoir si les commandes passées dans le délai de trois ans mais facturées après - et donc si le marché facturé à la société SNVI pour un montant total de 5 553 200 francs après juillet 1990 - pouvaient être prises en compte pour le calcul des commissions de retour sur échantillonnage; qu'en omettant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif certain et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°) que le VRP a droit aux commissions sur les ordres non encore transmis à la date de son départ de l'établissement mais qui sont la suite directe de son activité personnelle de prospection; que c'est donc la date de la prise d'ordre et non la date de facturation qui ouvre droit à la commission de retour sur échantillonnage en faveur du salarié ayant quitté l'entreprise; qu'il est constant en l'espèce, qu'en octobre 1987, la société SNVI, client qu'il suivait, avait passé commande à la société Abex pour un montant total de 5 553 200 francs, commande qui n'a été facturée qu'en octobre et décembre 1990, soit au-delà du délai de trois ans ouvrant droit à commissions pour le salarié ; qu'en le déboutant de sa demande de commission sur le contrat conclu avec la société SNVI en octobre 1987 mais facturé après juillet 1990, la cour d'appel a violé l'article L. 751-8 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, répondant aux conclusions dont elle était saisie, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, notamment un rapport d'expertise qu'elle n'a pas dénaturé, a, par une décision motivée, évalué le montant des rappels de commissions et de commissions sur retour d'échantillonnages restant dus au représentant; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois tant principal qu'incident.