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Décisions

Cass. com., 12 décembre 2006, n° 05-11.805

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Zara France (SARL), Inditex Industria de Diseno Textil (Sté)

Défendeur :

Fiso (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Sémériva

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Blondel, SCP Thomas-Raquin, Bénabent

Paris, 4e ch. civ., du 19 nov. 2004

19 novembre 2004

LA COUR : Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2004), que la société Fiso a commercialisé des vêtements réalisés dans un tissu à motifs floraux de pavots, utilisant des couleurs rouge et blanc ou noir et blanc, le pistil des fleurs représentées comportant des étamines reproduisant cette alternance de couleurs; qu'elle a poursuivi les sociétés Inditex Industria de Diseno Textil (Inditex) et Zara France (Zara) en concurrence déloyale, pour avoir commandé un tissu quasi-identique et l'avoir mis en œuvre pour fabriquer et vendre des vêtements;

Attendu que les sociétés Inditex et Zara font grief à l'arrêt d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le moyen : 1°) que l'éventuel risque de con fusion résultant de la similarité des produits ne constitue pas une situation de concurrence déloyale dès lors qu'aucun des produits en cause ne fait l'objet de droits privatifs, notamment de propriété intellectuelle, et que le défendeur peut se prévaloir de ce que son produit a un lien de filiation direct avec une antériorité plus ancienne que celle du demandeur, sauf agissements répréhensibles caractérisés par ailleurs ou fraude; que la cour d'appel constate que les vêtements litigieux commercialisés par la société Zara ont été taillés dans un tissu comportant un motif réalisé à partir d'un imprimé existant depuis au moins cinq ans avant la commercialisation des vêtements de la société Fiso ayant un dessin similaire; qu'aucun droit privatif n'était en cause; d'où il suit qu'en l'absence de toute manœuvre, l'arrêt étant infirmatif sur le parasitisme reproché à la société Zara. la cour d'appel, qui ne caractérise aucune faute commise par celle-ci, ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 1382 du Code civil et de l'article 7 de la loi des 2-17 mars 1791, ensemble les principes de la concurrence déloyale, en se bornant à relever l'existence d'un simple risque de confusion ; 2°) que, dès lors que la société Fiso ne pouvait se prévaloir d'un droit privatif sur le modèle ornant les vêtements qu 'elle commercialisait et qu'elle ne s'en prévalait pas, la cour d'appel ne pouvait reprocher à la société Inditex de passer commande auprès de son fournisseur d'un tissu orné d'un motif similaire, ni à la société Zara de commercialiser les vêtements réalisés à partir de ces pièces de tissus, quand bien même la société Fiso aurait porté sa collection à la connaissance du public; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole les articles 544, 711, 1382 du Code civil, 7 de la loi des 2-17 mars 1791, ensemble les principes de la liberté du commerce et de l'industrie; 3°) que ne justifie toujours pas légalement son arrêt au regard des articles 1382 du Code civil, 7 de la loi des 2-17 mars 1791, ensemble les principes de la concurrence déloyale, violés, la cour d'appel qui dénie toute rencontre fortuite d'inspiration, après avoir constaté que la société Fiso avait seulement divulgué dans des publications de presse à compter de février 2001 des vêtements réalisés dans l'imprimé en cause et que la société Inditex avait passé commande de tissus portant le dessin litigieux en février 2001; 4°) qu'en toute hypothèse, les sociétés Inditex et Zara faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que "les pièces 5, 6, 7 et 8 invoquées par la société Fiso, qui n'ont pas date certaine, ne permettent pas en tout état de cause, de démontrer ni la création, ni l'exposition publique de son tissus Pavot en juillet 2000 ou septembre et octobre 2000, que la société Fiso ne démontre pas qu'antérieurement à février 2001, le fabricant italien du tissu utilisé par la société Zara ait pu avoir connaissance du dessin Fiso"; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire établissant l'absence de toute faute de concurrence, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, violé;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que la société Fiso avait porté le dessin à la connaissance du public au mois de février 2001, qu'à cette même date la société Inditex passait seulement commande d'un tissu très proche qu'elle avait le choix de ne pas commander, et qu'il en est de même de la société Zara, distributrice, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié les éléments du litige en retenant qu'à la date des faits reprochés, ces sociétés avaient connaissance de l'usage par leur concurrent du tissu en cause, a légalement justifié sa décision d'écarter l'objection prise d'une rencontre fortuite d'inspiration;

Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel ne retenant des fautes qu'à raison de cette commande et de cette commercialisation, elle n'était pas tenue de répondre au moyen inopérant pris de l'ignorance de la situation par le tiers fabricant;

Et attendu, enfin, que l'action en concurrence déloyale pouvant être intentée même par celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif, la cour d'appel a caractérisé la faute des sociétés Inditex et Zara en relevant qu'elles avaient, en connaissance du choix effectué par leur concurrent, mis en œuvre un imprimé très proche du sien pour la fabrication et la vente de vêtements concurrents et ainsi fautivement créé un risque de confusion dans l'esprit du consommateur; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.