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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 7 septembre 2006, n° 05-03596

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Desmazières (SA)

Défendeur :

Gout-Manufacture du Parc (SA), Tricotage Castrais Distribution (SARL), Mariotti (ès qual.), Savenier (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Fossier

Conseillers :

MM. Zanatta, M. Reboul

Avoués :

SCP Masurel-Thery-Laurent, SCP Deleforge Franchi

Avocats :

Mes Moulin, Bugis

T. com. Lille, du 17 févr. 2004

17 février 2004

La société Gout a pour activité la création, l'élaboration, et la fabrication de pull-over, distribués par la société Tricotage Castrais Distribution. Elle propose notamment un tricot à encolure tunisienne, avec cordon de serrage référencé 606-F-0 dans ses collections. Pour la saison d'hiver 2001, la société Desmazières qui diffuse un catalogue de vente par correspondance et était déjà cliente de Gout, a commandé au fabricant, huit échantillons, dont le pull-over référencé 606-F-0. La société Desmazières a demandé une étude de réduction du prix unitaire de cet article, a restitué les sept autres échantillons puis n'a plus donné suite. Mais la société Gout a découvert dans le catalogue Desmazières un pull-over référencé n° 616661, fabriqué en Italie, et a estimé dans un courrier du 19.11.2001 qu'il s'agissait d'une copie illicite de son propre modèle.

Sur l'assignation de la société Gout en date du 30.4.2002, et par jugement rendu le 17 février 2004, le Tribunal de commerce de Lille a notamment dit que la société Desmazières s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre des sociétés Gout et Tricotage Castrais Distribution, en commercialisant le pull-over référencé sous le n° 616661, l'a condamnée à payer 40 000 euro de dommages et intérêts à ces deux sociétés, a prononcé l'interdiction de commercialiser l'article copié sous astreinte de 152,45 euro par article, 15 jours après la signification du jugement, le tout avec exécution provisoire, et a condamné la société Desmazières à payer 1 525 euro à chacune des sociétés Gout et Tricotage Castrais Distribution, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

La SA Desmazières a interjeté appel de ce jugement par acte régulier du 23.3.2004. Dans ses dernières conclusions (22.07.2004), elle demande à la cour de débouter les sociétés Gout et Tricotage Castrais de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts et frais et en interdiction de commercialiser l'article litigieux sous astreinte. L'appelant réclame 2 500 euro pour ses frais de procédure. Subsidiairement, la société Desmazières offre 3 000 euro d'indemnisation forfaitaire.

A l'appui de son recours, la société Desmazières fait valoir en fait que comme tout diffuseur, elle se conforme aux tendances de la mode ; que le vêtement litigieux n'a été livré à Desmazières par Gout qu'en la forme d'un échantillon, et non sous une forme définitive ; que la société Gout elle-même n'a créé son modèle définitif que le 17 mai 2001 selon les documents de la cause, alors que la livraison à Desmazières s'est faite en février. La société Desmazières ajoute que les deux articles sont en définitive assez différents par leur forme, leurs couleurs et leurs accessoires.

En droit, l'appelante fait observer qu'elle a été assignée en première instance non pour violation des règles de propriété intellectuelle, mais pour concurrence déloyale, en quoi les premiers juges ont fait erreur en raisonnant comme en matière de contrefaçon. Sur ce terrain cependant, la société Desmazières estime :

1 -que le style commun des deux pull-overs appartient au domaine public et correspondait aux tendances de la mode de l'hiver 2001, sans présenter aucun effort créatif, sans se détacher d'une simple combinaison d'éléments connus antérieurement et assemblés de même manière sur tous les articles de ce genre présents sur le marché.

2 - qu'au contraire, selon l'appelante, les autres éléments de comparaison offrent des différences notables au sens de la loi.

Abordant enfin la question de la concurrence déloyale, l'appelante en dénie la réalité, en exposant qu'aucune manœuvre parasitaire en vue de capter la clientèle, aucune volonté même de diffuser un modèle identique à celui de la société Gout, ne sont démontrées, et que de même aucune concurrence déceptive n'est à craindre, les prix et les clientèles étant les mêmes pour les deux articles litigieux.

L'appelante a en outre fait développer à la barre des arguments tirés du droit européen mais n'a pas conclu par écrit sur ce point.

Les sociétés Gout et Tricotage Castrais Distribution, Me Mariotti, ès qualités et Me Savenier, ès qualités respectivement de représentant des créanciers de la SA Gout et d'administrateur judiciaire de la SA Gout. demandent (conclusions du 10.06.2005) la confirmation du jugement déféré et la condamnation de la société Desmazières au paiement de 2 500 euro, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les intimés soutiennent d'abord que leur modèle a été créé dès septembre 2000 et non pas en mai 2001. Ils expliquent en outre que les deux articles concurrents sont extrêmement semblable, que la société Desmazières a d'ailleurs gardé l'échantillon qui lui avait été envoyé dans le but évident de le copier et qu'enfin, le pull-over imaginé par la société Gout n'est pas aussi banal que veut le faire plaider l'appelante, une inspiration "danubienne" étant au contraire démontrée. Ainsi, sur le reproche de contrefaçon, les intimés concluent au visa d'un arrêt CA Paris 17.3.1986, qui protège "la forme générale et l'aspect du modèle original".

Sur la concurrence déloyale, les intimés en voient la preuve dans le fait que les clientèles de consommateurs intéressés par les pull-over litigieux sont exactement les mêmes.

Enfin, les intimés justifient leur préjudice non seulement par la seule déloyauté du procédé (Com. 9.2.1993) mais par la perte qu'ils évaluent comme les premiers juges.

Sur quoi LA COUR,

1 - Sur la recevabilité de l'action des sociétés Gout et consorts hors le champ du Code de la propriété intellectuelle.

Attendu que l'appelante semble reprocher à ses adversaires et aux premiers juges, d'avoir opéré une confusion entre la protection intellectuelle du modèle litigieux et l'action en dommages et intérêts pour concurrence déloyale ; et précisément, d'avoir utilisé surtout des arguments propres à la première de ces actions, dont l'irrecevabilité, manifeste en l'espèce, aurait nécessairement interdit la seconde de ces actions ;

Mais attendu que si l'action en concurrence déloyale ne saurait être utilisée comme un succédané de la contrefaçon de modèle. en sorte que l'absence de dépôt d'un modèle autorise en principe sa libre reproduction par les concurrents, en revanche l'action en concurrence déloyale devient à nouveau recevable si elle s'appuie sur des faits autres que les éléments légaux de la contrefaçon;

Qu'ainsi, la reproduction fidèle d'un produit constitue une manœuvre tendant à créer une confusion et caractérise par conséquent la concurrence déloyale, indépendamment de l'application du Code de la propriété intellectuelle (Com. 9.7.2002);

Attendu par suite, qu'en invoquant l'antériorité de sa création, son originalité et l'imitation servile par son concurrent, les sociétés Gout et consorts sont recevables, même si le défaut de dépôt du dessin litigieux est avéré;

2 - Sur les faits d'imitation servile d'un modèle original et antérieur

Attendu, sur l'antériorité, que la société Desmazières admet l'existence de relations commerciales avec la société Gout ; qu'elle admet notamment lui avoir commandé un certain nombre de modèles, à titre d'échantillonnage ; qu'elle ne conteste pas davantage l'existence d'un dossier de création du modèle fabriqué par la société Gout, la fiche descriptive, ainsi que l'historique informatique, produits aux débats, dont il résulte que la date de création du modèle d'origine, référencé sous le n° 606F0, remonte au 7 septembre 2000, le 17 mai 2001 étant la date d'une nouvelle version de ce modèle;

Attendu que pour contester quand même l'antériorité et la paternité du modèle contrefait, la société Desmazières soutient qu'elle n'aurait jamais reçu le pull contrefait dans sa forme définitive ; qu'elle indique que, dans ces conditions, elle n'a pu de faire copie du modèle antérieurement à la création du modèle contrefait soit antérieurement au mois de mai 2001, précisément parce que le pull d'origine "à col rond" a été créé le 7 septembre 2000 et que le pull modifié contrefait "col fantaisie" a été, quant à lui, réalisé le 17 mai 2001 ; que la société Desmazières soutient encore que la société Gout ne verserait aucun justificatif de livraison du pull dans sa version 2001 " ; que dans ces conditions la société Gout n'apporte pas la preuve de l'antériorité et de la paternité du modèle litigieux et sollicite, par conséquent, la réformation du jugement;

Mais attendu qu'il ressort du dossier de création du modèle ainsi que de la fiche descriptive et de l'historique informatique produit aux débats (pièces n° 11 et 12) que la date de création du modèle d'origine remonte au 7 septembre 2000 ; que si le dossier de fabrication, phase évidemment distincte de la création, porte la date du 17 mai 2001, il ne s'agit pas de la date de création du modèle d'origine mais celle d'une version légèrement améliorée, avec modification de la composition des matières;

Que comme le fait judicieusement observer la société Gout dans ses écritures, il suffit, pour vérifier l'exactitude de cette explication de se reporter au même dossier daté en bas de page au 21 mai 2001 ; qu'il est impossible qu'un tel dossier ait pu être réalisé pour un modèle créé seulement 4 jours avant;

Que de surcroît, il est admis par l'appelante qu'elle a commandé dès le mois de février 2001 un modèle en échantillon, de sorte qu'elle est mal venue maintenant à en contester l'existence et le caractère présentable ; que ce modèle existait déjà, avait été créé par la société Gout antérieurement et avait attiré l'attention de Desmazières qui imaginait d'en commander un exemplaire, soit dans la perspective d'en faire venir davantage ensuite, soit pour s'en inspirer;

Attendu sur la portée des modifications intervenues à partir du modèle de septembre 2000, que la société Desmazières prétend que la (prétendue) création initiale concernerait un pull col-rond alors que le pull-over (prétendument) imité comporterait un col-fantaisie;

Que cependant, la fiche d'échantillons produite aux débats par les intimés mentionne que si le dessin de base du modèle est effectivement un pull col-rond, celui-ci comporte une fente pour encolure (page 1 du dossier) ; que de même, des explications plus détaillées sont données sur la fiche descriptive de création du modèle (pièce n° 1) où il est mentionné, à la rubrique "Divers" : " base ras de cou mais fente dans le motif Jacquard à placer" ; qu'il s'en déduit que le col fantaisie dessiné par la SA Gout est donc bien un modèle original associant un dessin le modèle col-rond à une fente ce qui correspond exactement au modèle imité;

Attendu que dans ces conditions, les premiers juges étaient fondés à considérer l'antériorité et la paternité du modèle litigieux au profit de la société Gout ;

Attendu, sur la copie servil, que l'examen des articles vendus par les sociétés Gout et Desmazières, établit qu'ils ont en commun: la forme tunique, l'encolure tunisienne, le cordon de serrage et l'utilisation du jacquard avec des coloris quasi identiques, la seule différence étant la suppression du jacquard des manches, par la société Desmazières ; que le modèle contesté présente la même forme générale et le même aspect que le modèle original

Attendu que pour obtenir infirmation du jugement sur ce point, la société appelante considère qu'il n'existe aucune similitude entre le modèle qu'elle a produit et le modèle de la société Gout parce que le pull-over qu'elle a commercialisé est un tricot façon bouclé de couleur gris foncé ou noir, différant en cela du pull-over de la société Gout qui est un tricot à maille plate de couleur noire ; parce que son modèle ne présente pas de broderies jacquards au fond des manches ; parce que la seule ressemblance qui existerait entre les deux pull-overs consiste en l'adoption d'un modèle qui se trouve aujourd'hui dans le domaine public et l'utilisation de couleurs identiques ; parce que les motifs jacquards utilisés seraient également dans le domaine public et qu'il serait possible de se les procurer via internet ; subsidiairement, parce que le motif jacquard du pull-over Gout et le motif jacquard du modèle qu'elle a commercialisé seraient entièrement différents ;

Mais attendu au contraire, que l'examen des deux articles, produits à la cour en pièces des dossiers, ou au besoin l'examen des illustrations de chacun des modèles en concours (page 17 du catalogue Desmazières et page 4 du "catalogue" Tricotages Castrais"), convainquent de ce que le modèle créé par la SA Gout comporte un certain nombre d'éléments caractéristiques de nature à retenir le choix du consommateur:

- la forme tunique,

- l'encolure tunisienne,

- le cordon de serrage et l'utilisation du jacquard

Que ces éléments sont également présents dans le pull-over vendu par la SA Desmazières et constituent le coeur de la présentation littérale figurant à côté de l'illustration ;

Qu'en outre, les coloris utilisés par la SA Desmazières sont très proches de ceux du modèle original de la SA Gout;

Que comme le fait observer cette dernière, la seule différence en définitive notable est la suppression par la SA Desmazières du jacquard des manches très certainement en vue d'une baisse du coût de revient, dont l'appelante avait demandé le bénéfice à l'époque où elle avait commandé les échantillons ;

Attendu qu'en pareille hypothèse, les faits de copie servile sont caractérisés dès lors que le modèle contesté présente la même forme générale et le même aspect que le modèle original (CA Paris : 17 mars 1986);

Attendu, sur l'originalité du modèle de la société Gout, que la société Desmazières invoque une rediffusion de vêtements, tuniques djellabas, symptomatique du retour à la mode de certaines formes diffusées dans les années 1970-1980, pour contester l'originalité du modèle diffusé par le fabricant; qu'il n'y a, selon elle, aucun élément de création de la part de la société Gout, pas plus d'ailleurs que s'agissant des choix des coloris dans la mesure où ceux-ci sont également des coloris qui étaient à la mode lors de la commercialisation du produit;

Mais attendu que cette argumentation ne peut pas plus prospérer que les précédentes ;

Que la société Gout explique de manière plausible que ses stylistes se sont inspirés des motifs de vêtements folkloriques en provenance des pays du Danube, et de vêtements, tels que tuniques ou djellabas, appartenant à différentes cultures, pour créer son modèle propre; qu'ils se sont inspirés d'une charte de broderies qui se retrouvent sur le col et les manches du modèle créé par la société Gout ;

Qu'il n'est pas exagéré de dire comme le font les intimés qu'outre les signes distinctifs évoqués précédemment, la SA Gout a développé un véritable concept original en adaptant un modèle par nature attaché à des collections d'été et aux couleurs claires (ce que démontrent d'ailleurs les exemples que la SA Desmazières produit aux débats) à un modèle d'hiver dans des matières et des coloris de cette saison ;

Attendu que la cour pourra donc confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lille en ses appréciations sur ces points;

3 - Sur la déloyauté du comportement de concurrence

Attendu qu'en droit, et par application de ce que la cour a énoncé en (1), la similitude entre produits, si elle n'est pas imposée par une raison impérieuse ou ne s'explique pas par la banalité de l'élément sur lequel elle porte, est considérée comme une attitude coupable orientée vers une recherche de confusion, et à ce titre constitutive de concurrence déloyale ;

Attendu que l'agissement déloyal se détermine au cas d'espèce par la captation d'un modèle original aux fins de commercialisation s'adressant à une même clientèle et pour un prix comparable ; que l'absence de concurrence aurait été, au contraire, démontrée si le modèle avait été d'une qualité toute autre et destiné à une clientèle totalement différente, en empruntant, notamment des circuits de commercialisation qui ne pouvaient, en aucun cas, atteindre le type de clientèle visé par la société intimée ;

Attendu que loin de se placer dans cette optique, la société appelante revendique son droit à vendre à une clientèle comparable pour un prix comparable, le pull-over litigieux ;

Que pour ce faire, la société appelante a volontairement retenu un des échantillons qui lui a été adressé par la société Gout afin de copier ledit modèle en vue de sa commercialisation ;

Qu'en effet, il ressort de la consultation des comptes de la société Desmazières auprès de la SA Gout que cette dernière avait initialement délivré 8 articles "échantillon", articles qui ont été retournés à la société Tricotage Castrais à l'exception d'un seul qui intéressait particulièrement Desmazières, celui référencé 606 FO(pièce n° 15) ;

Que la conservation par Desmazières de ce modèle et ce dès le mois de mars 2001 comme indiqué sur les documents démontre la mauvaise foi de l'appelante, celle-ci ayant apparemment et de surcroît, selon les écritures non contestées des intimés, bénéficié d'un tarif préférentiel de Gout, l'usage voulant, dans les relations commerciales, qu'un article conservé par le client fasse l'objet d'un prix spécial compte tenu de la perspective de nouvelles commandes ;

Attendu par suite que les premiers juges étaient fondés à retenir :

- que la société Gout produisait une confirmation de commande concernant les échantillons dont la référence est 606 F0 pull à col fantaisie prévoyant une livraison confirmée pour le 1er février 2001

- que la société intimée produisait le bon de livraison du 1er février 2001 des échantillons susvisés

- que certes ce bon n'est pas signé mais dans la mesure où il s'agit d'un envoi par Chronopost, le bon ne peut être signé à distance si ce n'est par un accusé de réception qui n'est pas demandé en retour ; que le fait que ce bon ne soit pas signé ne peut suffire à le mettre en doute, la conséquence tirée de cet ensemble d'éléments par le Tribunal est sans conteste puisque celui-ci s'exprime de la façon suivante:

" ... on conçoit difficilement une mise en scène tendant à constituer des preuves par avance pour un conflit non encore né"

- que la société Gout avait communiqué l'extrait de ses livres de compte attestant la facture et I avoir ainsi que la copie de ces derniers

- que l'historique informatique de la création du modèle prouve un dossier de mise au point du pull col fantaisie 606 FO dés le 7 septembre 2000.

Attendu que du tout il s'évince qu'il y a effectivement eu un agissement s'analysant en un acte de concurrence déloyale de la part de la société Desmazières;

Que la cour confirmera donc, en tous points, le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lille;

4 - Sur le préjudice subi et la cessation du comportement déloyal

Attendu que le préjudice subi par Gout et Tricotage Castrais découle nécessairement, en droit et en fait, des actes déloyaux de concurrence ;

Que précisément, à la suite de la concurrence déloyale perpétrée par la société Desmazières, le nombre de commandes enregistrées parles sociétés Gout et Tricotage Castrais Distribution, pour le modèle original, a été limité à 1243 exemplaires ;

Attendu que pour échapper à toute condamnation, la société Desmazières estime que si la société Gout avait effectivement espéré vendre trois fois plus de modèles que ce qui a été, en réalité, vendu, elle justifierait d'un ordre de fabrication dans ses pièces ;

Mais attendu qu'une telle énonciation est radicalement contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle il découle nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un préjudice (Com. 9/02/1993 cité par les intimés) et qu'il appartient à l'auteur des actes déloyaux d'établir que les faits n'ont pas généré de dommage (Com. 8/07/1997, idem);

Attendu par conséquent que les intimés sont bien fondées à solliciter réparation en tenant compte du prix unitaire de chaque article et d'une estimation moyenne du nombre d'articles vendus sur l'année ;

Mais attendu que cette estimation n'est ni détaillée ni explicitée suffisamment; qu'au vu du prix de chaque article et de l'estimation moyenne du nombre d'articles vendus chaque année, la cour dispose des informations suffisantes pour évaluer à 20 000 euro le préjudice subi du fait de la concurrence déloyale ;

Attendu qu'il convient enfin de confirmer l'interdiction de commercialiser l'article copié sous astreinte de 152,45 euro par article, 15 jours après la signification du jugement ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort, Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant du préjudice retenu ; Statuant à nouveau de ce chef; Condamne la SA Desmazières à payer à la SA Gout et à la SARL Tricotage Castrais Distribution 20 000 (vingt mille) euro de dommages et intérêts ; Condamne la SA Desmazières à payer à la SA Gout, à la SARL Tricotage Castrais Distribution, à Me Maniotti, ès qualités, et à Me Savenier, ès qualités, 1 500 (mille cinq cents) euro chacun, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la SA Desmazières aux dépens. Accorde aux avoués constitués le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.