CA Bordeaux, 3e ch. corr., 14 mars 2006, n° 05-01153
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ferogir - Jouéclub (SARL), Syndicat français du jouet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bougon
Conseillers :
MM. Minvielle, Louiset
Avocats :
Mes Perret, Fontenille, Bronquard
Rappel de la procédure
Par actes reçus au secrétariat-greffe du Tribunal de grande instance de Périgueux, le prévenu, X Stéphane et le Ministère public, en date du 18 avril 2005, les parties civiles, SARL Ferogir - Jouéclub et le Syndicat français du jouet, en date du 25 avril 2005, ont relevé appel d'un jugement contradictoire, rendu par ledit tribunal le 13 avril 2005, à l'encontre de X Stéphane, poursuivi comme prévenu d'avoir à Marsac-sur-l'Isle (24) :
Procédure n° 04-6115
- du 1er décembre 2003 au 31 décembre 2003, étant commerçant, revendu un produit en l'état, en l'espèce une peluche Mattel Fumble Baby et un micro Karaoké Lexibook à un prix inférieur à son prix d'achat,
Infraction prévue par l'article L. 442-2 du Code de commerce et réprimée par les articles L. 442-2 al. 1, L. 470-2 du Code de commerce.
Procédure 04-2405
- en janvier 2004, étant commerçant, revendu un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat,
Infraction prévue par l'article L. 442-2 du Code de commerce et réprimée par les articles L. 442-2 al. 1, L. 470-2 du Code de commerce.
LE TRIBUNAL
Sur l'action publique :
A relaxé X Stéphane pour les faits relatifs au jeu "Football Lizarazu" et l'a déclaré coupable pour le surplus,
A condamné X Stéphane à la peine de 12 000 euro.
Sur l'action civile:
A reçu la SARL Férogir (Jouéclub) en sa constitution de partie civile,
A déclaré X Stéphane responsable du préjudice subi par la SARL Férogir (Jouéclub),
A condamné X Stéphane à payer à la SARL Férogir (Jouéclub) la somme de 7 500 euro à titre de dommages et intérêts,
A reçu le Syndicat français du jouet en sa constitution de partie civile,
A déclaré X Stéphane responsable du préjudice subi par le Syndicat français du jouet,
A condamné X Stéphane à payer au Syndicat français du jouet la somme de un euro à titre de dommages et intérêts,
A condamné X Stéphane à verser aux parties civiles, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, conjointement la somme de 500 euro,
A dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens en application de l'article 800-1 du Code de procédure pénale.
Sur quoi,
Le Président a informé les parties présentes que l'affaire était mise en délibéré à l'audience publique du 14 mars 2006.
A ladite audience, Monsieur le Président a donné lecture de la décision suivante :
Attendu que Stéphane X, le Ministère public, la SARL Férogir (Jouéclub) et le Syndicat Français du Jouet ont interjeté appel de la décision susmentionnée par déclarations reçues au greffe du Tribunal de grande instance d'instance de Périgueux les 18 et 25 avril 2005;
Attendu que ces appels sont réguliers en la forme et qu'ils ont été interjetés dans le délai de la loi ; qu'il convient, par conséquent, de les déclarer recevables;
Attendu que le Ministère public a requis l'application de la loi;
Sur l'action publique
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats d'audience les faits suivants:
Le 15 janvier 2004 à 10 heures, Michel Coste Michel et Monique Nedelec, respectivement Commissaire et Contrôleur des services déconcentrés de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, tous deux en résidence administrative à Périgueux (Dordogne), se présentaient dans les locaux du magasin Y sis Zone commerciale Péri-Ouest de Marsac-sur-l'Isle (24), exploité par la SA Y France dont le siège social est situé <adresse> (59).
Ils étaient reçus, en l'absence de Stéphane X, Directeur du magasin, par Nicolas Z, chef du secteur Bazar, auquel ils indiquaient leur intention de vérifier les prix de vente aux consommateurs, dans la période antérieure à Noël, de jouets des marques Bandaï et Mattel, conformément aux dispositions de l'article L. 442-2 du Code de commerce relatives à la revente en l'état de certains produits.
Ce contrôle était justifié par le fait que, par plainte écrite, deux commerçants en jouets du département leur avaient chacun signalé que le magasin Auchan aurait commercialisé, avant Noël, des jouets Mattel et Bandaï sous le seuil de la revente à perte.
Ainsi:
- par un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 7 janvier 2004, réceptionné le 9 janvier, Morgane Khamdet, responsable du magasin à l'enseigne Mega Joupi situé avenue Louis Suder à Marsac-sur-l'Isle (24), avait signalé la vente aux consommateurs par Y le dimanche 21 décembre 2003 du jouet Mattel Flavas Liam, référencé 0027084092080, au prix unitaire de 8,49 euro par l'application d'une remise de caisse de 15 % au prix affiché de 9,99 euro lui-même consécutif au prix barré initial de 14,99 euro ; à l'appui de ses dires, l'intéressée avait joint la copie du ticket de caisse délivré par Auchan pour l'achat de ce jouet le 21 décembre 2003 à 14 heures 33,
- par lettre simple du 28 décembre 2003, reçue le 30 décembre, Jean Merlhiot, gérant de la SARL Merlhiot, s'était plaint de la revente à perte par Y de divers jouets de la marque Bandaï ; l"intéressé avait joint à sa correspondance deux factures d'achat Bandaï du 17 novembre 2003 numérotées 17872 et 17873.
Il apparaissait que les fournisseurs Bandaï et Mattel adressaient directement à l'hypermarché Y de Marsac les factures d'achat des jouets commandés par le magasin.
Ces factures mentionnaient des prix nets de remises et franco de port.
Les comptes achat de ces deux fournisseurs révélaient que, pour la période du 15 juillet au 15 janvier 2004, le magasin enregistrait dans sa comptabilité 40 factures en provenance de ces deux marques pour un montant TTC de 240 357,26 euro soit 32 factures d'achat Mattel pour 190 174,36 euro TTC et 8 factures d'achat Bandaï pour 50 182,90 euro TTC.
Les prix de vente aux consommateurs de chacun des jouets commercialisés figuraient sur un historique informatique qui précisait les différents tarifs effectivement pratiqués ainsi que leurs dates successives d'application. Cette fiche individuelle par jouet, qui s'intitulait "liste des prix de vente", portait la mention "normal ou mini" selon que le prix affiché en rayon et pratiqué à la caisse était supérieur au prix d'achat facturé ou bien inférieur ou égal à ce même prix d'achat. Ce document était complété par une fiche dénommée "maintenance article étiquette" qui délivrait notamment le code du produit concerné et la mention "attention PV inférieur au PV Mini. Le prix de vente Mini est ... euro" lorsque le prix de vente proposé apparaissait comme inférieur au prix d'achat facturé par le fournisseur rentré dans le système informatique.
Ce système d'alerte informait donc en permanence et instantanément les responsables du rayon et du magasin des changements de prix susceptibles de conduire à une pratique de revente à perte.
Nicolas Z confirmait, d'une part, que la fiche individuelle "liste des prix de vente" traduisait bien les offres et pratiques de prix successives des articles proposés à la vente en magasin, d'autre part, que le dimanche 21 décembre le magasin Y avait bien offert sur les jouets une remise supplémentaire de 15 % applicable aux prix affichés mais limitée à l'achat d'un seul jouet choisi par le client.
Le contrôle effectué permettait de vérifier si les prix de vente successivement pratiqués aux consommateurs pour 20 jouets Bandaï et 35 jouets Mattel choisis au hasard sur les 40 factures de ces fournisseurs relatives aux achats de la période du 15 juillet 2003 au 15 janvier 2004 étaient licites ou non.
Il était constaté que 6 des 55 jouets vérifiés, soit près de 11 % d'entre eux, avaient été revendus avant Noël, sous le seuil de revente à perte.
Les remises illicites constatées se chiffraient à:
- 8,54 % pour le jeu de football Lizarazu du 11 septembre au 18 décembre 2003;
- 24,08 % pour la Barbie Gala du 19 au 26 décembre 2003;
- 28,58 % pour les poupées Bratz Hippie Chic et Bratz Boy Surf du 19 au 26 décembre 2003;
- 33,35 % pour le jouet Flavas Liam du 19 au 31 décembre 2003;
- 37,48 % pour le jouet Pirates à l'abordage du 19 au 26 décembre 2003;
- 43,36 % pour le jouet Flavas Liam selon l'achat du 21/12/2003, de Mme Khamdet;
- 57,15 % pour le football Lizarazu du 19 au 26 décembre 2003.
Le contrôle opéré, qui ne permettait pas de reconstituer le nombre de chacun de ces jouets vendus à perte, révélait que le ticket de caisse, joint par Mlle Khamdet à sa plainte, confirmait bien les déclarations de Nicolas Z selon lesquelles les fiches "liste des prix de vente" précisaient exactement les tarifs de vente successivement pratiqués pour chaque jouet.
Le 13 avril 2004 à 11 heures, Michel Coste se présentait de nouveau au même magasin Y de Marsac-sur-l'Isle où il était reçu, en l'absence de Stéphane X, Directeur du magasin, par Nicolas Z, chef du secteur Bazar, auquel il indiquait son intention de vérifier les prix de vente aux consommateurs, dans la période antérieure à Noël, de jouets des marques Lexibook et Mattel, conformément aux dispositions de l'article L. 442-2 du Code de commerce relatives à la revente en l'état de certains produits.
Ce contrôle était justifié par le fait que, par un courrier daté du 22 mars 2004, réceptionné le 24 mars, M. Ferroli, gérant de l'EURL Férogir, société qui exploitait deux magasins de jouets à l'enseigne Jouéclub situés l'un Centre commercial Y à Marsac-sur-l'Isle, l'autre passage Sainte-Cécile à Périgueux (24), avait signalé la vente aux consommateurs par Y de deux jouets sous le seuil de la revente à perte soit:
- la peluche Mattel Fumble Baby, référencée 89423, au prix unitaire de 7,50 euro;
- le micro Karaoke Lexibook, référencé K1000, au prix unitaire de 99,00 euro.
A l'appui de ses dires, l'intéressé avait joint la copie des deux factures délivrées par Y les 13 et 23 décembre 2003 pour l'achat de chacun ces jouets.
M. Ferroli avait complété son courrier par le tarif Mattel France et deux factures relatives à des achats effectués au même magasin Y le 21 décembre 2002.
Il apparaissait que les fournisseurs Mattel et Lexibook adressaient directement à l'hypermarché Y de Marsac les factures d'achat des jouets commandés par le magasin. Ces factures mentionnaient des prix nets de remises et franco de port.
Le contrôle effectué, limité aux deux articles achetés en décembre 2003, permettait de vérifier si les prix de vente successivement pratiqués aux consommateurs pour d'une part la peluche Mattel Fumble Baby, référencée 89423, d'autre part le micro Karaoke Lexibook, référencé K1000, étaient licites ou non.
Il apparaissait que les 2 jouets signalés avaient bien été revendus avant Noël, sous le seuil de revente à perte.
Les remises illicites constatées se chiffraient à:
- 49,97 % pour la peluche Fumble Baby du 19 au 26 décembre 2003;
- 23,84 % pour le micro karaoké micro star du 13 au 16 décembre 2003;
- 0,77 % pour le micro karaoké micro star du 17 au 26 décembre 2003.
Le contrôle opéré, qui ne permettait pas de reconstituer le nombre de chacun de ces jouets vendus à perte, révélait que les factures jointes par M. Ferroli à sa plainte confirmaient bien les déclarations de Nicolas Z selon lesquelles les fiches "liste des prix de vente" précisaient exactement les tarifs de vente successivement pratiqués pour chaque jouet;
Attendu que Stéphane X est ainsi prévenu d'avoir, à Marsac-sur-l'Isle (24):
1°) du 01/12/2003 au 31/12/2003, étant commerçant, revendu un produit en l'état, en l'espèce une peluche Mattel Fumble Baby et un micro Karaoke Lexibook à un prix inférieur à son prix d'achat,
2°) en janvier 2004, étant commerçant, revendu un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat;
Que, pour sa défense, son conseil fait valoir que:
- il avait sollicité sa relaxe devant le tribunal en faisant valoir que le rayon jouets faisait partie du secteur produits de grande consommation dont la gestion était confiée à l'époque à Monsieur A dans le cadre d'une délégation de pouvoir et de responsabilité en date du 31 décembre 2002,
- en ce qui concernait la gestion commerciale, cette délégation de pouvoir faisait, en particulier, obligation à Monsieur A de veiller à ce que "les rabais accordés n'aboutissent pas à des reventes à perte et à des prix abusivement bas...",
- M. A percevait une rémunération mensuelle globale de 21 319 euro conforme aux responsabilités qu'il assumait,
- le tribunal n'a pas admis la validité de la délégation de pouvoir ce alors que cette validité a été consacrée par un arrêt de la cour d'appel de céans en date du 11 janvier 2005 infirmant un jugement du Tribunal correctionnel de Périgueux en date du 22 octobre 2003 au motif que les délégations de pouvoir consenties à MM. B et C, chefs de secteur, exonéraient X de toutes responsabilités pénales,
- or les délégations de pouvoir en l'espèce sont identiques à celles conférées à A.
- par un jugement postérieur en date du 18 mai 2005 intervenu dans une autre espèce, le Tribunal correctionnel de Périgueux a également relaxé X des fins de la poursuite en validant la délégation de pouvoir conférée à A;
Qu'il demande ainsi à la cour:
- d'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
- de relaxer purement et simplement Stéphane X des fins de la poursuite,
- de débouter la partie civile de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
Sur la matérialité des faits
Attendu que, selon l'article L. 442-2 du Code de commerce
"Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 75 000 euro d'amende. (...) Le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport";
Attendu qu'aucune des conditions d'exonération prévues par l'article L. 442-4 du Code de commerce ne trouve application en l'espèce, étant donné qu'il ne s'agit pas au cas particulier :
- d'une vente volontaire ou forcée motivée par la cessation ou le changement d'activité,
- de produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, pendant la période terminale de la saison des ventes et dans l'intervalle compris entre deux saisons de vente,
- de produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de l'évolution de la mode ou de l'apparition de perfectionnements techniques,
- de produits aux caractéristiques identiques, dont le réapprovisionnement s'est effectué en baisse, le prix effectif d'achat étant alors remplacé par le prix résultant de la nouvelle facture d'achat,
- de produits alimentaires commercialisés dans un magasin d'une surface de vente de moins de 300 mètres carrés et de produits non alimentaires commercialisés dans un magasin d'une surface de vente de moins de 1 000 mètres carrés, dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité,
- d'offre de prix réduit faisant l'objet d'une quelconque publicité ou annonce à l'extérieur du point de vente, aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d'altération rapide
Qu'ainsi, la matérialité du délit de revente à perte est bien établie, ce qu'au demeurant le prévenu ne conteste pas;
Sur l'imputabilité du délit
Attendu que, conformément à l'organigramme mis en place par le magasin Y, le rayon jouets est rattaché au secteur Bazar ;
Qu'au moment des faits, Nicolas Z détenait de Stéphane X, Directeur du magasin, une délégation de pouvoirs en date du 31 décembre 2002 lui confiant la responsabilité de ce secteur;
Qu'entendu le 9 décembre 2004, Nicolas Z a en particulier déclaré:
"... Comme chaque chef de secteur, je disposais alors (...) d'une délégation du directeur de l'hypermarché, Monsieur X (...).
Dans l'affaire qui nous occupe, en l'occurrence la vente à perte de certains articles, et plus spécialement des jouets, la responsabilité se définit comme suit :
Le chef de rayon, qui n'a pas de délégation de pouvoir, fixe le prix de vente des articles qui relèvent de son rayon. Je suis théoriquement à même de contrôler les prix pratiqués, mais dans la pratique je ne peux pas vérifier le prix de vente de l'ensemble des références. Elles sont plusieurs dizaines de milliers.
J'ai été informé de la baisse apparemment judicieuse d'un des produits visés dans les constatations de la DGCCRF. Le chef de rayon m'en a parlé et m'en a expliqué les raisons, en l'espèce de mauvaises ventes qui risquaient d'engendrer un stock indésirable. J'ai donné mon accord.
Un concurrent est passé dans nos rayons, a vu la baisse et a appelé le fournisseur. Le fournisseur a appelé notre chef de rayon et nous avons remonté le prix à son niveau initial. La baisse a duré 2 jours sur le produit dont j'ai été informé.
Quand le chef de rayon m'a parlé du prix qu'il comptait afficher, je savais qu'il serait à perte. J'ai cependant donné mon accord parce qu'en fin d'année il y a aussi des pratiques avec les fournisseurs qui permettent ce genre de chose, plutôt que de faire des reprises de marchandise. Le mieux pour tout le monde est quand même de vendre pour ne plus avoir de stock.
C'est d'ailleurs la consigne donnée au conseil de direction hebdomadaire et la direction, informée de la situation du secteur, voire du rayon, connaît bien sûr les méthodes à employer pour éviter de se retrouver avec du stock. C'était le cas ici.
Nous avons pêché par rapport à la concurrence, c'est indéniable. (...)
Pour en revenir à la responsabilité juridique de l'infraction constatée, je l'assume puisque titulaire d'une délégation de pouvoirs et de responsabilité établie en bonne et due forme avec le directeur du magasin...";
Qu'entendu le 11 mars 2004 sur le contrôle du 15 janvier 2004, Stéphane X a expliqué:
"... Sur 55 articles analysés, 6 sont relevés en infraction par la DGCCRF, je reconnais les faits pour 5 articles et non pour le sixième "Football Lizarazu".
En effet, pour ce Football Lizarazu, le prix de vente était de 34,98 euro, et ce tout au long de la saison ( ) à aucun moment cet article n'a été vendu au prix de 14,99 euro comme indiqué dans le tableau en page 4/9 de votre dossier.
Concernant les 5 articles pour lesquels je reconnais les avoir vendus sous leur prix d'achat, il s'agissait d'une décision de gestion afin d'épuration des stocks, plutôt qu'une décision commerciale.
Par exemple au rayon mannequins filles, jusqu'au 18 décembre 2003, les ventes auraient dû atteindre 80 % des achats effectués, à cette même date concernant la Barbie Gala, nous avions vendu 45 % des engagements, et pour la Flavas Liam 37 %, le fournisseur Mattel ne reprenant pas les invendus en dessous de 15 euro, la décision a été prise de baisser le prix pour ne pas conserver les invendus en stock, il en va de même avec l'article "à l'abordage" pour lequel 80 % des ventes auraient dû être réalisées alors que nous en étions qu'à 38 %.
Concernant les poupées Bratz de l'avis même du fournisseur le prix de vente que nous pratiquions était trop élevé, le fournisseur en a pris conscience à tel point qu'il nous a relivré ces poupées à prix équivalent à la moitié des prix antérieurs et qu'il nous a livré de la marchandise gratuite en compensation des premières livraisons..."
Attendu qu'au regard de ces déclarations, il apparaît que les ventes à perte constatées ne résultaient pas de la seule volonté de Nicolas Z eu égard à leur importance et à la durée de leur mise en œuvre;
Que l'on se trouve, en réalité, en présence d'une politique de gestion des stocks délibérée et intentionnelle dont la responsabilité juridique incombe en premier lieu à Stéphane X, Directeur salarié du magasin Y de Marsac-sur-l'Isle, lui-même titulaire d'une délégation de pouvoirs et de responsabilité, et supérieur hiérarchique de Nicolas Z;
Qu'en sa qualité de directeur d'établissement, il ne pouvait ignorer les exigences légales ;
Que l'intentionnalité de la pratique des ventes à perte se trouve renforcée par le non-respect délibéré des alertes informatiques intervenues à l'occasion de la décision de la mise en pratique des tarifs délictueux;
Qu'en pratiquant des prix prédateurs, alors qu'il disposait pour sa part de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires (ayant la possibilité de s'adresser au service juridique du siège social notamment), Stéphane X ne peut s'exonérer de sa propre responsabilité pénale alors qu'il a personnellement commis l'infraction poursuivie, en dépit de la délégation de pouvoir que lui-même a accordée à son subordonné, derrière laquelle il ne peut s'abriter au regard de la politique de gestion des stocks de son magasin qu'il déterminait et que Nicolas Z exécutait ;
Attendu que Stéphane X s'est donc bien rendu coupable des faits qui lui sont reprochés; qu'en le retenant dans les liens de la prévention, le premier juge a fait une exacte application des dispositions de la loi pénale ; qu'il convient, par conséquent, de confirmer le jugement dont appel sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité du prévenu;
Attendu, quant au prononcé de la peine que commandent pareils agissements, que la cour, prenant en considération tant la nature et la gravité des faits que la personnalité du prévenu, dont le bulletin n° 1 du casier judiciaire ne fait mention d'aucune condamnation, confirmera le jugement entrepris qui l'a condamné à une amende de 12 000 euro, sanction apparaissant appropriée aux données de l'espèce;
Sur l'action civile
Attendu que sur le vu de la constitution de partie civile de la SARL Férogir (enseigne Jouéclub) et du Syndicat Français du Jouet, leur conseil a demandé à la cour:
- de condamner X à régler à Férogir la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué l'euro symbolique au profit du Syndicat Français du Jouet,
- de confirmer le jugement en ses autres dispositions;
Qu'il a demandé à la cour d'y ajouter en condamnant X à régler à chacune des parties civiles la somme de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
- de statuer ce que de droit quant aux dépens;
Attendu que la société Férogir possède un magasin spécialisé dans le domaine du jouet, offrant à la clientèle uniquement ce type de produits;
Que la période de l'année lors de laquelle le chiffre d'affaires est le plus important se situe de novembre à janvier;
Qu'économiquement, les détaillants de jouets ne sont pas de taille à rivaliser avec les hyper et super marchés, et ne peuvent pratiquer des baisses de prix aussi importantes que celles qui ont été pratiquées dans le cas d'espèce;
Qu'ils ne bénéficient pas non plus des budgets publicitaires de ces grandes surfaces pour appâter le chaland;
Qu'il ressort de l'attestation du comptable de la société Férogir que le chiffre d'affaires des deux dernières semaines du magasin a chuté de manière significative à compter du 15 décembre, date à laquelle le magasin Y, situé à quelques centaines de mètres, a lancé son opération de prix soldés sur les jouets;
Attendu qu'il ne peut être sérieusement contesté que les agissements coupables de X ont causé directement et personnellement la société Férogir un préjudice justement évalué à la somme de 7 500 euro par le premier juge dont la décision sera confirmée;
Que, de même, il y a lieu de confirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné X à payer:
- la somme d'un euro au Syndicat Français du Jouet à titre de dommages-intérêts,
- celle de 500 euro aux parties civiles au titre des frais irrépétibles;
Attendu qu'en ce qui concerne la demande relative aux frais irrépétibles exposés en cause d'appel, il y sera fait droit pour des motifs tirés de l'équité qui commandent la prise en compte de tels frais et leur mise à la charge du responsable; que, cependant, le montant demandé apparaît exagéré et sera réduit à la somme précisée au dispositif ci-dessous
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort, En la forme, reçoit en leurs appels Stéphane X, le Ministère public, la SARL Férogir-Jouéclub et le Syndicat Français du Jouet, Au fond, Sur l'action publique Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions Sur l'action civile Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, condamne Stéphane X à payer à la SARL Férogir-Jouéclub et au Syndicat Français du Jouet la somme de 400 euro chacun en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Le tout en application des dispositions des articles susvisés, ainsi que des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale. L'avis n'a pu être donné au prévenu absent qu'en application des dispositions de l'article 707-3 du Code de procédure pénale, le paiement dans le délai d'un mois à compter de la présente décision diminue son montant de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro ; le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de cent vingt euro dont est redevable chaque condamné par application de l'article 1018 A du Code général des impôts.