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Décisions

CJCE, 3e ch., 12 janvier 2006, n° C-504/04

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Agrarproduktion Staebelow GmbH

Défendeur :

Landrat des Landkreises Bad Doberan

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Rosas

Juges :

MM. Malenovský, La Pergola, Borg Barthet, Ó Caoimh

Avocat général :

M. Poiares Maduro

Avocats :

Mes Behr & Partner, Columbus

CJCE n° C-504/04

12 janvier 2006

LA COUR (troisième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur la validité, au regard du principe de proportionnalité, de l'obligation d'abattre la cohorte à laquelle appartient un bovin chez lequel a été confirmée l'encéphalopathie spongiforme bovine (ci-après l'"ESB").

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant la société Agrarproduktion Staebelow GmbH (ci-après "Staebelow") au Landrat des Landkreises Bad Doberan (ci-après le "Landrat") au sujet de l'abattage de 52 animaux appartenant au cheptel de Staebelow.

La réglementation communautaire

3 Le règlement (CE) n° 999-2001 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l'éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles (JO L 147, p. 1), a été adopté sur le fondement de l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE, qui prévoit la procédure d'adoption, par dérogation à l'article 37 CE, des mesures dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique.

4 Ce règlement regroupe dans un texte unique une grande partie des mesures adoptées depuis 1990 par la Communauté européenne sur le fondement des dispositions de sauvegarde contenues dans les directives relatives aux mesures de police sanitaire et visant à protéger la santé animale et humaine du risque d'ESB.

5 Le quatrième considérant dudit règlement est rédigé comme suit:

"La Commission a obtenu des avis scientifiques, notamment du comité scientifique directeur et du comité scientifique des mesures vétérinaires en rapport avec la santé publique, sur plusieurs aspects des [encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST)]. Certains de ces avis concernent les mesures visant à réduire le risque potentiel pour l'homme et les animaux résultant de l'exposition à des produits provenant d'animaux infectés."

6 L'obligation d'abattre la cohorte à laquelle appartient un bovin contaminé résulte de l'article 13, paragraphe 1, première phrase, sous c), du règlement nº 999-2001, combiné avec l'annexe VII, point 2, sous a), dudit règlement. La cohorte, quant à elle, est définie à l'annexe I, sous c), du même règlement.

7 L'article 13 du règlement nº 999-2001 est rédigé comme suit:

"1. Quand la présence d'une EST est officiellement confirmée, les mesures suivantes sont appliquées dans les plus brefs délais:

a) toutes les parties du corps de l'animal sont intégralement détruites conformément à l'annexe V à l'exception des matériels conservés pour les registres conformément à l'annexe III, chapitre B, III, 2;

b) une enquête est effectuée afin d'identifier tous les animaux à risque conformément à l'annexe VII, point 1;

c) tous les animaux et les produits d'origine animale visés à l'annexe VII, point 2, que l'enquête visée au point b) a définis comme étant à risque, sont abattus et intégralement détruits conformément à l'annexe V, points 3 et 4.

[...]

4. Les propriétaires sont indemnisés sans délai pour la perte des animaux tués ou des produits d'origine animale détruits conformément à l'article 12, paragraphe 2, et au paragraphe 1, points a) et c), du présent article.

[...]"

8 L'annexe VII du règlement n° 999-2001 a été modifiée par le règlement (CE) n° 1326-2001 de la Commission, du 29 juin 2001, établissant des mesures transitoires pour le passage au règlement n° 999-2001, et modifiant les annexes VII et XI dudit règlement (JO L 177, p. 60). Cette annexe prévoit:

"1. L'enquête visée à l'article 13, paragraphe 1, point b), doit identifier:

a) pour les bovins:

- tous les autres ruminants présents sur l'exploitation à laquelle appartient l'animal chez lequel la maladie a été confirmée,

- tous les embryons, ovules et les derniers descendants d'une femelle chez laquelle la maladie a été confirmée et dont les embryons ont été collectés ou dont les descendants sont nés après l'apparition clinique de la maladie chez sa mère ou au cours des deux années la précédant,

- tous les animaux de la cohorte à laquelle appartient l'animal chez lequel la maladie a été confirmée,

[...]

2. Les mesures prévues à l'article 13, paragraphe 1, point c), comprennent au moins:

a) en cas de confirmation de l'ESB chez un bovin, la mise à mort et la destruction complète des individus et la destruction des embryons et des ovules de l'espèce bovine identifiés par l'enquête visée au point 1 a), premier, deuxième et troisième tirets. L'État membre peut décider de ne pas tuer ni détruire tous les bovins présents sur l'exploitation à laquelle appartient l'animal chez lequel la maladie a été confirmée, visés au point 1 a), premier tiret, selon la situation épidémiologique et la traçabilité des animaux présents sur cette exploitation;

[...]"

9 La "cohorte" est définie à l'annexe I, sous c), du règlement n° 999-2001 comme l'ensemble des animaux comprenant tout bovin qui a vu le jour, pendant les douze mois ayant précédé ou ayant suivi la naissance d'un bovin malade, dans le troupeau où ce bovin malade est né ou bien qui a été élevé à un quelconque moment pendant les douze premiers mois de son existence avec un bovin malade et qui a pu consommer le même aliment que le bovin malade a consommé au cours des douze premiers mois de son existence.

10 Le septième considérant du règlement n° 1326-2001 est rédigé comme suit:

"L'annexe VII du règlement (CE) n° 999-2001 fixe les modalités d'application des mesures à mettre en œuvre après confirmation de la présence d'une EST. Ces dispositions devraient être mises à jour pour refléter les modalités techniques de l'éradication appliquées par les États membres, en tenant compte de l'avis du 15 septembre 2000 du comité scientifique directeur (CSD) sur l'abattage dans le cadre de la lutte contre l'ESB. Dans cet avis, le CSD est parvenu à la conclusion suivante: l'abattage des troupeaux (entiers) s'est déjà avéré efficace, en éliminant des cas qui n'auraient pas été identifiés autrement et en prévenant l'apparition de nouveaux cas; cependant, il est possible d'obtenir à peu près le même résultat en abattant tous les animaux nés et/ou élevés dans les mêmes troupeaux que le cas confirmé dans un délai d'environ douze mois avant et après la date de naissance du cas diagnostiqué (abattage des cohortes de naissance). Le CSD a recommandé l'abattage d'au moins la cohorte de naissance à chaque apparition d'un cas d'ESB dans un pays, quelle que soit la situation épidémiologique du moment. Il convient donc de modifier les modalités de l'éradication en conséquence en rendant l'abattage de tout le troupeau optionnel selon la situation locale du moment."

Le litige au principal et la question préjudicielle

11 Le 29 janvier 2002, un test pratiqué sur un bovin abattu, appartenant au cheptel de Staebelow, a donné un résultat positif à l'ESB. Par la suite, deux descendants directs du bovin infecté et 50 animaux appartenant à sa cohorte ont été recensés.

12 Par décision du 5 février 2002, le Landrat a ordonné l'abattage immédiat des 52 bovins. Staebelow a formé opposition contre cet ordre, mais celle-ci a été déclarée infondée par décision du 13 février 2002.

13 Staebelow a formé un recours contre cette décision devant le Verwaltungsgericht Schwerin le 13 mars 2002.

14 Une demande de mesures provisoires présentée auparavant avait été rejetée tant par cette juridiction qu'en appel, par l'Oberverwaltungsgericht Mecklenburg-Vorpommern. En conséquence, la décision du Landrat a été mise à exécution. Les bovins ont été abattus le 4 avril 2002 et ils ont été intégralement détruits.

15 Staebelow poursuit la procédure principale afin d'obtenir la déclaration de l'illégalité de l'ordre d'abattage. Elle craint que, dans une situation similaire, le Landrat ordonne à nouveau l'abattage des bovins appartenant à la même cohorte ainsi que des descendants du bovin infecté. Dans cette mesure, elle estime qu'il existe un danger suffisamment concret de réitération d'une telle décision, car elle continue à posséder et à élever des bovins. Cette déclaration serait également importante pour elle en vue de sa réhabilitation.

16 Devant le Verwaltungsgericht Schwerin, Staebelow soutient que la réglementation communautaire est invalide, car elle viole le principe de proportionnalité.

17 Elle fait valoir, tout d'abord, que le retrait des matériels à risque spécifiés, c'est-à-dire les parties de l'animal dans lesquelles les prions seraient concentrés, empêche que des tissus infectés par des prions arrivent dans la chaîne alimentaire.

18 Elle fait par ailleurs état de données chiffrées du Bundesverbraucherministerium (ministère fédéral de Protection du consommateur) qui indiqueraient, relativement aux résultats des tests d'ESB en 2001, en 2002 et en janvier 2003:

- en 2001, le pourcentage des cas positifs d'ESB parmi les animaux sains abattus aurait été de 0,0014 % (38 cas positifs sur 2 593 260 animaux contrôlés). Parmi les animaux abattus dans le cadre de l'éradication de l'ESB, le pourcentage aurait été de 0,0446 % (4 cas positifs sur 8 952 animaux);

- en 2002, le pourcentage des cas positifs d'ESB parmi les animaux sains abattus aurait été de 0,0015 % (42 cas positifs sur 2 759 984 animaux contrôlés). Parmi les animaux abattus dans le cadre de l'éradication de l'ESB, le pourcentage aurait été de 0,1185 % (3 cas positifs sur 2 530 animaux);

- dans la période de janvier à octobre 2003, 779 animaux auraient été tués dans le cadre des abattages de cohortes. Un seul autre cas positif aurait été détecté parmi ces animaux.

19 En s'appuyant sur un avis rendu le 15 décembre 2003 par le professeur Staufenbiel, de la chaire de médecine vétérinaire de la Freie Universität Berlin, Staebelow déduit de ces données qu'il n'y aurait pas de différence significative dans les résultats, de sorte que l'abattage de la cohorte pourrait être considéré comme inapproprié.

20 Enfin, Staebelow fait valoir que les tests de dépistage rapides de l'ESB seraient considérés comme sûrs à 100 %, en sorte que les animaux atteints faisant partie de la cohorte auraient en tout état de cause été découverts lors de l'abattage ordinaire des animaux.

21 Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Schwerin a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

"L'article 13, paragraphe 1, première phrase, sous c), lu en combinaison avec l'annexe VII, points 2, sous a), et 1, sous a, troisième tiret, du règlement (CE) n° 999-2001[...], dans la version résultant de l'article 3, point 1, et de l'annexe II du règlement (CE) n° 1326-2001, est-il invalide pour violation du principe de proportionnalité?"

Sur la question préjudicielle

Observations présentées devant la Cour

22 Se fondant sur divers articles scientifiques, Staebelow soutient que, pour les motifs repris dans la décision de renvoi, l'obligation d'abattre la cohorte à laquelle appartient l'animal malade viole le principe de proportionnalité en ce que cette mesure n'améliore pas la protection des consommateurs de manière déterminante. Même si les éleveurs perçoivent une indemnisation, celle-ci ne couvrirait pas suffisamment le préjudice moral. Le législateur communautaire n'aurait pas tenu compte de la différence de structures des exploitations selon les États membres. Il conviendrait également de prendre en considération l'interdiction de tuer un animal sans nécessité ainsi que la protection des animaux, consacrée par la loi fondamentale allemande.

23 Staebelow fait également valoir qu'il n'est pas prouvé qu'il existe un lien entre l'ESB et les risques pour la santé humaine, lesquels seraient, en tout état de cause, faibles, ainsi qu'en attesteraient les précisions apportées par certains scientifiques.

24 Staebelow souligne encore que le législateur communautaire a le devoir de vérifier continuellement les mesures qu'il a prescrites et de tenir compte de l'évolution des données scientifiques.

25 Les Gouvernements hellénique et néerlandais, le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission des Communautés européennes soutiennent, en revanche, que l'obligation d'abattre la cohorte à laquelle appartient un animal infecté ne viole pas le principe de proportionnalité.

26 À titre liminaire, ils rappellent le large pouvoir d'appréciation du législateur communautaire, le haut niveau de protection de la santé humaine qui doit être assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté, l'importance du principe de précaution et le fait que la légalité d'un acte doit être appréciée en prenant en considération la situation existant au moment de son adoption. Ils relèvent à cet égard que les données invoquées devant la juridiction de renvoi sont relatives à une situation postérieure à celle de l'adoption du règlement nº 999-2001.

27 Ces gouvernements et ces institutions communautaires rappellent par ailleurs l'évolution de la réglementation communautaire ayant pour objectif la lutte contre l'ESB et les EST en général. À l'audience, ces mêmes institutions ont exposé que, contrairement à ce que soutient la demanderesse au principal, une mesure telle que l'obligation d'abattage de la cohorte et de destruction des animaux ne serait pas motivée par la seule protection du consommateur, mais également par l'objectif d'éradication de l'ESB.

28 Lesdits gouvernements et lesdites institutions soulignent que le règlement n° 1326-2001 a été adopté en tenant compte de l'avis du 15 septembre 2000 du comité scientifique directeur (ci-après le "CSD"), ainsi que le précise le septième considérant de ce règlement. Ils rappellent à cet égard que, dans sa version originale, le règlement n° 999-2001 prévoyait l'abattage de la totalité du troupeau présent sur l'exploitation à laquelle appartenait l'animal dans l'organisme duquel la présence de la maladie avait été confirmée. À la suite de l'avis du CSD et avant même que le règlement n° 999-2001 ne soit applicable, l'annexe VII a été modifiée afin de n'imposer que l'abattage de la cohorte.

29 Ils relèvent que la nécessité d'abattre la cohorte a été confirmée à plusieurs reprises par divers comités scientifiques. Ils citent à cet égard les conclusions et les principales recommandations de la consultation technique conjointe OMS/FAO/OIE sur l'ESB: Santé publique, santé animale et commerce (OIE, Paris, 11-14 juin 2001), l'avis du CSD du 11 janvier 2002 sur la garantie supplémentaire qu'offrent les différents régimes d'abattage dans les conditions actuelles au Royaume-Uni et en Allemagne (Opinion on the additional safeguard provided by different culling schemes under the current conditions in the UK and DE) ainsi que l'avis rendu le 21 avril 2004, à la demande de la Commission, sur l'abattage dans le cadre de la lutte contre l'ESB par le groupe scientifique sur les risques biologiques [Opinion of the Scientific Panel on Biological Hazards on a request from the Commission on BSE-related Culling in Cattle (question n° EFSA-Q-2003-098)].

30 S'agissant des arguments présentés devant la juridiction de renvoi, ils font valoir que, à l'époque de l'adoption du règlement n° 999-2001, la répartition de l'infection dans le corps et les organes d'un animal malade était mal connue. En tout état de cause, l'enlèvement des matériels à risque spécifiés ne serait pas une mesure de protection suffisante dès lors qu'on ne peut exclure que, en cas de règles d'hygiène insuffisantes, des tissus contaminés entrent dans la chaîne alimentaire.

31 Les gouvernements et les institutions communautaires rappellent par ailleurs que les tests de dépistage rapides de l'ESB ne permettent pas d'identifier la maladie pendant la période d'incubation, mais uniquement lorsqu'elle se trouve à un stade très avancé.

32 Ils contestent les conclusions tirées par Staebelow des données statistiques. Au contraire, celles-ci attesteraient de la plus grande probabilité de trouver des cas positifs d'ESB parmi les animaux sains abattus appartenant à la cohorte dont serait issu un animal malade. Ainsi, en reprenant les chiffres fournis par la juridiction de renvoi, il y avait, en 2001, 31,85 fois (0,0446 % divisé par 0,0014 %) plus de cas positifs dans le cadre de l'abattage de cohortes que dans le cadre desdits tests. En 2002, il y en avait 79 fois plus (0,1185 % divisé par 0,0015 %).

33 Eu égard à ces différents éléments, lesdits gouvernements et lesdites institutions estiment que l'obligation d'abattre la cohorte en cause est nécessaire pour la protection de la santé animale et humaine et que les autres mesures ne permettent pas d'obtenir le même résultat. Compte tenu de l'indemnisation des éleveurs prévue à l'article 13, paragraphe 4, du règlement n° 999-2001, cette mesure ne serait pas disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.

34 Ils précisent encore que la réglementation communautaire est adaptée au fur et à mesure de l'évolution des connaissances scientifiques. Ainsi, l'annexe VII du règlement n° 999-2001 a été modifiée en 2002, en 2003 et en 2004, afin, précisément, d'assouplir les mesures relatives à l'abattage.

Réponse de la Cour

35 Le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331-88, Rec. p. I-4023, point 13; du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a., C-133-93, C-300-93 et C-362-93, Rec. p. I-4863, point 41; du 5 mai 1998, National Farmers' Union e.a., C-157-96, Rec. p. I-2211, point 60, et du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C-189-01, Rec. p. I-5689, point 81).

36 En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions de la mise en œuvre d'un tel principe, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont dispose le législateur communautaire dans un domaine tel que celui de l'espèce, qui implique de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel il est appelé à effectuer des appréciations complexes, seul le caractère manifestement disproportionné d'une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l'objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre, peut affecter la légalité d'une telle mesure (arrêt du 6 décembre 2005, ABNA e.a., C-453-03, C-11-04, C-12-04 et C-194-04, non encore publié au Recueil, point 69).

37 Dans le cadre de l'examen des contraintes liées à différentes mesures possibles, il convient de vérifier que, outre l'objectif principal de protection de la santé publique, le législateur communautaire a pleinement tenu compte des intérêts en présence, et notamment du droit de propriété ainsi que des exigences du bien-être des animaux (arrêt du 10 mars 2005, Tempelman et van Schaijk, C-96-03 et C-97-03, Rec. p. I-1895, point 48).

38 Il importe en outre de rappeler que la validité d'un acte communautaire ne saurait dépendre d'appréciations rétrospectives concernant son degré d'efficacité. Lorsque le législateur communautaire est amené à apprécier les effets futurs d'une réglementation à prendre alors que ces effets ne peuvent être prévus avec exactitude, son appréciation ne peut être censurée que si elle apparaît manifestement erronée au vu des éléments dont il disposait au moment de l'adoption de la réglementation en cause (arrêt Jippes e.a., précité, point 84).

39 Ainsi, il doit être admis que, lorsque des incertitudes apparaissent quant à l'existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, les institutions, appliquant le principe de précaution et d'action préventive, peuvent prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir, en ce sens, arrêt National Farmers' Union e.a., précité, point 63).

40 En revanche, lorsque des éléments nouveaux modifient la perception d'un risque ou montrent que ce risque peut être circonscrit par des mesures moins contraignantes que celles existantes, il appartient aux institutions, et notamment à la Commission, qui a le pouvoir d'initiative, de veiller à une adaptation de la réglementation aux données nouvelles.

41 Les règles édictées par le règlement nº 999-2001 ont été établies en prenant pour hypothèse l'existence d'un lien entre l'ESB et la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Il résulte en effet de son premier considérant que "[d]es preuves continuent à s'accumuler quant à la similitude de l'agent de l'ESB avec celui responsable de la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob". À cet égard, si la requérante au principal relève que la preuve d'un lien de causalité entre cet agent et cette maladie n'est pas établie, elle ne conteste cependant pas qu'il existe une corrélation géographique et temporelle entre l'apparition de l'ESB et celle de la variante de ladite maladie, constituant un indice d'un tel lien.

42 Ainsi qu'il résulte du quatrième considérant de ce règlement, les règles qu'il prévoit sont fondées sur divers avis scientifiques recommandant d'éviter l'exposition des animaux et des hommes à des produits provenant d'animaux infectés. L'état des connaissances scientifiques à cet égard au moment de l'adoption du même règlement ressort notamment de la consultation technique conjointe OMS/FAO/OIE sur l'ESB de 2001, susmentionnée, dans laquelle il est constaté qu' "un consensus scientifique existe sur le fait que l'alimentation constitue la source principale d'exposition" à l'ESB (voir p. 4 de ladite consultation).

43 Eu égard à ces éléments, les mesures adoptées par le législateur communautaire ayant pour effet de réduire l'exposition de l'animal et de l'homme à l'agent de l'ESB, telles que l'abattage et la destruction de la cohorte à laquelle appartient un animal infecté, doivent être considérées appropriées à la poursuite de l'objectif de protection de la santé publique.

44 Il n'apparaît pas que, à l'époque où la règle d'abattage de la cohorte a été édictée, une telle mesure ait été superflue eu égard aux autres mesures de protection existantes. Il convient de rappeler, sur ce point, que l'interdiction totale de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux n'est applicable que depuis le 1er mars 2001, conformément à l'article 3 de la décision 2001-25-CE de la Commission, du 27 décembre 2000, interdisant l'utilisation de certains sous-produits animaux dans l'alimentation animale (JO 2001, L 6, p. 16).

45 Par ailleurs, ainsi qu'il résulte de l'avis du CSD du 15 septembre 2000, visé au septième considérant du règlement nº 1326-2001, les tests pratiqués sur les bovins ne permettaient pas de détecter la maladie au début de la période d'incubation.

46 S'agissant de la proportionnalité de la mesure litigieuse à l'époque des faits de la cause au principal, il suffit de constater que, bien que les articles 23 et 24 du règlement n° 999-2001 permettaient, en principe, l'adaptation éventuelle de ladite mesure, l'avis du 11 janvier 2002, susmentionné, adopté entre-temps par le CSD, réitérait la constatation citée ci-dessus de l'avis du 15 septembre 2000. Dans ce nouvel avis, le CSD soulignait en outre que des mesures telles que l'interdiction des farines animales dans l'alimentation des bovins et l'enlèvement des abats spécifiés ne réduisaient le risque pour la santé humaine que pour autant qu'elles soient mises en œuvre de manière effective, et que des manquements, même mineurs, pouvaient réduire le niveau de sécurité de manière significative.

47 Ainsi, interrogé sur l'utilité de conserver l'obligation d'abattage de la cohorte malgré l'existence des autres mesures, le CSD a, dans ledit avis du 11 janvier 2002, confirmé que l'abattage des animaux présentant un risque réduit celui pour les humains en deçà du niveau atteint par l'utilisation des tests de dépistage rapides et l'enlèvement des abats spécifiés (voir p. 4 de cet avis).

48 S'agissant, à cet égard, des statistiques produites par la requérante au principal devant le juge de renvoi, il suffit de constater, comme l'ont fait les gouvernements et les institutions communautaires ayant présenté des observations, qu'elles démontrent la plus grande prévalence d'individus atteints parmi les cohortes de naissance de bovins infectés que parmi la population bovine ordinaire. Des statistiques examinées par le Scientific Panel on Biological Hazards, dans son rapport du 21 avril 2004, susmentionné, confortent cette conclusion (voir p. 1 dudit rapport).

49 Par ailleurs, il n'apparaît pas que la différence de structures des exploitations selon les États membres était un élément pertinent que le législateur communautaire aurait dû prendre en considération au moment de l'adoption de la mesure contestée. En effet, dès lors que la nécessité de l'abattage de la cohorte était fondée sur la présomption que les animaux de cette dernière ont reçu la même alimentation que l'animal infecté, il n'y avait pas à distinguer selon que la cohorte ne comporte que 20 ou plus de 500 animaux.

50 Il y a lieu, au surplus, de relever que l'article 13, paragraphe 4, du règlement n° 999-2001 prévoit une indemnisation sans délai des propriétaires des animaux détruits conformément au paragraphe 1, sous c), du même article.

51 Enfin, il importe de souligner que, ainsi qu'il ressort du septième considérant du règlement n° 1326-2001, la mesure initialement prévue par le règlement n° 999-2001 de destruction de la totalité du troupeau auquel appartient un bovin infecté a été assouplie afin de tenir compte de l'avis du CSD, du 15 septembre 2000, sur l'abattage dans le cadre de la lutte contre l'ESB, qui concluait qu'il était possible d'obtenir à peu près le même résultat en abattant la seule cohorte de naissance de l'animal infecté plutôt que l'ensemble du troupeau.

52 Il résulte de ces considérations que la règle imposant l'abattage et la destruction de la cohorte à laquelle appartient un bovin infecté, telle qu'elle résulte du règlement nº 999-2001, modifié par le règlement nº 1326-2001, ne viole pas le principe de proportionnalité en ce qu'elle ne dépasse pas les limites de ce qui était approprié et nécessaire à la protection de la santé animale et humaine.

53 Il convient dès lors de répondre à la question posée que l'examen de celle-ci n'a révélé aucun élément de nature à affecter, au regard du principe de proportionnalité, la validité de l'article 13, paragraphe 1, première phrase, sous c), du règlement n° 999-2001, tel que modifié par le règlement n° 1326-2001, lu en combinaison avec l'annexe VII, points 2, sous a), et 1, sous a), troisième tiret, du même règlement.

Sur les dépens

54 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs,

LA COUR (troisième chambre),

dit pour droit:

L'examen de la question posée n'a révélé aucun élément de nature à affecter, au regard du principe de proportionnalité, la validité de l'article 13, paragraphe 1, première phrase, sous c), du règlement (CE) nº 999-2001 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l'éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles, tel que modifié par le règlement (CE) nº 1326-2001 de la Commission, du 29 juin 2001, établissant des mesures transitoires pour le passage au règlement nº 999-2001, et modifiant les annexes VII et XI dudit règlement, lu en combinaison avec l'annexe VII, points 2, sous a), et 1, sous a), troisième tiret, du même règlement.