Livv
Décisions

TPICE, 5e ch. élargie, 27 janvier 2006, n° T-280/03

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Van Mannekus & Co. BV

Défendeur :

Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vilaras

Juges :

Mme Martins Ribeiro, Jürimäe, MM. Dehousse, Šváby

Avocats :

Mes Bleier, Berrisch

TPICE n° T-280/03

27 janvier 2006

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

Cadre réglementaire et factuel

1 Les activités de la requérante consistent, notamment, en l'importation et la commercialisation dans la Communauté de magnésite calcinée à mort (frittée) (ci-après la " magnésite calcinée à mort ") originaire de Chine.

2 Par le règlement (CEE) nº 2799-92 de la Commission, du 25 septembre 1992, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de magnésite calcinée à mort (frittée) originaire de la République populaire de Chine (JO L 282, p. 15, ci-après le " règlement provisoire de 1992 "), la Commission a institué un droit antidumping provisoire et, par le règlement (CE) n° 3386-93 du Conseil, du 6 décembre 1993, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de magnésite calcinée à mort (frittée) originaire de la République populaire de Chine (JO L 306, p. 16, ci-après le " règlement définitif de 1993 "), le Conseil a conféré à ce droit antidumping un caractère définitif. En 2000, à l'issue d'un réexamen effectué conformément à l'article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 384-96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, ci-après le " règlement de base "), le Conseil a, par le règlement (CE) nº 360-2000, du 14 février 2000, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de magnésite calcinée à mort (frittée) originaire de la République populaire de Chine (JO L 46, p. 1, ci-après le " règlement définitif de 2000 "), décidé de maintenir le droit antidumping définitif. À la suite d'un réexamen intermédiaire partiel concernant les mesures antidumping applicables aux importations, dans la Communauté, de magnésite calcinée à mort, ouvert par la Commission au titre de l'article 11, paragraphe 3, du règlement de base, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 986-2003, du 5 juin 2003, modifiant les mesures antidumping instituées par le règlement définitif de 2000 (JO L 143, p. 5, ci-après le " règlement attaqué ").

Règlement provisoire de 1992

3 Le 23 octobre 1991, la Commission a annoncé, par un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 276, p. 3) et sur la base d'une plainte déposée par Eurométaux au nom de tous les producteurs communautaires de magnésite calcinée à mort, l'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations de ce produit, relevant du code NC 2519 90 30, originaire de Chine.

4 Le 25 septembre 1992, la Commission a adopté le règlement provisoire de 1992.

5 La Commission a indiqué, dans ce règlement, qu'elle avait officiellement informé les exportateurs et les importateurs notoirement concernés, les représentants du pays exportateur ainsi que les plaignants de l'ouverture de la procédure antidumping, demandé aux parties concernées de répondre au questionnaire qu'elle leur avait envoyé et leur avait donné la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues.

6 La Commission a, en outre, relevé qu'elle avait envoyé des questionnaires aux importateurs cités dans la plainte et que deux autres importateurs s'étaient fait connaître dans le délai fixé dans l'avis d'ouverture. Une comparaison avec les statistiques officielles d'Eurostat faisait apparaître que les quatre importateurs de la Communauté qui avaient coopéré représentaient environ 67 % des importations chinoises de magnésite calcinée à mort dans la Communauté.

7 La Commission a également précisé qu'elle avait recueilli et vérifié toutes les informations qu'elle avait jugées nécessaires aux fins d'une détermination préliminaire du dumping et du préjudice en résultant et que, à cette fin, elle avait procédé à des contrôles sur place auprès de différents producteurs communautaires ainsi qu'auprès de quatre importateurs communautaires, parmi lesquels figuraient la requérante ainsi que sa société mère.

8 Enfin, la Commission a indiqué que l'enquête sur les pratiques de dumping avait couvert la période comprise entre le 1er juillet 1990 et le 30 juin 1991.

9 Pour déterminer la valeur normale de la magnésite calcinée à mort, la Commission s'est fondée sur le critère de la valeur construite du produit concerné dans un pays à économie de marché, à savoir la Turquie, cette valeur ayant été déterminée, aux fins de l'établissement des conclusions provisoires, sur la base des coûts de production du producteur ayant coopéré à la procédure.

10 Les prix à l'exportation ont été établis par la Commission sur la base des prix réellement payés ou à payer par les importateurs ayant coopéré à l'enquête.

11 La valeur normale a été comparée avec les prix à l'exportation, transaction par transaction. L'examen préliminaire des faits a montré que les importations de magnésite calcinée à mort faisaient l'objet de pratiques de dumping. La marge de dumping établie était égale à la différence entre la valeur normale et les prix à l'exportation vers la Communauté. Calculée en pourcentage de la moyenne pondérée de la valeur caf (coût, assurance et fret) des importations en cause, elle était de 69 écus par tonne.

12 Estimant que, au vu de l'importance de l'écart de prix et de la diminution de prix constatée pendant la période d'enquête, un droit ad valorem aurait un effet moindre et ne constituerait pas une mesure efficace, la Commission a institué un droit provisoire sous forme d'un montant fixe de 69 écus par tonne nette.

Règlement définitif de 1993

13 Le 6 décembre 1993, le Conseil a adopté le règlement définitif de 1993 qui confirme, pour l'essentiel, les appréciations faites par la Commission dans le règlement provisoire de 1992 en ce qui concerne, notamment, la détermination de la valeur normale, sous réserve d'un ajustement supplémentaire, ainsi que la méthode utilisée pour établir les prix à l'exportation.

14 Le Conseil a considéré que l'examen final des faits avait montré l'existence de pratiques de dumping, la marge de dumping étant égale à la différence entre la valeur normale et le prix à l'exportation vers la Communauté, soit 47 écus par tonne.

15 En ce qui concerne le montant du droit, le Conseil a confirmé les conclusions de la Commission établies au considérant 44 du règlement provisoire de 1992, selon lesquelles seul un droit égal à la marge de dumping totale, qui porterait les prix chinois au niveau de la valeur normale, serait suffisant pour supprimer le préjudice causé à l'industrie de la Communauté par le dumping.

16 En revanche, s'agissant de la forme du droit, et eu égard au fait que celle-ci devait être de nature à éviter d'autres diminutions de prix par les exportateurs chinois, le Conseil n'a pas jugé opportun de fixer un droit fixe ou un droit ad valorem, mais un prix minimal auquel la magnésite calcinée à mort chinoise devait être vendue sur le marché de la Communauté. Ce prix minimal a été calculé sur la base de la moyenne pondérée de la valeur normale de la magnésite calcinée à mort comme l'établissait le considérant 9 du règlement définitif de 1993, compte tenu des ajustements mentionnés dans le considérant 12 dudit règlement. Il a été considéré que ce prix minimal, ajusté à la valeur CAF frontière Communauté, était de 120 écus par tonne pour toutes les qualités et le Conseil a donc confirmé que le droit devait être égal à la différence entre ce prix minimal et le prix net franco frontière de la Communauté avant dédouanement.

17 Compte tenu de la modification de la forme du droit, le Conseil n'a pas jugé opportun dans ce cas particulier de percevoir définitivement le droit antidumping provisoire.

18 En conséquence, le montant du droit antidumping définitif institué sur les importations de magnésite calcinée à mort originaire de Chine était égal à la différence entre 120 écus par tonne et le prix net franco frontière de la Communauté avant dédouanement, si ce dernier était inférieur.

Règlement définitif de 2000

19 À la suite de la publication, le 10 juin 1998, de l'" [a]vis d'expiration prochaine de certaines mesures antidumping " (JO C 177, p. 5) concernant l'expiration des mesures antidumping prévues par le règlement définitif de 1993, la Commission a été saisie d'une demande de réexamen des mesures antidumping applicables aux importations de magnésite calcinée à mort originaire de Chine, déposée par Eurométaux au nom des producteurs communautaires au motif que l'expiration des mesures entraînerait probablement une réapparition du dumping et du préjudice causé à l'industrie communautaire.

20 Ayant conclu, après consultation du comité consultatif institué par le règlement de base, qu'il existait des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'un réexamen, la Commission a entamé une enquête, conformément à l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base.

21 Aux fins de l'enquête, la Commission a officiellement informé les producteurs communautaires à l'origine de la demande, les exportateurs et les producteurs-exportateurs de Chine, les importateurs et leurs associations représentatives notoirement concernés ainsi que les représentants du gouvernement du pays exportateur de l'ouverture du réexamen. La Commission a envoyé un questionnaire à toutes ces parties ainsi qu'à celles qui se sont fait connaître dans le délai précisé dans l'avis d'ouverture. La Commission a également donné aux parties directement concernées la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues.

22 Tous les producteurs communautaires à l'origine de la demande ont répondu au questionnaire. Parmi les producteurs ou producteurs-exportateurs chinois et les importateurs, aucun n'y a répondu. Néanmoins, un importateur a fait connaître son point de vue par écrit et un autre a communiqué des informations.

23 Des visites de vérification ont été effectuées par la Commission auprès de deux producteurs communautaires à l'origine de la demande [Grecian Magnesite SA, Athènes (Grèce), et Magnesitas Navarras, Pampelune (Espagne)], d'un producteur du pays analogue [Kümas AS, Kütahya (Turquie)] et de deux utilisateurs dans la Communauté [Sambre et Dyle (Belgique), et Bet-Ker Oy (Finlande)].

24 L'enquête relative à la continuation ou à la réapparition du dumping a couvert la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1998. L'examen de la continuation ou de la réapparition du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998.

25 S'agissant de l'établissement de la valeur normale, il a d'abord été considéré que le volume total des ventes intérieures du produit concerné réalisées par le seul producteur-exportateur turc ayant coopéré était représentatif. Ensuite, il a été établi que les ventes intérieures effectuées au cours d'opérations commerciales normales l'ont été en quantité suffisante et, par conséquent, la valeur normale a été établie sur la base des prix moyens pondérés effectivement payés pour les ventes rentables du produit concerné. L'ajustement appliqué lors de l'enquête initiale à la valeur normale a été maintenu.

26 En ce qui concerne le prix à l'exportation, compte tenu de l'absence de toute coopération de la part des exportateurs chinois, il a dû être fondé sur les données disponibles, en l'occurrence sur les chiffres d'Eurostat qui ont été jugés appropriés à cette fin. Les niveaux de prix moyens ainsi obtenus ont été confirmés par les informations communiquées par le seul importateur ayant coopéré.

27 La comparaison entre la valeur normale et le prix à l'exportation vers la Communauté a révélé l'existence d'un dumping, la marge étant égale à la différence entre ces deux montants. La marge de dumping ainsi établie, exprimée en pourcentage du prix à l'importation caf frontière communautaire, se situait aux alentours de 50 % et a été considérée très élevée.

28 Compte tenu de l'ampleur du dumping pratiqué tout au long de la période d'enquête comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1998, il a été considéré que le dumping continuerait très probablement à un niveau similaire en cas d'abrogation des mesures.

29 L'évolution des prix des importations de magnésite calcinée à mort, qui ont augmenté d'environ 10 % sur la période d'examen du préjudice, a été replacée dans le contexte suivant. Un importateur indépendant dont les importations ont représenté respectivement 13 et 11 % du total des importations chinoises dans la Communauté en 1995 et 1996 avait communiqué des informations qui témoignaient du caractère artificiel de la hausse des prix constatée depuis la période d'enquête initiale pour la moitié environ du volume importé. Cet importateur avait acheté de la magnésite calcinée à mort chinoise à un prix inférieur au prix minimal de 120 écus par tonne. La grande majorité de ces importations avait été dédouanée par les clients de l'importateur (c'est-à-dire les utilisateurs du produit) sur la base de prix de revente qui incluaient une marge destinée à couvrir les dépenses supportées par l'importateur dans la Communauté ainsi que son bénéfice. Cette opération avait permis de couvrir l'écart entre le prix d'achat payé à l'exportateur chinois et le prix minimal. Le prix final déclaré aux autorités douanières par les clients de l'importateur était ainsi supérieur au prix minimal, mais le mécanisme utilisé pour l'obtenir révélait que la magnésite calcinée à mort d'origine chinoise avait pu être vendue dans la Communauté à un prix inférieur à 120 écus par tonne. En effet, le prix minimal initial avait été déterminé au niveau des prix d'achat des importateurs/négociants, et non au niveau des prix d'achat des utilisateurs finals. La pratique commerciale décrite ci-dessus semblait donc affecter l'efficacité réelle des mesures et pouvait également expliquer le fait que les chiffres d'Eurostat étaient plus élevés que les prix réels vérifiés pendant l'enquête.

30 Dans le cadre de la détermination de l'intérêt de la Communauté, le Conseil a considéré que la situation économique du secteur en cause n'avait pas été très affectée par les mesures antidumping instituées par le règlement définitif de 1993 et qu'il était très peu probable que le maintien des mesures entraînerait une détérioration de la situation des importateurs dans l'avenir. Par conséquent, il a conclu qu'il n'y avait aucune raison impérieuse de ne pas proroger les mesures antidumping en vigueur

31 Toutes les parties concernées ont été informées des faits et considérations essentiels sur lesquels reposait le maintien des mesures en vigueur à l'époque. Un délai leur a été accordé pour leur permettre de présenter leurs observations sur les informations communiquées et aucune de ces parties n'a formulé de commentaires.

32 Le Conseil a donc prorogé les mesures antidumping instituées sous la forme d'un droit variable, fixé sur la base d'un prix minimal à l'importation de 120 écus par tonne institués par le règlement définitif de 1993, dont le montant était égal à la différence entre 120 euro par tonne et le prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, si ce dernier était inférieur.

Règlement attaqué

33 Le 13 juin 2002, la Commission a annoncé, par un " [a]vis d'ouverture d'un réexamen intermédiaire partiel des mesures antidumping applicables aux importations de magnésite calcinée à mort (frittée) originaire de la République populaire de Chine " (JO C 140, p. 4), un réexamen intermédiaire partiel, de sa propre initiative, au titre de l'article 11, paragraphe 3, du règlement de base, limité à la forme des mesures existantes.

34 Le réexamen a été ouvert afin d'examiner l'utilité des mesures en vigueur sous la forme d'un prix minimal à l'importation, compte tenu du fait qu'elles ne permettaient pas d'établir une distinction entre les ventes effectuées aux parties liées et les ventes effectuées aux parties indépendantes, ni entre les ventes directes et les ventes indirectes dans la Communauté, une telle absence de distinction pouvant entraîner des problèmes de contournement des mesures antidumping. En effet, les parties pouvaient fixer le prix à l'importation à un niveau artificiellement élevé lors de l'entrée dans la Communauté pour éviter d'acquitter les droits antidumping. Ce niveau de prix artificiellement élevé pouvait résulter d'un accord entre des parties liées ou d'un gonflement du prix en raison des ventes successives avant le dédouanement. En conséquence, les mesures existantes ne semblaient pas suffisantes pour contrecarrer le dumping dont l'existence avait été établie préalablement. En outre, ces mesures n'envisageaient pas les situations dans lesquelles les marchandises avaient été endommagées avant la mise en libre pratique.

35 La Commission a officiellement informé les producteurs-exportateurs, les importateurs, les utilisateurs notoirement concernés et leurs associations, ainsi que les représentants du pays concerné et les producteurs communautaires de l'ouverture de la procédure. Elle a donné aux parties intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues dans le délai fixé dans l'avis d'ouverture. Toutes les parties qui l'ont demandé dans le délai et qui ont prouvé qu'il existait des raisons particulières de les entendre ont eu la possibilité d'être entendues.

36 Par lettre du 21 juin 2002, la requérante s'est fait connaître en tant que partie intéressée et s'est informée de l'existence d'un questionnaire permettant de participer à la procédure préparatoire.

37 Par lettre du 25 juin 2002, la Commission a informé la requérante de l'ouverture de la procédure de réexamen.

38 Dans sa réponse du 18 juillet 2002, la requérante a contesté la distinction, opérée par la Commission, entre importateurs liés et importateurs indépendants et entre ventes directes et ventes indirectes.

39 Par lettre du 31 janvier 2003, la Commission a fait parvenir à la requérante un document par lequel elle l'informait de la modification qu'il était envisagé d'apporter au règlement définitif de 2000 ainsi que des raisons de cette modification.

40 Par lettre du 18 février 2003, la requérante a fait connaître sa position sur le projet de la Commission. La Commission a répondu par lettre du 12 mars 2003.

41 Le 5 juin 2003, le Conseil a adopté le règlement attaqué.

42 S'agissant d'abord des ventes aux parties liées, le Conseil a relevé dans le règlement attaqué, en premier lieu, que, lorsqu'ils exportent vers des sociétés liées dans la Communauté, les exportateurs soumis aux mesures antidumping peuvent facturer les marchandises à un prix supérieur au prix minimal à l'importation et compenser ensuite ce prix après la déclaration en douane. Cette façon de procéder pouvait rendre le prix minimal à l'importation inopérant dans la mesure où elle implique que le produit concerné continue d'être effectivement exporté dans la Communauté à un prix inférieur à ce prix minimal. Il pouvait donc en résulter des prix de revente ultérieurs dans la Communauté qui contrecarrent les effets escomptés des mesures, en l'occurrence l'élimination des effets préjudiciables du dumping.

43 En deuxième lieu, le Conseil a relevé que, si les ventes entre des exportateurs en Chine et des importateurs liés dans la Communauté étaient soumises à un droit ad valorem, le risque sérieux de contournement du droit entre parties liées serait considérablement réduit et toute manipulation éventuelle des prix serait plus facilement décelée. En effet, selon le Conseil, un droit ad valorem serait fixé en tenant compte de la valeur conformément aux règles applicables à la détermination de la valeur en douane des marchandises importées dans la Communauté, telles qu'indiquées dans le code des douanes communautaire.

44 En troisième lieu, le Conseil a souligné que les parties liées sont plus tentées de manipuler les prix dans le cas d'un prix minimal à l'importation, puisque, dans ce cas, les manipulations de prix permettent d'éluder complètement le droit antidumping. En revanche, selon le Conseil, en cas d'application d'un droit ad valorem, les éventuelles manipulations de prix n'entraînent qu'un droit moindre dans la mesure où le droit ad valorem correspond à un pourcentage du prix pratiqué, quel qu'il soit. De l'avis du Conseil, le risque de manipulation est donc plus important dans le cas d'un prix minimal à l'importation que d'un droit ad valorem.

45 En dernier lieu, le Conseil a souligné que, quelle que soit sa forme, c'est-à-dire un prix minimal à l'importation ou un droit ad valorem, l'effet du droit était identique, en l'occurrence l'élimination des effets préjudiciables du dumping. Le Conseil a relevé également qu'il n'était pas proposé d'appliquer le droit ad valorem en sus du prix minimal à l'importation, mais à la place de ce dernier.

46 S'agissant, ensuite, des ventes entre parties indépendantes, le Conseil a considéré qu'une autre distinction devait être établie entre les ventes directes (c'est-à-dire entre un importateur dans la Communauté et un exportateur dans le pays concerné) et les ventes indirectes (c'est-à-dire celles qui ne sont pas effectuées directement d'un exportateur dans le pays concerné à un importateur dans la Communauté), puisque, dans ce dernier cas, le même risque de manipulation des prix existe.

47 Le Conseil a relevé également que le droit minimal à l'importation et le droit ad valorem avaient pour effet d'éliminer les effets du dumping préjudiciable et représentaient donc un même niveau de droit. En outre, le Conseil a considéré que la distinction entre les ventes directes et les ventes indirectes était motivée par la nécessité de limiter le risque de manipulation des prix et que ce risque était jugé important dans tous les cas où les ventes n'étaient pas effectuées directement d'un exportateur en Chine à un importateur indépendant dans la Communauté, en raison du nombre plus élevé de parties concernées et de la difficulté pour les autorités douanières de vérifier toutes les transactions intervenant dans les ventes effectuées par l'intermédiaire d'opérateurs dans des pays tiers. Le Conseil a indiqué que l'ampleur de ce risque avait été soulignée dans les conclusions du rapport annuel relatif à l'exercice 2000 de la Cour des comptes européenne (JO 2001, C 359, p. 1, points 1.31 et 1.35).

48 Le Conseil a conclu que les ventes effectuées par des exportateurs en Chine directement à des parties indépendantes dans la Communauté restaient soumises au prix minimal à l'importation, mesure qui s'était avérée la plus appropriée lors de l'enquête initiale, et que, afin d'éviter le risque de manipulation des prix, un droit ad valorem de 63,3 %, tel que précédemment établi dans le règlement définitif de 1993, s'appliquait dans tous les autres cas.

49 S'agissant, enfin, des marchandises endommagées, le Conseil a relevé que, afin d'éviter que les mesures antidumping puissent aller au-delà de ce qui était strictement nécessaire à l'élimination du préjudice, le prix minimal à l'importation devait, en cas de dommage des marchandises, être réduit au prorata du prix effectivement payé ou à payer. Le droit à acquitter était alors égal à la différence entre le prix minimal à l'importation réduit et le prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, réduit.

50 L'article 1er du règlement attaqué prévoit le remplacement de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement définitif de 2000 par le texte suivant :

" 2. Le montant du droit antidumping est :

a) égal à la différence entre le prix minimal à l'importation de 120 euro par tonne et le prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, si ce dernier est :

- inférieur au prix minimal à l'importation, et

- établi sur la base d'une facture délivrée par un exportateur en République populaire de Chine directement à une partie indépendante dans la Communauté (code additionnel TARIC A439) ;

b) nul si le prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, établi sur la base d'une facture délivrée par un exportateur en République populaire de Chine directement à une partie indépendante dans la Communauté, est égal ou supérieur au prix minimal à l'importation de 120 euro par tonne (code additionnel TARIC A439) ;

c) égal à un droit ad valorem de 63,3 % dans tous les autres cas ne relevant pas des points a) et b) ci-dessus (code additionnel TARIC A999).

Lorsque le droit antidumping est établi selon les modalités de l'article 1er, paragraphe 2, point a), et en cas de dommage avant la mise en libre pratique des marchandises, lorsque le prix payé ou à payer est dès lors calculé proportionnellement aux fins de la détermination de la valeur en douane conformément à l'article 145 du règlement (CEE) n° 2454-93, le prix minimal à l'importation susmentionné est réduit au prorata du prix actuellement payé ou à payer. Le droit à acquitter est alors égal à la différence entre le prix minimal à l'importation réduit et le prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, réduit. "

Procédure

51 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 août 2003, la requérante a introduit le présent recours.

52 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 18 novembre 2003, le Conseil a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

53 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 novembre 2003, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire à l'appui des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 12 février 2004, le président de la première chambre élargie du Tribunal a admis cette intervention. La partie intervenante a déposé son mémoire le 29 mars 2004.

54 Le 28 janvier 2004, la requérante a présenté ses observations sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par le Conseil.

55 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

Conclusions des parties

56 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- déclarer le recours recevable ;

- à titre subsidiaire, déclarer le recours recevable au moins dans la mesure où il vise à l'annulation de la partie du règlement attaqué introduisant un droit ad valorem, conformément à son article ler, paragraphe 2, sous c) ;

- annuler le règlement attaqué ;

- condamner le Conseil aux dépens.

57 Le Conseil et la Commission, intervenant à son soutien, concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme irrecevable ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

58 En vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l'irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

59 En l'espèce, le Tribunal s'estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sur la demande sans ouvrir la procédure orale.

Arguments des parties

60 À l'appui de l'exception d'irrecevabilité, le Conseil, soutenu par la Commission, relève, à titre liminaire, que, en ce qui concerne le statut d'importateur de la requérante, la requête ne permet de savoir ni si celle-ci est un importateur lié ou un importateur indépendant, ni si elle se fournit directement auprès d'exportateurs en Chine ou si elle passe par des intermédiaires opérant dans des pays tiers.

61 À cet égard, le Conseil constate qu'il résulte des informations publiées sur l'internet concernant la requérante que cette dernière est un importateur indépendant. D'une part, il estime que le fait que la requérante importe de la magnésite calcinée à mort directement d'un exportateur établi en Chine suffit déjà à exclure qu'elle puisse être concernée par le règlement attaqué et, partant, qu'elle ait un intérêt à agir.

62 D'autre part, le Conseil considère que, même dans l'hypothèse où la requérante serait un importateur indépendant s'approvisionnant par des circuits commerciaux indirects de magnésite calcinée à mort en provenance de Chine, elle ne serait pas individuellement concernée.

63 S'agissant de la qualité de personne individuellement concernée, le Conseil rappelle que, selon une jurisprudence constante, le juge communautaire a reconnu un droit de recours contre des règlements instituant des droits antidumping à trois catégories d'opérateurs économiques (ordonnance de la Cour du 8 juillet 1987, Sermes/Commission, 279-86, Rec. p. 3109, point 15 ; arrêts de la Cour du 5 octobre 1988, Canon/Conseil, 277-85 et 300-85, Rec. p. 5731, point 8 ; du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C-133-87 et C-150-87, Rec. p. I-719, point 14 ; Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C-156-87, Rec. p. I-781, point 17, et du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358-89, Rec. p. I-2501, point 17 ; arrêts du Tribunal du 20 juin 2000, Euromin/Conseil, T-597-97, Rec. p. II-2419, point 45, et du 28 février 2002, BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, T-598-97, Rec. p. II-1155, point 45), mais il considère que la requérante, à qui il incombe la charge d'alléguer et de prouver qu'elle est concernée individuellement (arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, précité, points 52 et suivants), n'appartient à aucune des ces catégories.

64 En ce qui concerne, premièrement, la participation de la requérante à la procédure, le Conseil considère que, conformément à une jurisprudence constante, cette participation ne suffit pas à caractériser la requérante par rapport à tout autre opérateur économique concerné par le règlement attaqué (arrêt de la Cour du 6 octobre 1982, Alusuisse/Conseil et Commission, 307-81, Rec. p. 3463, point 13 ; ordonnance Sermes/Commission, point 63 supra ; arrêts Euromin/Conseil, point 63 supra, point 47, et BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 63 supra, point 61).

65 S'agissant, deuxièmement, de la mention du nom de la requérante au considérant 6 du règlement provisoire de 1992, le Conseil relève, d'une part, que la question qui se pose en l'espèce n'est pas de savoir si la requérante est individuellement concernée par le règlement provisoire de 1992 ou par le règlement définitif de 1993 qui s'y réfère et, d'autre part, que la mention de son nom dans un considérant d'un règlement ne fait que constater la participation de l'entreprise à la procédure.

66 Troisièmement, le Conseil affirme que la requérante n'a pas fait valoir de raisons qui soient davantage propres à établir qu'elle est individuellement concernée par le règlement attaqué, puisqu'elle ne démontre pas qu'elle se trouve dans une situation de nature à la caractériser par rapport à tout autre opérateur économique.

67 Ainsi, selon le Conseil, il n'est envisageable de considérer la requérante comme individuellement concernée que si, par son comportement, elle a, d'une manière ou d'une autre, déterminé l'intervention des institutions communautaires ou motivé l'adoption du règlement (arrêts du Tribunal Euromin/Conseil, point 63 supra, point 47, et du 26 septembre 2000, Büchel/Conseil et Commission, T-74-97 et T-75-97, Rec. p. II-3067, points 55 et 60).

68 En outre, la requérante ne saurait non plus utilement invoquer le fait que le calcul du prix à l'exportation et, partant, de la marge de dumping retenus dans le règlement provisoire de 1992 ainsi que dans le règlement définitif de 1993 était basé sur des données fournies par les importateurs indépendants ayant coopéré à l'enquête, au nombre desquels elle se trouvait.

69 S'agissant de l'argument de la requérante fondé sur le fait que la Cour a reconnu, dans les arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, point 63 supra (point 20), et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, point 63 supra (point 23), la qualité pour agir à deux importateurs, le Conseil considère que cette jurisprudence n'est pas transposable à l'espèce, puisque la requérante n'est pas un fabricant d'équipements d'origine (Original Equipment Manufacturer, ci-après " OEM ") et qu'elle ne se trouvait ni ne se trouve dans un rapport commercial étroit avec un exportateur en Chine qui serait comparable.

70 Le Conseil souligne encore que la perception des droits n'a plus pour fondement le règlement définitif de 1993, mais celui de 2000, que les constatations relatives au dumping que retient ce dernier règlement ne reposent plus sur les données fournies par la requérante ou les autres importateurs et que la requérante n'a pas participé à l'enquête qui a abouti au règlement définitif de 2000.

71 La Commission ajoute, à titre liminaire, que la requérante n'a pas prouvé, conformément à l'arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25-62, Rec. p. 197), qu'elle possède des qualités qui lui sont particulières et qui la caractérisent par rapport à tout autre opérateur économique.

72 Ensuite, en premier lieu, la Commission considère que l'affirmation selon laquelle le règlement attaqué ne constitue pas une règle générale, mais une " décision déguisée contre la requérante " est inconciliable avec les faits. À supposer même, comme le prétend la requérante, que la motivation du règlement attaqué ne soit pas convaincante, cela ne prouverait pas que le règlement attaqué constitue une décision déguisée.

73 En deuxième lieu, la Commission fait observer que, alors que le règlement attaqué porte également sur la question des marchandises endommagées, la requérante ne prétend pas être affectée par cet aspect du règlement.

74 En troisième lieu, la Commission relève que le règlement attaqué est rédigé en des termes généraux et que les arguments et objections qui y sont avancés le sont toujours par plusieurs parties ou d'autres parties que la seule requérante, ce qui démontrerait que le règlement attaqué ne vise pas spécifiquement cette dernière.

75 Premièrement, en ce qui concerne la recevabilité du présent recours, la Commission rappelle en se référant à l'ordonnance du Tribunal du 8 juillet 1999, Area Cova e.a./Conseil et Commission (T-12-96, Rec. p. II-2301, point 32), que la portée générale du règlement attaqué n'est pas remise en cause par la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l'identité des sujets de droit auxquels il s'applique.

76 Deuxièmement, la Commission considère que le règlement attaqué ne comporte pas le moindre indice à l'appui de l'allégation selon laquelle la requérante aurait, par son approche commerciale, " donné lieu à l'intervention des institutions communautaires et été à l'origine de l'adoption du règlement litigieux ".

77 Troisièmement, le fait que la requérante ait effectivement recouru à une pratique commerciale dont le règlement attaqué a établi qu'elle comportait un risque de contournement ainsi que la connaissance que la Commission avait d'une telle pratique ne signifieraient pas que la Commission le lui ait spécifiquement reproché ni que la requérante avait été spécifiquement visée par l'adoption dudit règlement.

78 Quatrièmement, la requérante ne saurait utilement invoquer l'arrêt Canon/Conseil, point 63 supra, puisqu'elle ne prétendrait pas être associée à des exportateurs et précise, au contraire, qu'elle n'entretenait même pas " de relations commerciales directes avec un exportateur en Chine ".

79 Cinquièmement, la Commission fait valoir que l'argument de la requérante selon lequel cette dernière aurait qualité pour agir du simple fait que les enquêtes auxquelles elle a participé produisent encore des effets ne découle pas de l'arrêt de la Cour du 23 mai 1985, Allied Corporation/Conseil (53-83, Rec. p. 1621, ci-après l'" arrêt Allied Corporation II "), cité par la requérante, puisqu'elle n'est ni un exportateur ni une entité identifiée dans le règlement attaqué. Enfin, la Commission relève que la reconnaissance d'une qualité pour agir découlant uniquement de l'effet persistant d'une enquête antérieure, réalisée avec la participation de la requérante, n'est pas compatible avec l'arrêt Plaumann/Commission, point 71 supra.

80 Le Conseil, soutenu par la Commission, en conclut que la requérante ne peut pas être considérée comme individuellement concernée par le règlement attaqué au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE, de sorte que le recours doit être déclaré irrecevable.

81 La requérante énonce, d'abord, les faits qui, selon elle, s'avèrent pertinents pour l'examen de la recevabilité de son recours.

82 Ainsi, premièrement, elle rappelle que ses activités consistent, notamment, en l'importation et la commercialisation dans la Communauté de magnésite calcinée à mort originaire de Chine, mais qu'elle n'avait toutefois pas de contacts commerciaux directs avec un exportateur en Chine, puisqu'elle achetait les marchandises directement à sa société mère, qui a son siège dans la Communauté et avec laquelle elle est liée au sens de la législation applicable en matière douanière.

83 Deuxièmement, la requérante fait observer qu'il ressort de la déclaration en douane du 10 juin 2002, comportant une facture du 5 février 2002 établie par sa société mère, ainsi que de la déclaration en douane du 2 janvier 2003, comportant une facture du 3 novembre 2002 établie par sa société mère, que le prix de vente pratiqué par la société mère vis-à-vis de la requérante a toujours été supérieur au prix minimal fixé dans les règlements définitifs de 1993 et de 2000, soit 120 écus par tonne de magnésite, ce qui explique pourquoi elle n'a pas eu à verser de droits antidumping variables pour les importations ainsi effectuées. Cette pratique de commercialisation ou d'importation serait légale, puisque ce type d'imposition aurait permis d'éviter totalement la perception de droits antidumping.

84 Troisièmement, la requérante relève que les États membres ne savaient pas de manière certaine si les augmentations de prix avant l'importation dues à des opérations intermédiaires pouvaient avoir pour conséquence d'aboutir à l'élimination du droit antidumping variable. Elle précise que, peu après l'introduction de celui-ci, le ministère fédéral des Finances allemand avait déjà demandé à la Commission comment il convenait d'interpréter la notion de " prix net franco frontière de la Communauté ", qui est également utilisée à l'article 1er, paragraphe 2, du règlement définitif de 1993. Par lettre du 18 octobre 1993, la Commission aurait répondu que, eu égard à l'économie du règlement similaire auquel elle faisait référence, il ne fallait pas prendre en considération le prix qu'un agent porte en compte à l'importateur, mais plutôt le prix qui est effectivement payé au fournisseur chinois. Cette orientation aurait été confirmée par une autre lettre de la Commission de 1995, qui indiquerait également que certaines augmentations de prix résultant de l'intervention d'un intermédiaire chargé de la vente pourraient également être poursuivies pénalement.

85 Quatrièmement, la requérante allègue que la Commission a indiqué à plusieurs reprises aux États membres la manière dont le droit variable devait être appliqué en cas de ventes successives. Elle affirme ne pas connaître le détail de ces orientations, mais indique avoir été confrontée à la transposition de celles-ci.

86 Cinquièmement, la requérante relève que, à la suite de discussions avec la Commission, le ministère fédéral des Finances allemand a transmis à son administration une circulaire, selon laquelle le " prix net franco frontière de la Communauté " est le prix qui a été facturé au premier acheteur établi dans le territoire douanier de la Communauté. Ce serait à la lumière de cette conception que la totalité des prix à l'exportation en provenance de Chine aurait été établie auprès de la société mère de la requérante, lesquels auraient ensuite été transmis à l'administration douanière néerlandaise par la voie de l'assistance mutuelle entre autorités compétentes des différents États membres. En outre, la Commission aurait été informée spontanément.

87 La requérante fait observer que les Pays-Bas ont adopté une conception analogue et indique que plusieurs décisions avaient déjà auparavant été prises à l'encontre de son entreprise de transports visant au recouvrement a posteriori de droits antidumping sur les importations de magnésite calcinée à mort, en tenant compte des prix d'exportation chinois déterminés en Allemagne auprès de la société mère. À cet égard, la requérante relève que la procédure qu'elle a introduite contre la mise en recouvrement des droits en cause a posteriori s'est terminée devant le College van Beroep voor het bedrijfsleven par l'annulation de l'ensemble des avis relatifs à ladite mise en recouvrement.

88 Sixièmement, la requérante fait valoir que, même si le droit applicable aux Pays-Bas a été clarifié de manière définitive par la procédure judiciaire en cause, la Commission n'a toutefois pas pris position de manière définitive et valable pour l'ensemble de la Communauté sur la question de savoir dans quelle mesure les augmentations de prix en raison de ventes à des intermédiaires ont pour conséquence qu'il n'est plus nécessaire d'acquitter le droit variable. Au lieu de cela, la Commission aurait justifié l'introduction de l'ouverture d'un réexamen intermédiaire partiel en 2002 en invoquant uniquement des " problèmes de mise en œuvre " et n'aurait pris en considération que les ventes entre parties liées et les ventes indirectes dans la Communauté, c'est-à-dire précisément les pratiques commerciales suivies par la requérante.

89 À cet égard, la requérante fait observer que, dans le règlement attaqué, la modification de la mesure antidumping ne serait plus justifiée par des difficultés de mise en œuvre, mais par des risques éventuels de contournement. En outre, des " ventes successives avant le dédouanement " auraient été invoquées comme facteur d'augmentation artificielle des prix à l'importation et, de ce fait, la requérante serait une nouvelle fois visée dans sa pratique en matière d'importations. Enfin, la requérante indique que, même s'il a été déduit de l'augmentation des prix que les mesures applicables ne seraient pas suffisantes pour contrecarrer le dumping qui est à l'origine du préjudice, le prix minimal à l'importation ne doit être respecté que lors de l'entrée dans le circuit économique et non avant le dédouanement. Dans ces conditions, la motivation indiquée dans le règlement attaqué ne parviendrait pas à convaincre.

90 Ensuite, la requérante fait valoir que sa qualité pour agir résulte des motifs suivants.

91 Premièrement, la requérante indique qu'elle a participé, en tant qu'importateur, à la procédure de réexamen qui a précédé l'adoption du règlement attaqué et que son nom était mentionné au considérant 6 du règlement provisoire de 1992.

92 Deuxièmement, la requérante soutient que, conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêts de la Cour du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission, 41-70 à 44-70, Rec. p. 411, point 41 ; du 18 novembre 1975, CAM/Commission, 100-74, Rec. p. 1393, p. 1403, et du 21 janvier 1999, France/Comafrica e.a., C-73-97 P, Rec. p. I-185), le règlement attaqué est en réalité une décision, du fait que le cercle des personnes concernées par celui-ci est déjà déterminé lors de son adoption et que, en ce qui concerne l'effet de sanction, le cercle des importateurs ne peut pas être élargi. Elle estime que le règlement attaqué vise à écarter les importateurs qui achetaient les marchandises en cause par le biais d'entreprises liées ou d'un intermédiaire, notamment ceux qui les achetaient à des prix supérieurs au prix d'importation minimal, comme c'était son cas. La requérante rappelle que, alors que les règlements définitifs de 1993 et de 2000 étaient applicables, elle a toujours déclaré des prix d'achats supérieurs au prix minimal à l'importation du fait que, avant le traitement douanier, il y avait une vente par l'intermédiaire de la société mère à laquelle elle était liée, avec pour conséquence qu'aucun droit variable ne lui était applicable.

93 À cet égard, la requérante fait observer que, du fait que sa société mère avait son siège à l'intérieur de la Communauté, il était possible d'obtenir auprès de cette société les prix chinois à l'exportation, ce qui permettait, conformément à l'interprétation de la Commission, de se fonder sur le premier prix facturé au client dans la Communauté et de prélever un droit antidumping. Cette interprétation aurait toutefois été rendue inopérante dans le cas d'autres circuits commerciaux qui n'auraient pas permis de déterminer concrètement les prix chinois à l'exportation.

94 Par ailleurs, la requérante soutient que, contrairement à ce que prétend le Conseil, les considérations figurant dans le règlement attaqué concernant le contournement des mesures antidumping en vigueur n'avaient pas qu'une portée générale mais visaient un comportement particulier de la requérante qui serait donc à l'origine du règlement attaqué.

95 Sur ce point, la requérante considère, en premier lieu, qu'il n'est pas plausible que le droit de douane variable ait été applicable pour une durée totale de dix ans bien que, pendant toute sa durée, il y ait eu en théorie un danger de manipulation des prix, eu égard, notamment, au fait que ce danger concret a été souligné dans le règlement attaqué par le renvoi au rapport annuel de la Cour des comptes pour l'année 2000, cité au point 47 ci-dessus. En deuxième lieu, elle fait valoir que le risque important de manipulation des prix " dans tous les cas où les ventes ne sont pas effectuées directement d'un exportateur en Chine à un importateur indépendant dans la Communauté ", évoqué par la Commission, s'oppose aux allégations du Conseil. En troisième lieu, elle considère qu'il est manifeste que, dans le cadre de l'adoption du règlement attaqué, d'autres circonstances ont été prises en considération, ainsi qu'en témoigne le fait qu'une procédure de réexamen intermédiaire partiel des mesures antidumping applicables aux importations de " spath fluor ", qui avait également pour objectif la vérification du prix minimal à l'importation en raison du risque de fraude, s'est terminée de façon différente, au motif que, dans ce dernier cas, " ce risque était très faible, voire inexistant ".

96 S'agissant de l'allégation du Conseil selon laquelle il n'a pas été reproché à la requérante d'avoir participé à des activités destinées à contourner les mesures antidumping en vigueur, la requérante fait valoir que, au contraire, le Conseil et la Commission considéraient que les opérations intermédiaires ayant lieu entre la requérante et sa société mère avant le paiement des droits de douane comportaient un risque de manipulation des prix, ce qui ressortirait, notamment, des lettres de la Commission des 18 octobre 1993 et 12 juillet 1995, qui évoquent même un comportement punissable sur le plan pénal.

97 Selon la requérante, c'est précisément le fait que ses importations donnaient lieu à des critiques qui justifiait, d'une part, le besoin de la Commission d'interpréter la notion de " prix net franco frontière de la Communauté " d'une façon qui, comme c'est le cas dans le règlement attaqué, aboutit à ce que ce soit toujours le prix à l'exportation qui est déterminant pour le calcul du droit antidumping et non le prix à l'importation et, d'autre part, la perception a posteriori d'un droit antidumping sur les importations de la requérante et la procédure judiciaire correspondante.

98 À cet égard, la requérante ajoute que la Commission connaissait sa pratique commerciale étant donné, d'abord, qu'elle a reçu une communication spontanée qui lui avait été adressée par l'administration des douanes allemandes, ensuite, que la requérante a toujours saisi la Commission par l'intermédiaire de son conseil pour faire vérifier si la pratique qu'elle suivait en matière d'importation était légale et, enfin, que la Commission a suivi la procédure judiciaire concernant la requérante et savait, par conséquent, que la requérante avait déclaré la marchandise en douane après une opération intermédiaire et qu'elle avait été confrontée à des avis de mise en recouvrement a posteriori.

99 Troisièmement, la requérante rappelle que, selon le considérant 24 du règlement attaqué, le prix à l'exportation de la magnésite calcinée à mort a été calculé sur la base des prix que les importateurs ayant coopéré à l'enquête visant la période allant du 1er juillet 1990 au 30 juin 1991 avaient effectivement payé ou avaient à payer et qu'elle faisait partie de ces importateurs. La requérante rappelle également que le règlement attaqué se fonde sur les résultats de cette enquête en ce qui concerne la marge de dumping et, par conséquent, en ce qui concerne également la différence entre la valeur normale et le prix à l'exportation. Selon la requérante, on ne saurait voir aucune différence entre sa propre situation et celle des importateurs agissant dans le cadre d'une association avec des exportateurs et dont les prix de vente servent de base pour le calcul du prix à l'exportation (arrêt Canon/Conseil, point 63 supra, point 8).

100 Quatrièmement, la requérante fait valoir que l'enquête à laquelle elle a participé en 1992 continue à produire des effets. À cet égard, elle souligne que le droit antidumping applicable fixé dans le règlement attaqué équivaut au pourcentage du montant de la marge de dumping qui avait été déterminé en 1992. Elle relève également qu'elle est contrainte par le règlement attaqué de réorganiser ses circuits de livraison, avec les risques commerciaux qui en résultent, ou de s'acquitter d'un droit antidumping d'un montant insupportable qui aurait pour conséquence un arrêt de son activité économique en raison de son impossibilité d'écouler les marchandises.

101 Enfin, la requérante estime qu'elle est directement concernée par le règlement attaqué et relève à cet égard que, lors d'opérations intermédiaires, la perception d'un droit ad valorem doit être effectuée de manière automatique sans aucune marge d'appréciation et sans que d'autres dispositions soient appliquées.

Appréciation du Tribunal

Sur le statut de la requérante

102 Le Conseil émet des doutes quant au statut d'importateur de la requérante en ce sens qu'il considère que la requête ne permet pas de savoir si la requérante est un importateur lié ou un importateur indépendant ni si elle se fournit directement auprès d'exportateurs en Chine ou si elle passe par des intermédiaires opérant dans des pays tiers.

103 Il estime, néanmoins, en se référant aux informations publiées sur l'internet concernant la requérante, qu'elle est un importateur indépendant, non lié à un exportateur en Chine, qu'elle importe de la magnésite calcinée à mort directement d'un exportateur en Chine et que, de ce fait, elle n'a pas d'intérêt à agir.

104 À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 2 de sa requête, la requérante se limite à affirmer qu'elle " a participé en tant qu'importateur au réexamen qui a précédé la vérification litigieuse " et qu'elle " était déjà mentionnée au considérant 6 du règlement " provisoire de 1992.

105 En revanche, dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, la requérante définit ses activités comme étant des activités d'importation et de commercialisation de magnésite calcinée à mort et affirme notamment ce qui suit :

- elle n'avait aucun contact commercial direct avec un exportateur en Chine ;

- elle achetait directement le produit en cause à sa société mère ;

- le prix de vente pratiqué par la société mère vis-à-vis de la requérante a toujours été supérieur au prix d'importation minimal fixé par les règlements définitifs de 1993 et de 2000 ;

- cette pratique de commercialisation ou d'importation était légale, puisque ce type de droit a permis d'éviter totalement la perception des droits antidumping ;

- le règlement attaqué vise des ventes indirectes ou des ventes successives avant dédouanement dans la Communauté, c'est-à-dire précisément des pratiques commerciales en usage auprès de la requérante ;

- la requérante fait partie des importateurs concernés par le règlement attaqué, puisqu'elle a toujours déclaré des prix d'achats supérieurs aux prix minimaux à l'importation du fait qu'avant le traitement douanier il y avait vente par l'intermédiaire de la société mère à laquelle elle était liée avec, pour conséquence, qu'aucun droit variable n'était applicable.

106 Eu égard à l'ensemble de ces affirmations, et ainsi qu'il résulte du dossier, il y a lieu de constater que, étant contrôlée par sa société mère, la requérante, qui n'a pas importé le produit en cause mais le commercialise après l'avoir acheté à sa société mère, a effectivement agi en tant qu'importateur du produit concerné aux fins de l'application de la réglementation antidumping.

107 Elle doit donc être considérée comme étant un importateur indépendant de magnésite calcinée à mort qui fait l'objet de ventes successives avant le dédouanement.

Sur l'intérêt individuel de la requérante

108 Pour statuer sur le bien-fondé de l'exception d'irrecevabilité soulevée par le Conseil, il convient de rappeler que, s'il est vrai que, au regard des critères de l'article 230, quatrième alinéa, CE, les règlements instituant des droits antidumping ont, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu'ils s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant que certaines dispositions de ces règlements puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (arrêts de la Cour du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239-82 et 275-82, Rec. p. 1005, ci-après l'" arrêt Allied Corporation I ", point 11 ; Allied Corporation II, point 4 ; du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C-76-01 P, Rec. p. I-10091, point 73 ; ordonnance Sermes/Commission, point 63 supra, points 14 et 15 ; arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 63 supra, point 43).

109 Il en résulte que les actes portant institution de droits antidumping peuvent, sans perdre leur caractère réglementaire, concerner, dans certaines circonstances, individuellement certains opérateurs économiques qui ont, dès lors, qualité pour introduire un recours en annulation de ces actes (arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 63 supra, point 14).

110 Ainsi, en premier lieu, il convient de rappeler que le juge communautaire a considéré que certaines dispositions de règlements instituant des droits antidumping peuvent concerner individuellement ceux des producteurs et exportateurs du produit en cause auxquels sont imputées les pratiques de dumping sur la base des données relatives à leur activité commerciale. Cela est le cas, en général, des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes (voir, en ce sens, arrêts Allied Corporation I, points 11 et 12 ; Allied Corporation II, point 4 ; Eurocoton e.a./Conseil, point 108 supra, point 73 ; ordonnance Sermes/Commission, point 63 supra, point 15 ; arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 63 supra, point 45).

111 En deuxième lieu, le juge communautaire a considéré que, dans certaines circonstances, il en est de même en ce qui concerne les importateurs du produit en cause.

112 Ainsi, sont individuellement concernés par certaines des dispositions de règlements instituant des droits antidumping ceux des importateurs du produit en cause dont les prix de revente ont été pris en compte pour la construction des prix à l'exportation et qui sont, dès lors, concernés par les constatations relatives à l'existence d'une pratique de dumping (arrêt Eurocoton e.a./Conseil, point 108 supra, point 73 ; ordonnance Sermes/Commission, point 63 supra, point 16 ; arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 63 supra, point 46).

113 La Cour a également affirmé que des importateurs associés avec des exportateurs de pays tiers dont les produits sont frappés de droits antidumping peuvent attaquer les règlements instituant lesdits droits, notamment dans le cas où le prix à l'exportation a été calculé à partir des prix de vente sur le marché communautaire pratiqués par lesdits importateurs (ordonnance Sermes/Commission, point 63 supra, points 16 et 17 ; arrêts Canon/Conseil, point 63 supra, point 8, et BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 63 supra, point 47) ainsi que dans le cas où ce n'est pas l'existence d'une pratique de dumping qui est constatée en fonction des prix de revente de ces importateurs, mais le calcul du droit antidumping lui-même (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C-305-86 et C-160-87, Rec. p. I-2945, points 19 et 20).

114 En troisième lieu, la Cour a jugé qu'un OEM, sans qu'il y ait lieu de le qualifier d'importateur ou d'exportateur, était individuellement concerné par les dispositions du règlement relatives aux pratiques de dumping du producteur auprès duquel il achetait les produits en raison des particularités de ses relations commerciales avec ce producteur. En effet, la Cour a considéré que c'est pour tenir compte de ces particularités que le Conseil avait fixé un certain taux de la marge bénéficiaire dans le cadre de la construction de la valeur normale, laquelle avait ensuite été prise en compte dans le calcul de la marge de dumping sur la base de laquelle le droit antidumping a été fixé, en sorte que l'OEM était concerné par les constatations relatives à l'existence de la pratique de dumping incriminée (voir, en ce sens, arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, point 63 supra, points 17 à 20, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, point 63 supra, points 20 à 23).

115 Cette reconnaissance du droit de certaines catégories d'opérateurs économiques d'introduire un recours en annulation d'un règlement antidumping ne saurait cependant empêcher que d'autres opérateurs puissent également être individuellement concernés par un tel règlement, en raison de certaines qualités qui leur sont particulières et qui les caractérisent par rapport à toute autre personne (arrêts Plaumann/Commission, point 71 supra, p. 223, et Extramet Industrie/Conseil, point 63 supra, point 16).

116 La Cour a reconnu que tel était le cas d'un recours introduit contre un règlement par un importateur indépendant ayant établi l'existence d'un ensemble d'éléments constitutifs d'une situation particulière le caractérisant, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique. En particulier, l'importateur indépendant concerné avait prouvé, premièrement, qu'il était l'importateur le plus important du produit faisant l'objet de la mesure antidumping et, en même temps, l'utilisateur final de ce produit, deuxièmement, que ses activités économiques dépendaient, dans une très large mesure, de ces importations et, troisièmement, que ces activités étaient sérieusement affectées par le règlement litigieux, compte tenu du nombre restreint de producteurs du produit concerné et du fait qu'il éprouvait des difficultés à s'approvisionner auprès du seul producteur de la Communauté, qui était, au surplus, son principal concurrent pour le produit transformé (arrêts Extramet Industrie/Conseil, point 63 supra, point 17, et BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 63 supra, point 50).

117 En l'espèce, il convient de relever, en premier lieu, que la requérante n'appartient à aucune des trois catégories d'opérateurs visées aux points 110 à 114 ci-dessus, auxquels la jurisprudence a reconnu le droit d'introduire un recours direct contre des règlements instituant des droits antidumping.

118 En effet, la requérante, qui est un importateur, reconnaît elle-même qu'elle n'est pas associée à l'exportateur du produit en cause et qu'elle n'a pas de contacts commerciaux directs avec un exportateur dudit produit.

119 En second lieu, il y a lieu de rejeter l'argumentation de la requérante selon laquelle sa situation ne serait pas différente de celle d'un importateur associé dans la mesure où le règlement attaqué serait fondé sur le calcul du prix à l'exportation et de la marge de dumping retenus lors de l'enquête couvrant la période allant du 1er juillet 1990 au 30 juin 1991, qui continuerait à produire des effets, d'autant que ce calcul aurait été fait sur la base du prix effectivement payé ou à payer par les importateurs indépendants ayant coopéré à ladite enquête, dont la requérante.

120 Premièrement, il convient d'observer à cet égard que, ainsi que le relève, à juste titre, le Conseil, la question n'est pas de savoir si la requérante est individuellement concernée par le règlement provisoire de 1992 ou par le règlement définitif de 1993, mais si le règlement attaqué la concerne individuellement.

121 Deuxièmement, s'agissant de la participation de la requérante soit à l'enquête portant sur la période allant du 1er juillet 1990 au 30 juin 1991, soit à la procédure de réexamen qui a précédé l'adoption du règlement attaqué, il convient de rappeler qu'il est de jurisprudence constante que, bien que la participation d'une entreprise à une procédure antidumping puisse être prise en compte, parmi d'autres éléments, afin d'établir que cette entreprise est individuellement concernée par le règlement instituant les droits antidumping adopté à l'issue de cette procédure, en l'absence d'autres éléments constitutifs d'une situation particulière de nature à caractériser ladite entreprise, au regard des mesures en cause, par rapport à tout autre opérateur économique, une telle participation n'est pas, en soi, de nature à faire naître à son profit un droit à intenter un recours direct contre ledit règlement (arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 63 supra, point 61).

122 Il en va de même en ce qui concerne la mention du nom de la requérante au considérant 6 du règlement provisoire de 1992. Dès lors que la seule participation d'une entreprise à une procédure antidumping ne suffit pas, en l'absence d'autres éléments tels qu'énoncés par la jurisprudence mentionnée au point 121 ci-dessus, pour faire naître à son profit un droit d'intenter un recours direct contre le règlement en cause, la requérante ne saurait faire découler ce droit de la mention de son nom à un considérant dudit règlement, puisque cette mention ne fait que constater sa participation à la procédure. En tout état de cause, la mention du nom de la requérante que celle-ci invoque ne figure pas dans le règlement attaqué mais dans le règlement provisoire de 1992, qui n'est plus en vigueur et ne fait pas l'objet du présent recours.

123 Troisièmement, la situation de la requérante ne saurait être assimilée à celle d'un importateur associé à un exportateur en raison des calculs du prix à l'exportation et de la marge de dumping retenus lors de l'enquête couvrant la période allant du 1er juillet 1990 au 30 juin 1991.

124 Certes, le règlement attaqué prévoit, dans son considérant 24, que " le droit ad valorem de 63,3 %, tel que précédemment établi, s'appliquera dans tous les autres cas " et renvoie au règlement définitif de 1993. Ainsi que le Conseil le reconnaît lui-même, ce droit ad valorem de 63,3 % a été fixé sur la base des enquêtes qui ont abouti au règlement définitif de 1993.

125 Toutefois, s'il est vrai que les résultats de l'enquête concernant la période allant du 1er juillet 1990 au 30 juin 1991 constituent la base du montant du droit antidumping en cause, il n'en reste pas moins que la perception dudit droit trouve son fondement dans le règlement définitif de 2000, qui a maintenu les mesures introduites par le règlement définitif de 1993.

126 À cet égard, d'une part, il y a lieu de relever que, lors de la procédure de réexamen, fondée sur l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base, couvrant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1998, qui a conduit à l'adoption du règlement définitif de 2000 et à laquelle la requérante n'a d'ailleurs pas participé, la valeur normale a été établie sur la base des prix moyens pondérés effectivement payés pour les ventes rentables du produit concerné du seul producteur-exportateur turc ayant coopéré à l'enquête et réduite du même ajustement qui avait déjà été appliqué lors de l'enquête initiale.

127 D'autre part, le prix à l'exportation, compte tenu de l'absence de toute coopération de la part des exportateurs chinois, a dû être fondé sur les données disponibles, en l'occurrence les chiffres d'Eurostat, les niveaux de prix moyens ainsi obtenus ayant été confirmés par le seul importateur ayant coopéré.

128 Il résulte de ce qui précède et du fait que, conformément à l'article 11, paragraphes 2 et 6, du règlement de base, la procédure de réexamen ayant abouti à l'adoption du règlement définitif de 2000 devait entraîner l'abrogation ou le maintien des mesures introduites par le règlement définitif de 1993 que le maintien de ces mesures a été fondé sur des constatations relatives au dumping, lesquelles, ainsi qu'il résulte des points 124 à 127 ci-dessus, ne reposent nullement sur des données fournies par la requérante.

129 Or, le règlement attaqué, adopté à la suite d'une procédure de réexamen fondée sur l'article 11, paragraphe 3, du règlement de base, pouvant entraîner, conformément au paragraphe 6 dudit article, l'abrogation, le maintien ou la modification des mesures, s'est limité à procéder à la modification de la forme du droit maintenu par le règlement définitif de 2000, en sorte que le règlement attaqué ne repose pas, lui non plus, sur des données fournies par la requérante.

130 En tout état de cause, il convient de souligner qu'il ressort du considérant 18 du règlement provisoire de 1992, confirmé par le considérant 11 du règlement définitif de 1993, que l'existence de dumping telle que constatée dans ce dernier règlement n'a pas été établie en fonction des prix de revente de la requérante, mais en fonction des prix réellement payés ou à payer à l'exportation (voir, en ce sens, ordonnance Sermes/Commission, point 63 supra, point 17).

131 Au vu de ce qui précède, force est de conclure que l'argumentation de la requérante tirée de sa participation à l'enquête couvrant la période allant du 1er juillet 1990 au 30 juin 1991, ainsi que des effets résultant de cette enquête, ne permet pas d'établir que la requérante est individuellement concernée par le règlement attaqué.

132 En troisième lieu, il convient de constater que, ainsi que la Commission le relève à juste titre, le règlement attaqué ne comporte pas le moindre indice à l'appui de l'argumentation de la requérante selon laquelle, du fait de son circuit commercial et du fait qu'elle n'a pas versé de droits antidumping, elle aurait motivé l'intervention des institutions communautaires et aurait été à l'origine de l'adoption du règlement attaqué. Au contraire, la motivation générale des mesures adoptées par le règlement attaqué, telle qu'exposée dans ses considérants 3 à 5, démontre que ce ne sont pas seulement les ventes successives avant le dédouanement qui ont justifié l'adoption du règlement attaqué, mais également d'autres types de ventes, dont celles effectuées entre parties liées.

133 En effet, c'est en des termes généraux et abstraits que le Conseil, au considérant 3 du règlement attaqué, affirme que l'" absence de distinction entre les différents types de ventes risque d'entraîner des problèmes de contournement de mesures ". Il en va de même en ce qui concerne la description des deux méthodes permettant l'obtention d'un niveau de prix à l'importation artificiellement élevé qui peut aboutir à un contournement des mesures antidumping en vigueur à l'époque, à savoir un accord entre des parties liées ou un gonflement du prix en raison des ventes successives avant le dédouanement, dont seule la seconde correspond à celle utilisée par la requérante. Or, le texte du règlement attaqué démontre ainsi non seulement que ce n'est pas le comportement de la requérante qui a déterminé l'intervention des institutions communautaires, mais également que ce n'est pas seulement son circuit commercial qui est à l'origine d'une telle intervention.

134 Il convient de constater, en outre, qu'aucun élément du dossier ne permet de conclure que la Commission ou le Conseil ont spécifiquement adressé des reproches à la requérante ou à d'autres importateurs concernant leurs pratiques commerciales. Toute connaissance que la Commission pourrait avoir eue de la pratique commerciale de la requérante ne signifie cependant pas que la Commission le lui ait spécifiquement reproché.

135 Par ailleurs, ainsi qu'il ressort du considérant 37 du règlement définitif de 2000, de telles pratiques étaient déjà connues du Conseil, un importateur ayant fourni des informations concernant la pratique commerciale qu'il suivait, à savoir que les importations achetées à un prix inférieur au prix minimal de 120 écus par tonne étaient dédouanées par ses clients sur la base des prix de revente qui incluaient une marge destinée à couvrir ses dépenses et son bénéfice, de sorte que le prix final déclaré aux autorités douanières par ses clients était supérieur au prix minimal. Selon le Conseil, cette pratique commerciale semblait donc affecter l'efficacité des mesures en vigueur à l'époque et pourrait également expliquer le fait que les chiffres fournis par Eurostat étaient plus élevés que les prix réels vérifiés pendant l'enquête en cause.

136 Enfin, ces constatations ne sauraient être infirmées par les lettres mentionnées par la requérante à l'appui de l'argument selon lequel le Conseil et la Commission verraient précisément dans les opérations intermédiaires entre la requérante et sa société mère un sérieux danger de manipulation que le règlement attaqué pourrait prévenir. À cet égard, il y a lieu d'observer que la lettre du 18 octobre 1993, adressée par la Commission au ministère fédéral des Finances allemand, outre le fait qu'elle concerne l'interprétation d'une disposition du règlement (CEE) n° 1473-93 du Conseil, du 14 juin 1993, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d'oxyde de magnésium originaires de la République populaire de Chine (JO L 145, p. 1), ne comporte aucune référence ni à la requérante ni à la pratique commerciale d'une quelconque entreprise. En outre, la lettre du 12 juillet 1995, également adressée par la Commission au ministère fédéral des Finances allemand, a le même objet que celle du 18 octobre 1993 et ne comporte des références qu'à des " importateurs/agents " dans la Communauté, sans aucune référence explicite à la requérante.

137 En quatrième lieu, l'argument de la requérante selon lequel elle se trouverait contrainte par le règlement attaqué de réorganiser ses circuits de livraison, avec les risques commerciaux qui en résultent, ou de s'acquitter d'un droit antidumping d'un montant insupportable, qui aurait pour conséquence un arrêt de son activité économique dû à l'impossibilité d'écouler les marchandises, ne saurait non plus être accueilli.

138 À cet égard, il convient d'observer que les faits allégués par la requérante ne suffisent pas pour établir l'existence d'un ensemble d'éléments constitutifs d'une situation particulière de nature à la caractériser, au regard du règlement attaqué, par rapport à tout autre opérateur économique au sens de l'arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 63 supra.

139 Par ailleurs, il y a lieu de constater que la requérante n'a produit aucune preuve permettant d'étayer ses affirmations concernant la contrainte de réorganiser ses circuits commerciaux ou l'impossibilité de supporter le montant du droit antidumping.

140 Il résulte de ce qui précède que le règlement attaqué concerne la requérante non pas en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne, mais en raison de sa seule qualité objective d'opérateur économique actif dans le commerce de la magnésite calcinée à mort originaire de Chine, au même titre que tout autre opérateur se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique.

141 Il s'ensuit que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

Sur les dépens

142 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé et le Conseil ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil. L'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure prévoit que les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Il y a donc lieu de décider que la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

ordonne :

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil.

3) La Commission supportera ses propres dépens.