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Décisions

Conseil Conc., 17 janvier 2007, n° 07-D-01

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés publics de travaux de canalisations dans le département du Morbihan

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Jaillon, par Mme Aubert, vice-présidente présidant la séance, Mmes Béhar-Touchais, Mader-Saussaye ainsi que MM. Piot, Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 07-D-01

17 janvier 2007

Le Conseil de la concurrence (section IV),

Vu la lettre enregistrée le 22 août 2003 sous le numéro 03/0057 F, par laquelle le ministre de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de marchés de travaux publics de canalisations dans le département du Morbihan ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret 2002-689 du 30 avril 2002, fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Toulgoat, Cise TP Ouest et SAUR France, Sade CGTH, EGC Ouest pour EBL Ouest et SGCO, Dehe TP Environnement, Dehe TP, Devin Lemarchand Environnement, Coca Atlantique, Spac, Sturno, Sarc et SBCEA Audo et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Toulgoat, Cise TP Ouest et SAUR France, Sade CGTH, EGC Ouest pour EBL Ouest et SGCO, Dehe TP Environnement, Dehe TP, Devin Lemarchand Environnement, Coca Atlantique, Spac, Sturno et Sarc entendus lors de la séance du 6 décembre 2006, la société SBCEA Audo régulièrement convoquée ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LE SECTEUR

1. Le secteur économique concerné par les pratiques constatées est celui des travaux sur les réseaux de canalisation d'adduction d'eau potable (AEP) et sur les réseaux d'évacuation des eaux usées (EU) principalement et d'évacuation des eaux pluviales (EP).

2. Les travaux réalisés dans ce secteur font essentiellement l'objet de marchés publics. Les collectivités importantes ou les syndicats intercommunaux procèdent au lancement d'appels d'offres permettant de choisir les entreprises chargées de leur exécution.

3. L'analyse d'un échantillon représentatif d'appels d'offres et de l'exécution de 99 marchés de canalisation d'adduction d'eau potable, d'assainissement et d'évacuation des eaux pluviales passés par 26 communes ou syndicats intercommunaux répartis sur l'ensemble du département du Morbihan a permis de constater qu'ils étaient toujours confiés aux mêmes entreprises et qu'il y avait une parfaite complémentarité entre les offres déposées par les diverses entreprises.

4. Cette situation était de nature à révéler l'existence d'une entente entre les différentes entreprises, mise en œuvre au moyen d'échanges d'informations antérieurs aux appels d'offres et accompagnés d'offres de couverture ainsi qu'au moyen d'une politique de réponse systématique des entreprises en groupements.

5. En conséquence, le président du tribunal de grande instance de Lorient a, par ordonnance du 14 juin 2001, autorisé des visites et saisies dans les locaux des entreprises Dehe TP, Sade CGTH, Spac, SBCEA, Bœuf & Legrand, Sarc, Toulgoat, DLE, Cise TP Ouest et Sturno, soupçonnées de ces pratiques.

6. Divers documents litigieux ont été saisis, dont le rapprochement avec les marchés passés dans le département par les diverses collectivités ont révélé des indices tendant à démontrer l'existence d'ententes entre ces entreprises pour se partager les marchés passés dans le département du Morbihan et plus spécialement ceux de la ville de Vannes.

B. LES ECHANGES D'INFORMATIONS

1. LES MARCHES DU DEPARTEMENT DU MORBIHAN

a) Les travaux relatifs à la route départementale 132, commandés par le SIAEP de l'Ellé

7. Dans le cadre de la réalisation de travaux de terrassement sur la route départementale 132, le syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de l'Ellé a consulté en urgence au mois de mai 1999 la société Toulgoat et le centre d'Hennebont de la société Saur Cise pour la réalisation de travaux connexes aux précédents, consistant dans le déplacement des réseaux d'eau potable de différents villages situés sur le territoire de la commune de Priziac. Les entreprises devaient ainsi remettre cinq devis correspondant aux travaux à réaliser pour les villages de Part Er Groan, Restégant, Le Petit Véhu (deux devis différents) et Pont Tanguy.

8. Le 7 juin 1999, la société Toulgoat a remis ses propositions au président du SIAEP de l'Ellé.

9. Or, le 26 juin 2001, les enquêteurs ont saisi dans le bureau de M. Joël Toulgoat, directeur de la société du même nom, un dossier relatif à cette affaire comportant non seulement les devis présentés par sa société mais également ceux présentés par la société Saur France. Ces derniers étaient accompagnés d'une note interne à en-tête Saur Cise adressée le 21 mai 1999 au chef du centre de Hennebont par le chef du centre de travaux de canalisations de Crach plus spécialisé en la matière et qui a donc établi les devis.

10. Ces documents comportaient des annotations manuscrites de M. Jean Toulgoat, président directeur général, qui les a ensuite prises en compte dans le cadre de la rédaction de ses devis.

11. Les travaux ont été confiés à la société Toulgoat.

b) Les marchés relatifs aux villes de Bubry et Locquemiquelic

12. Le 26 juin 2001, les enquêteurs ont saisi dans les locaux de la société Sade divers documents dont une note manuscrite, en forme de schéma, qu'ils ont rattachée au marché de la commune de Bubry.

13. Il convient de rappeler, concernant ce marché, qu'à l'issue d'un appel d'offres lancé en 1998, la société Sade a été attributaire de la première tranche des travaux en vue de la desserte en assainissement d'un écart, le Bourg Saint Yves, bien que Bubry se situe dans la zone d'influence de SBCEA.

14. En juin 1999, cette commune a lancé un nouvel appel d'offres, comprenant deux lots pour la seconde étape des travaux.

15. Le 10 août 1999, la commission d'appel d'offres a ouvert les plis et a décidé de déclarer l'appel d'offres infructueux, s'agissant du lot "canalisation", en raison d'une part du dépassement important de l'estimation prévisionnelle des travaux et d'autre part, "de l'absence manifeste de concurrence" concernant cet appel d'offres. Elle s'est prononcée en faveur de l'engagement d'une procédure négociée "pour motif d'intérêt général". Elle a arrêté une liste de huit entreprises à consulter excluant les sociétés SADE et SBCEA qui avaient répondu à l'appel d'offres.

16. Le document saisi comporte la mention suivante : Locquemiquelic SGCO nous doit 1 MF. Bubry à cause.

c) Le marché de travaux de canalisations "Centre hospitalier de Saint Avé"

17. Le 26 juin 2001, les enquêteurs ont saisi dans le véhicule stationné sur le parking de la société EBL Ouest appartenant à M. Laidin, directeur de cette entreprise, divers documents datés de mai, juin ou juillet 2001, se rapportant à des marchés récemment attribués ou devant l'être prochainement.

18. Ils ont constaté qu'à chacun des marchés correspondait soit une fiche de sélection, décrivant les caractéristiques du marché et une liste d'entreprises annotée, soit une fiche de sélection mentionnant directement des noms de sociétés.

19. La liste des entreprises est présentée sous la forme d'un document manuscrit photocopié qui énumère des entreprises intervenant dans le secteur des travaux de canalisations mais aussi dans ceux de la voirie et des réseaux souples. Le nom de chaque entreprise est suivi du nom du responsable, de son numéro de téléphone et d'un numéro de téléphone portable.

20. L'examen des pièces saisies a permis de mettre en évidence des éléments relatifs au marché de canalisations "Centre hospitalier de Saint Avé".

21. Pour ce marché dont la date limite de réception des offres était fixée au 29 juin 2001, la fiche de sélection comporte une liste de quatre entreprises avec des annotations et notamment pour Cise, Marc et Sarc, la date du 22 juin 2001. Il est à noter que, parmi les documents saisis chez Cise, figure une liste datée du 26 juin 2001 relative au suivi d'études projets, qui mentionne, entre autres, le marché de Saint Avé. Ce marché a été attribué à EBL Ouest.

d) Le marché d'extension du réseau d'eaux usées programme 2001 de la commune d'Arzal

22. Les enquêteurs ont fait un rapprochement entre des documents saisis dans le véhicule de M. Laidin et le déroulement de l'appel d'offres concernant le marché d'extension du réseau d'eaux usées programme 2001 de la commune d'Arzal.

23. Ainsi, s'agissant de ce marché dont la date limite de réception des offres était le 4 juillet, la liste d'entreprises mentionne des dates, toutes antérieures à la date de remise des offres, en face de neuf entreprises dont celle qui a remporté le marché, Sturno.

24. Il est aussi mentionné, face à l'entreprise Le Calvez, outre une date, les mots : "à retéléphoner".

2. LES MARCHES DE LA VILLE DE VANNES

a) Les tableaux saisis chez Dehe TP

25. Au cours de la visite des bureaux de l'entreprise Dehe TP, le 26 juin 2001, un fichier informatique constitué de deux tableaux a été saisi.

26. L'un des tableaux reprend 50 marchés d'assainissement de la ville de Vannes, passés entre le mois de janvier 1998 et le mois de juillet 2000 et mentionne la date de la remise des offres et l'offre HT déposée par Dehe (arrondie). Suivent une colonne "ajusté" et cinq autres, au nom de cinq candidats, DEH, BL, DL, EUROVIA et ETDE.

27. Les colonnes "offre HT, Ajusté, DEH, BL, DL EUROVIA et ETDE" font l'objet d'une totalisation en bas du tableau sur la ligne intitulée "total offres affectées".

28. Une ligne suivante intitulée "coefficients affectés" fait apparaître un coefficient pour chaque entreprise du tableau : 0,15 pour Dehe, 0,425 pour BL, 0,425 pour DL, 0,101 pour EUROVIA et 0,020 pour ETDE.

29. Une ligne suivante "quotas" mentionne dans la colonne Dehe le sigle FRTP, dans les colonnes BL et DL, la somme de 15 713 KF qui résulte de l'application du coefficient précédent de 0,425 au total de la colonne "ajusté" qui est de 36 973 KF. Aucune annotation ne figure dans les colonnes Eurovia et ETDE.

30. Enfin, la dernière ligne du tableau "avancement" mentionne pour les seules entreprises Bœuf & Legrand (EBL Ouest) et Devin Lemarchand les positions de ces dernières résultant de la comparaison entre le total des travaux qui leur ont été dévolus et qui apparaissent à la ligne "total offres affectées" et le "quota" théorique de 15 713 KF qui leur a été attribué. Cette comparaison fait ressortir un retard de 162 KF pour Bœuf & Legrand et de 246 KF pour Devin Lemarchand.

31. Ce tableau se présente ainsi :

<emplacement tableau>

32. Le second tableau, non reproduit ici, évoque 44 marchés du précédent tableau et reprend pour chaque marché, l'offre complète de Dehe HT et TTC, le montant des offres de la société Dehe ainsi que le pourcentage s'élevant à 0,15.

33. Se fondant sur les déclarations de M. Vibert-Vallet, directeur de l'agence Dehe de Vannes qui a indiqué que la colonne "ajusté" correspondait en principe aux résultats des appels d'offres notifiés et parfois au montant des travaux effectivement réalisés par l'adjudicataire une fois le marché terminé ("décomptes globaux définitifs" ci-après DGD), les enquêteurs ont établi un tableau comparant les montants inscrits aux résultats des appels d'offre.

34. Ce tableau, appelé tableau n° 3 est reproduit ci-dessous :

<emplacement tableau>

35. Il apparaît ainsi, à la lecture de ce tableau, que pour 20 des 50 marchés répertoriés, soit 40 %, le montant notifié des marchés tel qu'il ressort des résultats des appels d'offre diffère du montant inscrit dans la colonne "ajusté".

36. Il y a lieu de préciser que ce tableau mentionne les montants TTC des offres relevées dans les PV des commissions d'appel d'offres en prix HT. En outre, s'agissant du report des mentions figurant sur le premier tableau saisi, l'offre Dehe a été reprise sous sa forme complète, au franc près pour les 42 premiers marchés en utilisant le second tableau et reportée sous sa forme arrondie au KF le plus proche telle qu'elle figure sur le premier tableau, pour les 8 marchés qui n'y figurent pas.

37. Les enquêteurs ont ensuite rapproché le chiffre "ajusté " de ces vingt marchés au montant des DGD dans le tableau n°4 suivant :

<emplacement tableau>

38. Il a pu être ainsi constaté que :

a. pour 5 marchés, il y avait correspondance entre le montant ajusté et le décompte global définitif ;

b. pour 14 marchés, il existait une différence entre le montant ajusté et le décompte global définitif correspondant ; pour ces 14 marchés, les chiffres mentionnés ne correspondent donc à aucune donnée accessible (ni offre retenue, ni DGD avant ou après révision) ;

c. pour 3 marchés figurant parmi les 14 précités, les services techniques de la ville de Vannes ont indiqué le 31 juillet 2002 que les décomptes globaux définitifs n'étaient pas encore établis. Dès lors, ils n'ont pu être pris en compte par M. Vibert-Vallet avant le 26 juin 2001, date de la saisie du document.

39. Par ailleurs, le marché n° 41, relatif à la réfection de la piste d'athlétisme du stade de Kercado a été annulé, ce que le tableau ne montre pas.

40. En outre, pour 11 marchés, soit 22 % des marchés répertoriés, il y a une différence entre l'offre Dehe telle qu'elle a été mentionnée dans le tableau et l'offre réellement déposée telle qu'elle ressort des procès-verbaux d'ouverture des plis, (tableau n° 3).

41. Enfin, il est apparu, pour 9 marchés, une différence entre les attributaires indiqués par M. Vibert-Vallet et les attributaires réels des marchés (tableau n° 3).

b) Le marché de remplacement du réseau AEP de la rue de Kervenic

42. Au cours de la saisie effectuée le 26 juin 2001 dans le véhicule de M. Laidin les enquêteurs ont trouvé une fiche de sélection et une liste d'entreprises se rapportant au marché "remplacement du réseau AEP de la rue de Kervenic".

43. L'examen de ces pièces a permis de constater que la liste d'entreprises comporte dans la colonne de droite au regard de l'entreprise Traouen une date, 25 juin, et la mention "à rappeler". Des dates figurent aussi en face d'autres entreprises, toutes antérieures à la date limite de dépôt des offres fixées au 2 juillet 2001. Ce marché a été attribué à Devin Lemarchand Environnement.

c) Le marché "Université de Bretagne Sud (UBS) Tohannic extension du bâtiment "

44. S'agissant du marché de la ville de Vannes "Université de Bretagne Sud (UBS) Tohannic extension de bâtiment" dont la date limite de réception des offres était fixée au 21 mai 2001, la fiche de sélection, saisie elle aussi dans le véhicule de M. Laidin, comporte le montant approximatif de l'estimation : 300 HT. Ce montant est proche de l'estimation réelle qui était de 301 KF HT. Elle comporte également deux mentions :

"DLE et EBL~ 290 HT=276 HT"

"EBL de 272 suivie de (avec K=20%) DS =217 HT".

45. La somme de 276 HT correspond effectivement au montant HT de l'offre remise par DLE.

Le marché a été obtenu par Dehe.

C. LA CONSTITUTION DE GROUPEMENTS

46. Il a été relevé par les enquêteurs que sur un total de 47 marchés de travaux de canalisations passés par appels d'offres dans le département du Morbihan au cours de l'année 1999, 14 marchés ont été attribués à des groupements d'entreprises ; de même, au cours de l'année 2000, sur un total de 48 marchés de ce type, 13 ont été attribués à des groupements.

47. Les enquêteurs ont observé qu'à côté de groupements ponctuels pouvant répondre à des nécessités objectives d'organisation, il existait des groupements permanents, systématiquement reconduits d'une consultation à l'autre au motif qu'ils conféraient à leurs membres une grande souplesse d'organisation et de gestion de leurs plans de charge respectifs. Il en va ainsi des groupements suivants :

- Groupement Sade/Spac, attributaire depuis 1994 des programmes annuels de travaux d'assainissement de la commune d'Hennebont ;

- Groupement Sturno/SBCEA, titulaire des programmes annuels successifs de travaux d'assainissement de la commune d'Ambon depuis la première étape dont l'attribution est intervenue en 1995, à l'exception des travaux correspondant à la troisième étape et titulaire également des marchés du SIAEP de la région de Moustoir-Remungol depuis 1997 ;

- Groupement Bœuf & Legrand/Sturno/Sarc, titulaire des programmes annuels successifs de travaux d'assainissement de la commune de Damgan depuis la première étape dont l'attribution est intervenue en 1987 ;

- Groupement SBCEA/Sarc, titulaire des marchés de travaux d'assainissement de la commune de Baud depuis au moins 1995 et des marchés de travaux d'eau potable du SIAEP de BAUD ;

- Groupement EBL/Devin Lemarchand Environnement, attributaire régulier des travaux du SIAEP de la région de Noyal-Pontivy et Cléguérec depuis au moins 1996 ;

- Groupement SBCEA/Coca, titulaire des travaux d'assainissement de la commune de Saint-Pierre de Quiberon ;

- Groupement EBL/Toulgoat, titulaire des travaux d'assainissement pour le SIAEP de Réguiny-Radenac.

D. LES GRIEFS NOTIFIES

48. Une première notification des deux griefs formulés ci-après a été adressée aux entreprises qui y sont énumérées. Elle a été complétée par une seconde notification reprenant le premier grief adressée, le 2 mai 2006, aux sociétés Saur France, Dehe TP de Chatou et EGC Ouest.

1. PREMIER GRIEF

49. Un grief a été notifié aux entreprises Bœuf & Legrand, Dehe TP, Devin Lemarchand Environnement, Sade CGTH, Saur Cise, SGCO, Toulgoat, "pour avoir mis en œuvre une entente anticoncurrentielle, par le biais d'échanges d'informations, pour se répartir les marchés de travaux publics de travaux de canalisations dans le département du Morbihan", pratique contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce.

50. Au stade du rapport, il a été proposé de ne pas retenir le grief formulé à l'encontre des sociétés Saur France, Toulgoat, Sade CGTH et SGCO.

2. SECOND GRIEF

51. Un grief a été notifié aux entreprises Bœuf & Legrand, Coca, Devin Lemarchand Environnement, Sade CGTH, Sarc, SBCEA, SPAC, Sturno et Toulgoat, "pour avoir mis en œuvre une entente anticoncurrentielle en constituant des groupements d'entreprises, systématiquement, pour répondre aux appels d'offres, empêchant, dans ces conditions, l'accès des entreprises individuelles".

52. Au stade du rapport, il a été proposé de ne pas retenir ce grief.

II. Discussion

A. SUR LA PROCEDURE

1. SUR LA PRESCRIPTION D'UNE PARTIE DES FAITS

53. La société EGC Ouest, nouvelle dénomination de la société EBL Ouest venant aux droits des sociétés SGCO et Bœuf & Legrand, fait valoir qu'en application de l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004, une partie des faits dont est saisi le Conseil sont prescrits et ne peuvent donc lui être opposés.

54. L'acte interruptif de prescription le plus ancien étant constitué par la demande d'enquête présentée par le ministre de l'Economie et des Finances le 31 mai 2001, les pratiques relatives aux marchés antérieurs au 31 mai 1998, soit, s'agissant d'EGC Ouest, les douze marchés d'assainissement de la ville de Vannes passés entre le 12 janvier 1998 et le 25 mai 1998, sont couvertes par la prescription.

55. Toutefois, selon l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 janvier 2002 (Saturg), les faits prescrits "peuvent être évoqués pour la compréhension des pratiques (...) (non prescrites), à la condition qu'ils ne soient ni qualifiés, ni poursuivis et qu'il n'en soit pas tiré de conséquences quant à la gravité des faits". Il sera donc fait état des marchés prescrits pour une meilleure compréhension des pratiques anticoncurrentielles commises dans le cadre des marchés publics du département du Morbihan, mais aucune conséquence quant à l'appréciation de la gravité des faits n'en sera tirée.

2. SUR LA FORMALISATION D'UN NOUVEAU GRIEF AU STADE DU RAPPORT

56. Les sociétés Devin Lemarchand Environnement et EGC OUEST font valoir qu'un nouveau grief leur est opposé au stade du rapport, fondé sur quatre fiches de sélection et listes d'entreprises saisies chez Bœuf & Legrand, relatives pour deux d'entre elles à deux marchés attribués par la ville de Vannes et pour les deux autres attribués par d'autres communes.

57. La société EGC Ouest prétend que la notification des griefs a simplement souligné le prétendu rôle qu'aurait eu l'entreprise Bœuf & Legrand dans le grief d'échange d'informations qui lui était notifié sur la base des tableaux saisis chez Dehe TP. Elle en conclut que l'adjonction d'un grief au stade du rapport est incompatible avec la jurisprudence constante du Conseil selon laquelle le défaut de régularité de la notification d'un grief est sanctionné par le constat de son inopposabilité.

58. La société Devin Lemarchand Environnement considère elle aussi qu'un grief nouveau lui a été opposé, au stade du rapport, contrairement à la jurisprudence constante de la Cour d'appel de Paris aux termes de laquelle "la notification des griefs doit informer précisément les entreprises poursuivies des pratiques reprochées et le Conseil ne saurait (...) sanctionner une pratique qui n'a pas été visée dans la notification des griefs, peu important à cet égard qu'elle ait été dénoncée dans le rapport et que les parties s'en soient expliquées devant lui" (Cour d'appel de Paris, 29 mars 2005, SARL Filmdis).

59. Il convient toutefois de relever qu'au stade de la notification de griefs, le rôle de l'entreprise Bœuf & Legrand a fait l'objet de développements relatifs aux documents saisis dans cette entreprise. Ces documents décrits aux paragraphes 17 à 24, puis 42 à 45 sont relatifs à quatre marchés : le marché de travaux de canalisations "Centre hospitalier de Saint Avé", le marché d'extension du réseau d'eaux usées de la commune d'Arzal, le marché de remplacement du réseau AEP de la rue de Kervenic à Vannes et le marché Université de Bretagne Sud (UBS) Tohannic à Vannes. Les pièces saisies ont été retenues comme indices d'échanges d'informations entre Bœuf et Legrand et ses concurrents, avant le dépôt des offres de chacun de ces marchés. En page 37 de la notification de griefs, dans une partie intitulée "Le rôle de l'entreprise Legrand", il est noté qu'"il est établi que l'entreprise Bœuf et Legrand s'est livrée à une collecte de renseignements et un suivi concernant les entreprises concurrentes. En effet, sur le document en cause, se trouvent les mentions "à rappeler" ou bien "à retéléphoner" (...). Ces mentions indiquent que l'entreprise EBL organisait la répartition des marchés au cours des années 1998 à 2001 et souvent à son profit, compte tenu du pourcentage de marchés qu'elle a obtenus, parallèlement ".

60. Ces faits font partie intégrante du grief d'entente anticoncurrentielle, au moyen d'échanges d'informations, en vue de se répartir les marchés de travaux publics de travaux de canalisations dans le département du Morbihan qui a été notifié à la société Bœuf et Legrand. EGC Ouest n'a pu se méprendre sur la portée de l'accusation pesant contre elle. Elle s'est d'ailleurs défendue sur les quatre marchés cités dans ses observations en réponse à la notification de griefs. Le rapport a présenté différemment les pratiques, en opérant une distinction des divers éléments composant le grief d'entente générale, mais aucun élément factuel ni aucune accusation n'a été ajoutée à ce stade. Le principe "non bis in idem" ne trouve pas à s'appliquer ici puisqu'il s'agit d'une des deux branches distinctes du même grief.

61. En revanche, il n'apparaît pas qu'au stade de la notification des griefs l'entreprise Devin Lemarchand Environnement ait été clairement désignée comme ayant participé à cette pratique d'échange d'informations, même si son nom apparaît, en pages 32 et 33 de la notification de griefs, à propos des deux marchés de la ville de Vannes (réseau de la rue Kervénic et Université de Bretagne Sud), comme entreprise contactée par M. Laidin, de la société EBL Ouest, avant le dépôt des offres. La pratique de participation à ces échanges anticoncurrentiels ne lui ayant pas été valablement notifiée, cette partie du grief lui est inopposable.

B. SUR LE FOND

62. Ainsi que le Conseil l'a relevé, notamment dans ses décisions n° 89-D-42 et n° 01-D-17, "en matière de marchés publics ou privés sur appel d'offres, une entente anticoncurrentielle peut prendre la forme, notamment d'une coordination des offres ou d'échanges d'informations entre entreprises antérieures à la date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être, qu'il s'agisse de l'existence de compétiteurs, de leur nom, de leur importance, de leur absence d'intérêt pour le marché considéré, ou des prix qu'ils envisagent de proposer" ; "la preuve de l'existence de telles pratiques qui sont de nature à limiter l'indépendance des offres, condition normale du jeu de la concurrence peut résulter en particulier d'un faisceau d'indices constitué par le rapprochement de diverses pièces recueillies au cours de l'instruction, même si chacune de ces pièces prise isolément n'a pas un caractère suffisamment probant".

1. LES ENTENTES DE REPARTITION DE MARCHES, AU MOYEN D'ECHANGES D'INFORMATIONS (GRIEF N° 1)

1.1 LES ENTENTES RELATIVES AUX MARCHES PASSES DANS LE DEPARTEMENT DU MORBIHAN

a) Les travaux relatifs à la RD 132, commandés par le SIAEP de l'Ellé

63. La présence de devis de la société Saur Cise retrouvés annotés de la main de M. Toulgoat dans les locaux de la société de ce dernier (§ 9) a conduit les enquêteurs à suspecter une entente dans le cadre de l'attribution des travaux de terrassement sur la RD 132.

64. M. Toulgoat n'a pu expliquer cette découverte.

65. La société Saur France, quant à elle, souligne qu'en sa qualité de délégataire du service public d'eau du SIAEP de l'Ellé, elle avait une mission de conseil et qu'elle a été consultée à ce titre sur les travaux à effectuer. Elle fait valoir que l'urgence des travaux n'avait pas permis le lancement d'une procédure d'appel d'offres qui n'était pas obligatoire eu égard au montant des travaux. Elle souligne qu'aucune pièce du rapport administratif d'enquête ou de la notification des griefs ne fait état d'une quelconque mise en concurrence et que le SIAEP a confié les travaux à la société Toulgoat sans avoir recours à la procédure d'appel d'offres.

66. Il résulte tant des déclarations de Saur France que des investigations effectuées qu'aucune procédure d'appel d'offres n'a été engagée pour les travaux du SIAEP de l'Ellé et qu'il n'y a donc pas eu mise en concurrence des sociétés.

67. L'échange d'informations n'ayant pas eu un caractère anticoncurrentiel, l'entente entre les sociétés Toulgoat et Saur France n'est pas établie.

b) Les marchés relatifs aux villes de Bubry, Locquemiquelic et Sainte Anne d'Auray

68. Au vu du schéma non daté saisi dans les locaux de la société Sade CGTH, reproduit au paragraphe 16, les enquêteurs ont soupçonné une entente entre les sociétés Sade et SGCO tendant à une répartition des marchés relatifs aux communes de Bubry et Locquemiquelic.

69. M. Pelus, ingénieur Travaux à la Sade CGTH, a reconnu être l'auteur de cette pièce qui a été établie, selon lui, début mars 2001. Il a indiqué qu'il prenait ses fonctions et qu'il s'agissait pour lui de faire le point sur les affaires en cours avec son prédécesseur.

70. Il a indiqué en outre que sous la mention "SGCO nous doit", en figurait une autre "Ste Anne D'Auray" qu'il fallait prendre en compte, puisqu'il a prétendu que sur un marché d'assainissement de 1998 ou 1999, obtenu vraisemblablement auprès du Sivom de Ste Anne d'Auray, la Sade CGTH aurait sous-traité une partie de ce marché à SGCO. Ces déclarations ont été confirmées par M. Lamarre, directeur régional de Sade CGTH, qui a par la suite précisé que ce marché de Ste Anne d'Auray correspondait à la 18ème tranche des travaux d'assainissement attribuée à la Sade CGTH et notifiée le 29 octobre 1998 par le Sivom d'Auray-Belz-Quiberon.

71. Il résulte des explications, données par Messieurs Pelus et Lamarre et de l'impossibilité de rattacher le schéma litigieux non daté à l'attribution convenue d'un marché en contrepartie de travaux sous-traités, que l'entente entre les entreprises SGCO et Sade CGTH n'est pas établie.

c) Le marché de travaux de canalisations "Centre Hospitalier de Saint Avé " et le marché d'extension du réseau d'eaux usées programme 2001 de la commune d'Arzal

72. Les documents saisis dans le véhicule de M. Laidin, décrits aux paragraphes 17 à 24 et relatifs au marché de travaux de canalisations "Centre hospitalier de Saint Avé" ainsi qu'au marché d'extension du réseau d'eaux usées d'Arzal, ont permis de conclure à des pratiques d'ententes mises en œuvre par la société Bœuf et Legrand (EBL Ouest). Celle-ci répertoriait, sur les fiches de sélection retrouvées, les démarches faites ou à faire auprès de ses concurrents avant la date limite du dépôt des offres.

73. Invité par les enquêteurs à s'expliquer sur ces documents et les annotations manuscrites y figurant, M. Laidin a déclaré que pour chaque appel d'offres, il procédait, à l'aide de la liste d'entreprises à une étude de l'état de la concurrence, affinée progressivement en fonction de la nature des travaux en cause. Il a prétendu rayer les entreprises dont la candidature était improbable et souligner celles dont il pensait qu'elles déposeraient une offre. Les dates portées en marge correspondraient aux discussions qu'il avait eues avec son chargé d'études sur les perspectives de participation de l'entreprise considérée aux appels d'offres.

74. Mais les dates figurant sur la liste de sélection, face au nom des entreprises concurrentes sont toujours antérieures à la date limite du dépôt des offres. Elles correspondent aux contacts téléphoniques de la société Boeuf et Legrand avec les sociétés concernées. S'agissant de la fiche de sélection relative au marché d'extension du réseau d'eaux usées (programme 2001) de la commune d'Arzal, la mention, face à l'entreprise Le Calvez, de la date "22 juin" et de la mention "à retéléphoner" révèle la raison d'être de ces fiches, à savoir le récapitulatif des entreprises pouvant être intéressées par le marché et la prise de contact avec elles avant le dépôt des offres pour connaître leur intention.

75. Si les annotations portées sur cette liste d'entreprises contactées par Boeuf et Legrand, comme sur celles relatives aux autres marchés, ne permettent pas de déterminer l'étendue précise des informations échangées entre M. Laidin et ses concurrents, elles établissent l'existence d'une concertation portant sur leur intention respective de répondre aux appels d'offres, puisqu'il y a concordance entre les entreprises rayées sur la liste et leur absence de réponse aux appels d'offres.

76. Il est donc établi que la société Bœuf & Legrand a échangé des informations avec ses concurrents sur les deux marchés du département du Morbihan mentionnés plus haut, avant le dépôt des offres, pratique contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

1.2 LES ENTENTES RELATIVES AUX MARCHES DE LA VILLE DE VANNES

a) Les marchés mentionnés sur les tableaux saisis chez Dehe TP

77. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 25 à 41, que les sociétés Dehe TP, Bœuf et Legrand (EBL Ouest) et Devin Lemarchand Environnement se sont réparti par avance les marchés lancés par la ville de Vannes mentionnés sur le tableau saisi chez Dehe TP, en échangeant des informations entre elles avant le dépôt des offres.

78. Les sociétés Dehe TP, Devin Lemarchand Environnement et EGC Ouest contestent que les tableaux reproduits aux paragraphes 31 à 37 rapportent la preuve d'une répartition de marchés entre elles, par le biais d'échange d'informations.

79. La société Dehe TP rappelle que ces tableaux ne constituent qu'une étude de marchés et que les discordances relevées, dans le cadre de l'enquête, entre les montants de soumission figurant dans les différentes colonnes des tableaux saisis et les montants effectivement notifiés des marchés ou les décomptes globaux définitifs ne sauraient par elles-même caractériser une entente. Elle cite une décision du Conseil de la concurrence (n° 04-D-16 du 3 mai 2004) qui relève qu'un tableau récapitulatif de parts de marché des titulaires de marchés attribués ne démontre pas l'existence d'une concertation entre les entreprises concernées dès lors que les éléments qui y figurent concernent des marchés déjà attribués. Par ailleurs, elle souligne au contraire que l'existence d'un certain nombre de marchés pour lesquels les mentions du tableau saisi correspondent exactement aux montants des décomptes globaux définitifs atteste de l'absence d'échanges d'informations anticoncurrentiels, ces montants ayant été communiqués après les appels d'offres, selon les règles d'accès aux documents administratifs.

80. La société Devin Lemarchand Environnement conteste quant à elle l'antériorité des tableaux vis-à-vis de l'attribution des marchés, d'autant que certaines données correspondent aux montants notifiés ou aux décomptes globaux définitifs. Selon elle, les tableaux auraient donc pu être établis après les remises des offres et les quotas attribués à chaque entreprise ne seraient que des quotas calculés "ex post". Cette société conteste aussi le nombre de marchés, répertoriés dans le tableau, susceptibles, selon le rapport d'enquête et l'instruction d'étayer l'existence d'une entente, en raison de différences entre le montant notifié tel qu'il résulte des résultats d'appels d'offre et le montant inscrit dans la colonne "ajusté". Elle soutient en effet que, pour cinq marchés supplémentaires, n° 5, 35, 36, 40 et 48, il y avait correspondance entre le montant notifié des marchés et le montant inscrit dans la colonne "ajusté". Elle reconnaît qu'il existait une légère différence entre les chiffres mais que pour des divergences de même importance, des marchés, notamment les marchés n° 19 et 38, avaient été classés par les enquêteurs dans la catégorie des marchés pour lesquels les montants figurant dans la colonne "ajusté" correspondaient aux montants notifiés. Elle estime ainsi que pour 40 des 50 marchés, l'affirmation selon laquelle il y aurait eu des échanges d'informations antérieurs à l'attribution des marchés serait démentie par la correspondance des montants. S'agissant des dix marchés restants, elle fait valoir que pour quatre d'entre eux les montants figurant dans la colonne "ajusté" reflètent les offres envisagées par la société Dehe TP et que pour les six autres, ils ne correspondent à aucune des offres faites par les deux autres sociétés mises en cause.

81. La société EGC Ouest fait valoir pour sa part, outre le problème de prescription évoqué plus haut, l'impossibilité de dater le tableau avec certitude et souligne que les divergences qu'il contient ne peuvent faire la preuve d'échanges d'informations entre les entreprises avant le dépôt des offres.

82. Mais l'ensemble de ces observations ne sont pas de nature à remettre en cause la valeur probante des éléments réunis au dossier à l'encontre des entreprises Dehe TP, Bœuf & Legrand et Devin Lemarchand Environnement

83. Les marchés litigieux, retenus comme indices de la répartition anticoncurrentielle de marchés, sont ceux dont le montant inscrit dans la colonne "ajusté" ne correspond ni aux résultats des appels d'offres ni aux DGD, ce qui prouve l'antériorité de l'élaboration du tableau aux dépôts des offres.

84. Ainsi que l'a souligné la société Devin Lemarchand Environnement, le montant inscrit dans la colonne "ajusté" pour les marchés n° 19, 38 et même 47 ne correspond effectivement pas au montant de ces marchés notifiés, mais les enquêteurs les ont classés dans la catégorie des marchés dont les montants figurant dans la colonne "ajusté" correspondent aux montants notifiés, en raison d'un arrondissement au millième le plus proche, ce qui est la solution la plus favorable aux entreprises mises en cause.

85. Or, s'agissant des marchés n° 5, 35, 36, 40 et 48, l'ajustement des montants notifiés au millième près ne permet pas pour autant de retrouver les chiffres portés dans la colonne "ajusté".

86. L'antériorité des données inscrites sur le tableau A se déduit :

a. des nombreuses différences constatées entre d'une part, les montants figurant dans la colonne "ajusté" du tableau, censés représenter les montants auxquels ont été attribués ou réalisés les marchés et d'autre part, les montants réels auxquels ils ont été attribués ou réalisés. Cela prouve que les données ont été intégrées progressivement au fur et à mesure du lancement des consultations ;

b. des différences mentionnées au paragraphe 37 entre le montant ajusté et les DGD ;

c. de la non accessibilité des DGD pour certains marchés (§ 38) ;

d. de la mention sur le tableau de marchés annulés (§ 39) ;

e. des discordances entre la liste des attributaires des marchés pressentis figurant sur le tableau et la liste des attributaires effectifs (§ 41) ;

f. des discordances constatées sur 11 marchés entre les offres de Dehe du tableau et les offres réellement déposées par cette entreprise, reprises dans le tableau n° 3 paragraphe 34, ce qui montre l'antériorité des données du tableau.

Il ressort donc des pièces du dossier dont la valeur probante ne peut être mise en doute par les explications données par les parties, que le tableau présente un récolement d'informations nécessairement obtenues avant le dépôt des offres relatives à ces marchés.

87. Enfin, la conception même de ce tableau reflète son objet anticoncurrentiel. En effet, les coefficients affectés aux trois entreprises, respectivement 15 % pour la première et 42,5 % pour les deux autres, ne constituent pas le résultat d'un calcul effectué à partir des résultats des appels d'offres, en rapportant le montant des marchés obtenus par chaque entreprise au montant total des marchés, mais sont des données préétablies, utilisées d'une part pour calculer un volume théorique de travaux significativement désigné sous le terme de "quota" pour chacune des trois entreprises, calculé en appliquant ce pourcentage au montant total des marchés, et d'autre part pour calculer les avances de chacune d'elles par rapport à ce "quota" théorique.

88. Un tel tableau révèle un mécanisme de répartition des marchés entre les trois entreprises. Il y a lieu de relever que les marchés attribués à Eurovia et à ETDE sont notés comme perdus ou affectés d'une valeur nulle, ce qui n'a pas de signification dans l'hypothèse d'une étude de marché, mais prend au contraire tout son sens dans le cadre d'un partage de marchés entre les trois entreprises.

89. Ainsi, les sociétés Dehe TP, Devin Lemarchand Environnement et Bœuf et Legrand se sont, en échangeant des informations, réparti les marchés lancés par la ville de Vannes, entre le 1er juin 1998 et le 24 juillet 2000 et ont ainsi enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

b) Le marché de remplacement du réseau AEP de la rue de Kervenic

90. Les documents saisis dans le véhicule de M. Laidin, décrits aux paragraphes 17 à 19 et relatifs au marché de remplacement du réseau AEP de la rue de Kervenic ont permis de retenir l'existence d'un comportement anticoncurrentiel de la société Bœuf et Legrand (EBL Ouest) qui a répertorié, grâce à la liste d'entreprises, ses concurrents potentiels et pris contact avec eux.

91. M. Laidin, puis la société EGC Ouest, ont donné les mêmes explications que pour les fiches relatives aux marchés du Centre Hospitalier de Saint Avé (paragraphe 70) et de la commune d'Arzal.

92. Pourtant, force est de constater que les mentions "22 juin à rappeler" figurant sur la liste d'entreprises face à l'entreprise Traouen attestent sans conteste de la raison d'être de ce document, à savoir le récapitulatif des entreprises pouvant être intéressées par le marché et la prise de contact avec elles pour obtenir des informations portant au minimum sur leur candidature à l'appel d'offres.

93. L'existence d'échanges d'informations entre l'entreprise Bœuf & Legrand et ses concurrents avant le dépôt des offres est donc établie pour ce marché passé par la ville de Vannes.

c) Le marché "Université de Bretagne Sud (UBS) Tohannic extension du bâtiment "

94. La fiche de sélection saisie elle aussi dans le véhicule de M. Laidin et décrite aux paragraphes 35 et 36, portant mention de l'offre du concurrent de Devin Lemarchand Environnement, a permis d'étayer l'existence d'une entente par échange d'informations.

95. Les mêmes explications que pour les autres fiches de sélection ont été données par M. Laidin puis par la société EGC Ouest (paragraphe 70).

96. La présence sur cette fiche du montant de l'offre concurrente, celle de Devin Lemarchand Environnement, atteste que pour ce marché, les échanges d'informations ont porté sur davantage d'informations que pour les autres et notamment sur le prix des offres (paragraphes 44 et 45).

97. L'organisation par la société Bœuf & Legrand d'une entente par le biais d'échanges d'informations avec ses concurrents avant le dépôt des offres est donc bien établie pour ce marché. Conclusion générale sur les marchés de la ville de Vannes

98. Il résulte de ce qui précède que les trois sociétés, Dehe TP, Devin Lemarchand Environnement et Bœuf & Legrand se sont, entre le 1er juin 1998 et le 24 juillet 2000, pour les deux premières, entre le 1er juin 1998 et juin 2001 pour la dernière, entendues au moyen d'échanges d'informations, pour se répartir les marchés de la ville de Vannes.

2. LA CONSTITUTION DE GROUPEMENTS (GRIEF N°2)

99. En vertu d'une pratique décisionnelle constante, le Conseil de la concurrence souligne que "la constitution par des entreprises indépendantes et concurrentes d'un groupement en vue de répondre à un appel d'offres n'est pas en soi illicite" (décisions n° 95-D-83 du 12 décembre 1995, n° 04-D-20 du 14 juin 2004, n° 05-D-24 du 31 mai 2005).

100. Il considère également que "de tels groupements peuvent avoir un effet pro-concurrentiel s'ils permettent à des entreprises, ainsi regroupées, de concourir alors qu'elles n'auraient pas été en état de le faire isolément ou de concourir sur la base d'une offre plus compétitive. Ils peuvent, en revanche, avoir un effet anticoncurrentiel s'ils provoquent une diminution artificielle du nombre des entreprises candidates, dissimulant une entente anticoncurrentielle ou de répartition des marchés. Si l'absence de nécessité technique et économique de nature à justifier ces groupements peut faire présumer leur caractère anticoncurrentiel, elle ne suffit pas à apporter la preuve d'un tel caractère" (décisions n° 04-D-57 du 16 novembre 2004 ; n° 01-D-16 du 24 avril 2001 ; n° 03-D-19 du 15 avril 2003).

101. La Cour d'appel de Paris a rappelé, dans un arrêt du 18 février 2003 (Syndicat intercommunal de l'eau de Dunkerque) que la formule du groupement pouvait avoir plusieurs justifications pour une entreprise : l'aider à acquérir une compétence lui faisant défaut, s'assurer de meilleures chances de succès, répartir la charge de travail afin de gagner en souplesse, la mettre en situation de réaliser des travaux qu'il lui aurait été difficile de réaliser seule compte-tenu de leur importance. La pertinence de ces justifications techniques est appréciée au cas par cas, en évaluant leur effet sur l'intensité de la concurrence résiduelle une fois le groupement formé.

102. Le Conseil a également eu l'occasion de préciser les justifications techniques jugées acceptables au regard de la préservation de la concurrence. Ainsi, dans une décision n° 05-D-24 du 31 mai 2005, il a relevé que "la complémentarité technique entre les membres d'un groupement peut tout autant recouvrir l'addition de spécialités différentes, de procédés techniques exclusifs, de facilités d'approvisionnement en matériaux que la simple disponibilité de matériels et de personnels. L'existence supposée ou avérée de moyens matériels et humains au sein d'une entreprise ne permet pas de préjuger des capacités de mobilisation rapide voire simultanée, sur un territoire géographique aussi étendu qu'un département dans le cadre d'un processus de réalisation technique de travaux offrant peu de souplesse. Une soumission en partenariat permet d'accroître les marges de manœuvre en termes de moyens mobilisables".

103. En l'espèce, dans le cadre de leurs observations consécutives à la notification des griefs, les sociétés EGC Ouest pour Bœuf & Legrand, Coca, Devin Lemarchand Environnement, Sade CGTH, Sarc, SBCEA, Spac, Sturno et Toulgoat ont toutes fait valoir que les groupements constitués étaient justifiés par l'intérêt d'avoir sur un chantier du personnel très qualifié dans divers domaines et par la nécessité de parer à des délais contraints. Les groupements permettaient de répondre aux marchés dans de meilleures conditions qualitatives et constituaient un élément de souplesse dans la gestion des plans de charge.

104. Même si certains éléments au dossier suggèrent le caractère artificiel des groupements constitués souvent entre les mêmes entreprises qui se sont réparti les travaux, sans que cela corresponde systématiquement à la spécificité des marchés, mais plus pour un "lissage" du montant des travaux réalisés par chacune, ces éléments, s'ils tendent à mettre en doute la nécessité technique ou économique de la constitution des groupements invoquée par les entreprises, ne suffisent pas à démontrer que ces groupements ont été conçus en vue de fausser les appels d'offres. De surcroît, il n'est pas non plus établi que la constitution de ces groupements ait entraîné une diminution artificielle du nombre de candidats.

105. En conséquence, la pratique d'entente anticoncurrentielle résultant de la constitution de groupements reprochée aux sociétés Bœuf & Legrand, Coca, Devin Lemarchand Environnement, Sade, Sarc, SBCEA, Spac, Sturno et Toulgoat n'est pas établie.

C. SUR L'IMPUTABILITE ET LES SUITES A DONNER

106. La société EGC Ouest, nouvelle dénomination de la société EBL Ouest, vient aux droits des sociétés Bœuf et Legrand et SGCO à la suite d'une restructuration interne du groupe GTM. Elle a discuté les éléments constituant les griefs notifiés à ces deux sociétés sous sa dénomination EBL Ouest.

107. Deux sociétés ont contesté l'imputabilité des pratiques, la société Cise TP Ouest et la société Dehe TP Environnement.

1. LA SOCIETE CISE TP OUEST

108. Cette société, à laquelle un grief d'entente par le biais d'échanges d'informations a été notifié, fait valoir qu'à l'époque des faits, à savoir de mai à juin 1999, elle n'existait pas, puisqu'elle a été immatriculée au RCS de Lorient le 23 mai 2000.

109. Elle ajoute qu'avant cette date, l'activité "travaux de canalisation" était un département de la société Cise SNC devenue depuis Saur France ; ce n'est donc qu'à compter de mai 2000 que la société Saur France a filialisé cette activité en créant Cise TP Ouest.

110. Il apparaît en effet que cette société ne peut se voir imputer le grief d'entente qui a ensuite été notifié à la société Saur France mais n'a pas été retenu contre cette dernière.

2. LA SOCIETE DEHE TP ENVIRONNEMENT

111. Cette société, à laquelle un grief d'entente par le biais d'échanges d'informations a été notifié, conteste l'imputation du grief, arguant du fait que la société n'existait pas à l'époque des faits incriminés puisqu'elle a été créée par acte sous seing privé du 15 décembre 2004 et immatriculée au RCS le 30 décembre 2004.

112. Elle ajoute que les faits, objet de la notification des griefs, concernent la société Dehe TP dont le siège social est à Chatou et qui n'a aucun lien avec Dehe TP Environnement.

113. Elle précise que la société Dehe TP Environnement a acquis de Dehe TP, le 16 décembre 2004, alors qu'elle était en cours de formation, le fonds de commerce dénommé agence de Vannes que Dehe exploitait rue Cugnot à Vannes, agence mise en cause dans les pratiques litigieuses.

114. Il apparaît effectivement que la société Dehe TP Environnement ne peut se voir imputer le grief d'entente par le biais d'échanges d'informations, qui doit être retenu à l'encontre de Dehe TP de Chatou, destinataire de la notification de griefs complémentaire.

3. SUR LES SANCTIONS

115. Les infractions retenues à l'encontre des sociétés Dehe TP et Devin Lemarchand, relatives aux marchés de la ville de Vannes, ont été commises du 1er juin 1998 au 24 juillet 2000, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. En vertu du principe de non rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.

116. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001, "le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de 1 524 490,17 euro".

117. Toutefois, s'agissant de l'entreprise EGC Ouest, les pratiques ont perduré après l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, tant en ce qui concerne les marchés de la ville de Vannes (juin 2001) que les marchés du département du Morbihan (juillet 2001). L'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, est donc applicable. Il prévoit que le montant maximum de la sanction est pour une entreprise de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

4. SUR LA GRAVITE DES FAITS

118. Les ententes horizontales et actions concertées entre soumissionnaires concurrents à des marchés publics, ayant pour objet une répartition préalable des marchés ou portant sur des échanges d'informations avant le dépôt des offres, sont d'une particulière gravité. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que de tels agissements sont de nature à tromper les organismes publics quant à l'existence ou à l'intensité de la concurrence à l'occasion d'appels d'offres. Cette jurisprudence rappelle, constamment, la gravité intrinsèque de ces pratiques et le dommage qu'elles causent à l'économie, notamment au regard du risque de banalisation et d'entraînement qui peut en résulter.

119. Il convient de relever qu'en l'espèce, l'entente de répartition et d'échange d'informations n'a pas concerné l'ensemble des marchés de canalisation d'adduction d'eau potable, d'assainissement et d'évacuation des eaux pluviales du département du Morbihan et de la ville de Vannes, mais elle a toutefois porté sur une quarantaine de marchés et a duré trois ans.

120. Il n'en demeure pas moins que ces échanges, par leur nature, ont pu avoir un effet d'entraînement plus large que le strict cadre des marchés concernés, en ayant un impact sur l'ensemble des travaux de canalisation du département du Morbihan et de la ville de Vannes puisqu'ils permettaient aux concurrents d'avoir une idée de la façon d'opérer de leurs rivaux.

5. SUR LE DOMMAGE A L'ECONOMIE

121. Ainsi qu'il est rappelé dans un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 13 janvier 1998 (Fougerolle Ballot), "le dommage causé à l'économie est indépendant du dommage souffert par le maître d'ouvrage en raison de la collusion entre plusieurs entreprises soumissionnaires et s'apprécie en fonction de l'entrave directe portée au libre jeu de la concurrence". Dans un arrêt du 12 décembre 2000 (Sogea Sud Est), la cour d'appel a encore relevé que "ces pratiques anticoncurrentielles qui caractérisent un dommage à l'économie sont répréhensibles du seul fait de leur existence, en ce qu'elles constituent une tromperie sur la réalité de la concurrence dont elles faussent le libre jeu, nonobstant la circonstance que l'échange d'informations entre entreprises sur les prix a été suivie d'une adjudication inférieure aux estimations du maître d'œuvre (...)".

122. Il convient, pour apprécier l'importance du dommage à l'économie, de prendre en compte le montant des marchés sur lesquels ont porté les pratiques relevées.

123. S'agissant des marchés de la ville de Vannes, le montant des marchés concernés, après avoir extrait les marchés passés à une époque couverte par la prescription, s'élève à la somme de 33 487 323,79 F HT, soit 5 105 109,50 euro.

124. S'agissant des marchés relatifs au département du Morbihan, leur montant s'élève à 262 327,75 euro.

125. Il convient de relever, également, l'effet d'entraînement constaté au paragraphe 120, qui a contribué à élargir le dommage à l'économie au-delà du strict cadre des marchés concernés.

6. SUR LES SANCTIONS

a) La société Dehe TP

126. La société Dehe TP a participé à l'entente portant sur les marchés de la ville de Vannes.

127. Durant l'exercice 2005, dernier exercice clos, la société Dehe TP a réalisé un chiffre d'affaires de 7 415 643 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Dehe TP une sanction pécuniaire de 74 000 euro.

b) La société Devin Lemarchand Environnement

128. La société Devin Lemarchand Environnement a participé à l'entente portant sur les marchés de la ville de Vannes.

129. Durant l'exercice 2005 qui représente le dernier exercice clos disponible à la date de la séance et justifié par la production de la liasse fiscale, la société Devin Lemarchand Environnement a réalisé un chiffre d'affaires de 85 860 398 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Devin Lemarchand Environnement une sanction pécuniaire de 858 600 euro.

c) La société EGC Ouest antérieurement Bœuf & Legrand

130. La société Bœuf & Legrand a participé à l'entente sur les marchés de la ville de Vannes et à l'entente sur deux marchés du département du Morbihan.

131. Durant l'exercice 2003, la société EGC Ouest a réalisé un chiffre d'affaires de 28 710 156 euro, durant l'exercice 2004, celui de 34 338 217 euro et durant l'exercice 2005 celui de 1 202 967 euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 12 000 euro.

Décision

Article 1er : Les sociétés Cise TP Ouest et Dehe TP Environnement sont mises hors de la cause.

Article 2 : Aucune pratique n'est établie à l'encontre des sociétés SAUR France, Toulgoat, Sade CGTH, Coca Atlantique, Spac, Sturno, Sarc, SBCEA Audo.

Article 3 : Il est établi que les sociétés Dehe TP, Devin Lemarchand et EGC Ouest ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 4 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société Dehe TP une sanction de 74 000 euro ;

- à la société Devin Lemarchand Environnement une sanction de 858 600 euro ;

- à la société EGC Ouest une sanction de 12 000 euro.