Cass. crim., 19 décembre 2006, n° 06-80.729
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Guihal
Avocat général :
M. Finielz
Avocats :
Me Odent, SCP Gatineau
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 6 janvier 2006, qui, dans la procédure suivie contre Pierre X, François Y, Rémi Z du chef d'offre de boissons non autorisées dans un débit temporaire ainsi que de publicité illicite en faveur d'une boisson alcoolique, et contre Christian A et Philippe B pour complicité du second délit, a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 3323-2, L. 3323-3, L. 3323-4, R. 3323-2 du Code de la santé publique et 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que Rémi Z, Pierre X et François Y n'avaient pas commis le délit de publicité, directe ou indirecte, en faveur de boissons alcooliques et que, dès lors, l'infraction de complicité de ces délits imputée à Philippe B et Christian A n'était pas établie ;
"aux motifs que les textes relatifs à la publicité pour des boissons alcooliques n'opéreraient aucune distinction suivant la catégorie de licence obtenue ; que, dès lors que le bureau des étudiants avait obtenu l'autorisation de distribuer des boissons alcooliques des deux premiers groupes, elle pouvait faire de la publicité pour les boissons alcooliques de tous les groupes ;
"alors qu'un établissement, ayant reçu une autorisation de distribuer des boissons appartenant aux deux premiers groupes, ne peut faire de publicité que pour ces seules boissons, et non pour celles relevant des groupes 3, 4 et 5 ; que, dès lors qu'elle a constaté que le bureau des étudiants avait obtenu une autorisation de vendre des boissons des groupes 1 et 2 seulement, la cour ne pouvait affirmer qu'il pouvait faire de la publicité pour des boissons relevant des groupes 3, 4 et 5 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Vu les articles L. 3323-2, L. 3334-2, alinéa 3, et R. 3323-2, 2, du Code de la santé publique ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la publicité en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites, est autorisée exclusivement suivant les modes énumérés par l'article L. 3323-2 dudit Code, et, notamment, sous forme d'affichettes et d'objets à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé; qu'au nombre de ces établissements figurent les débits temporaires, lesquels ne peuvent offrir que des boissons des deux premiers groupes définis à l'article L. 3321-1 du Code de la santé publique ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 4 mai 2002, une soirée a été organisée par François Y et Pierre X, membres du bureau des élèves de l'école des mines de Paris, dont le président était Rémi Z ; qu'une autorisation d'ouverture d'un débit de boissons temporaire de catégorie II a été obtenue, et que des commandes d'alcools ont été passées, notamment auprès de Philippe B, préposé de la société Ricard, dont Christian A était directeur régional des ventes ; que des boissons du quatrième groupe ont été livrées par la société Ricard et offertes aux participants ; que du matériel publicitaire de cette société, en particulier des fanions et des sets de table portant sa marque a été mis à la disposition des organisateurs et disposé dans la salle où se déroulait la fête ;
Que, sur la constitution de partie civile de l'association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, une information a été ouverte ; que François Y, Pierre X, Rémi Z ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, des chefs d'offre de boissons non autorisées dans un débit temporaire et de publicité illicite en faveur de boissons alcooliques et que Philippe B et Christian A ont été renvoyés pour complicité de ce second délit ; que, sur l'appel de la partie civile du jugement de relaxe, la cour d'appel a décidé que la première infraction était seule caractérisée ;
Attendu que, pour juger que les éléments du délit de publicité illicite en faveur d'une boisson alcoolique n'étaient pas réunis, l'arrêt retient que le bureau des étudiants ayant reçu l'autorisation d'ouvrir un débit de boissons temporaire de deuxième catégorie, cet établissement constituait bien un lieu de vente à caractère spécialisé au sens des articles L. 3323-2 et R. 3323-2 du Code de la santé publique, à l'intérieur duquel la publicité était autorisée sous forme d'affichettes et d'objets, ces textes n'opérant aucune distinction selon la catégorie de licence obtenue ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, d'une part, l'article L. 3323-2 du Code de la santé publique, qui exclut la publicité en faveur des alcools dont la vente est interdite, a pour effet de prohiber, à l'intérieur des débits de boissons, la propagande suivant les modalités décrites par son paragraphe 3, en faveur des boissons alcooliques que ces établissements ne sont pas autorisés à offrir au public, et que, d'autre part, l'inscription "Ricard", figurant sur le matériel publicitaire, tend, à défaut de toute précision qui pourrait en restreindre la signification, à vanter l'apéritif anisé connu sous ce nom, qui ne peut être proposé que dans des établissements titulaires de la licence de la quatrième catégorie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Paris, en date du 6 janvier 2006, en ses seules dispositions relatives au délit de publicité illicite en faveur de boissons alcooliques, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.