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Décisions

Cass. crim., 6 décembre 2006, n° 06-81.947

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Rognon

Avocat général :

M. Di Guardia

Avocats :

SCP Piwnica, Molinie, Me Hemery

Cass. crim. n° 06-81.947

6 décembre 2006

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 12 janvier 2006, qui, pour revente à perte, l'a condamnée à 50 000 euro d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société X, filiale du groupe Y, est poursuivie, pour avoir, entre les 3 et 15 mai 2004, revendu en l'état, à des clients des hypermarchés de cette enseigne, du fuel domestique à un prix compris entre 363 et 373 euro les 1 000 litres, alors que le prix d'achat effectif de la marchandise, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques et du coût du transport, était compris entre 373,86 et 388,54 euro les 1 000 litres, le procès-verbal dressé par des agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes relevant que ces prix ont été pratiqués dans le cadre d'une opération promotionnelle pour 25 ventes d'au moins 8 000 litres, à raison de commandes enregistrées entre les 3 et 8 mai ;

En cet état : - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 388, 390-1 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable du délit de revente d'un produit à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, l'a condamnée à une amende de 50 000 euro et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'il est fait grief à la société X d'avoir procédé à la revente de fioul domestique à un prix d'achat compris entre 363 et 373 euro pour 1 000 litres alors que le prix d'achat effectif toutes taxes comprises majoré était compris entre 373,86 et 388,54 euro pour la même quantité ; que, selon l'article 565 du Code de procédure pénale, la nullité d'un exploit ne peut être prononcée que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne ; que la citation fait mention d'un prix de vente inférieur au prix d'achat et que le fait que les ventes à perte retenues lors de l'enquête aient porté sur des quantités de 8 000 litres est sans conséquence, dès lors que le prix de revente au litre était inférieur au prix d'achat et que la société X ne pouvait ignorer que ce qui lui était reproché ne dépendait pas des quantités vendues en réalité, mais résultait de la comparaison entre deux prix celui de l'achat et de la revente ; qu'elle a donc été en mesure de préparer sa défense ;

"alors que, d'une part, la société X n'a pas soulevé dans ses écritures une exception de nullité relative à la citation, mais a reproché aux juges d'avoir statué sur des faits non compris dans leur saisine ; qu'en s'abstenant de rechercher si, comme il lui était demandé, elle avait été saisie des faits dont elle a déclaré la société X coupable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et méconnu les textes précités ;

"alors que, d'autre part, les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits compris dans l'acte de leur saisine à moins que le prévenu n'ait expressément accepté d'être jugé sur d'autres faits ; que la convocation délivrée à la société X ne visait que le prix de vente de fioul pour 1 000 litres achetés ; qu'en déclarant la société X coupable de vente à perte aux motifs que le prix de vente pour 8 000 litres de fioul achetés était inférieur au prix d'achat, sans constater que la société X avait accepté d'être jugée sur ce fait nouveau et distinct, la cour d'appel a excédé les termes de sa saisine en méconnaissance des textes susvisés" ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation de la prévenue qui soutenait que les premiers juges avaient excédé leur saisine, la citation ne mentionnant que des reventes portant sur 1 000 litres et non sur des quantités de 8 000 litres, l'arrêt retient, notamment, par motifs propres et adoptés, que la référence à une unité de mesure habituelle, permettant de mieux comparer les prix d'achat et de revente, n'a pas porté atteinte aux droits de la société X, parfaitement informée des faits qui lui sont reprochés ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que son moyen de défense a été qualifié à tort d'exception de nullité de la citation, la cour d'appel, saisie des faits retenus par cet acte sur la base d'un procès-verbal d'infraction répondant aux exigences de l'article L. 450-2 du Code de commerce, a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1582 et 1583 du Code civil, L. 110-1, L. 442-2 et L. 442-3 du Code de commerce, 111-4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable du délit de revente d'un produit à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, l'a condamnée à une amende de 50 000 euro et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs que l'opération en question était bien un achat pour revendre, dès lors que la société X se procurait du fioul pour exécuter l'obligation de le revendre qu'elle avait contractée avec l'acheteur final, peu important que lors de la conclusion du contrat elle n'ait pas encore été propriétaire de la marchandise ; que les prix pratiqués étaient calculés en fonction du prix d'achat du fioul qui était donc soumis à l'aléa des prix du marché du pétrole ; que la hausse ou la baisse du prix ne dépendait pas de la seule volonté de la société X ; que, par ailleurs, il résulte des pièces fournies par la société X que ce prix résultait des cotations officielles significatives du marché considéré ; que ce prix était déterminable dès lors qu'il dépendait des prix du marché ; que la société X a reconnu que les prix pouvaient varier en baisse, lorsque le prix auquel elle achetait le fioul était en baisse ; mais que selon elle, les clients n'auraient pas accepté de voir augmenter les prix du fioul commandé en cas de hausse ; que l'arrêté 85-69 A du 5 décembre 1985, dispose qu'à titre de mesure de publicité sur les prix, les négociants doivent tenir à la disposition de la clientèle leurs barèmes et conditions de vente et les afficher de façon lisible dans leurs locaux professionnels accessibles au public ; que la société X ne peut tirer de ce texte une obligation de maintenir les prix proposés ; qu'en effet, une telle interprétation ne pourrait se concevoir que si les prix n'étaient pas susceptibles de varier en fonction du prix d'achat du produit revendu ; qu'en ne prenant pas en considération les hausses du prix du pétrole, elle a sciemment revendu à perte ;

"alors que, d'une part, l'article L. 442-2 du Code de commerce réprime le fait pour tout commerçant de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif ; que la revente s'inscrit dans une chaîne de ventes successives, et suppose d'être précédée d'une première vente portant sur le même bien, le revendeur ayant au préalable acquis le bien qu'il entend revendre ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société X a dans un premier temps vendu le fioul domestique à ses clients à un prix fixé au jour de la commande, puis dans un second temps, a acquis ce fioul pour le livrer de sorte qu'il ne s'agissait pas d'une revente ; qu'en entrant néanmoins en voie de condamnation la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors que, d'autre part, une vente est parfaite entre les parties dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que dès la commande de fioul par l'acheteur final, le prix était déterminable, de sorte que la vente était parfaite à cet instant, à charge pour la société X de livrer le fioul et pour l'acheteur final de payer le prix ainsi convenu ; qu'en décidant que l'opération en question était bien un achat pour revendre dès lors que la société X se procurait du fioul pour exécuter l'obligation de le vendre qu'elle avait contractée, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées" ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation de la société X, qui soutenait qu'elle n'était pas propriétaire du fuel au moment de la vente, et déclarer cette société coupable de revente à perte, l'arrêt attaqué énonce que ce distributeur se procurait la marchandise pour exécuter l'obligation de vendre qu'il avait contractée avec l'acheteur final, peu important que, lors de la conclusion du contrat, il n'ait pas encore été propriétaire de cette marchandise ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, et dès lors que, d'une part, les opérations d'achat et de revente peuvent être concomitantes, que, d'autre part, la société X, qui n'a pas soutenu avoir agi en qualité de simple intermédiaire, n'a pu revendre la chose d'autrui, qu'enfin la revente d'une marchandise vendue au poids, au compte ou à la mesure n'est parfaite que lorsque la chose vendue a été pesée, comptée ou mesurée, la cour d'appel a justifié sa décision ; qu'ainsi le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 442-2 et L. 442-4 du Code de commerce, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'alignement sur la concurrence, déclaré la société X coupable du délit de revente d'un produit à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, l'a condamnée à une amende de 50 000 euro et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs que la société X se borne à invoquer l'exception d'alignement des prix sans justifier que les prix pratiqués par la société Y aient été légaux ; que bien plus, elle se fonde sur la plainte adressée à la DDCCRF de Haute-Savoie qui fait état du prix pratiqué par le magasin Carrefour qui est également accusé de pratiquer une revente à perte ; que la société X acceptait de modifier le prix du fioul tel qu'il était affiché pour tenir compte de la baisse des produits pétroliers ; qu'il en résulte que les prix affichés n'étaient pas définitifs et dépendait du cours du pétrole ; qu'en revanche elle n'a pas répercuté les hausses des prix subies par les produits pétroliers lors de la période de prévention ; qu'elle a ainsi pris sciemment la décision de revendre à perte le fioul et qu'elle a méconnu la loi en connaissance de cause ; que l'infraction est caractérisée dans tous ses éléments et que le jugement entrepris doit être confirmé tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine prononcée qui a été exactement appréciée par le tribunal ;

"alors que, d'une part, l'alignement sur la concurrence est un moyen au fond qui, lorsqu'il est établi, ôte aux faits de revente à perte leur caractère punissable ; qu'en rejetant l'exception d'alignement soulevée par la société X aux seuls motifs qu'elle ne démontrait pas que les prix pratiqués par la société Y son propre distributeur aient été légaux, la cour d'appel a méconnu la nature de l'exception, ensemble les textes susvisés ;

"alors que, d'autre part, lorsque l'exception d'alignement invoquée par le prévenu est fondée dans son élément matériel, il appartient à la partie poursuivante de démontrer le cas échéant le caractère illégal du prix de référence ; que le simple fait qu'une plainte ait été déposée contre le concurrent du prévenu sur les prix duquel il s'est aligné, ne saurait établir le caractère illégal du prix de référence ; qu'en rejetant l'exception d'alignement invoquée par la société X aux motifs que le prix de référence invoqué était celui pratiqué par le magasin Carrefour accusé également de pratiquer une revente à perte, sans rechercher si effectivement le prix de référence était illicite, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour écarter le moyen de défense pris par la société X des prix pratiqués par la société Carrefour dans la même zone d'achalandage, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu que si c'est à tort que la cour d'appel a mis à la charge de la prévenue la preuve du caractère légal de ces prix, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que les juges ont souverainement constaté que la société X ne rapportait pas la preuve des prix pratiqués par la société concurrente autrement qu'en invoquant un procès-verbal d'infraction pour revente à perte dressé contre cette dernière ; d'ou il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.