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Décisions

Ministre de l’Économie, 13 novembre 2006, n° ECOC0700045Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre de sanction et retrait

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Vico

Ministre de l’Économie n° ECOC0700045Y

13 novembre 2006

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 30 août 2006, vous avez notifié le projet d'acquisition du contrôle exclusif de la société Lorenz Bahlsen Snack-World SAS France (ci-après " Lorenz France ") par la société Vico SA (ci-après " Vico "). L'opération a été autorisée le 4 octobre 2006 par le ministre de l'Economie.

Ultérieurement, dans votre correspondance du 11 octobre 2006 relative à vos demandes d'occultation sur la décision précitée, vous avez demandé de supprimer plusieurs éléments qui ne relevaient pas du secret des affaires et avez signalé l'omission d'éléments significatifs et l'inexactitude de déclarations faites dans le dossier de notification.

Compte tenu de ces éléments, je vous avais indiqué, par courrier daté du 7 novembre 2006, que j'envisageais de sanctionner l'entreprise Vico pour inexactitude des informations fournies dans le dossier de notification, et de retirer la décision rendue le 4 octobre 2006. Conformément à l'article 24 de la loi n° 2000- 321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, vous disposiez d'un délai de quinze jours pour produire vos observations écrites et orales sur ce projet de sanction.

Par courrier électronique en date du 9 novembre 2006, vous avez indiqué que le projet de sanction et de retrait de la décision autorisant la concentration Vico/Bahlsen n'appelait pas d'observations de votre part, et que les éléments soulevés par le ministre dans cette lettre seraient pris en compte dans le projet de nouvelle notification.

En conséquence, je considère qu'il y a lieu, en application de l'article L. 430-8 III du Code de commerce, de sanctionner la société Vico pour inexactitude des informations fournies dans le dossier de notification et de retirer la décision d'autorisation en date du 4 octobre 2006. Cette décision se fonde sur les motifs suivants :

1. L'activité de la société Bastini

Vous aviez demandé dans votre lettre d'occultation que le champ d'activité exact de la société Bastini, qui fait partie du groupe Pfeifer & Langen, soit occulté. Or vous n'aviez pas mentionné dans votre dossier de notification l'acquisition récente de cette société hollandaise commercialisant des chips en France notamment : celle-ci avait été révélée par l'enquête de marché menée par mes services. Suite à une demande complémentaire d'information du 19 septembre portant précisément sur cette entreprise, vous n'aviez que confirmé l'acquisition de cette société en juin 2006, sans préciser les parts de marché détenues sur les segments non mentionnés par le test de marché, où l'entreprise était pourtant présente.

Dans votre courrier du 19 octobre, vous avez reconnu avoir omis de signaler l'acquisition de Bastini par Pfeifer & Langen le 7 juillet 2006. Vous avez cependant indiqué qu'en mai 2006, un incendie avait détruit à 95 % les unités de production de cette société ; vous avez précisé qu'au moment de la notification, Pfeifer & Langen n'avait pas décidé de reconstruire l'usine, et que pour cette raison, vous n'aviez pas fourni les parts de marché de Bastini en 2005 sur les différents marchés.

2. Le marché des crackers

La décision autorisant l'opération Vico/Bahlsen indiquait que " seul le groupe Intersnack est présent [...] " sur le segment de marché des crackers. Cette indication découlait du dossier de notification et notamment de l'analyse concurrentielle développée par la partie notifiante, qui concluait que tout problème de concurrence pouvait être écarté en raison de l'absence de chevauchement des activités des parties sur ce segment de marché, où seules les parts de marché d'Intersnack apparaissaient. En revanche, vos demandes d'occultation laissaient implicitement penser que Lorenz était également présent sur ce segment de marché.

Lors d'une réunion du 18 octobre 2006 avec mes services comme dans votre correspondance du 19 octobre 2006, vous avez admis que Lorenz France exerçait une activité sur le marché des crackers, en précisant que sa part de marché était cependant minime ([0-10] %).

3. Le marché des tuiles

Enfin, s'agissant du marché des tuiles, vous avez indiqué que Lorenz France était active également sur les tuiles vendues en marque de distributeurs (MDD) et non, comme vous l'indiquiez dans votre dossier de notification et comme cela avait été repris dans la décision, sur les seules tuiles vendues sous marque de fabricant (MDF).

Dans le même sens, il était indiqué dans le dossier de notification que l'activité de commercialisation de tuiles destinées à la vente sous MDD, mais fabriquées par d'autres sociétés du groupe Lorenz, n'entrait pas dans le périmètre de l'opération. Il est cependant apparu postérieurement à l'autorisation de l'opération que cette activité était reprise par Vico.

Vous avez indiqué lors de la réunion du 18 octobre dernier que votre mauvaise compréhension de la notion de marché pertinent expliquait que vous ayez omis de mentionner l'activité de Lorenz France dans ce domaine. En effet, seuls les effets de l'opération en termes de capacités de production avaient été pris en compte dans votre dossier de notification. Or cette analyse est partielle car elle n'intègre pas le fait que le pouvoir de marché de la nouvelle entité sera plus important que celui de Pfeifer & Langen avant l'opération, puisqu'elle écoulera une part plus importante des tuiles proposées au consommateur final.

4. Application de l'article L. 430-8 III du Code de commerce

En vertu des dispositions de l'article L. 430-8 III du Code de commerce, " en cas d'omission ou de déclaration inexacte dans une notification, le ministre chargé de l'Economie peut infliger aux personnes ayant procédé à la notification une sanction pécuniaire [dont le montant maximum s'élève, pour les personnes morales, à 5 % de leur chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant de celui qu'a réalisé en France durant la même période la partie acquise, et, pour les personnes physiques, à 1,5 million d'euro].

Cette sanction peut s'accompagner du retrait de la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération. A moins de revenir à l'état antérieur de la concentration, les parties sont alors tenues de notifier à nouveau l'opération dans un délai d'un mois à compter du retrait de la décision ".

Compte tenu des faits exposés plus haut, je constate que la notification du 30 août 2006 comportait des omissions et des déclarations inexactes, au sens du Code de commerce.

Il m'apparaît ainsi nécessaire d'infliger à la partie notifiante une sanction pécuniaire. Vous m'indiquez cependant que l'opération n'a pas encore été réalisée. En effet, la transaction est en fait une opération croisée : le groupe Pfeifer & Langen acquiert le contrôle de Lorenz France tandis que le groupe Lorenz prend le contrôle de la filiale polonaise Polsnack Sp. zo.o. du groupe Intersnack ; or, le second volet de la transaction était soumis au contrôle de l'autorité polonaise, qui n'a rendu sa décision d'autorisation qu'à la fin du mois d'octobre. De plus, je prends acte du fait que les inexactitudes et omissions ont été relevées à la suite d'une démarche de votre part, qui signale leur caractère involontaire. Enfin, ces inexactitudes et omissions ne devraient pas être de nature, sous réserve d'une analyse approfondie, à modifier le sens de la décision du ministre. Dans ces conditions, j'envisage d'infliger à Vico une amende d'un montant de 10 000 euro [dix mille euro].

Il m'apparaît également qu'il y a lieu de procéder, en application du second paragraphe de l'article L. 430- 8 III, au retrait de la décision rendue par le ministre de l'Economie le 4 octobre 2006. Ce retrait est en effet nécessaire dans la mesure où la décision rendue par le ministre se fonde sur des motifs erronés. La réalité des faits sur lesquels repose la décision n'est donc pas établie.

Je vous informe que vous pouvez introduire un recours contre la présente décision devant le juge administratif, et ce dans un délai de deux mois à compter du jour de réception de cette décision.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.