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Décisions

CJCE, 1re ch., 25 janvier 2007, n° C-411/04 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Salzgitter Mannesmann GmbH

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Jann

Avocat général :

M. Geelhoed

Juges :

MM. Lenaerts, Juhász, Schiemann, Ilešic

Avocats :

Mes Klusmann, Wiemer, Freund

CJCE n° C-411/04 P

25 janvier 2007

LA COUR (première chambre),

1 Par son pourvoi, la société Salzgitter Mannesmann GmbH, anciennement Mannesmannröhren-Werke GmbH et, avant cela, Mannesmannröhren-Werke AG (ci-après "Mannesmann" ou la "requérante"), demande l'annulation de l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission (T-44-00, Rec. p. II-2223, ci-après l'"arrêt attaqué"), dans la mesure où celui-ci a rejeté son recours introduit contre la décision 2003-382-CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE (Affaire IV/E-1/35.860-B - Tubes d'acier sans soudure) (JO 2003, L 140, p. 1, ci-après la "décision litigieuse").

La décision litigieuse

L'entente

2 La Commission des Communautés européennes a adressé la décision litigieuse à huit entreprises productrices de tubes en acier sans soudure. Parmi ces entreprises figurent quatre sociétés européennes (ci-après les "producteurs communautaires"): Mannesmann, Vallourec SA (ci-après "Vallourec"), Corus UK Ltd (anciennement British Steel Ltd, ci-après "Corus") et Dalmine SpA (ci-après "Dalmine"). Les quatre autres destinataires de ladite décision sont des sociétés japonaises (ci-après les "producteurs japonais"): NKK Corp., Nippon Steel Corp., Kawasaki Steel Corp. et Sumitomo Metal Industries Ltd (ci-après "Sumitomo").

3 Les tubes en acier sans soudure sont utilisés par l'industrie pétrolière et gazière, et comprennent deux grandes catégories de produits.

4 La première de ces catégories est celle des tubes de sondage, communément dénommés "Oil Country Tubular Goods" ou "OCTG". Ces tubes peuvent être vendus sans filetage ("tubes lisses") ou filetés. Le filetage est une opération destinée à permettre la jonction des tubes OCTG. Il peut être réalisé conformément aux standards édictés par l'American Petroleum Institute (API), les tubes filetés selon cette méthode étant dénommés "tubes OCTG standard", ou effectué selon des techniques spéciales, généralement brevetées. Dans ce dernier cas, il est fait état de filetage ou, le cas échéant, de "joints de première qualité" ou "premium", les tubes filetés selon cette méthode étant dénommés "tubes OCTG premium".

5 La seconde catégorie de produits est constituée des tuyaux de transport du pétrole et du gaz ("line pipe"), parmi lesquels se trouvent, d'une part, ceux fabriqués conformément à des normes standardisées et, d'autre part, ceux réalisés sur mesure dans le cadre de projets spécifiques (ci-après les "tuyaux de transport 'projet'").

6 En novembre 1994, la Commission a décidé de procéder à une enquête sur l'existence de pratiques anticoncurrentielles concernant ces produits. En décembre de la même année, elle a effectué des vérifications auprès de plusieurs entreprises, parmi lesquelles Mannesmann. Entre septembre 1996 et décembre 1997, la Commission a procédé à des vérifications complémentaires auprès de Vallourec, de Dalmine et de Mannesmann. Lors d'une vérification effectuée auprès de Vallourec le 17 septembre 1996, le président de Vallourec Oil & Gas, M. Verluca, a fait certaines déclarations (ci-après les "déclarations de M. Verluca"). Lors d'une vérification auprès de Mannesmann en avril 1997, le dirigeant de cette entreprise, M. Becher, a également fait des déclarations (ci-après les "déclarations de M. Becher").

7 La Commission a également adressé des demandes de renseignements, en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), à plusieurs entreprises. Dalmine ayant refusé de communiquer certains des renseignements demandés, la décision C(97) 3036 de la Commission, du 6 octobre 1997, relative à une procédure d'application de l'article 11, paragraphe 5 du règlement n° 17, lui a été adressée. Dalmine a introduit un recours tendant à l'annulation de cette décision, lequel a été déclaré manifestement irrecevable par ordonnance du Tribunal du 24 juin 1998, Dalmine/Commission (T-596-97, Rec. p. II-2383). Mannesmann a, elle également, refusé de fournir certains des renseignements demandés par la Commission. Malgré l'adoption à son égard de la décision C(98) 1204 de la Commission, du 15 mai 1998, relative à une procédure d'application de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17 (ci-après la "décision du 15 mai 1998"), Mannesmann a maintenu ce refus. Elle a introduit un recours devant le Tribunal contre cette décision. Par arrêt du 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke/Commission (T-112-98, Rec. p. II-729), le Tribunal a partiellement annulé ladite décision et rejeté le recours pour le surplus.

8 Compte tenu des déclarations de MM. Verluca et Becher ainsi que d'autres éléments de preuve, la Commission a constaté, dans la décision litigieuse, que les huit entreprises destinataires de celle-ci avaient conclu un accord ayant, notamment, pour objet le respect mutuel de leurs marchés nationaux. Aux termes de cet accord, chaque entreprise se serait interdit de vendre des tubes OCTG standard et des tuyaux de transport "projet" sur le marché national d'une autre partie audit accord.

9 L'accord aurait été conclu dans le cadre de réunions entre producteurs communautaires et japonais connues sous le nom de "club Europe-Japon".

10 Le principe du respect des marchés nationaux était désigné par l'expression "règles fondamentales" ("fundamentals"). La Commission a relevé que les règles fondamentales avaient été effectivement respectées et que, dès lors, l'accord en question avait eu des effets anticoncurrentiels sur le marché commun.

11 L'accord aurait, au total, comporté trois volets, le premier étant représenté par les règles fondamentales relatives au respect des marchés nationaux, évoquées ci-dessus, lesquelles constituent l'infraction retenue à l'article 1er de la décision litigieuse, le deuxième étant constitué par la fixation des prix pour les appels d'offres et de prix minimaux pour les "marchés spéciaux" ("special markets") et le troisième consistant en un partage des autres marchés mondiaux, à l'exclusion du Canada et des États-Unis d'Amérique, au moyen de clés de répartition ("sharing keys").

12 Quant à l'existence des règles fondamentales, la Commission s'est fondée sur un faisceau d'indices documentaires énumérés aux points 62 à 67 des motifs de la décision litigieuse ainsi que sur le tableau figurant au point 68 de ceux-ci. Il ressortirait de ce tableau que la part du producteur national dans les livraisons effectuées par les destinataires de la décision litigieuse au Japon et sur le marché domestique de chacun des quatre producteurs communautaires est très élevée. La Commission en déduit que, dans l'ensemble, les marchés nationaux étaient effectivement respectés par les parties à l'accord.

13 Les membres du club Europe-Japon se seraient rencontrés à Tokyo, le 5 novembre 1993, pour tenter d'aboutir à un nouvel accord de répartition des marchés avec les producteurs d'Amérique latine. Le contenu de l'accord arrêté à cette occasion figurerait dans un document remis à la Commission le 12 novembre 1997 par un informateur tiers à la procédure, lequel contient notamment une "clé de répartition" (ci-après le "document 'clé de répartition'").

La durée de l'entente

14 Le club Europe-Japon se serait réuni à partir de 1977, au rythme d'environ deux fois par an, et ce jusqu'en 1994.

15 La Commission a toutefois considéré qu'il convenait de retenir l'année 1990 comme point de départ de l'entente aux fins de la fixation du montant des amendes, eu égard à l'existence, entre 1977 et 1990, d'accords d'autolimitation des exportations conclus entre la Communauté européenne et le Japon. Selon la Commission, l'infraction a pris fin en 1995.

Les amendes

16 Aux fins de la fixation du montant des amendes, la Commission a qualifié l'infraction de très grave au motif que l'accord visait le respect des marchés nationaux et portait ainsi atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur. Elle a toutefois relevé que les ventes de tubes en acier sans soudure par les entreprises destinataires de la décision litigieuse dans les quatre États membres concernés ne s'élevaient qu'à environ 73 millions d'euro par an.

17 Au vu de ces éléments, la Commission a fixé le montant de l'amende au titre de la gravité de l'infraction à 10 millions d'euro pour chacune des huit entreprises. Celles-ci étant toutes de grande dimension, la Commission a estimé qu'il n'y avait pas lieu de procéder, à ce titre, à une différenciation des montants retenus.

18 Estimant que l'infraction était de moyenne durée, la Commission a appliqué une majoration de 10 % par année de participation à l'entente au montant retenu au titre de la gravité pour fixer le montant de base de l'amende infligée à chaque entreprise en cause. Cependant, compte tenu de ce que le secteur des tubes en acier a connu une situation de crise de longue durée et eu égard au fait que la situation de ce secteur s'est détériorée à partir de 1991, la Commission a minoré lesdits montants de base de 10 % au titre des circonstances atténuantes.

19 Enfin, la Commission a appliqué une réduction de 40 % au montant de l'amende infligée à Vallourec, ainsi qu'une réduction de 20 % au montant de celle infligée à Dalmine, au titre du point D 2 de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la "communication sur la coopération"), pour tenir compte du fait que ces deux entreprises avaient coopéré avec la Commission au stade de la procédure administrative.

Le dispositif de la décision litigieuse

20 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse, les huit entreprises destinataires de celle-ci "ont enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, en participant [...] à un accord prévoyant, entre autres, le respect de leur marché national respectif pour les tubes OCTG [...] standard et les [tuyaux de transport 'projet'] sans soudure".

21 L'article 1er, paragraphe 2, de cette décision dispose que l'infraction a duré de 1990 à 1995 pour Mannesmann, Vallourec, Dalmine, Sumitomo, Nippon Steel Corp., Kawasaki Steel Corp. et NKK Corp. S'agissant de Corus, il est indiqué que l'infraction a duré de 1990 à février 1994.

22 Les autres dispositions pertinentes du dispositif de la décision litigieuse sont rédigées comme suit:

"Article 2

1. [Mannesmann], Vallourec [...], [Corus] et Dalmine [...] ont enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, en concluant, dans le cadre de l'infraction mentionnée à l'article 1er, des contrats qui ont résulté en une répartition des fournitures de tubes OCTG lisses à [Corus] (Vallourec [...] à partir de 1994).

2. Pour [Corus], l'infraction a duré du 24 juillet 1991 à février 1994. Pour Vallourec [...], l'infraction a duré du 24 juillet 1991 au 30 mars 1999. Pour Dalmine [...], l'infraction a duré du 4 décembre 1991 au 30 mars 1999. Pour [Mannesmann], l'infraction a duré du 9 août 1993 au 24 avril 1997.

[...]

Article 4

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l'article 1er, en raison de l'infraction constatée audit article:

1. [Mannesmann] 13 500 000 euro

2. Vallourec [...] 8 100 000 euro

3. [Corus] 12 600 000 euro

4. Dalmine [...] 10 800 000 euro

5. Sumitomo [...] 13 500 000 euro

6. Nippon Steel [...] 13 500 000 euro

7. Kawasaki Steel [...] 13 500 000 euro

8. NKK [...] 13 500 000 euro".

La procédure devant le Tribunal et l'arrêt attaqué

23 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, sept des huit entreprises sanctionnées par la décision litigieuse, parmi lesquelles Mannesmann, ont introduit des recours, concluant toutes à l'annulation, en tout ou en partie, de cette décision et, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'amende qui leur a été infligée ou à la réduction de son montant.

24 Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a:

- annulé l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse en ce qu'il retenait l'existence de l'infraction reprochée par cet article à Mannesmann avant le 1er janvier 1991;

- fixé le montant de l'amende infligée à Mannesmann à 12 600 000 euro;

- rejeté le recours pour le surplus;

- condamné chacune des parties à supporter ses propres dépens.

La procédure devant la Cour

25 Dans son pourvoi, Mannesmann conclut à ce que la Cour:

- annule l'arrêt attaqué dans la mesure où il a rejeté le recours introduit contre la décision litigieuse;

- annule la décision litigieuse;

- à titre subsidiaire, réduise l'amende fixée à l'article 4 de la décision litigieuse et les intérêts de retard fixés à l'article 5 de cette dernière;

- de plus, à titre subsidiaire, renvoie l'affaire au Tribunal, en vue d'une nouvelle décision de ce dernier sur la base de la décision de la Cour;

- condamne la Commission aux dépens.

26 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

27 Mannesmann soulève trois moyens d'annulation, tirés respectivement d'une violation du droit à une procédure équitable, d'une application erronée de l'article 81 CE à l'article 2 de la décision litigieuse, et d'une violation du principe d'égalité de traitement.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation du droit à une procédure équitable

Argumentation des parties

28 Selon Mannesmann, le Tribunal a considéré à tort que le document "clé de répartition", mentionné au point 13 du présent arrêt et sur lequel la Commission a fondé la décision litigieuse, notamment les points 85 et 86 des motifs de celle-ci, était recevable en tant qu'élément de preuve à charge.

29 Le Tribunal aurait ainsi méconnu le droit à une procédure équitable. En effet, ce document ayant été remis à la Commission par un tiers inconnu de Mannesmann, cette dernière n'aurait pas pu vérifier l'authenticité dudit document, et n'aurait pas pu se défendre utilement.

30 Par ailleurs, ce tiers ayant affirmé à la Commission qu'il avait obtenu le document "clé de répartition" d'un agent commercial d'une des entreprises concernées, sans identifier celui-ci, la Commission ne connaîtrait pas non plus l'identité de la personne à l'origine du document.

31 Selon Mannesmann, il ressort de la jurisprudence qu'un élément de preuve n'est pas exploitable si son auteur n'est pas révélé. Le Tribunal n'aurait pas interprété correctement cette jurisprudence, selon laquelle, lors de l'appréciation des éléments de preuve, il y a lieu de vérifier l'origine de ces derniers. À cet égard, Mannesmann fait observer qu'il n'est pas exclu que des tiers transmettent à la Commission des éléments de preuve falsifiés pour nuire à une entreprise pour des motifs personnels ou commerciaux. Par conséquent, l'entreprise concernée doit pouvoir prendre position sur la crédibilité de l'informateur.

32 Mannesmann invoque également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative au droit à un procès équitable, qui est consacré à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la "CEDH"). Selon cette jurisprudence, la partie défenderesse devrait avoir la possibilité de contester non seulement l'authenticité de déclarations anonymes, mais aussi la crédibilité de la personne protégée par l'anonymat. En plus, cette jurisprudence confirmerait que, même si l'utilisation de déclarations anonymes est admissible au cours de la phase d'enquête d'une procédure, de telles déclarations ne peuvent être utilisées comme éléments de preuve à charge de la partie incriminée.

33 La requérante invoque également les articles 46 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1, ci-après la "charte"), qui correspondent à l'article 6 de la CEDH et garantissent le droit à une procédure équitable. Elle souligne que, en vertu de son article 52, paragraphe 3, la charte doit donner lieu à une interprétation par les juridictions garantissant un niveau de protection qui ne soit pas inférieur à celui offert par la CEDH.

34 Mannesmann estime, en outre, que l'exploitation d'un élément de preuve d'origine anonyme est incompatible avec le principe de l'État de droit, tel que consacré à l'article 6, paragraphe 1, UE. En effet, s'il ne peut être vérifié que ledit élément de preuve a été effectivement transmis à la Commission par une tierce personne, il existe un risque de manipulation et d'arbitraire.

35 Selon la Commission, ce moyen est irrecevable puisque la requérante soulève pour la première fois une violation de la CEDH, alors que devant le Tribunal elle avait fait valoir, de manière générale, une violation des droits de la défense. En outre, Mannesmann ne saurait reprocher à la Commission une violation de la charte, celle-ci n'ayant été proclamée que le 7 décembre 2000, alors que la décision litigieuse est datée du 8 décembre 1999.

36 En tout état de cause, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme citée par Mannesmann ne serait pas pertinente en l'espèce, puisqu'elle concerne l'exploitation de dépositions anonymes dans le cadre d'une procédure pénale, alors que la présente affaire concerne une procédure tendant à l'infliction d'une amende au titre du droit de la concurrence.

37 Ensuite, la Commission fait valoir qu'une violation des droits de la défense ne pourrait entrer en ligne de compte que si le Tribunal pouvait apprécier des éléments de preuve qui lui sont soumis sur la base d'informations à propos desquelles la défense n'a pas pu s'exprimer. Or, Mannesmann aurait pu s'exprimer sur les arguments exposés par la Commission aux points 121 et 122 des motifs de la décision litigieuse sur l'authenticité du document en question. En outre, l'anonymat de l'auteur de ce document et du tiers qui l'a transmis à la Commission, n'aurait pas empêché la requérante de vérifier la plausibilité et la pertinence du contenu dudit document.

38 La Commission ajoute que le Tribunal n'a reconnu au document en question qu'une fiabilité limitée au motif, précisément, que le contexte de sa rédaction était largement inconnu. Si le Tribunal a néanmoins reconnu une certaine valeur probante à ce document, c'est en raison du fait que celui-ci contenait des informations particulières qui concordaient avec les informations contenues dans d'autres documents.

39 Enfin, la Commission fait valoir que, même si elle n'avait pas été habilitée à exploiter ledit document comme preuve à charge, cette circonstance n'aurait rien changé à la constatation des infractions décrites aux articles 1er et 2 de la décision litigieuse. En effet, l'exclusion de certains documents utilisés par la Commission en violation des droits de la défense n'aurait d'importance que dans la mesure où les griefs formulés par la Commission ne pourraient être prouvés que par référence à ces documents, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Appréciation de la Cour

40 La Cour a reconnu le principe général de droit communautaire selon lequel toute personne a droit à un procès équitable (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185-95 P, Rec. p. I-8417, point 21; du 11 janvier 2000, Pays-Bas et Van der Wal/Commission, C-174-98 P et C-189-98 P, Rec. p. I-1, point 17, et du 2 mai 2006, Eurofood IFSC, C-341-04, Rec. p. I-3813, point 65).

41 Elle a également jugé que ce principe s'inspire des droits fondamentaux qui font partie intégrante des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect en s'inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies notamment par la CEDH (arrêt Eurofood IFSC, précité, point 65).

42 Cependant, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme citée par la requérante n'est pas déterminante dans le cas d'espèce. En effet, comme l'a relevé M. l'avocat général aux points 54 à 56 de ses conclusions, cette jurisprudence concerne en particulier la preuve testimoniale dans des procédures pénales, alors que la présente affaire concerne un document écrit dans le cadre d'une procédure d'application de l'article 81 CE. Or, dans les affaires de droit communautaire de la concurrence, la preuve testimoniale ne joue qu'un rôle secondaire, alors que les documents écrits y jouent un rôle central.

43 Comme l'a également relevé M. l'avocat général aux points 57 à 60 de ses conclusions, l'administration de la preuve dans les affaires relevant du droit communautaire de la concurrence se caractérise par le fait que les documents examinés contiennent souvent des secrets d'affaires ou d'autres informations qui ne peuvent pas être divulguées ou ne peuvent l'être que sous réserve d'importantes restrictions.

44 Dans ces conditions spécifiques aux enquêtes de la Commission concernant les pratiques anticoncurrentielles, le principe selon lequel toute personne a droit à un procès équitable ne saurait être interprété en ce sens que des documents qui contiennent des éléments de preuve à charge doivent automatiquement être exclus comme moyen de preuve lorsque certaines informations doivent demeurer confidentielles. Cette confidentialité peut également porter sur l'identité des auteurs des documents ainsi que des personnes qui les ont transmis à la Commission.

45 Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal a jugé à bon droit:

"84 [...], en ce qui concerne la recevabilité du document 'clé de répartition' en tant que preuve de l'infraction visée à l'article 1er de la décision attaquée, que le principe qui prévaut en droit communautaire est celui de la libre administration des preuves et que le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité [...]. De plus, il peut être nécessaire pour la Commission de protéger l'anonymat des informateurs [...] et cette circonstance ne saurait suffire à obliger la Commission à écarter une preuve en sa possession.

85 Par conséquent, si les arguments de Mannesmann peuvent être pertinents pour apprécier la crédibilité et, partant, la force probante du document 'clé de répartition', il n'y a pas lieu de considérer que celui-ci est une preuve irrecevable qu'il y a lieu d'écarter du dossier".

46 Il ressort, en outre, de l'arrêt attaqué que le Tribunal a pris en compte, dans son appréciation de la crédibilité du document "clé de répartition", l'origine anonyme de celui-ci. Il a en effet jugé, au point 86 de l'arrêt attaqué, que "dans la mesure où Mannesmann tire de ses arguments relatifs à l'admissibilité dudit document un grief relatif à la crédibilité de ce document, force est de constater que cette crédibilité est nécessairement réduite par le fait que le contexte entourant sa rédaction est largement inconnu et que les affirmations de la Commission à cet égard ne peuvent être vérifiées".

47 De plus, le Tribunal a reconnu qu'un élément de preuve d'origine anonyme, tel que le document "clé de répartition", ne saurait à lui seul établir l'existence d'une infraction au droit communautaire de la concurrence. Il a en effet jugé au point 87 de l'arrêt attaqué que seulement "dans la mesure où le document 'clé de répartition' contient des informations spécifiques qui correspondent à celles contenues dans d'autres documents, notamment dans les déclarations de M. Verluca, il y a lieu de considérer que ces éléments peuvent se renforcer mutuellement". Déjà aux points 81 et 82 dudit arrêt, le Tribunal avait souligné que le document "clé de répartition" faisait partie d'un faisceau d'éléments de preuve et qu'il n'avait qu'une importance accessoire. Cette appréciation apparaît également au point 94 du même arrêt, dans lequel le Tribunal conclut que ledit document conserve une valeur probante seulement "pour corroborer, dans le cadre d'un faisceau d'indices concordants retenus par la Commission, certaines des affirmations essentielles figurant dans les déclarations de M. Verluca".

48 Eu égard aux limites ainsi apportées par le Tribunal à la force probante du document "clé de répartition", il convient de conclure qu'aucune erreur de droit n'a été commise dans l'analyse de la recevabilité et de l'utilité de ce document en tant qu'élément de preuve.

49 Au demeurant, il est constant que Mannesmann a été en mesure de prendre position sur le document "clé de répartition" et de faire valoir ses arguments à l'encontre de la valeur probante de ce document, eu égard à l'origine anonyme de celui-ci.

50 Compte tenu de tout ce qui précède, le premier moyen doit être écarté, sans qu'il y ait besoin de statuer sur la question de savoir si Mannesmann avait invoqué, en substance, le droit à un procès équitable devant le Tribunal, ni sur celle de savoir si Mannesmann pouvait, dans la présente affaire, invoquer la charte, qui a été proclamée postérieurement à l'adoption de la décision litigieuse.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une application erronée de l'article 81 CE à l'article 2 de la décision litigieuse

Argumentation des parties

51 Selon Mannesmann, le Tribunal a confirmé à tort l'existence de la violation du droit de la concurrence décrite à l'article 2 de la décision litigieuse. La Commission n'aurait pas démontré que, en concluant un contrat de fourniture avec Corus en 1993, Mannesmann avait conclu un accord horizontal avec Vallourec et Dalmine ou établi une pratique concertée avec ces entreprises. Elle aurait, notamment, omis de prouver que Mannesmann avait connaissance de l'existence du contrat de fourniture conclu entre Corus et Vallourec, ainsi que de celui conclu entre Corus et Dalmine, et du plan global prétendument établi par Vallourec. Le Tribunal aurait confirmé cette administration de la preuve erronée et incomplète de la Commission.

52 Le Tribunal aurait, en outre, commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que les contrats de fourniture en question n'ont pas été conclus en même temps, en considérant que la durée relativement longue de ceux-ci démontrait l'existence d'un accord horizontal et en jugeant qu'aucune exemption n'était applicable en l'espèce.

53 Sur ce dernier point, la requérante fait observer que le Tribunal a erronément écarté ses arguments relatifs à l'applicabilité, aux rapports verticaux entre Corus et Mannesmann, du règlement (CE) n° 2790-1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (JO L 336, p. 21). En outre, le Tribunal aurait omis de tenir compte du règlement (CEE) n° 1983-83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article [81] paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de distribution exclusive (JO L 173, p. 1), ainsi que du règlement (CEE) n° 1984-83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article [81] paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords d'achat exclusif (JO L 173, p. 5), et d'écarter, sur cette base, l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE au contrat entre Mannesmann et Corus.

54 La Commission estime que ce moyen est irrecevable puisqu'il porte sur l'appréciation des faits. Par ailleurs, même si ce moyen était recevable et fondé, il ne saurait conduire à l'annulation de l'arrêt attaqué et de la décision litigieuse que dans la mesure où l'article 2 de ladite décision est concerné.

Appréciation de la Cour

55 Il convient de rappeler que, en cas de pourvoi, la Cour n'est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis (arrêt du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7-95 P, Rec. p. I-3111, point 22). Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise au contrôle de la Cour (arrêts du 2 mars 1994, Hilti/Commission, C-53-92 P, Rec. p. I-667, point 42, et arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, point 49)

56 Force est de constater que, par son examen de l'existence de l'infraction décrite à l'article 2 de la décision litigieuse, le Tribunal a déterminé des éléments de fait dont le contrôle échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d'un pourvoi. Par conséquent, faute d'avoir relevé une dénaturation des éléments de preuve, une inexactitude matérielle ou une méconnaissance des règles en matière de charge et d'administration de la preuve, l'argumentation de la requérante portant sur les questions de savoir, d'une part, si elle avait conclu un accord horizontal ou établi une pratique concertée avec Vallourec et Dalmine et, d'autre part, si elle avait connaissance des contrats conclus entre ces autres entreprises ou d'un plan global établi par Vallourec doit être écartée comme irrecevable. Il en va de même de son argument selon lequel le Tribunal aurait dû apprécier différemment certaines circonstances de fait, telles que la durée des contrats en cause et le fait que ceux-ci n'avaient pas été conclus en même temps.

57 S'agissant des règlements nos 1983-83 et 1984-83, force est constater qu'ils sont invoqués pour la première fois au stade du pourvoi. Le grief fondé sur ces règlements est donc irrecevable.

58 Dans la mesure où la requérante invoque le règlement n° 2790-1999, il suffit de constater que le Tribunal a correctement jugé, au point 171 de l'arrêt attaqué, que "ce règlement ne saurait s'appliquer directement en l'espèce, dès lors que la décision [litigieuse] a été adoptée le 8 décembre 1999 et que son article 2 se rapporte, en ce qui concerne Mannesmann, à une période allant de 1993 à 1997, soit à une période antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions pertinentes du règlement n° 2790-1999, le 1er juin 2000". Au point 172 du même arrêt, le Tribunal a ajouté, également à bon droit, que "dans la mesure où ce règlement pourrait néanmoins être pertinent à titre indicatif en l'espèce, en ce qu'il constitue une prise de position de la Commission en décembre 1999 par rapport au caractère peu dommageable pour la concurrence des accords verticaux, il convient de relever que ce règlement fait application de l'article 81, paragraphe 3, CE. Or, il résulte de l'article 4 du règlement n° 17 que les accords entre entreprises ne peuvent bénéficier d'une exemption individuelle au titre de cette disposition que s'ils ont été notifiés à la Commission à cette fin, ce qui n'a pas été fait en l'espèce".

59 Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement

Argumentation des parties

60 Mannesmann fait valoir que le Tribunal a violé le principe d'égalité de traitement en ne lui ayant pas accordé une réduction de l'amende au titre de la communication sur la coopération.

61 À cet égard, Mannesmann rappelle que, avec les déclarations de M. Becher, elle a contribué à l'établissement des faits et qu'elle n'a pas contesté ceux établis dans la communication des griefs. Elle fait observer que Vallourec a obtenu une réduction de 40 % du montant de l'amende au titre de la coopération puisque, par les déclarations de M. Verluca, elle avait contribué à l'établissement des faits et que Dalmine a obtenu une réduction de 20 %, dès lors qu'elle n'avait pas contesté les faits. L'absence de réduction accordée à Mannesmann constituerait donc une inégalité de traitement.

62 La requérante conteste également l'appréciation par le Tribunal de la portée de son recours, mentionné au point 7 du présent arrêt, dirigé contre la décision du 15 mai 1998.

63 Elle estime, tout d'abord, que les motifs de l'arrêt attaqué relatifs à ce recours sont étrangers à la présente affaire.

64 Le Tribunal aurait, en outre, tiré des conséquences erronées de la clôture du litige sur la décision du 15 mai 1998. À cet égard, la requérante fait observer qu'elle n'a accepté de retirer son pourvoi dirigé contre l'arrêt rendu par le Tribunal dans cette affaire qu'après avoir conclu un compromis avec la Commission selon lequel celle-ci renonçait à sa demande de renseignements.

65 Mannesmann rappelle également que son recours dirigé contre la décision du 15 mai 1998 a été déclaré partiellement fondé. Enfin, elle fait observer que, contrairement à ce que le Tribunal a fait au point 310 de l'arrêt attaqué, il ne saurait lui être reproché d'avoir maintenu son refus de fournir les renseignements demandés.

66 La Commission estime que le présent moyen concerne l'appréciation des faits et qu'il est donc irrecevable. À cet égard, elle souligne que la requérante ne fait pas valoir que le Tribunal a dénaturé des faits ou des éléments de preuve en constatant, au point 309 de l'arrêt attaqué, que Mannesmann n'avait pas prouvé que sa coopération a effectivement facilité la tâche de la Commission consistant à découvrir et à poursuivre les infractions.

67 Quant au fond, la Commission relève que le Tribunal a constaté à juste titre, aux points 302 et 305 de l'arrêt attaqué, que les informations fournies par Mannesmann à la Commission ne sont pas comparables à celles fournies par Vallourec, et que, contrairement à Dalmine, Mannesmann n'a pas expressément indiqué qu'elle ne contestait pas les faits.

Appréciation de la Cour

68 Il convient de rappeler que si, dans le cadre d'un pourvoi, la Cour ne peut substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit communautaire, en revanche, l'exercice d'une telle compétence ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant desdites amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêts du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C-291-98 P, Rec. p. I-9991, points 96 et 97, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, point 617).

69 Cependant, le pourvoi doit indiquer des arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique le moyen tiré de la violation du principe d'égalité de traitement, sous peine d'irrecevabilité dudit moyen (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 618).

70 Force est de constater que, dans la mesure où la requérante conteste l'appréciation du Tribunal, formulée au point 301 de l'arrêt attaqué pour les raisons exposées aux points 297 à 300 de celui-ci, selon laquelle "l'utilité de la déclaration de M. Becher repose exclusivement sur le fait qu'il corrobore, dans une certaine mesure, celles de M. Verluca dont la Commission disposait déjà, et que, par conséquent, cette déclaration n'a pas facilité la tâche de la Commission de manière significative et, partant, suffisante pour justifier une réduction du montant de l'amende au titre de la coopération", son argumentation est de nature factuelle et doit donc être écartée comme irrecevable. Il n'appartient donc pas à la Cour, dans le cadre du présent pourvoi, de contrôler la constatation faite par le Tribunal au point 302 de l'arrêt attaqué, selon laquelle "les informations fournies à la Commission par Mannesmann avant l'envoi de la [communication des griefs] ne sont pas comparables à celles fournies par Vallourec" et que, "[e]n toute hypothèse, ces informations ne suffisent pas à justifier une réduction du montant de l'amende infligée au titre de la communication sur la coopération".

71 En ce qui concerne, ensuite, la comparaison avec la coopération de Dalmine, le Tribunal a jugé, aux points 303 à 305 de l'arrêt attaqué, que "pour bénéficier d'une réduction du montant de l'amende au titre de la non-contestation des faits, conformément au point D 2 de la communication sur la coopération, une entreprise doit explicitement informer la Commission de ce qu'elle n'entend pas contester la matérialité des faits, après avoir pris connaissance de la communication des griefs". Cette appréciation du Tribunal est conforme à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle il convient de faire une distinction entre, d'une part, la reconnaissance expresse d'une infraction et, d'autre part, la simple absence de contestation de celle-ci, qui ne contribue pas à faciliter la tâche de la Commission consistant à découvrir et à réprimer les infractions aux règles communautaires de la concurrence (arrêt du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C-65-02 P et C-73-02 P, Rec. p. I-6773, point 58). Dès lors, en l'absence d'une telle reconnaissance expresse de la part de la requérante, l'argumentation de cette dernière tirée d'une discrimination par rapport à Dalmine doit être écartée comme non fondée.

72 S'agissant du recours introduit par Mannesmann contre la décision de la Commission prise au titre de l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, le Tribunal a jugé, aux points 310 et 311 de l'arrêt attaqué, que même si "[l]a démarche de Mannesmann consistant à contester la légalité de la décision du 15 mai 1998 était, bien évidemment, parfaitement légitime et ne saurait être considérée comme relevant d'une absence de coopération", il n'en demeure pas moins que son recours à ce sujet a été largement rejeté, par l'arrêt du 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke/Commission, précité, au motif que "la plus grande partie des données que Mannesmann a refusé de produire avait été demandée par la Commission de manière légitime".

73 Dans ces conditions, le Tribunal a pu conclure à bon droit, au point 312 de l'arrêt attaqué, que, "en raison du comportement illégal de Mannesmann, la Commission n'a jamais disposé d'un nombre important de données dont elle avait légalement sollicité la production au stade de la procédure administrative" et que, par conséquent, "il ne saurait être considéré que l'attitude de Mannesmann au stade de la procédure administrative, appréciée dans son ensemble, relève d'un comportement de coopération effective en l'espèce". Cette conclusion n'est, au demeurant, pas infirmée par le fait que le pourvoi initialement formé par Mannesmann contre l'arrêt du 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke/Commission, précité, a fait l'objet d'une radiation à la suite de l'intervention d'un compromis entre les parties.

74 Il résulte de tout ce qui précède que le troisième moyen doit également être écarté.

75 Aucun des moyens soulevés par la requérante n'étant susceptible d'être accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

Sur les dépens

76 Aux termes de l'article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n'est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Mannesmann et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, LA COUR (première chambre) déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Salzgitter Mannesmann GmbH est condamnée aux dépens.