CA Poitiers, ch. corr., 24 mars 2006, n° 05-00889
POITIERS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vignau
Conseillers :
MM. Hovaere, Cleva
Avocat :
Me Couffin
Décision dont appel :
Le tribunal a :
- déclaré les prévenues coupables des faits qui leur sont reprochés ;
- condamné X Michèle à une peine d'amende de 1 500 euro ;
- condamné la SAS Y à une peine d'amende de 5 000 euro ;
Appel a été interjeté par :
- Madame X Michèle, le 11 octobre 2005.
- SAS Y, le 11 octobre 2005.
- M. le Procureur de la République, le 12 octobre 2005 contre Madame X Michèle, SAS Y.
Décision:
LA COUR, vidant leur délibéré,
Vu le jugement entrepris, dont le dispositif est rappelé ci-dessus,
Vu les appels susvisés, réguliers en la forme,
Attendu que X Michèle est prévenue de:
- publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, pour avoir, courant 2002, à Loix-en-Ré, sur le territoire national et aux Etats-Unis d'Amérique, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'origine et les qualités substantielles en l'espèce en conditionnant et en mettant en vente du sel provenant du Portugal ou de Loire-Atlantique sous appellation laissant penser sans équivoque qu'il s'agissait de sel de l'Ile-de-Ré; infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation ;
Attendu que la SAS Y est prévenue de:
- publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, pour avoir, courant 2002, à Loix-en-Ré, sur le territoire national et aux Etats-Unis d'Amérique, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'origine et les qualités substantielles en l'espèce en conditionnant et en mettant en vente du sel provenant du Portugal ou de Loire-Atlantique sous appellation laissant penser sans équivoque qu'il s'agissait de sel de l'Ile-de-Ré; infraction prévue par les articles L. 121-1. L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation ;
Les faits et demandes:
Le 23 octobre 2002, les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes se sont présentés dans les locaux de la SAS Y, nom commercial "Z", située à Loix-en-Ré (17) et dirigée par Madame Michèle X présidente directrice générale qui a pour activité la production de sel. Les investigations des agents de la DGCCRF ont établi que la société Y a acheté:
- 17 000 kg de sel marin auprès de l'entreprise Rui Francisco Neves Dias à Tavira au Portugal (mars et avril 2002);
- 13 600 kg de ce sel marin en provenance du Portugal ont été conditionnés et commercialisés en sachets et pots de contenances diverses sous l'étiquetage suivant : "Esprit du sel de l'Ile-de-Ré - Fleur de sel du marais salant de l'Atlantique" accompagné du logo "sel de Ré" représentant une saunière au travail dans le marais coiffée d'une quichenotte et se servant d'un souvron, et dans la base du tas de sel les mentions "sel de Ré", enfin l'adresse <adresse>. Les enquêteurs ont déterminé que la société Y a vendu au magasin Via Maris à La Rochelle 1 120 sachets de 200 g entre le 1er juillet et le 16 octobre 2002 et au magasin Monoprix de La Rochelle entre le 27 juin et le 22 octobre 2002, 210 sachets de 200 g et de 108 pots de 250 g.
- 48 300 kg de sel de mer gras humide, Saunier Atlas auprès de la SAS Bourdic à Batz-sur-Mer (44) par l'intermédiaire de la société Novoviande à Villeneuve Saint-Georges (juillet 2002) destinés à la vente sous la dénomination de sels aromatisés originaires de l'Ile-de-Ré selon les mêmes conditions que celles précédemment citées.
Entendue par la BT de gendarmerie de Saint Martin de Ré, Madame X a reconnu avoir acheté le sel litigieux, l'avoir conditionné, traité et aromatisé à Loix et d'avoir porté sur les emballages les mentions faisant référence à l'origine, l'Ile-de-Ré, ainsi qu'il a été dit plus avant. Elle a expliqué les achats litigieux par la faiblesse de la production de sel de l'Ile-de-Ré en raison du mauvais temps en 1999 et 2001 obligeant les producteurs rétais à se fournir à l'extérieur de l'Ile. Madame X estime que les étiquettes mentionnent clairement l'origine géographique du sel vendu puisqu'elles indiquent en caractères gras très apparents "sel du marais salant de l'Atlantique" ou" fleur de sel de l'Arc Atlantique", que ces étiquettes ne peuvent induire aucune erreur dans l'esprit du consommateur, qui sait que le sel qu'il achète provient d'un marais situé sur la façade atlantique, ce qui est le cas de Guérande d'où provenait le sel acheté à Batz-sur-Mer en mars 2002 et de Tavira au Portugal d'où venait la fleur de sel acquise en juillet 2002.
Madame X soutient que le sel acheté en 2002 pour compléter sa propre production n'a procuré aucun enrichissement à la société, et lui a tout juste permis de maintenir ses emplois, que la preuve de l'élément intentionnel n'est pas rapporté ; elle sollicite sa relaxe et celle de la société Y.
Sur ce
La société Y a clairement signifié vouloir mettre l'accent de sa stratégie commerciale sur l'origine ou la provenance des produits qu'elle propose à la vente:
- en adjoignant à la marque commerciale déposée "Z" les mots de l'Ile-de-Ré.
- en illustrant l'étiquette par une saunière au travail dans le marais coiffée d'une quichenotte et se servant d'un souvron, occupée à constituer un tas de sel sur lequel est portée la mention "sel de Ré".
- en mentionnant en gros caractères "Fleur de sel du marais salant" et en petits caractères "... de l'Atlantique".
- en faisant figurer "marais salant" au singulier, après les mots de l'Ile-de-Ré et sel de Ré, ce qui peut laisser penser que cet unique marais salant ne peut être que d'origine exclusivement rétaise.
Les prévenues, en commercialisant sous cet étiquetage, qui ne peut qu'occasionner dans l'esprit du consommateur une certitude quant à l'origine exclusivement rétaise du sel vendu, du sel acheté au Portugal ou en Loire-Atlantique mélangé à leur propre production, ont délibérément induit en erreur le consommateur sur l'origine du produit.
La commercialisation a porté exclusivement sur l'origine locale du produit, dès lors la fraude sur l'origine du produit est constitutive du délit de publicité mensongère ; ces agissements ressortent bien du délit et non, comme il est soutenu par les prévenues, de la contravention d'omission de mention du lieu d'origine prévue à l'article R. 112-9 8° du Code de la consommation. Contrairement aux faits qui ont été jugés par la cour d'appel de ce siège par arrêt du 25 juin 2004, il y a dans cette affaire la volonté de faire naître dans l'esprit du consommateur une certitude quant à l'origine exclusivement rétaise du sel vendu, alors qu'une partie plus ou moins importante du produit est étrangère à l'Ile-de-Ré ; il n'y a pas là une simple omission d'information mais une stratégie commerciale frauduleuse destinée à suppléer la carence du produit.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur les peines prononcées qui constituent une juste application de la loi pénale.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, sur appel en matière correctionnelle et en dernier ressort, Reçoit les appels, réguliers en la forme, Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions pénales. Les dispositions de l'article 707-3 du Code de procédure pénale relatives à l'information du condamné ont été respectées. La présente décision est soumise à un droit fixe de procédure de 120 euro dû par chaque condamné (art. 1018 A du Code général des impôts)