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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 22 juin 2006, n° 05-02153

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Renaud

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thierry

Conseillers :

Mmes Letourneur-Baffert, Lesvignes

Avocats :

Mes Tertrais, Cormier-Delannoy

TGI Guingamp, du 12 sept. 2005

12 septembre 2005

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le Tribunal correctionnel de Guingamp, par jugement contradictoire en date du 12 septembre 2005, pour:

Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, Natinf 000193

Sur l'action publique :

a déclaré X Monique coupable des faits qui lui sont reprochés,

a condamné X Monique à la peine d'amende de 2 000 euro,

a ordonné, aux frais de la condamnée, la publication par extraits de la présente décision dans les journaux suivants : Ouest-France et Le Télégramme,

a dit que le coût de ces publications ne devra pas dépasser la somme de 300 euro par insertion;

Sur l'action civile

a reçu Madame Renaud Anny en sa constitution de partie civile,

a condamné Madame X Monique à payer à Madame Renaud Anny la somme de 1 500 euro, à titre de dommages et intérêts,

a condamné Madame X Monique à verser à Madame Renaud Anny, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la somme de 800 euro a laquelle s'ajouteront, sur justificatifs, les droits de plaidoirie (8,84 euro),

a ordonné l'exécution provisoire en ce qui concerne les dispositions civiles du jugement.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Madame X Monique, le 20 septembre 2005, à titre principal, sur les dispositions pénales et civiles,

M. le Procureur de la République, le 20 septembre 2005, sur les dispositions pénales, contre Madame X Monique.

La prévention :

Considérant qu'il est fait grief à Monique X :

- d'avoir à Lannion et dans les Côtes d'Armor, courant avril 2002, en tout cas depuis temps non prescrit et sur le territoire national, fait paraître une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses à ou de nature à induire en erreur, en l'espèce en faisant publier une annonce pour une location saisonnière d'un gîte, meuble ou maison, en la présentant notamment comme étant tout confort et situé à 10 minutes de la mer;

faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 al. 1, L. 213-1 du Code de la consommation;

Sur ce

En la forme

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;

Au fond

Rappel des faits:

Mme Anny Renaud, à la recherche d'une location pour le mois d'août 2002, a trouvé dans le journal "Le Trésor" une annonce correspondant à ce qu'elle cherchait. L'annonce était ainsi rédigée "Loue gîte, maison de caractère meubles, tout confort, 2-3 ch, calme, terrain, 10 km Guingamp direct, Triguier, 10 minutes mer, libre, tél. <n° de téléphone>". La maison est située sur la commune de <commune>.

Cette annonce était accompagnée d'une photo. Elle a d'abord réservé pour une semaine, puis apprenant qu'elle garderait ses petits enfants âgés de 4 ans, 7 ans et 9 ans plus longtemps elle a loué la semaine suivante soit deux semaines du 3 au 17 août 2002. Le prix hebdomadaire de la location était de 487,84 euro charges comprises. Un chèque d'acompte de 153 euro était exigé, le solde étant payable à l'arrivée, outre une caution de 152,45 euro.

Dès le 9 septembre 2002 Mme Renaud a adressé à la DCCRF de Saint-Brieuc une réclamation au sujet de cette location et a joint à son courrier des photographies se rapportant aux éléments intérieurs et extérieurs qui, selon elle, ne correspondait pas à la publicité. A cette même date elle a avisé Mme X par LRAR de ce qu'elle entamait des démarches juridiques en ce qui concerne la location.

La DCCRF de Saint-Brieuc a procédé à une enquête et a visité la location le 8 janvier 2003, en présence des époux X. Les contrôleurs se sont fait remettre les documents contractuels, la publicité parue dans la presse, ont dressé un tableau, complété de commentaires se rapportant aux points critiqués et ont noté les modifications intervenues depuis août 2002. Ils ont dressé un procès-verbal le 27 janvier 2003 aux termes duquel " en aucun cas la location ne correspondait à ce qu'on peut attendre d'une location annoncée comme étant tout confort, ils ont précisé que cette mention ne s'appliquait à l'évidence ni aux éléments inférieurs de la maison, ni aux éléments extérieurs ". Ce procès-verbal a été transmis au Parquet de Guingamp le 27 janvier 2003 lequel a fait entendre Mme X, qui a contesté l'infraction et a fait valoir que la locataire n'avait fait aucune remarque, tant pendant son séjour que lors de son départ. Elle a, néanmoins, indiqué être prête à dialoguer et chercher un arrangement amiable. Le dossier a été transmis au délégué du Procureur qui a communiqué à Mme X le montant du dédommagement réclamé par Mme Renaud, soit une somme de 2 700 euro correspondant au remboursement de la moitié de la location, à la réparation de son préjudice moral et aux frais de procédure engagés. La prévenue proposant une somme de 300 euro aucune médiation n'a pu se poursuivre.

Parallèlement à cette enquête de la DCCRF Mme Renaud avait adressé au juge d'instruction de Guingamp une plainte avec constitution de partie civile le 4 juillet 2003. Elle invoquait dans ce document qu'elle avait eu la désagréable surprise de se rendre compte, au fur et à mesure de son installation, que le confort annoncé était loin de la description relevée dans le journal Le Trésor et que les installations électriques, éléments d'équipement et électroménager étaient vétustes et dangereux.

Le réquisitoire introductif a été ouvert le 24 décembre 2003. Le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire. La prévenue et son mari ont refusé d'être entendus dans ce cadre. Une nouvelle visite des lieux a été effectuée le 19 juin 2004 par les gendarmes et chaque pièce a fait l'objet d'annotations particulières. Des photos ont été prises et la distance entre le gîte et les principales plages environnantes a été étudiée. Les gendarmes ont également recherché les supports publicitaires concernant la maison louée. Mme Renaud a remis le support sur lequel figure une photo de la maison. Les deux autres supports ont été retrouvés dans les archives du journal Le Trésor et sont datés des 11 et 18 avril 2002.

Mme X a été entendue par le juge d'instruction le 13 décembre 2004. L'interrogatoire a été conduit avec les photos figurant au dossier de la DCCRF, à savoir les photos les plus anciennes. Mme X a contesté avoir loué la maison dans un état correspondant à celui figurant sur les photos et soutenu que ces photos ne correspondaient pas à l'état des lieux à l'entrée de Mme Renaud. Elle a fait référence à la notion de photos truquées et à des dégradations commises par la locataire. Elle a ajouté, en ce qui concerne la distance de la maison à la mer, qu'elle n'avait pas voulu tromper les gens et précisé que la mer arrive à Pontrieux soit à 6 km du gîte.

Devant la cour, Mme X conclut à sa relaxe. Elle fait valoir principalement que l'infraction de publicité mensongère est retenue par la jurisprudence pour une location saisonnière si la publicité est de nature à induire en erreur le ou la locataire sur les qualités substantielles de la location, qu'en l'espèce la publicité parue n'a pas induit en erreur Mme Renaud, ni sur les éléments de confort de la maison, ni sur la localisation de la location part rapport à la mer et qu'en toute hypothèse elle a agi de bonne foi en faisant paraître une telle publicité avec ses mots pour décrire la nature, les équipements et la situation de la location tels qu'ils se présentaient à elle.

Mme Renaud sollicite la confirmation de la décision et l'allocation d'une somme supplémentaire de 1 000 euro au titre des frais d'appel en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Sur quoi :

Sur les dispositions pénales :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l'annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires;

Considérant que Mme X n'a pas contesté être la rédactrice de la publicité et des mentions qui y figurent quant à la notion de tout confort et de localisation à 10 minutes de la mer;

Considérant que le procès-verbal dressé le 27 janvier 2003 par la DCCRF de Saint-Brieuc a conclu "à ce que la location ne correspondait pas à ce qu'on peut attendre d'une location annoncée tout confort"; qu'y figurent toutes les constatations faites lors de la visite du service et l'ayant amené à cette conclusion ; que sont annexées les photos prises par Mme Renaud lors de son séjour, lesquelles ont servi de base de constatation lors de la visite contradictoire ; qu'elles montrent la vétusté des appareils ménagers, la dangerosité des installations électriques, l'absence de soins dans l'entretien et un désordre général en ce qui concerne l'environnement immédiat ;

Considérant, par ailleurs, qu'il est établi que si la limite de la mer se situe au niveau du Moulin de Traou Mer sur la commune de Pleudaniel, les études de la DCCRF et des gendarmes montrent que les plages les plus proches de la location se trouvent à Paimpol ou Plouezec, communes se situant à 25 minutes minimum, sans tenir compte de l'allongement de la durée du trajet dû à l'affluence de la première quinzaine du mois d'août ;

Qu'il s'ensuit que Mme X ne justifie pas avoir procédé à toutes les vérifications nécessaires et, notamment, à l'exactitude des allégations contenues à la publicité, lesquelles étaient suffisamment suggestives, en particulier en ce qui concerne la localisation et la qualité des prestations, pour induire en erreur le consommateur moyen en ce qui concerne les qualités substantielles du bien ; que pour ces motifs il y a lieu de confirmer la décision sur la culpabilité de Mme X;

Considérant, sur la sanction, que Mme X a d'ores et déjà fait l'objet d'une condamnation par le Tribunal correctionnel de Guingamp à une peine de 15 mois d'emprisonnement avec sursis pour recel de faux en écriture, recel de bien provenant d'un usage de chèque contrefait ou falsifié, contrefaçon ou falsification de chèque; qu'elle a précisé que son mari a fait l'objet d'un redressement judiciaire et fait état d'une retraite mensuelle de 1 000 euro ;

Qu'au regard des éléments de l'espèce et des renseignements de personnalité ci-dessus, il convient de confirmer le jugement sur la sanction principale et la publicité;

Que la décision doit être réformée en ce qu'il n'y a pas lieu de fixer le coût des publications par extraits;

Sur les dispositions civiles

Considérant que la décision doit être confinée en ce qu'elle a reçu Mme Renaud en sa constitution de partie civile;

Que s'il n'est pas nécessaire pour que le délit soit constitué que la publicité ait induit en erreur, il est constant en l'espèce, que Mme Renaud, qui avait tout mis en œuvre pour la garde de ses petits enfants pendant deux semaines, a été trompée sur les qualités de la location par les mentions figurant sur la publicité ; qu'il en est résulté pour elle un préjudice, qui a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 1 500 euro; que la décision doit également être confirmée en ce qui concerne la somme allouée au titre des frais de première instance, à laquelle il y a lieu d'ajouter celle de 800 euro pour les frais d'appel;

Qu'il y a lieu d'ordonner la restitution de la consignation à la partie civile;

Par ces motifs, LA COUR après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de Mme X et de Mme Renaud ; En la forme : Reçoit les appels; Au fond : Confirme le jugement en toutes ses dispositions pénales et civiles, à l'exception de celles relatives au coût de la publication ; Y ajoutant, Ordonne la restitution à la partie civile de la consignation; Condamne Mme X à payer à Mme Renaud la somme de 800 euro au titre des frais d'appel, en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Le Président donne à la condamnée l'avis prévu à l'article 707-3 du Code de procédure pénale; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable la condamnée, en vertu de l'article 800-1 du Code de procédure pénale et de l'article 1018 A du Code général des impôts.