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Décisions

CCE, 7 juin 2006, n° 2007-57

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide d'État accordée par l'Allemagne en faveur de l'acquisition de parts dans des coopératives de viticulteurs

CCE n° 2007-57

7 juin 2006

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément audit article (1) et vu ces observations, considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) La mesure a été notifiée par lettre du 19 avril 2001 à la suite d'une demande écrite des services de la Commission. Étant donné que cette mesure avait déjà été mise à exécution à cette date, l'aide a été inscrite au registre des aides non notifiées (aide n° NN 32/01).

(2) Des informations supplémentaires ont été transmises par lettre du 13 février 2002, reçue le 18 février 2002, par lettre du 5 juillet 2002, reçue le 9 juillet 2002, et par lettre du 5 décembre 2002, reçue le 10 décembre 2002. En outre, une réunion s'est tenue le 25 juin 2002 dans les bureaux de la direction générale de l'agriculture.

(3) Par lettre du 2 octobre 2003 (SG (2003) D/232035), la Commission a informé l'Allemagne de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'encontre de la mesure (aide n° C 60-2003).

(4) La décision de la Commission d'ouvrir ladite procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause.

(5) La Commission a reçu des observations de la part des intéressés et des autorités régionales allemandes octroyant l'aide par lettre du 18 novembre 2003, reçue le 25 novembre 2003, par lettre du 23 décembre 2003, reçue le 5 janvier 2004, et par lettre du 12 février 2004, reçue le 17 février 2004.

(6) L'Allemagne a présenté ses observations à la Commission par lettre du 5 novembre 2003, reçue le 6 novembre 2003.

(7) L'Allemagne a présenté à la Commission des observations complémentaires par lettre du 7 mars 2005, reçue le 9 mars 2005, dans laquelle elle sollicite une évaluation de la mesure en vertu de l'article 5 du règlement (CE) n° 1860-2004 de la Commission du 6 octobre 2004 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche (3).

II. DESCRIPTION DE L'AIDE

II.1. Intitulé de la mesure

(8) Aide à l'acquisition de parts par les viticulteurs de Rhénanie- Palatinat

II.2. Base juridique

(9) La mesure est fondée sur les quatre directives mentionnées ci-après.

Directive relative à l'octroi d'aides financées par le district de Bernkastel-Wittlich en faveur des viticulteurs qui adhèrent à une coopérative

Directive relative à l'octroi d'aides financées par le district de Cochem-Zell en faveur des viticulteurs qui adhèrent à une coopérative ou à une organisation de producteurs

Directive relative à l'octroi d'aides financées par le district de Trier-Saarburg en faveur des viticulteurs qui adhèrent à une coopérative ou à une organisation de producteurs Communication du groupement de communes de Schweich relative à l'accroissement des aides du district de Trier-Saarburg en faveur des viticulteurs qui adhèrent à une coopérative ou à une organisation de producteurs

(10) La directive de l'administration de Bernkastel-Wittlich prévoit l'octroi d'aides pour l'achat de parts dans une certaine coopérative, à savoir la coopérative Moselland. La directive de l'administration de Cochem-Zell prévoit des dispositions similaires, lesquelles ont eu pour effet, en pratique, que seules les parts de la coopérative Moselland ont été subventionnées. Les directives de l'administration de Trier-Saarburg et du groupement de communes de Schweich ne sont pas ciblées sur une entreprise particulière, mais portent sur toutes les coopératives et les organisations de producteurs reconnues en vertu de la loi allemande portant organisation des structures de marché.

II.3. Objectif de la mesure

(11) L'objectif de la mesure était d'augmenter les quantités de raisins détenues par les organisations de producteurs et de réduire la proportion de vin en fût en vente libre (non vendu par l'intermédiaire des organisations de producteurs). Le but était ainsi de stabiliser les prix sur le marché du vin en fût. La mesure devait également permettre de geler à long terme la capacité de production viticole des exploitations, notamment des petites exploitations viticoles de la région de Mosel-Saar-Ruwer.

(12) L'aide a couvert une partie des coûts supportés par les exploitations viticoles pour l'acquisition de parts dans des coopératives de viticulteurs ou des organisations de producteurs (ci-après dénommées "organisations de producteurs "). Elle a été accordée aux viticulteurs qui s'engageaient à conserver les parts pour une durée de cinq ans à compter du dépôt de la demande. De plus, les exploitations devaient faire apport de leurs vignobles à l'organisation de producteurs et lui livrer toute leur production de raisins, de moût ou de vin. Elles étaient également tenues de cesser l'exploitation des installations viticoles correspondantes.

II.4. Budget de l'aide

(13) L'aide a été octroyée sous la forme de subventions directes et de bonifications d'intérêts pour les emprunts sur le marché des capitaux.

(14) Le coût de l'acquisition d'une part s'élevait normalement à 293,99 EUR. Lorsqu'il était inférieur, l'aide était réduite en proportion.

(15) Les montants des subventions par part sont indiqués ci-après.

<emplacement tableau>

(16) Les subventions du groupement de communes de Schweich ont été versées en sus des paiements effectués dans le district de Trier-Saarburg.

(17) Dans le district de Cochem-Zell, des bonifications d'intérêts ont été octroyées jusqu'à concurrence de 4,95 % sur une période maximale de quatre ans pour tout emprunt contracté en vue de l'achat de parts.

(18) En 2000, les montants suivants ont été versés aux organisations de producteurs:

<emplacement tableau>

(19) Au total, une somme de 155 460 EUR a été versée en 2000. La mesure a été financée par les administrations de district et par le groupement de communes de Schweich.

II.5. Durée de la mesure

(20) Dans le district de Cochem-Zell, la mesure a été mise en œuvre pendant une période de quatre ans (2000 à 2003). Les autres régimes d'aide étaient limités à l'année 2000.

II.6. Bénéficiaires

(21) L'aide a été versée directement aux organisations de producteurs, lesquelles ont vendu les parts à prix réduit à leurs futurs nouveaux membres (viticulteurs et exploitations viticoles).

(22) Ainsi, les viticulteurs et exploitations viticoles de chaque district ont pu acquérir des parts à moindre coût.

(23) La mesure a permis aux organisations de producteurs d'augmenter leur capital propre et d'assurer leur approvisionnement en matières premières.

II.7. Motifs justifiant l'ouverture de la procédure formelle d'examen

(24) À l'issue d'un examen préliminaire, il a été établi que la mesure était une aide au fonctionnement des exploitations viticoles et des organisations de producteurs, aide incompatible avec le Marché commun. La Commission a par conséquent ouvert une procédure formelle d'examen.

III. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

III.1. Plaintes déposées contre la mesure

(25) Les services de la Commission ont été saisis d'une plainte concernant l'instauration du régime d'aide. Le plaignant a fait observer que l'aide permettait aux viticulteurs d'acquérir des parts à prix réduit dans les organisations de producteurs locales. À l'avantage que représentait l'augmentation de leur capital s'ajoutait pour les organisations de producteurs la possibilité d'assurer leur approvisionnement en matières premières (moût et vin brut). Le plaignant a souligné que les concurrents étaient désavantagés sur le plan de l'approvisionnement en moût et en vin brut.

III.2. Observations des intéressés dans le cadre de la procédure formelle d'examen

(26) Les intéressés et les autorités régionales allemandes octroyant l'aide ont insisté dans leurs observations sur le soutien à apporter au nécessaire changement structurel dans une région viticole aux terrains en pente, vieille de 2 000 ans, dont la conservation revêt une importance considérable pour le tourisme et la gastronomie. Ils ont fait observer que la mesure contribuait à la suppression de capacités de production. Ils ont en outre demandé l'application du règlement n° 1860-2004.

IV. OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR L'ALLEMAGNE

(27) L'Allemagne a souligné dans ses observations la nécessité d'un soutien à un changement structurel indispensable dans une région viticole aux terrains en pente, vieille de 2 000 ans, dont la conservation revêt une importance considérable pour le tourisme et la gastronomie. Elle a fait remarquer que l'aide était destinée à compenser les inconvénients subis par les viticulteurs et les exploitations viticoles qui ont dû geler leurs capacités viticoles pour remplir l'obligation de livraison quinquennale envers les organisations de producteurs et que cette aide se justifiait dès lors en tant qu'aide à la suppression de capacités.

(28) L'Allemagne a sollicité, dans ses observations complémentaires, l'application du règlement n° 1860-2004.

V. APPRÉCIATION DE L'AIDE

OCM

(29) L'article 36 du traité CE s'applique à la viticulture et à la fabrication du vin, lesquelles sont couvertes par le règlement (CE) n° 1493-1999 du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole (4).

(30) D'après l'Allemagne et chacun des intéressés, les difficultés économiques des viticulteurs et des exploitations viticoles étaient dues aux changements structurels en matière de débouchés. Il était devenu de plus en plus difficile de commercialiser du vin en fût selon les pratiques habituelles, au moyen de ses propres installations viticoles. Le marché demandait désormais soit des matières premières (raisins ou moût fraîchement pressé), soit des vins de qualité, orientés vers le marché. Des sociétés privées auraient pu passer des contrats similaires avec les exploitations viticoles et prendre en charge leurs risques de commercialisation.

(31) Dans ce contexte, comme on l'a indiqué au point 12, les autorités régionales ont supporté une partie des coûts d'acquisition de parts dans les organisations de producteurs concernées. Les acquéreurs étaient tenus de faire apport de la totalité de leur superficie cultivée à l'organisation de producteurs et de lui livrer toutes leurs quantités de raisins, de moût et de vin. Les exploitations viticoles devaient s'engager à conserver les parts pendant cinq ans, ce qui, en pratique, signifiait un gel de leurs installations viticoles. Les organisations de producteurs ont réussi - contrairement à d'autres entreprises de production et de commercialisation de vin - à assurer leur approvisionnement en matières premières grâce à l'obligation qui incombaient aux viticulteurs et aux exploitations viticoles de leur livrer toute leur production de raisins, de moût et de vin pendant une période de cinq ans (voir partie II.2 ci-dessus).

(32) L'avantage donné aux organisations de producteurs par la garantie que les exploitations viticoles leur livreraient toute leur production de raisins, de moût et de vin et mettraient à l'arrêt leurs installations viticoles constitue une mesure structurelle qui a renforcé la position des organisations de producteurs. Pris isolément, l'avantage de la sécurité d'approvisionnement procurée aux organisations de producteurs peut se justifier en tant qu'effet d'une mesure de restructuration du marché correspondant aux objectifs de l'article 39 du règlement n° 1493-1999.

Aide D'État

(33) L'article 71, paragraphe 1, du règlement n° 1493-1999 dispose ce qui suit: "Sauf dispositions contraires du présent règlement, les articles 87, 88 et 89 du traité s'appliquent à la production et au commerce des produits relevant du présent règlement."

(34) L'article 71, paragraphe 2, prévoit ce qui suit: "Le chapitre II du titre II (primes d'abandon définitif de la viticulture) ne fait pas obstacle à l'octroi d'aides nationales destinées à atteindre des objectifs analogues à ceux dudit chapitre. Le paragraphe 1 s'applique néanmoins à de telles aides." (35) L'article 87, paragraphe 1, du traité interdit, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(36) Le régime d'aide en cause a été financé par des ressources publiques provenant des districts et d'un groupement de communes du Land de Rhénanie-Palatinat. Cette aide est de nature à fausser (5) la concurrence et à affecter les échanges entre États membres (6).

V.1. Avantage accordé aux viticulteurs et aux exploitations viticoles par l'octroi de l'aide à l'acquisition de parts et par l'octroi de bonifications d'intérêts

(37) Certains viticulteurs et exploitations viticoles du Land de Rhénanie-Palatinat ont acquis des parts dans des organisations de producteurs grâce au soutien octroyé par les autorités régionales, soutien qui leur a permis d'acheter ces parts à prix réduit (voir point 15 ci-dessus). Le montant qui a été déduit du prix courant des parts devait normalement être acquitté par les acquéreurs. Il s'agit donc pour les intéressés d'un avantage économique direct, financé par des ressources publiques.

(38) Les bonifications d'intérêts accordées jusqu'à concurrence de 4,95 % à certains viticulteurs et exploitations viticoles pour ce type d'achat (voir point 17 ci-dessus) constituent également un avantage économique, financé par des ressources publiques, pour les agriculteurs concernés.

(39) L'article 87, paragraphe 1, du traité CE s'applique par conséquent.

(40) La partie V.3 ci-dessous examine la question de savoir si le point 9 (aides à la suppression de capacités) des lignes directrices pour les aides d'État dans le secteur agricole (7) (ci-après dénommées "lignes directrices") s'applique au soutien décrit ci-dessus.

V.2. Avantage accordé aux organisations de producteurs

(41) La Commission confirme le point de vue qu'elle a exprimé dans sa lettre d'ouverture de la procédure formelle d'examen, selon lequel les organisations de producteurs ont été favorisées par l'aide accordée aux viticulteurs et aux exploitations viticoles pour l'achat de leurs parts. L'aide à l'acquisition de parts était limitée à certaines organisations de producteurs reconnues (voir point 10 ci-dessus). Les viticulteurs et les exploitations viticoles devaient conserver les parts pendant cinq ans.

(42) D'après les autorités allemandes, une restructuration du marché vinicole était inévitable. Alors que les viticulteurs auraient pu acquérir des parts dans les organisations de producteurs puisque le prix de ces parts n'était pas très élevé, ce changement structurel n'a eu lieu qu'une fois instauré le régime d'aide des autorités régionales et communales.

(43) Ces organisations de producteurs ont été en mesure - contrairement aux autres entreprises du secteur de la production et de la commercialisation de vin - d'augmenter leur capital et leurs liquidités et de se procurer des revenus supplémentaires grâce à l'arrivée de nouveaux associés ayant pu acquérir leurs parts grâce à une réduction de prix ou à des bonifications d'intérêts. Les organisations de producteurs ont bénéficié d'un avantage supplémentaire tenant à l'obligation pour les viticulteurs de leur livrer toutes leurs quantités de raisins, de moût et de vin et de geler leurs installations viticoles, obligation liée à la subvention de l'achat des parts.

(44) Il est utile de se référer au point 26 de l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire C-156-98 République fédérale d'Allemagne contre Commission des Communautés européennes (8): "En l'espèce, il convient de constater que l'avantage indirectement accordé aux entreprises visées à l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG trouve son origine dans la renonciation par l'État membre aux recettes fiscales qu'il aurait normalement perçues, dans la mesure où c'est cette renonciation qui a donné aux investisseurs la possibilité de prendre des participations dans ces entreprises à des conditions fiscalement plus avantageuses."

(45) Cet arrêt a été confirmé au point 95 de l'affaire T-93-02 du Tribunal de première instance (Confédération nationale du Crédit Mutuel contre Commission des Communautés européennes) (9):

"... il n'est pas nécessaire, pour pouvoir constater l'existence d'une intervention au moyen de ressources d'État en faveur d'une entreprise, que celle-ci en soit le bénéficiaire direct. En effet, il résulte de l'article 87, paragraphe 2, sous a), CE que des aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels sont susceptibles de relever du champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE. De même, le fait pour un État membre de renoncer à des recettes fiscales peut impliquer un transfert indirect de ressources étatiques, susceptible d'être qualifié d'aide en faveur d'opérateurs économiques autres que ceux auxquels l'avantage fiscal est accordé directement (arrêt de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C156-98, Rec. p. I-6857, points 24 à 28)."

(46) Faisant fond sur la jurisprudence précitée, la Commission conclut que l'aide accordée aux viticulteurs et aux exploitations viticoles pour l'achat de parts dans certaines organisations de producteurs et la conservation de ces parts pour une durée minimale de cinq ans a eu pour conséquence un accroissement du capital des organisations de producteurs concernées, accroissement qui n'aurait pas eu lieu en l'absence de cette mesure. L'achat de telles parts grâce à un soutien de l'État constitue un transfert indirect de ressources publiques en faveur des organisations de producteurs. L'augmentation consécutive du capital des organisations de producteurs concernées représente un avantage économique indirect, qui doit être traité comme une aide d'État autre que l'avantage procuré aux viticulteurs et aux exploitations viticoles.

(47) L'article 87, paragraphe 1, du traité CE s'applique par conséquent.

V.3. Exceptions prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE

(48) Il faut à présent poser la question de savoir si l'une des exceptions/dérogations à l'interdiction générale d'octroi des aides d'État posée par l'article 87, paragraphe 1, du traité CE est applicable.

(49) D'après les informations disponibles, les exceptions prévues à l'article 87, paragraphe 2, et à l'article 87, paragraphe 3, points a), b) et d), du traité CE ne sont pas applicables, puisqu'il ne s'agit en l'occurrence:

- ni d'une aide destinée à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi,

- ni d'une aide destinée à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre,

- ni d'une aide destinée à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elle n'altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(50) La seule exception qui pourrait être applicable est donc celle prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c).

Compatibilité de l'aide accordée aux viticulteurs et aux exploitations viticoles

(51) Par lettre du 13 février 2002, les autorités allemandes ont proposé que la mesure en cause soit évaluée sur la base du point 9 des lignes directrices.

(52) Conformément au point 9, des aides à la suppression de capacités de production peuvent être accordées pourvu qu'elles soient compatibles avec les dispositifs communautaires visant à réduire la capacité de production et que certaines conditions soient remplies, à savoir:

a) l'aide doit servir l'intérêt général du secteur en cause et être limitée dans le temps;

b) le bénéficiaire doit offrir une contrepartie suffisante, consistant généralement en une décision définitive et irrévocable de démanteler ou de fermer définitivement la capacité de production en cause;

c) il doit être possible d'exclure la possibilité que l'aide est payée pour le sauvetage ou la restructuration d'entreprises en difficulté;

d) il ne doit pas y avoir surcompensation des pertes en capital et des futures pertes de revenus. Le secteur bénéficiaire devrait prendre à sa charge la moitié au minimum des coûts afférents aux aides en question, sous forme soit de contributions volontaires, soit de prélèvements obligatoires;

e) il ne peut être versé aucune aide qui soit de nature à interférer avec les mécanismes de l'organisation commune de marché concernée.

Point a) Intérêt général du secteur

(53) L'aide semble avoir un effet positif par la concentration de la production agricole et semble avoir permis une certaine stabilisation des prix sur le marché du vin en fût. Elle était limitée à trois districts et à un groupement de communes du Land de Rhénanie-Palatinat. La directive de l'administration de Bernkastel-Wittlich prévoyait l'octroi d'aides pour l'achat de parts dans une certaine coopérative, à savoir la coopérative Moselland. La directive de l'administration de Cochem-Zell prévoyait des dispositions similaires, lesquelles ont eu pour effet, en pratique, que seules les parts de la coopérative Moselland ont été subventionnées. Les directives de l'administration de Trier-Saarburg et du groupement de communes de Schweich n'étaient pas ciblées sur une entreprise particulière, mais portaient sur les coopératives et les organisations de producteurs reconnues en vertu de la loi allemande portant organisation des structures de marché. Les entreprises privées du secteur de la production ou du commerce du vin qui ne remplissaient pas les conditions susmentionnées ne pouvaient donc pas prétendre à bénéficier de la mesure. La durée du régime était limitée à quatre ans.

(54) Conformément au point 9.6 des lignes directrices, les régimes d'aide à la suppression de capacités doivent être accessibles à tous les opérateurs économiques du secteur en cause. Comme on l'a expliqué plus haut, on ne peut considérer que cette condition est remplie. La Commission a en outre été saisie d'une plainte introduite par un opérateur du marché, qui a fait observer que l'avantage accordé à certaines coopératives dans le cadre de cette mesure ne servait en aucun cas l'intérêt général du secteur vitivinicole puisque les entreprises privées du secteur de la production ou du commerce du vin ne pouvaient pas prétendre à en bénéficier.

Point b) Contre partie

(55) Les autorités allemandes ont indiqué que l'aide constituait une mesure de suppression des capacités de production des exploitations viticoles. Cette affirmation a été étayée par le fait que les agriculteurs s'étaient engagés à livrer tous leurs raisins, leur moût et leur vin aux organisations de producteurs et que leurs capacités viticoles subiraient ainsi une mise à l'arrêt de longue durée.

(56) Conformément au point 9.2 des lignes directrices, les aides à la réduction des capacités ne sont admises que si elles font partie d'un programme de restructuration du secteur doté d'objectifs clairement définis et d'un calendrier spécifique. La mesure en cause a été mise en œuvre sans que soit établi un tel programme de restructuration.

(57) Conformément au point 9.4 des lignes directrices, une contrepartie suffisante doit être exigée du bénéficiaire de l'aide. Cette contrepartie consiste généralement en une décision définitive et irrévocable de démanteler ou de fermer définitivement la capacité de production en cause. Il faut obtenir du bénéficiaire qu'il prenne des engagements contraignants quant au caractère définitif et irréversible de la fermeture en cause. Les autorités allemandes ont indiqué qu'aucun engagement contraignant n'avait été pris par les viticulteurs à l'égard de la suppression de leurs capacités. Concernant la production de vin, l'obligation de livraison des raisins, du moût et du vin est assimilable à la suppression des capacités en cause, mais seulement pour la période quinquennale sur laquelle porte cette obligation. La Commission conclut ainsi que la condition visée n'est pas remplie.

Point c) Interdiction d'octroi d'une aide en faveur d'entreprises en difficulté

(58) Cette condition n'est pas expressément inscrite dans les dispositions relatives à l'octroi de l'aide.

Point d) Interdiction de toute sur compensation et contribution du secteur

(59) Le point 9.6 des lignes directrices dispose que le montant de l'aide doit être strictement limité à ce qui est nécessaire pour compenser la perte de valeur des actifs, plus une incitation financière elle-même plafonnée à 20 % de la valeur desdits actifs. Le point 9.7 des lignes directrices prévoit en outre que le secteur bénéficiaire devrait prendre à sa charge la moitié au minimum des coûts afférents aux aides en question, sous forme soit de contributions volontaires, soit de prélèvements obligatoires.

(60) Les autorités allemandes n'ont donné aucun chiffre précis quant au montant de la perte de valeur des actifs subie par les exploitations viticoles (si tant est qu'il y ait eu des pertes). On ne peut donc exclure aujourd'hui que les pertes ont été surcompensées et que l'aide dépasse 50 % du coût réel de la mesure. C'est pourquoi la Commission estime que les conditions visées ne sont pas remplies.

Point 5. Organisation commune du marché

(61) Le régime d'aide n'est pas contraire aux objectifs de l'organisation commune du marché vitivinicole.

(62) Étant donné que l'aide accordée aux viticulteurs et aux exploitations viticoles n'est pas compatible, pour les raisons exposées ci-dessus, avec le point 9 des lignes directrices, elle constitue une aide au fonctionnement incompatible avec le Marché commun.

(63) Aucune autre justification au titre de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE ne s'applique.

Compatibilité de l'aide accordée aux organisations de producteurs

(64) La Commission est favorable à la constitution, dans le secteur de l'agriculture, d'organisations de producteurs regroupant les exploitants agricoles pour concentrer l'offre et adapter la production aux besoins du marché. Une aide d'État peut être accordée aux fins de la création de telles organisations (point 10.5 des lignes directrices) ou en cas d'extension significative des activités de ces organisations à de nouveaux produits ou à de nouveaux secteurs (point 10.6 des lignes directrices). En l'espèce, aucune de ces conditions n'est remplie.

(65) Conformément au point 10.8 des lignes directrices, les aides accordées aux organisations de producteurs qui ne sont pas liées à leurs coûts d'établissement directs (pour des investissements, par exemple) doivent être examinées conformément aux règles régissant ce type d'aides. La mesure en cause ne consistant qu'en une augmentation du capital des organisations de producteurs, il n'y a pas d'investissement et ce point ne peut donc servir de base à une évaluation de la compatibilité.

(66) Pour les raisons exposées ci-dessus, l'aide accordée aux organisations de producteurs n'est pas compatible avec le point 10 des lignes directrices. Elle constitue donc une aide au fonctionnement incompatible avec le Marché commun. (67) Aucune autre justification au titre de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE ne s'applique.

V.4. Aide de minimis accordée aux organisations de producteurs et aux exploitations viticoles

(68) L'expérience de la Commission montre que les aides de faible montant accordées sous réserve de certaines conditions ne relèvent pas de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(69) Conformément au règlement n° 1860-2004, les aides n'excédant pas un plafond de 3 000 EUR par bénéficiaire sur une période de trois ans, le montant total de telles aides étant limité à environ 0,3 % de la valeur de la production annuelle du secteur agricole, n'affectent pas les échanges entre États membres, ne faussent pas ou ne menacent pas de fausser la concurrence et ne relèvent pas, par conséquent, de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(70) En application de l'article 5 du règlement n° 1860-2004, cela vaut également pour les aides accordées avant l'entrée en vigueur dudit règlement si celles-ci remplissent toutes les conditions fixées à ses articles 1er et 3.

(71) L'article 1er restreint l'application au secteur agricole. L'aide concerne la commercialisation du vin. Les exceptions prévues à l'article 1er, points a) à c), ne sont pas applicables.

(72) Par conséquent, jusqu'à concurrence d'un montant de 3 000 EUR, ces mesures ne constituent pas une aide, parce que les conditions de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE ne sont pas remplies. Afin d'éviter une double prise en compte, cette limite ne doit être appliquée qu'au niveau des exploitations viticoles.

(73) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission estime que les subventions octroyées pour l'acquisition de parts jusqu'à concurrence de 3 000 EUR ne constituent pas à une aide lorsque les conditions du règlement n° 1860-2004 sont remplies. Tout montant dépassant ce seuil au niveau des viticulteurs et des exploitations viticoles bénéficiaires constitue une aide dans sa totalité.

VI. CONCLUSIONS

(74) La Commission conclut que les aides et bonifications d'intérêts octroyées dans le cadre de cette mesure constituent une aide au fonctionnement, qui ne relève d'aucune des dérogations à l'interdiction générale d'octroi des aides et qui, par conséquent, est incompatible avec le Marché commun. La Commission constate en outre que l'Allemagne a mis en œuvre illégalement la mesure en cause.

(75) Lorsqu'une aide d'État accordée illégalement est jugée incompatible avec le Marché commun, il s'ensuit qu'elle doit être recouvrée de manière à restaurer, dans toute la mesure du possible, la position concurrentielle des bénéficiaires telle qu'elle était avant l'octroi de l'aide en cause.

(76) La décision concerne le régime considéré et doit être mise à exécution sans délai, y compris la récupération de l'aide conformément à l'article 14 du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (10).

(77) Pour éliminer l'avantage direct et indirect accordé aux viticulteurs et aux exploitations agricoles ainsi qu'aux organisations de producteurs tout en évitant une double prise en compte de l'aide, l'Allemagne devra récupérer l'aide auprès des entreprises ayant perçu les ressources d'État. L'obligation de récupération de l'aide auprès des organisations de producteurs ne préjuge nullement de la possibilité qu'un concours octroyé à des viticulteurs et des exploitations viticoles jusqu'à concurrence de 3 000 EUR ne constitue pas une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, pour autant que les conditions du règlement n° 1860-2004 soient remplies. Tout montant dépassant ce seuil au niveau du viticulteur ou de l'exploitation viticole bénéficiaire constitue une aide dans sa totalité et doit être récupéré auprès de l'organisation de producteurs dont les parts ont été acquises par le bénéficiaire final.

(78) La présente décision ne préjuge pas de la possibilité pour les organisations de producteurs concernées de demander aux viticulteurs et aux exploitations viticoles un montant correspondant ou de faire usage de tout autre moyen de recours, lorsqu'une telle possibilité est prévue par la législation nationale.

(79) Dans le district de Cochem-Zell, l'aide à récupérer auprès des viticulteurs et des exploitations viticoles doit correspondre à la bonification d'intérêts dont ils ont bénéficié. L'obligation de récupération de cette aide ne préjuge nullement de la possibilité qu'un concours octroyé à des viticulteurs et des exploitations viticoles jusqu'à concurrence de 3 000 EUR ne constitue pas une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, pour autant que les conditions du règlement n° 1860-2004 soient remplies. Tout montant dépassant ce seuil au niveau du viticulteur ou de l'exploitation viticole bénéficiaire constitue une aide dans sa totalité et doit être pleinement récupéré.

(80) La présente décision ne préjuge pas de la possibilité pour les viticulteurs et les exploitations viticoles concernés de faire usage de tout autre moyen de recours à l'encontre des organisations de producteurs, lorsqu'une telle possibilité est prévue par la législation nationale,

A arrêté la présente décision:

Article premier

Le régime d'aide d'État instauré sous la forme d'aides directes ou de bonifications d'intérêts en faveur des viticulteurs et des exploitations viticoles pour leur permettre d'investir dans des parts d'organisations de producteurs et sous la forme d'aides directes en faveur des organisations de producteurs, lequel a été mis en œuvre illégalement, en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE, par la République fédérale d'Allemagne, est, sans préjudice de l'article 2, incompatible avec le Marché commun.

Article 2

Le régime décrit à l'article 1er ne constitue pas une aide lorsqu'il remplit les conditions du règlement n° 1860-2004.

Article 3

1. Dans un délai de deux mois à compter de la date de la présente décision, la République fédérale d'Allemagne informe l'ensemble des exploitations viticoles et des organisations de producteurs concernées par l'application du régime d'aide d'État en cause que la Commission considère le régime d'aide d'État décrit à l'article 1er comme incompatible avec le Marché commun.

2. La République fédérale d'Allemagne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer, auprès des exploitations viticoles ou des organisations de producteurs, selon le cas, l'aide décrite à l'article 1er et accordée illégalement aux bénéficiaires, sans préjudice de l'article 2 ou de tout recours ultérieur devant les juridictions nationales. La République fédérale d'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, de l'identité des bénéficiaires, des différents montants versés et des méthodes utilisées pour déterminer ces montants.

3. La récupération est effectuée sans délai et conformément aux procédures de droit national permettant l'application immédiate et effective de la présente décision.

4. L'aide à récupérer comprend les intérêts perçus sur toute la période, à partir de la date à laquelle elle a été mise pour la première fois à la disposition du bénéficiaire jusqu'à la récupération effective.

5. Les intérêts sont calculés conformément aux dispositions du chapitre V du règlement (CE) n° 794-2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE.

Article 4

La République fédérale d'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures d'exécution déjà prises ou planifiées. L'Allemagne présente, dans le même délai, tous les documents démontrant que les procédures de récupération ont été engagées à l'encontre des bénéficiaires de cette aide illégale.

Article 5

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Notes :

(1) JO C 267 du 6 novembre 2003, p. 2.

(2) Voir la note de bas de page 1.

(3) JO L 325 du 28 octobre 2004, p. 4.

(4) JO L 179 du 14.7.1999, p. 1. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 199-2006 (JO L 345 du 28.12.2005, p. 1).

(5) Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, l'amélioration de la position concurrentielle d'une entreprise grâce à l'octroi d'une aide d'État fait généralement supposer une distorsion de concurrence à l'égard des entreprises concurrentes qui ne bénéficient pas d'un tel soutien (affaire C-730-79, Philip Morris, recueil de la jurisprudence 1980, p. 2 671, points 11 et 12).

(6) Pour l'Allemagne, les échanges intracommunautaires de vin ont porté en 1999 sur un volume d'importation de 10 364 000 millions d'hectolitres et sur un volume d'exportation de 1 881 900 millions d'hectolitres. Il n'existe pas de données distinctes pour la Rhénanie- Palatinat (source: Office fédéral de la statistique).

(7) JO C 232 du 12 août 2000, p. 19.

(8) Affaire C-156-98, République fédérale d'Allemagne contre Commission des Communautés européennes, recueil de la jurisprudence 2000, I-/ 6 857, point 26.

(9) Affaire T-93-02, Confédération nationale du Crédit Mutuel contre Commission des Communautés européennes, non encore publiée au recueil de la jurisprudence, point 95.

(10) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1. Règlement modifié par l'acte d'adhésion de 2003.