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Décisions

CCE, 16 mai 2006, n° 2007-56

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide d'État n° C 26-2004 (ex NN 38/2004) accordée par l'Allemagne en faveur de Schneider Technologies AG

CCE n° 2007-56

16 mai 2006

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations (1) conformément aux dispositions précitées et vu ces observations, considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Le 24 mars 2003, la Commission a reçu une plainte concernant un certain nombre de mesures d'aide présumées en faveur de Schneider Technologies AG ("Schneider"). Le plaignant, Gebrüder Schneider GmbH & Co. KG, est une société holding propriétaire de Schneider, détenue par deux frères Schneider.

(2) Le 14 juillet 2004, la Commission a ouvert la procédure formelle d'examen concernant trois prêts accordés par la banque publique Bayrische Landesanstalt für Aufbaufinanzierung ("LfA") et deux subventions de recherche et développement allouées par le Bayrische Forschungsstiftung ("BFS"). La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 22 février 2005 (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations concernant l'aide présumée. Aucune tierce partie n'a toutefois présenté de telles observations (3). L'Allemagne a répondu à l'avis d'ouverture de la procédure formelle d'examen par lettres datées des 16 et 24 septembre 2004, enregistrées ces mêmes jours.

(3) La Commission a demandé des informations complémentaires le 6 septembre 2005, que l'Allemagne a transmises par lettre du 5 octobre 2005, enregistrée le 6 octobre 2005. Un nouveau complément d'informations a été transmis par lettre du 6 février 2006, enregistrée le 7 février 2006.

II. DESCRIPTION

1. LE BÉNÉFICIAIRE

(4) Schneider, une entreprise allemande de premier plan établie à Türkheim (Bavière), produisait des téléviseurs couleur. Outre ses activités de fabrication, l'entreprise s'était lancée dans les années 90 dans un ambitieux projet de développement d'une technologie d'affichage laser censée améliorer la netteté et le contraste de l'image, offrir un écran de taille illimitée et assurer de la flexibilité en termes de surface de projection. Entre 2000 et 2002, ces deux principaux pôles d'activités ont été ancrés dans deux nouvelles filiales de Schneider: Schneider Electronics AG ("SE"), qui a continué la production de téléviseurs, et Schneider Laser Technologies AG ("SLT").

(5) LfA, une banque publique dont l'objectif est de promouvoir le développement économique régional, détenait des actions Schneider depuis 1998. En 1999/2000, LfA détenait 35,6 % du capital de l'entreprise et en était ainsi le plus important actionnaire. Lehman Brothers, une banque d'investissement privée, détenait 26,6 %, Gebr GmbH & Co. KG 14,6 % et d'autres investisseurs privés 23,2 %.

(6) À l'époque, le marché tablait sur la réussite future de Schneider en raison du rôle de premier plan que l'entreprise serait appelée à jouer dans le domaine de la technologie laser. De 1998 à 2000, le cours de l'action Schneider a pratiquement décuplé et de 1999 à 2000 il a progressé de quelque 250 %. Cette perception positive de l'avenir de l'entreprise était partagée par le deuxième actionnaire Lehman Brothers, comme en témoigne une étude publiée en avril 2000, qui expliquait que le seuil de rentabilité devait être atteint fin 2000 dans le domaine de l'électronique grand public et au troisième trimestre 2001 dans le domaine de la technologie laser. De la mi-1999 à la mi-2000, Lehman Brothers a acquis [...] (*) d'actions auprès de LfA.

(7) Les résultats des entreprises concernées n'ont toutefois pas été conformes aux attentes. SE produisait des téléviseurs de qualité médiocre et ne pouvait concurrencer les produits à bas prix importés principalement d'Asie. Vu l'absence de bénéfices du pôle télévision, les liquidités dont Schneider avait besoin pour que SLT puisse poursuivre ses activités dans le domaine de la technologie laser, qui progressaient beaucoup plus lentement que prévu, commencèrent à manquer. Il aura fallu attendre jusque mai 2000, soit beaucoup plus tard que prévu, pour que le premier prototype - et encore à usage exclusivement industriel - soit disponible. En 2002, la société n'avait pas encore réussi à développer un produit de consommation courante, le véritable objectif économique de SLT.

(8) En mars 2002, trois procédures d'insolvabilité distinctes ont été engagées à l'encontre de Schneider et de ses deux filiales. Le curateur a cédé les actifs de Schneider et de SE à la société chinoise d'électronique TCL, et ceux de SLT à Jenoptik Laser, Optik, Systeme GmbH ("LOS"). TCL et LOS avaient présenté les meilleures offres.

2. LES MESURES FINANCIÈRES

(9) Dans sa décision d'ouverture, la Commission a exprimé des doutes quant aux deux séries de mesures suivantes:

2.1. LES TROIS PRÊTS ACCORDÉS PAR LFA

(10) Les trois prêts LfA faisaient partie d'un montage convenu en automne 1999 entre LfA, Lehman Brothers, le plaignant et un consortium de banques. L'Allemagne a expliqué qu'en 1998, l'entreprise avait essuyé des pertes parce que les efforts consentis pour accroître les ventes de téléviseurs par l'entremise de détaillants spécialisés avaient échoué. La direction décida donc de restructurer l'entreprise et de renforcer l'activité OEM (original equipment manufacturer). Des liquidités étaient nécessaires pour financer cette restructuration, préfinancer la production pour les commandes importantes et couvrir les pertes.

(11) Le premier prêt LfA ("Prêt n° 1") s'élevait à 2,1 mio EUR et a été accordé en septembre 1999. Le taux d'intérêt était de [...] %. Le deuxième prêt ("Prêt n° 2") s'élevait à 5,1 mio EUR et a également été accordé en septembre 1999. Le taux d'intérêt était de [...] %. Le troisième prêt ("Prêt n° 3") s'élevait à 5,6 mio EUR et a été accordé en février 2000. Le taux d'intérêt était de [...] %. Les deux premiers prêts ont été accordés pour une période d'un an et le prêt n° 3 jusqu'au 31 décembre 2001, soit près de deux ans.

(12) En septembre 2000, les deux premiers prêts ont été prolongés jusqu'au 30 septembre 2002, c'est-à-dire de deux ans supplémentaires, et les taux d'intérêt du prêt n° 1 portés à [...] % et ceux du prêt n° 2 à [...] %. En décembre 2000, le prêt n° 3 a lui aussi été prolongé jusqu'au 30 septembre 2002 et son taux porté à [...] %.

(13) Le prêt n° 1 était assorti de plusieurs garanties, telles qu'une hypothèque immobilière, la cession des créances clients et une cession en garantie des produits de l'entreprise. Ces garanties étaient toutefois de rang inférieur à celles constituées en faveur des banques du consortium, dont les prêts avaient été accordés à une date antérieure. Les prêts n° 2 et 3 n'étaient pas assortis de garanties. L'Allemagne a expliqué que l'absence de garanties avait été remplacée par un taux d'intérêt plus élevé. La valeur réelle des garanties constituées en faveur de LfA en tant qu'actionnaire était très faible étant donné qu'en vertu du droit allemand (§ 30 GmbHG), le prêt d'associé serait probablement assimilé à un apport de capital.

(14) Les contributions des parties privées au montage étaient les suivantes:

a) Lehman Brothers a d'abord injecté 25 mio EUR dans la firme à la fin de 1999 pour acheter les parts SLT détenues par Daimler Chrysler et a ensuite été l'investisseur principal lors d'une nouvelle augmentation de capital de 46 mio EUR réalisée en février 2000 pour financer la poursuite du développement de l'activité laser.

b) En 1998, le consortium de banques privées a accordé à Schneider une ligne de crédit de 31 mio EUR. Le taux d'intérêt était fixé à [...] %. Cette ligne de crédit a été formellement confirmée en septembre 1999 dans le cadre du montage financier. De plus, les banques faisant partie du consortium ont accepté de brefs dépassements de la ligne de crédit jusqu'à concurrence de [...] EUR. Le même mois, le chef de file du consortium bancaire a porté son taux d'intérêt à [...] %. L'Allemagne a expliqué qu'elle ne disposait d'aucune information concernant une éventuelle adaptation du taux d'intérêt de [...] % initialement convenu par les autres banques du consortium.

c) Le plaignant a accordé un prêt d'associé d'un montant de 7,7 mio EUR aux mêmes conditions que les banques du consortium.

2.2. LES SUBVENTIONS DE R&D

(15) En 1994 et 1997, le Bayrische Forschungsstiftung (Fonds de recherche bavarois - "BFS") a octroyé deux subventions à Schneider AG pour un montant total de 9 050 121,88 EUR (4).

Projet n° 1 ("Laser-Display-Technologie")

(16) La première subvention s'élevait à 6 498 468,68 EUR (5). Elle a été accordée le 16 décembre 1994 afin de cofinancer le projet "Laser-Display-Technologie" ("projet n° 1"). Cette aide a été versée en plusieurs tranches durant toute la durée du projet, c'est-à-dire entre janvier 1995 et juin 1997. Les coûts admissibles s'élevaient à 12 484 972,74 EUR et l'intensité de l'aide était de 48,9 %.

(17) Le projet n° 1 visait à élaborer les principes de base permettant de mettre au point de nouvelles méthodes de travail pour la visualisation d'images couleur à haute résolution dans différents domaines d'application et jeter les bases scientifiques et technologiques pour la mise au point des différentes composantes du futur système.

(18) Les coûts de projet suivants ont été pris en compte pour l'octroi de l'aide (*)

Éléments de coût du projet Coûts (en euro)

Frais de personnel (y compris frais de déplacement) 4 304 566,36

Autres dépenses d'exploitation (matériels et fournitures) 4 399 666,63

Coût des instruments et des équipements 667 235,91

Coût des travaux de recherche réalisés par des tiers 2 296 459,41

Autres frais généraux 817 044,43

Coûts totaux 12 484 972,74

(19) L'Allemagne a confirmé que les coûts résultaient directement du projet de recherche.

(20) Conformément aux contrats de subventions, les résultats du projet ont été présentés à un vaste public et rendus publiquement accessibles.

(21) Le BFS a aussi intégralement financé un projet de recherche concernant le "Blauer Laser" réalisé par l'université de Würzburg. Les coûts de ce projet se sont élevés à 260 000 EUR. À la demande du BFS, le projet n° 1 et le projet "Blauer Laser" ont été "jumelés" dans l'espoir qu'ils fassent l'objet d'un transfert réciproque de savoir-faire.

Projet n° 2 ("Laser-Display-Technologie - Systemintegration und Prototypen")

(22) La deuxième subvention s'élevait à 2 551 653,20 EUR et a été accordée le 23 juillet 1997. Elle était destinée à financer le projet "Laser-Display-Technologie - Systemintegration und Prototypen" (ci-après dénommé "Projekt n° 2") faisant suite au projet n° 1. L'aide a été versée en plusieurs tranches durant toute la durée du projet, c'est-à-dire d'avril 1997 à septembre 1999. Les coûts admisibles prévus s'élevaient à 5 103 293,22 EUR et l'intensité de l'aide était de 50 %.

(23) Le projet n° 2 devait permettre d'affiner les travaux sur la base des résultats obtenus dans le cadre du projet n° 1 et d'intégrer les différentes composantes clés en un système unique. Il comprenait un ensemble d'études visant à produire des images à l'aide de lasers à impulsions de l'ordre de la pico-seconde, à déterminer la résistance au laser des différentes composantes et à mener des travaux de recherche de base pour la miniaturisation de systèmes laser monochromes.

(24) Les coûts de projet suivants ont été pris en compte pour l'octroi de l'aide :

Éléments de coût du projet Coûts (en euro)

Frais de personnel 2 584 273,68

Autres dépenses d'exploitation (matériels et fournitures) 1 061 850,98

Coût des travaux de recherche réalisés par des tiers 1 123 308,26

Autres frais généraux 817 044,43

Coûts totaux 5 103 293,22

(25) L'Allemagne a confirmé que les coûts résultaient directement du projet de recherche.

(26) Conformément aux contrats de subvention, les résultats du projet ont été présentés à un vaste public et rendus publiquement accessibles. Dès lors qu'il en était fait la demande, des droits d'utilisation devaient être octroyés au prix du marché.

III. MOTIFS DE L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE FORMELLE D'EXAMEN

(27) En ce qui concerne les trois prêts, la Commission a estimé, à titre préliminaire, qu'ils respectaient le critère de l'investisseur en économie de marché. Toutefois, la Commission ne disposait pas d'informations suffisamment détaillées pour lui permettre de compléter son appréciation. La Commission a également exprimé des doutes quant à la compatibilité des prêts de R&D accordés en faveur des deux projets de technologie laser avec les règles concernant les aides d'État.

IV. OBSERVATIONS DE TIERS

(28) Aucune observation n'a été présentée par des tiers.

V. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE

(29) Dans ses observations concernant l'ouverture de la procédure formelle d'examen, l'Allemagne a fait valoir que les prêts ne constituaient pas une aide d'État parce qu'ils remplissaient le critère de l'investisseur en économie de marché.

(30) En ce qui concerne les subventions de R&D, l'Allemagne a estimé que les deux projets doivent être considérés comme relevant de la recherche industrielle et que la subvention à hauteur de 50 % des coûts admissibles était dès lors compatible avec les règles sur les aides d'État applicables aux subventions de R&D à l'époque de l'octroi des aides respectives. En ce qui concerne le projet n° 2, l'Allemagne a souligné que l'intitulé du projet "Intégration du système et prototype" était trompeur et que le projet visait en fait à approfondir la recherche sur les différentes composantes du projet.

VI. ÉVALUATION

1. LES PRÊTS LFA

1.1. AIDES D'ÉTAT

(31) En vertu de l'article 87 du traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Pour déterminer dans quelle mesure les prêts d'associé accordés par une autorité publique constituent une aide d'État au sens de l'article 87 du traité, il convient d'examiner si, dans des circonstances analogues, un investisseur en économie de marché aurait pu avoir accordé des prêts à des conditions comparables à celles accordées par l'autorité publique.

(32) La Commission estime que de nombreux éléments tendent à démontrer que les trois prêts ne constituent pas une aide d'État parce qu'il est satisfait au critère de l'investisseur en économie de marché. Les informations dont la Commission dispose indiquent que l'octroi de prêts à Schneider à des taux d'intérêt variant entre [...] %, [...] % et [...] % (taux de référence de la Commission : 4,76 %), portés ultérieurement à [...] %,[...] % et [...] % (taux de référence de la Commission : 5,7 %), n'était pas économiquement irrationnel dans les circonstances de 1999/2000. La confiance du marché dans la rentabilité future de Schneider, assurée principalement par sa position de pointe dans la technologie laser, est attestée notamment par l'évolution du cours de l'action Schneider, qui a pratiquement décuplé entre 1998 et 2000 et par l'étude très positive réalisée par la Banque d'investissement Lehman Brothers, qui a acquis [...] actions supplémentaires Schneider durant cette période. En juillet 2000, quelque 50 % du capital étaient détenus par environ 40 investisseurs stratégiques. Deuxièmement, lorsqu'on le compare au comportement de l'actionnaire privé Lehman Brothers, il convient de noter que le comportement de LfA a été beaucoup plus prudent: Lehman Brothers a souscrit à l'augmentation du capital de Schneider pour un montant de 25 millions d'euro en décembre 1999 et était le principal investisseur lors de l'augmentation de capital de février 2000 (46 millions d'euro). Outre la participation de LfA à l'augmentation de capital de février à hauteur d'environ 8,74 millions d'euro (qui, dans la décision d'ouverture, avait déjà été reconnue comme conforme au critère de l'investisseur en économie de marché), LfA a accordé un montant supplémentaire de 12,8 millions d'euro, mais seulement sous forme d'un prêt remboursable porteur d'intérêts. Troisièmement, les taux d'intérêt pratiqués par LfA étaient supérieurs aux taux des banques faisant partie du consortium, tant lors de l'octroi initial des prêts (septembre 1999 et février 2000) que lors de leur prolongation (septembre et décembre 2002).

(33) Certains doutes persistent néanmoins quant à la nature des prêts. Compte tenu du rôle joué par LfA pour promouvoir l'économie régionale et des informations actuellement disponibles, la Commission ne peut exclure que l'investissement avait pour finalité d'aider Schneider AG à surmonter une période difficile et de sauver des emplois dans la région. De plus, il est difficile de déterminer dans quelle mesure la surprime au niveau des taux d'intérêt était suffisante pour compenser le manque de garanties. Schneider se trouvait dans une situation financière précaire lorsque les prêts ont été accordés et il n'était pas impossible que la technologie laser échouerait. Toutefois, la question de savoir si les taux d'intérêt supérieurs étaient suffisants pour contrebalancer ce risque reste difficile à évaluer.

1.2. DÉCISION SANS OBJET

(34) La Commission estime qu'il ne doit pas nécessairement être répondu à la question de savoir si les prêts LfA doivent être considérés comme une aide d'État. Même s'ils devaient être considérés comme une aide d'État incompatible, une décision négative ordonnant la récupération de l'aide serait sans objet, étant donné que l'entreprise qui aurait bénéficié, directement ou indirectement, de l'aide d'État présumée n'existe plus.

(35) Le bénéficiaire formel des prêts était Schneider. SE et SLT n'ont été créés qu'après l'octroi des prêts en question, ce qui n'exclut cependant pas qu'ils aient pu en bénéficier. Les procédures d'insolvabilité engagées à l'encontre des trois sociétés Schneider ont été lancées en mars 2002 et les trois sociétés ont été liquidées. Les montants dus au titre des prêts ont été incorporés dans la masse de la faillite.

(36) Les actifs des trois sociétés ont été vendus par l'administrateur judiciaire, sous le contrôle des tribunaux des faillites. La Commission estime que les différents actifs ont été vendus au prix du marché et que le bénéfice de l'aide n'a dès lors été transmis à aucun des acheteurs.

a) Les actifs détenus par Schneider au moment de sa liquidation étaient constitués de marques de commerce. Après avoir recherché d'éventuels investisseurs dans le monde entier par l'entremise d'un consultant spécialisé en matière de fusions et acquisitions, l'administrateur judiciaire a vendu les marques de commerce au producteur chinois d'électronique grand public TCL pour un montant de 3,48 mio EUR. Parallèlement, il a été demandé à un deuxième consultant d'évaluer la valeur de ces marques de commerce. Ce consultant a reçu plusieurs offres sensiblement inférieures à l'offre de TCL. La Commission part dès lors du principe que les marques de commerce ont été vendues au prix du marché.

b) Les actifs de SE, constitués par la ligne de production et les stocks de téléviseurs, ont été vendus par l'administrateur judiciaire à TCL pour un montant total de 5 745 480 EUR. D'après les informations fournies par l'Allemagne, l'administrateur judiciaire s'est longuement entretenu avec une série d'investisseurs potentiels. Toutefois, ils n'ont témoigné que d'un intérêt très limité pour l'achat d'une ligne de production de téléviseurs taillés sur mesure pour Schneider et vieille déjà de plusieurs années, le stock de téléviseurs, pour lesquels aucune garantie ni service ne pouvait être assuré, n'ayant quant à lui suscité aucun intérêt. TCL a présenté la meilleure offre et est dès considéré comme ayant payé le prix du marché.

c) En ce qui concerne SLT, l'administrateur judiciaire a eu recours à un consultant spécialisé en matière de fusions et acquisitions, qui a envoyé le prospectus d'achat à quelque 150 investisseurs potentiels. Des discussions approfondies ont eu lieu avec un certain nombre de parties potentiellement intéressées. Toutefois, en raison des problèmes techniques liés au développement de la technologie d'affichage à lecteur laser, les véritables manifestations d'intérêt sont restées très limitées. Aucune offre supérieure à celle de LOS n'a été présentée, même dans le cadre d'une démarche visant à vendre séparément les brevets existants et en cours d'enregistrement. Les actifs de SLT ont été vendus en deux étapes (6) à LOS pour un prix total de 6 025 000 EUR. La Commission estime dès lors que les actifs de SLT ont eux aussi été acquis au prix du marché.

2. LES PROJETS DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

2.1. AIDES D'ÉTAT

(37) Le financement public est octroyé par le Land de Bavière par l'entremise du BFS. Le financement est donc assuré au moyen de ressources publiques et est imputable à l'État. Le financement de la partie du projet n° 1 réalisé par SLT et du projet n° 2 a procuré un avantage à Schneider. Étant donné que l'électronique grand public fait l'objet d'échanges entre États membres, la mesure menace de fausser la concurrence et affecte les échanges entre les États membres. Les subventions accordées aux projets n° 1 et 2 constituent dès lors des aides d'État.

(38) En ce qui concerne le financement du projet "Blauer Laser" réalisé par l'université de Würzburg, la Commission estime que le financement public ne doit pas être considéré comme une aide d'État. Le projet concernait de la recherche fondamentale destinée à renforcer d'une manière générale les connaissances scientifiques et techniques. Selon le point 2.2 de l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche-développement de 1986 (7) (applicable en 1994 à l'époque de la subvention), le financement de la recherche fondamentale n'est normalement pas considéré comme une aide d'État. "Par contre, dans des cas exceptionnels où une telle recherche est réalisée dans certaines entreprises ou spécifiquement pour certaines entreprises, la Commission ne peut exclure que les conditions de l'article 92, paragraphe 1 [aujourd'hui 87, paragraphe 1] du traité soient remplies." Tel n'est pas le cas en l'espèce. En particulier, le projet n'a pas été réalisé en faveur de Schneider. La demande de financement a été présentée isolément par l'université de Würzburg et les subventions ont été versées directement à l'université. L'Allemagne a informé la Commission que les résultats de la recherche menée par l'université étaient sans intérêt pour Schneider, qui avait défini sa propre ligne scientifique pour résoudre les problèmes liés au laser bleu. Schneider a poursuivi ses travaux de recherche et de développement indépendamment du projet "Blauer Laser" et n'a pas exploité les résultats du projet universitaire pour sa propre solution technique. Le "jumelage" des deux projets avait été imaginé par le BFS dans l'espoir de possibles synergies, qui ne se sont pas réalisées.

2.2. DÉROGATION AU TITRE DE L'ARTICLE 87, PARAGRAPHE 3, DU TRAITÉ

(39) Les subventions de R&D doivent être appréciées à la lumière de l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement ("encadrement R&D") de 1986 (8) et 1996 (9), qui autorise les aides d'État à la recherche fondamentale, à la recherche industrielle (de base) et aux activités de développement pré-concurrentielles.

Projet n° 1

Stade de recherche et de développement - Intensité de l'aide

(40) Le projet n° 1 peut être considéré comme un projet de recherche industrielle de base au sens de l'annexe 1 de l'encadrement R&D 1986 (10). Les activités de recherche étaient axées sur l'acquisition, dans le cadre d'une activité théorique et expérimentale originale, des connaissances entièrement nouvelles dans le domaine de l'affichage d'images couleur à haute résolution et de grande dimension pour différents domaines d'application et l'élaboration des fondements scientifiques et technologiques des différentes composantes d'un futur système d'affichage laser.

(41) Le BFS a subventionné le projet à hauteur de 48,98 %, c'est-à-dire en deçà du plafond du 50 % autorisé pour la recherche industrielle de base. Effet d'incitation

(42) La Commission estime que l'aide à la recherche et au développement a eu un effet d'incitation étant donné que le projet n'aurait pas été réalisé sans soutien public. Le projet comportait un risque technique et économique très élevé, la technologie était très novatrice; il nécessitait une recherche éminemment fondamentale et un apport important de moyens. Cela a été confirmé par une étude externe commandée par le BFS avant que celui-ci se prononce sur les aides. Les experts consultés ont estimé que, compte tenu de sa grande complexité et de l'objectif particulièrement ambitieux du projet, celui-ci ne pourrait être réalisé que si un appui substantiel lui était accordé. Le plus grand risque technique résidait selon eux dans la reproduction exacte de l'image. Les experts ont par ailleurs confirmé que cette technologie tout à fait nouvelle soulevait un grand nombre de questions différentes auxquelles il ne pouvait être répondu que dans le cadre d'un projet de R&D intensif, concentré et doté de ressources financières suffisantes.

Projet n° 2

Stade de recherche et de développement - Intensité de l'aide

(43) En ce qui concerne le projet n° 2, l'Allemagne estime que le projet doit également être considéré comme un projet de recherche industrielle (11). L'Allemagne fait valoir qu'en dépit du sous-titre trompeur du projet ("Systemintegration und Prototypen"), les activités menées tout au long du projet ont été telles qu'elles relevaient de la définition précitée. L'Allemagne a expliqué que le but du projet était de poursuivre les travaux de mise au point des différentes composantes de la technologie. C'est pourquoi, aux yeux du BFS, le projet a été intégralement catalogué comme relevant de la recherche industrielle. De plus, le premier prototype a été développé quelques mois après la fin du projet n° 2 et n'était destiné qu'à un usage professionnel et non à la consommation courante, ce qui était l'objectif du projet. La véritable recherche pré-concurrentielle n'a été effectuée qu'en aval du projet n° 2 et sans financement public supplémentaire.

(44) La Commission se demande si le projet ne devrait pas être considéré, à tout le moins en partie, comme un projet de développement pré-concurrentiel (12). Le financement serait alors limité à 25 % ou devrait représenter la moyenne pondérée des intensités acceptables de l'aide en vertu des points 5.5 et 5.9 de l'encadrement R&D de 1996. La Commission estime que l'assemblage des différentes composantes en un système intégré pourrait relever de la définition de l'activité de développement pré-concurrentielle. En outre, le premier prototype a été finalisé quelques mois seulement après la fin du projet n° 2, ce qui indique que le projet a abouti à la création d'un prototype initial.

(45) Cela étant, pour les raisons qui ont déjà été indiquées précédemment, la Commission estime qu'une analyse plus approfondie de la question serait sans objet étant donné qu'une éventuelle aide incompatible n'aurait plus pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché. Les subventions de recherche et de développement ont été accordées à Schneider. SE et SLT n'ont été créés que plus tard. Il est hautement improbable que le producteur de téléviseurs SE ait bénéficié de l'aide à la recherche et au développement pour les travaux sur la technologie laser, qui a été entièrement utilisée dans le sens indiqué par le BFS lors de son approbation. SLT aurait pu bénéficier de l'aide. Toutefois, les sociétés ont été liquidées, les aides à la recherche et au développement ont été incorporées dans la masse de la faillite (13) et les actifs ont été vendus au prix du marché (voir point 36).

Effet d'incitation

(46) La Commission estime que le risque technologique et économique lié au projet n° 2 était toujours très élevé et que SLT n'aurait pas été en mesure de mener à bien le projet sans l'appui du BFS. À l'instar du projet n° 1, le projet n° 2 était hautement novateur et exigeait un apport important de moyens.

VII. CONCLUSION

(47) La Commission conclut que l'aide à la recherche et au développement pour le projet n° 1, s'élevant à 6 498 468,68 EUR et 50 % de l'aide à la recherche et au développement pour le projet n° 2, soit 1 275 826,60 EUR, étaient compatibles avec les règles de la CE sur les aides d'État.

(48) En ce qui concerne les trois prêts d'un montant total de 12,8 mio EUR et 50 % de l'aide à la recherche et au développement pour le projet n° 2, la Commission estime que les informations disponibles ne permettent pas de se prononcer de manière définitive. Toutefois, les questions pertinentes de savoir si les prêts constituaient une aide d'État et dans quelle mesure le projet n° 2 était un projet de recherche industrielle peuvent rester sans réponse. L'aide d'État, quand bien même elle aurait été incompatible, ne pourrait être récupérée étant donné qu'elle ne fausserait plus le jeu de la concurrence sur le marché après la liquidation de tous les bénéficiaires réels ou potentiels et la vente de leurs actifs au prix du marché.

La Commission conclut en conséquence que la procédure formelle d'examen ouverte en vertu de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE en ce qui concerne les trois prêts et une partie du projet n° 2 est devenue sans objet.

A arrêté la présente décision :

Article premier

Les aides de 6 498 468,68 EUR et de 1 275 826,60 EUR accordées à Schneider AG, Türkheim, en faveur respectivement du projet de recherche "Laser-Display-Technologie" et du projet de R&D "Laser-Display-Technologie - Systemintegration und Prototypen" sont compatibles avec le marché commun.

Article 2

La procédure formelle d'examen concernant les prêts accordés par la Bayrischen Landesanstalt für Aufbaufinanzierung pour un montant total de 12,8 mio EUR et la subvention de 1 275 826,60 EUR accordée en faveur du projet de recherche et de développement "Laser-Display-Technologie - Systemintegration und Prototypen" est close.

Article 3

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Notes :

(1) JO C 46 du 22.2.2005, p. 12.

(2) Cf. note de bas de page 1.

(3) Certaines observations reçues durant et après la période concernée ne peuvent être considérées comme des observations formelles (il s'agit principalement d'articles de presse non directement liés à l'affaire et dépourvus de tout commentaire et d'une offre de service de conseil faite à la Commission dans le cadre de l'affaire mais dépourvue de véritables commentaires).

(4) Y compris la subvention en faveur du projet "Blauer Laser" réalisé par l'université de Würzburg.

(5) Y compris la subvention en faveur du projet "Blauer Laser" réalisé par l'université de Würzburg.

(*) Ce tableau ne tient compte que des dépenses pour les travaux de recherche réalisés par Schneider, et non de la subvention de 0,26 mio EUR accordée au projet "Blauer Laser", réalisé par l'université de Würzburg et associé au projet Schneider à la demande du BFS.

(*) Secret d'affaires.

(6) Dans un premier temps, une entreprise conjointe a été constituée, à laquelle ont été transférés les actifs de SLT. LOS détenait 60 % et la masse 40 % de l'entreprise conjointe. L'étape intermédiaire, d'une durée d'un an, avait pour but de trouver un investisseur stratégique disposé à acheter les 40 % détenus par la masse. Cet investisseur n'a pas été trouvé et LOS a donc acquis 100 % des actifs.

(7) JO C 83 du 11.04.1986, p. 2.

(8) Voir note de bas de page ci-dessus.

(9) JO C 45 du 17 février 1996, p. 5.

(10) Selon l'annexe 1 de l'encadrement R&D de 1986, la "recherche industrielle de base" se définit comme "l'activité théorique ou expérimentale originale dont l'objectif est l'acquisition de nouvelles connaissances ou la meilleure compréhension des lois de la science et de la technologie dans leur application éventuelle à un secteur industriel ou aux activités d'une entreprise donnée."

(11) Selon l'annexe 1 de l'encadrement R&D de 1996, il y a lieu d'entendre par recherche industrielle, la recherche planifiée ou des enquêtes critiques visant à acquérir de nouvelles connaissances, l'objectif étant que ces connaissances puissent être utiles pour mettre au point de nouveaux produits, procédés ou services ou entraîner une amélioration notable des produits, procédés ou services existants.

(12) Selon l'annexe 1 de l'encadrement R&D de 1996, il y a lieu d'entendre par activité de développement pré-concurrentielle, la concrétisation des résultats de la recherche industrielle dans un plan, un schéma ou un dessin pour des produits, procédés ou services nouveaux, modifiés ou améliorés, qu'ils soient destinés à être vendus ou utilisés, y compris la création d'un premier prototype qui ne pourrait pas être utilisé commercialement. Elle peut en outre comprendre la formulation conceptuelle de dessins d'autres produits, procédés ou services ainsi que des projets de démonstration initiale ou des projets pilotes, à condition que ces projets ne puissent pas être convertis ou utilisés pour des applications industrielles ou une exploitation commerciale.

(13) Dès qu'il était acquis que les actifs de SLT seraient vendus en dehors de la Bavière, l'une des conditions préalables formelles pour l'octroi des aides n'était plus remplie.