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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 22 avril 2005, n° 05-00772

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbarin

Conseillers :

M. Nivose, Mme Seran

Avocat :

Me Beucher

TGI Paris, 31e ch. corr., du 2 déc. 2004

2 décembre 2004

Rappel de la procédure:

La prévention:

X SARL et Y Martine ont été poursuivis pour:

- Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, le 30/09/2003, à Paris 5e

- exposition ou vente de denrée alimentaire, poisson ou produit agricole falsifié, corrompu ou toxique, le 30/09/2003, à Paris 8e

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré

X SARL et Y Martine non coupables des faits reprochés et les a relaxées des fins de la poursuite.

L'appel:

Appel a été interjeté par:

M. le Procureur de la République, le 10 décembre 2004, contre Madame Y Martine, X SARL

Décision:

Rendue après et avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel du Ministère public, interjeté à l'encontre du jugement entrepris;

Martine Y comparaît, assistée de son avocat;

La SARL X est représentée par son conseil

Rappel des faits et demandes:

A la suite de deux signalements émanant de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes des départements du Pas-de-Calais et des Charentes, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes procédait le 18 novembre 2003 à des contrôles relatifs à deux produits connus sous la dénomination de A et B, commercialisés par la SARL X, dont la gérante était Martine Y.

S'agissant du [produit A], le contrôleur de la DGCCRF constatait que l'étiquetage mentionnait entre autres ingrédients, la présence de levure enrichie en chrome ; or selon la directive n° 2002-46-CE, l'ajout de chrome est autorisé exclusivement sous forme de chlorure de chrome ou de sulfate de chrome.

Concernant le [produit B], il était constaté la présence de gui et de "chrysantellum americanum"; or, selon la DGCCRF, ces deux plantes n'ont pas fait l'objet d'un autorisation préalable d'emploi dans le cadre de la mise en œuvre du règlement 258-97 relatif aux nouveaux ingrédients et aliments.

Le contrôleur constatait par ailleurs que l'étiquetage du [produit B] comportait l'allégation suivante : " accumulation de graisse dans le sang, la prise quotidienne de [produit B] permet d'émulsionner le mauvais cholestérol LDL, ce qui entraîne la désincrustation des dépôts obstruant en partie les artères ; il s'ensuit une mobilisation de ces déchets lipidiques et leur élimination". La DGCCRF soulignait qu'aucune étude ne mettait en évidence le rôle du produit [B] sur le mauvais cholestérol et que cette allégation constituait une publicité mensongère.

Entendue le 30 septembre 2003 par la DGCCRF, Martine Y, expliquait qu'elle était gérante de la SARL X depuis octobre 2001, qu'elle commercialisait trois références de compléments alimentaires parmi lesquels le [produit B] et le [produit A], que leur formule et leur présentation avaient été mises au point par la SARL X avec l'aide d'un concepteur indépendant, mais que la société ne procédait à aucune analyse physico-chimique. Lors de son audition par les services de police, Martine Y reconnaissait les infractions reprochées.

Le Ministère public soutient dans son rapport d'appel que le gui et le chrysantellium sont des ingrédients qui auraient dû faire l'objet de la procédure d'évaluation et d'autorisation prévue par le règlement CE n° 258-97; sur la publicité mensongère, le Ministère public fait valoir que l'étiquetage constitue une publicité selon la jurisprudence de la Cour de cassation ; à l'audience, Madame l'Avocat général s'en rapporte à la justice;

Martine Y, et la société X, demandent à la cour, par voie de conclusions, de confirmer le jugement déféré. Concernant les substances non autorisées, pour le chrome, les prévenues soutiennent que la directive du 10 juin 2002 n'a jamais été transcrite en droit français et qu'il n'existe aucune procédure d'autorisation des ingrédients des compléments alimentaires; s'agissant du gui et du chrysantellium, elles font valoir que le règlement CE-97 n'est pas applicable au cas d'espèce. En ce qui concerne la publicité mensongère, Martine Y et la SARL X se défendent de toute publicité, étant démontré par ailleurs que le [produit B] a des effets bénéfiques pour "émulsionner le mauvais cholestérol".

Sur ce

Sur le délit de mise eu vente de produits falsifiés:

* Sur la levure enrichie en chrome composant le [produit A]:

Considérant que la DGCCRF se fonde sur une directive de l'Union européenne du 10 juin 2002 pour justifier l'interdiction d'un tel produit; considérant que cette directive européenne n'a pas été transcrite et, droit français, bien qu'elle aurait du l'être avant le 31 juillet 2003 ; que la directive européenne autorise pour la fabrication de compléments alimentaires le chlorure et le sulfate de chrome et qu'en l'absence de texte interne rien n'interdit l'utilisation de la levure enrichie en chrome ; qu'aucun élément ne permettant, dès lors, de caractériser l'infraction pénale précitée, il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point.

* Sur la présence de gui et de chrysantellium dans le [produit B]:

Considérant que le règlement CE n° 258-97 du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires qui met en place une procédure d'évaluation et d'autorisation concerne, "la mise sur le marché dans la Communauté d'aliments et d'ingrédients alimentaires pour lesquels la consommation humaine est restée jusqu'ici négligeable dans la Communauté et qui relèvent des catégories suivantes : les aliments et ingrédients alimentaires composés de végétaux ou isolés à partir de ceux-ci et les ingrédients alimentaires isolés à partir d'animaux, à l'exception des aliments et des ingrédients alimentaires obtenus par des pratiques de multiplication ou de reproduction traditionnelles et dont les antécédents sont sûrs en ce qui concerne l'utilisation en tant que denrées alimentaires" ;

Considérant que le gui et le chrysantellium sont des plantes obtenues par des pratiques de multiplication ou de reproduction traditionnelles, qu'aucun élément dans le dossier et en particulier les fiches descriptives des plantes, produites par la DGCCRF, ne permettent d'établir que les antécédents ne sont pas sûrs; qu'en outre il n'est pas démontré que l'utilisation du gui et du chrysantellium était négligeable avant l'entrée en vigueur du règlement CE n° 258-97; qu'en l'état l'infraction n'étant pas constituée, le jugement sera confirmé.

Sur le délit de publicité mensongère:

Considérant que l'allégation relative aux effets bénéfiques du [produit B] sur le mauvais cholestérol n'est prouvée par aucune étude sérieuse, et qu'elle est de nature à induire en erreur le consommateur dès lors qu'il peut prêter à ce complément alimentaire des effets thérapeutiques.

Considérant qu'en l'espèce l'allégation figurait sur la boîte et sur la notice du produit [B]; que l'étiquetage du produit et la notice constituent un moyen d'information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion et de guider son choix et qu'il s'agit, en conséquence d'une publicité; que dès lors, le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur est constitué et que le jugement déféré doit être réformé sur ce point.

Considérant que ni Martine Y, ni la SARL X n'ont été condamnés jusqu'à présent et qu'il convient, en conséquence de les condamner, chacune, à une simple amende.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement : Reçoit l'appel du Ministère public; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé Martine Y et la SARL X du chef de mise en vente de produits falsifiés ; Infirmant le jugement déféré pour le surplus, Déclare Martine Y et la SARL X coupables de publicité mensongère; En répression condamne Martine Y à une amende de 5 000 euro avec sursis et la SARL X à une amende de 10 000 euro.