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Décisions

CA Besançon, 2e ch. com., 30 novembre 2004, n° 03-00701

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prodim (SAS), CSF (SAS)

Défendeur :

Distribution Casino France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Favre

Conseillers :

MM. Polanchet, Vignes

Avoués :

SCP Dumont-Pauthier, Me Graciano

Avocats :

Mes Lehuede, Trombetta

T. com. Lons-Le-Saulnier, du 21 mars 200…

21 mars 2003

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 26 juin 1995, la société Prodim Grand Est a conclu avec la SARL Epicerie Bavoux un contrat de franchise à l'enseigne "8 à huit" pour une durée de cinq ans renouvelable par tacite reconduction par période de trois ans à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis de six mois.

Le même jour, la société Prodim Grand Est a conclu avec la même société un contrat d'approvisionnement, indépendant du premier, pour une durée de cinq ans renouvelable par tacite reconduction pour des périodes d'un an, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis de six mois.

Le 1er juin 1999, la SARL Epicerie Bavoux a adressé à la société Casino France une offre de vente de son fonds de commerce assortie d'une condition de renonciation de tout fournisseur, en particulier la société Prodim Grand Est, à faire jouer tout droit de préférence ou de préemption.

Le 28 juin 1999, la société Casino France a notifié à la SARL Epicerie Bavoux son accord pour l'acquisition de son fonds de commerce moyennant un prix global et définitif de 53 357,16 euro (350 000 F) et dénonciation des conventions de distribution conclues avec la société Prodim, à la suite de quoi la SARL Epicerie Bavoux a fait connaître à la société Prodim le 6 juillet 1999 son souhait de procéder à la résiliation du contrat de franchise du 26 juin 1995 à effet au 1er octobre 1999.

Par lettres du 27 décembre 1999, la société Prodim Grand Est a informé le notaire chargé de la vente du fonds de commerce et la société Casino France qu'elle n'entendait pas faire jouer le pacte de préférence stipulé à l'article 4 du contrat de franchise, qu'elle agréait la société Casino France en qualité de franchisée et entendait voir le contrat poursuivi pour la durée contractuelle restant à courir, soit jusqu'au 26 juin 2003.

Passant outre, la société Casino France a, par acte du 21 janvier 2000, procédé à l'acquisition du fonds de commerce en excluant de celle-ci les contrats de franchise et d'approvisionnement.

Suivant exploit en date du 14 septembre 2001, la société Prodim a assigné la société Casino France devant le Tribunal de commerce de Lons-Le-Saulnier aux fins de la voir condamnée au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Par jugement du 21 mars 2003, auquel la cour se réfère pour l'exposé complet des faits, des moyens et prétentions des parties, ainsi que pour les motifs, le tribunal a débouté la société Prodim de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer à la société Casino France, la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par acte enregistré au greffe de la cour le 9 avril 2003, la société Prodim a interjeté appel de cette décision.

La société CSF, venant aux droits de la société Prodim pour la partie approvisionnement, est intervenue volontairement à l'instance par acte du 15 avril 2003 enregistré sous le n° 03-00750.

Selon ordonnance du 13 mai 2003, la jonction des affaires inscrites sous les n° 03-00701 et 03-00750 a été ordonnée.

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998,

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 18 décembre 2003 par la société Prodim et la société CSF aux termes desquelles elles demandent à la cour de:

- donner acte à la société CSF de son intervention volontaire en cause d'appel, le Tribunal de commerce de Lons-Le-Saulnier, ayant omis de la faire figurer dans la décision rendue,

- réformer la décision entreprise,

- dire que la société Distribution Casino France a trompé la confiance légitime des sociétés Prodim et CSF en renonçant à la condition liée à la résiliation des contrats de franchise et d'approvisionnement, condition qui ne pouvait faire l'objet d'une renonciation de sa part,

- constater que la société Prodim Grand Est, aux droits de laquelle se trouvent les sociétés Prodim et CSF, a déclaré ne pas exercer son pacte de préférence au vu du fait que la vente ne pouvait être passée qu'en cas d'accord de celle-ci à une résiliation amiable des contrats de franchise et d'approvisionnement,

- constater que la société Distribution Casino France a joué un rôle actif dans le processus de rupture des contrats, et a même provoqué cette rupture,

- déclarer ces agissements fautifs sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

En tant que de besoin, déclarer les mêmes constitutifs d'un acte de concurrence déloyale,

En conséquence, condamner la société Distribution Casino France à payer :

- à la société Prodim, à titre de dommages et intérêts :

* la somme de 12 080,17 euro correspondant à la perte de cotisations de franchise du 1er février 2000 au 26 juin 2003,

* la somme de 76 225 euro pour impossibilité de reconstituer localement son réseau,

- à la société CSF, à titre de dommages et intérêts, la somme de 38 410,60 euro pour perte de marge,

- condamner la société Casino France à payer à la société Prodim la somme de 6 000 euro au titre des frais non répétibles prévus par l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à la société CSF la même somme sur le même fondement.

Vu les conclusions déposées le 16 mars 2004 par la société Distribution Casino France concluant à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation des sociétés Prodim et CSF à lui payer la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les pièces régulièrement versées aux débats et la procédure,

Au fond

Attendu que les sociétés Prodim et CSF font grief à la société Distribution Casino France d'avoir commis une faute en renonçant à la condition suspensive à l'acquisition du fonds de commerce propriété de la société Epicerie Bavoux, de résiliation par ses soins de tout contrat d'approvisionnement et de franchise et en jouant un rôle actif dans la rupture de fait desdits contrats par la dénonciation de ceux-ci par le cédant;

Attendu, en réalité, que selon l'article 5 du contrat de franchise dit "contrat 8 à huit" signé entre la société Prodim Grand Est et la SARL Epicerie Bavoux le 26 juin 1995, l'accord a été conclu pour une durée de cinq années pleines et entières, et devait ensuite se renouveler par tacite reconduction par période de trois ans à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec accusé de réception, sous réserve du respect d'un préavis de six mois;

Que par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 6 juillet 1999, la SARL Epicerie Bavoux a fait connaître sa position à la société Prodim concernant le devenir du contrat de franchise dans les termes suivants:

"Par la présente, je vous fais savoir que je souhaite procéder à la résiliation du contrat de franchise intervenu entre nous par acte sous seings privés fait à Septmoncel le 26 juin 1995.

Je souhaite que cette résiliation prenne effet le 1er octobre 1999.

Je vous remercie de bien vouloir me confirmer votre accord."

Attendu que conformément à l'article 4 du contrat de franchise mettant à la charge du franchisé une obligation de notifier à son franchiseur le projet de vente du fonds de commerce, lequel disposait alors de trois mois pour faire jouer ou non son pacte de préférence, la SARL Epicerie Bavoux a fait connaître à la société Prodim le 17 septembre 1999 par l'intermédiaire de son notaire le projet de vente du fonds de commerce et que cette intention a été réitérée par lettre recommandée avec avis de réception du 7 octobre 1999;

Que par lettre du 27 décembre 1999 adressée tant à la SARL Epicerie Bavoux qu'à la société Casino France, la société Prodim a fait connaître sa renonciation à exercer son droit préférentiel et son agrément de la société Casino France en qualité de franchisée 8 à huit, précisant qu'elle entendait voir poursuivi ledit contrat aux mêmes clauses et conditions pour la durée contractuelle restant à courir, soit jusqu' au 26 juin 2003 ;

Mais attendu que par des termes dépourvus d'ambiguïté, la SARL Epicerie Bavoux a, par sa lettre du 6 juillet 1999, manifesté sans équivoque sa volonté de ne pas voir renouvelé le contrat de franchise;

Que si la résiliation avant terme du contrat n'a pas été acceptée par la société Prodim, il n'en demeure pas moins que la volonté de non-renouvellement exprimée par le franchisé valait dénonciation du contrat pour son terme contractuel et que la société Prodim ne pouvait se prévaloir au-delà du 26 juin 2000 d'un prétendu transfert du contrat de franchise à la société Casino France;

Attendu que conformément à l'article 4-2 du contrat de franchise, faute pour le franchiseur d'exercer son droit de préférence, le franchisé a pu procéder à la vente;

Qu'aucun élément ne caractérise en l'espèce une quelconque faute commise par la société Casino France pour n'avoir pas repris les contrats de franchise et d'approvisionnement, alors qu'en cas de mutation du fonds de commerce, de tels contrats ne sont pas automatiquement transférés à l'acquéreur;

Que le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ce point;

Attendu que la société Prodim qui a rédigé le contrat de franchise et a eu l'initiative contractuelle, n'a pu se méprendre sur la portée de ses droits, notamment en cas de dénonciation dudit contrat par le franchisé et a agi à l'encontre de la société Casino France avec une mauvaise foi exactement caractérisée par les premiers juges;

Qu'il s'ensuit que le jugement doit être également confirmé en ce qu'il a fait droit en son principe et apprécié quant au quantum la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Casino France ainsi que l'indemnité pour frais irrépétibles;

Qu'il n'y a toutefois pas lieu à allocation de dommages et intérêts supplémentaires au titre de l'exercice par l'appelante de la voie de recours prévue par la loi;

Attendu que les sociétés Prodim et CSF, qui succombent seront condamnées à payer à l'intimée la somme de 5 000 euro au titre de ses frais irrépétibles d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 mars 2003 par le Tribunal de commerce de Lons-Le-Saulnier, Y ajoutant: Condamne la société Prodim et la société CSF à payer, in solidum, à la société Distribution Casino France la somme de cinq mille euro (5 000 euro) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute la société Distribution Casino France de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif, Condamne les sociétés Prodim et CSF in solidum aux dépens qui, pour ceux d'appel, pourront être recouvrés directement par Maître Graciano, avoué, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.