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Décisions

Cass. crim., 16 janvier 2007, n° 06-82.393

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Guihal

Avocat général :

M. Frechede

Avocats :

SCP Celice, Blancpain, Soltner, SCP Bachellier, Potier de la Varde

Paris, 13e ch., du 6 mars 2006

6 mars 2006

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Simon, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 6 mars 2006, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'infraction à la législation sur le tabac, a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 5 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, de l'article 7 de la loi des 2-17 mars 1791, de l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention, des articles 111-3 et 111-4 du Code pénal, des articles L. 3511-3, L. 3511-1 et L. 3511-2 du Code de la santé publique, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Simon X à verser au CNCT la somme de 20 000 euro de dommages-intérêts ;

"aux motifs que l'article L. 3511-3 du Code de la santé publique qui interdit toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ou des produits du tabac est de portée générale et n'exclut aucun support ; que le mode de conditionnement des cigarettes, peut, s'il présente certaines caractéristiques, être constitutif d'une publicité illicite pour le tabac, même si le paquet comporte par ailleurs les mentions sanitaires obligatoires ; qu'en l'espèce, le paquet de L&M visé à la prévention est intégré dans un habillage cartonné dont le visuel représente une femme de couleur vêtue d'un bustier à plumes et d'un pantalon léopard, chaque extrémité de l'emballage étant fermée par un embout de couleur rouge en polystyrène, que cette présentation inhabituelle, mettant en valeur un personnage féminin qui se caractérise par son originalité et son exotisme, est destinée à l'évidence à présenter le tabac comme un produit lui-même attrayant, largement diffusé dans le monde, cette dernière idée étant renforcée par l'accroche "Appréciée dans plus de 60 pays" ; que ce caractère attrayant du visuel est aussi conforté par les deux embouts de polystyrène rouge vif, particulièrement visibles de par leur couleur, leur matière et leur forme, non usuels pour un paquet de cigarettes ; qu'il en ressort que ces éléments rassemblés transforment le paquet de cigarettes litigieux en support de publicité incitant directement à la consommation du tabac, non seulement le consommateur habituel, mais aussi toute autre personne à la vue de laquelle le conditionnement est naturellement exposé ; qu'en conséquence les faits visés à la prévention sont établis à l'encontre de Simon X qui s'en reconnaît responsable ;

"alors que, premièrement, le principe de légalité des délits et des peines impose une interprétation stricte de la loi pénale ; qu'aucun texte ne réglemente la présentation des paquets de cigarette hormis les mentions légales informatives obligatoires ; qu'en faisant résulter le délit de publicité en faveur du tabac de l'exotisme du visuel ornant l'étui, de la présence, qualifiée d'inhabituelle, d'embouts en polystyrène et de la couleur rouge vif de ces embouts, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors que, deuxièmement, seul constitue une publicité l'acte ayant pour effet de rappeler les produits ou leur marque ; que ni la mention de la marque elle-même, ni le visuel ornant l'étui d'un paquet de cigarettes ne constituent un rappel de la marque mais des éléments nécessaires pour différencier et identifier le produit par rapport aux produits concurrents, que la mention " Appréciée dans plus de 60 pays " ne rappelle ni le produit ni la marque ; qu'en se fondant sur la seule présentation du paquet de cigarette L&M sans constater que cette présentation comportait un rappel du produit ou de sa marque pour dire constitué le délit de publicité en faveur du tabac, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors que, troisièmement, la commercialisation du tabac n'étant pas interdite en France, mais seulement la publicité en faveur du tabac, le principe de la liberté de la concurrence implique la possibilité pour le titulaire d'une marque de faire usage de cette marque et d'éléments visuels ne constituant ni le rappel du produit ni le rappel de la marque pour distinguer son produit de ceux de ses concurrents ; qu'en se fondant sur la seule présentation du paquet de cigarette L&M sans constater que cette présentation comportait un rappel du produit ou de sa marque pour dire constitué le délit de publicité en faveur du tabac, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors que, quatrièmement, toute personne a droit à la liberté d'expression ; que la décoration d'un paquet de cigarettes constitue une manifestation de la liberté de création artistique et graphique de son auteur et est, avec la marque, un objet du droit de propriété commerciale et intellectuelle des fabricants de produits du tabac ; que les seules prescriptions légales relatives aux paquets de cigarettes portent sur la composition du produit, les mentions que l'unité de conditionnement doit reproduire en ce qui concerne la composition et les avertissements sanitaires, ainsi que le nombre de cigarettes pouvant être contenues dans un paquet ; qu'en jugeant que l'exotisme et l'originalité du visuel ornant l'étui du paquet de cigarettes L&M, faisait de ce visuel un des éléments transformant le paquet de cigarettes litigieux en support de publicité prohibée en faveur du tabac, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée aux droits de propriété commerciale et intellectuelle du fabricant" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.