CA Bordeaux, 2e ch., 27 janvier 2004, n° 03-04983
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Idéal France (SA), Dudule (SA)
Défendeur :
Guiot (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frizon de Lamotte
Conseillers :
M. Ors, Mme Gillet
Avoués :
SCP Labory-Moussie, Andouard, SCP Michel Puybaraud
Avocats :
Mes Trassard, Taste, Cornet
Dans le cadre d'une action en responsabilité contractuelle, par acte du 20 mars 2003, les SA Idéal France et Dudule ont saisi le Tribunal de commerce de Blaye pour que la SARL Guiot soit condamnée à leur verser respectivement 270 530 euro et 82 492 euro.
Par une décision du 16 septembre 2003, le tribunal faisant droit à l'exception soulevée par le défendeur s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Nantes.
Le 25 septembre 2003, les SA Idéal France et Dudule ont formé contredit.
La SARL Guiot a conclu le 8 décembre 2003
Les requérantes ont de nouveau conclu le 5 décembre 2003.
Sur quoi LA COUR :
Attendu que la SA Idéal France commercialise les produits de la SARL Guiot depuis 1985.
Attendu que du fait de ces relations et de leur durée, la SA Idéal France bénéficiait de conditions qu'elle qualifie de très spéciales et avantageuses par rapport à tous les autres clients.
Attendu qu'en décembre 1997, la SA Idéal France a racheté la SA Dudule, cette entreprise bénéficiant à partir de 1999 des tarifs avantageux accordés à la première.
Attendu que par courrier du 19 septembre 2001, la SARL Guiot a fait connaître aux SA Idéal France et Dudule qu'elle modifiait la distribution de ses produits.
Attendu que les tarifs proposés pour l'année 2002 étaient en augmentation par rapport à l'année 2001.
Attendu qu'arguant que ces modifications contractuelles avaient été brutales et sans préavis par acte du 20 mars 2003, les SA Idéal France et Dudule ont saisi le Tribunal de commerce de Blaye pour que la SARL Guiot soit condamnée à leur verser en réparation de leurs dommages respectivement 270 530 euro et 82 492 euro.
Attendu que la défenderesse a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Blaye, que c'est ainsi que la décision déférée a été rendue.
Attendu que les demandeurs au contredit soutiennent que leur action fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce a un caractère délictuel, ce qui entraîne la compétence du tribunal du lieu où le préjudice est subi soit le Tribunal de commerce de Blaye.
Attendu que de son coté la SARL Guiot soutient que l'action des demandeurs a un fondement contractuel et qu'en conséquence le Tribunal de commerce de Nantes est seul compétent pour connaître de la demande.
Attendu qu'avant de soutenir que leur action avait un fondement délictuel, les SA Idéal France et Dudule avaient soutenu au contraire son caractère contractuel ; ainsi page trois de [leur] assignation, elles indiquaient toujours au visa de l'article 442-6 du Code de commerce : la SARL Guiot... a donc engagé sa responsabilité contractuelle. L'importance des modifications apportées aux relations contractuelles... équivaut à tout le moins à une rupture partielle des relations contractuelles.
Attendu que si le fait pour un producteur, un commerçant ou un industriel de refuser sans raison de livrer ses produits ou de soumettre la livraison de ses produits à des conditions prohibées, engage bien sa responsabilité délictuelle, puisqu'aucune relation contractuelle n'existe, il n'en est pas de même lorsque deux parties sont liées par des relations habituelles et stables depuis plusieurs années et lorsqu'une d'entre elle sans prévis décide de modifier ces relations.
Attendu qu'en effet dans ce cas du fait de la pratique instaurée par les parties il existe une situation contractuelle dont chacune peut se prévaloir.
Attendu qu'une modification unilatérale de cette situation peut entraîner la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la partie à l'initiative de cette modification.
Attendu que dans le cas d'espèce, la SARL Guiot aurait bien modifié sans préavis les relations existant entre elle et les SA Idéal France et Dudule en augmentant les prix qu'elle pratiquait, que c'est donc bien sa responsabilité contractuelle qui est recherchée.
Attendu qu'en l'espèce, la SARL Guiot a son siège social dans le ressort du Tribunal de commerce de Nantes, que les tarifs de cette entreprise portaient au moins depuis 1999 dans les conditions générales de vente que le Tribunal de commerce de Nantes était seul compétent.
Que dans ces conditions, les SA Idéal France et Dudule ne peuvent qu'être déclarées mal fondées en leur contredit.
Attendu qu'il serait inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare les SA Idéal France et Dudule mal fondées en leur contredit, En conséquence confirme la décision déférée, Y ajoutant devant la cour condamne solidairement les SA Idéal France et Dudule à payer à la SA Guiot la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Dit que les dépens du contredit seront supportés par les SA Idéal France et Dudule sans qu'il soit fait application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile s'agissant d'une procédure sans représentation obligatoire par avoué.