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Décisions

CA Orléans, ch. com., 16 mars 2006, n° 05-00178

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

BASF Agro (SAS)

Défendeur :

Socagra (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Conseillers :

Mme Magdeleine, M. Garnier

Avoués :

SCP Laval-Lueger, SCP Desplanques-Devauchelle

Avocats :

Mes Perrin, Martin

T. com. Tours, du 3 déc. 2004

3 décembre 2004

EXPOSÉ DU LITIGE :

LA COUR statue sur l'appel d'un jugement du Tribunal de commerce de Tours rendu le 3 décembre 2004, interjeté par la société par actions simplifiées (SAS) BASF Agro, suivant déclaration du 31 décembre 2004. Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :

- 18 novembre 2005 (société BASF Agro),

- 28 décembre 2005 (société Socagra).

Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que la société Socagra, ayant pour activité, notamment, la vente en gros de produits phytosanitaires, se fournissait pour ces produits essentiellement auprès de deux fabricants, les sociétés Syngenta et Cyanamid Agro, celle-ci aux droits de laquelle est la société BASF Agro.

La société BASF Agro, par une lettre datée du 19 juillet 2001, signée de MM. Y, directeur commercial, et Z, directeur régional, aurait - la régularité de cette lettre étant discutée entre parties - mis fin, moyennant un préavis d'un an, aux relations établies entre les parties depuis une durée d'environ 15 ans, mais sans que ces relations aient donné lieu à un document écrit. Estimant que la société Socagra ne bénéficiait pas de l'exclusivité même restreinte qu'elle invoquait, la société BASF Agro aurait, pendant la durée du préavis, commencé à livrer des produits directement à certains clients et chargé une concurrente de la société Socagra, la société De Sangosse, d'approvisionner les autres.

C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier de justice du 26 juillet 2002, la société Socagra a saisi le Tribunal de commerce de Tours, dans le ressort duquel, à St-Antoine-du-Rocher, elle est établie, d'une demande fondée, notamment, sur les dispositions de l'article L. 442-6.5° du Code de commerce en vue d'obtenir réparation des différents chefs de préjudices causés par la rupture brutale du contrat de distribution, savoir la perte de marge commerciale (450 231 euro), le détournement de clientèle (même somme) et les frais de licenciement induits par la réorganisation de l'activité de l'entreprise (29 611 euro), ces prétentions étant ensuite reformulées devant le tribunal de commerce en une demande principale d'annulation de la décision de résiliation du contrat, comme émanant de deux salariés de la société BASF Agro n'ayant pas le pouvoir de l'engager, et une demande consécutive de réintégration comme distributeur des produits BASF Agro, la demande initiale devenant subsidiaire.

Par le jugement aujourd'hui déféré à la cour, le tribunal, après avoir retenu sa compétence territoriale contestée et écarté la nullité de la lettre de rupture du 19 juillet 2001, a estimé que la durée du préavis n'était pas suffisante d'autant que, pendant l'année accordée à cette fin, la société Socagra a perdu son autre fournisseur, la société Syngenta, ce que savait la société BASF Agro et qu'un préavis de 18 mois était nécessaire, le jugement ajoutant que, même en l'absence de l'exclusivité revendiquée par la société Socagra, la société BASF Agro, en lui faisant aussitôt concurrence, ne lui a pas permis d'exécuter le préavis dans des conditions normales, la plaçant de ce fait dans un état de dépendance économique.

Le tribunal a donc estimé qu'au lieu d'un préavis, la société BASF Agro aurait dû accorder à son distributeur une indemnité de 337 673,28 euro, correspondant à la perte de marge brute - calculée sur la moyenne des trois campagnes 1998/1999, 1999/2000 et 2000/2001 - sur la durée de 18 mois retenue comme durée normale du préavis par le jugement. C'est cette somme que ce dernier alloue finalement à titre de dommages et intérêts à la société Socagra.

La société BASF Agro a relevé appel de cette décision, dont elle demande l'infirmation, sauf en ce qu'elle validé la décision de résiliation des relations contractuelles existant entre les parties.

La société Socagra a formé appel incident pour faire juger, à titre principal, que la lettre de résiliation était sans portée et obtenir, en conséquence, des dommages et intérêts pour la réparation du préjudice subi jusqu'à sa réintégration comme distributeur, ainsi qu'il est escompté du présent arrêt.

Subsidiairement, la société Socagra conclut à la confirmation du jugement en son principe, sauf à augmenter les dommages et intérêts alloués dans les proportions indiquées dans l'assignation introductive de l'instance devant le premier juge. En cause d'appel, chaque partie a présenté plus précisément les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 18 janvier 2006, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur la régularité de la rupture des relations établies entre les parties :

Attendu qu'à la date de signature et d'envoi de la lettre de rupture du 19 juillet 2001, il est exact, au vu des pièces versées aux débats et comme le souligne la société Socagra, que la société BASF Agro avait la forme d'une société par actions simplifiées, dont le président était M. A, lequel n'a cessé ses fonctions que le 21 août 2001 ; qu'il est aussi exact que le seul des deux signataires de la lettre de résiliation dont la société BASF Agro analyse les pouvoirs, M. Z, directeur régional France-Ouest - rien n'étant dit à ce sujet de M. Y, directeur commercial -, ne détenait formellement de délégation de pouvoir, pour conclure la plupart des contrats commerciaux, dont ceux intéressant la distribution, que de M. Bonnard, président du directoire de la société BASF France, société-mère de la société BASF Agro SAS, société du groupe BASF spécialisée dans l'agrochimie ; qu'il est encore exact, contrairement à ce qu'a retenu le jugement, qu'une telle délégation donnée le 1er février 1999 ne pouvait s'appliquer en l'espèce, dès lors, non seulement, que le pouvoir de signer un contrat, aux seuls termes de la délégation en cause, n'implique pas nécessairement celui d'y mettre fin, mais aussi que cette délégation n'émanait pas d'une personne ayant pouvoir d'engager juridiquement la SAS, peu important que celle-ci constitue une filiale de la société BASF France et que le contrat de travail de M. Z ait été transféré à ce nouvel employeur sans modification ;

Que, pour autant, la société Socagra ne peut se fonder sur la signature de la lettre de rupture par M. Z pour en déduire que la société BASF Agro n'aurait pas mis fin à leurs relations commerciales ; qu'en effet, en l'espèce, il ne s'agit pas de savoir qui avait qualité pour représenter la SAS en justice, cas où un tiers pouvait effectivement, en l'état de l'article L. 227-6 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, contester à tout autre que le président le pouvoir d'agir, sauf délégation dûment justifiée ; qu'il ne s'agit pas, non plus, de déterminer si la société est elle-même engagée envers un tiers, en vertu d'un mandat apparent - qui en l'espèce serait d'ailleurs établi, compte tenu des importantes responsabilités de M. Z, dont les fonctions de Directeur régional France-Ouest le qualifiait, selon la définition de ce poste par l'entreprise, pour être l'interlocuteur des distributeurs de sa zone de compétence géographique - mais d'apprécier si ce tiers peut dénier toute portée à son égard à une lettre signée par un préposé de la société, alors que celle-ci, par l'organe de ses nouveaux dirigeants en reprend, comme le montre le déroulement du procès, tous les termes à son compte, ce qui équivaut à une ratification et confirme l'existence d'une délégation tacite de pouvoirs en matière contractuelle, et non judiciaire ;

Qu'en conséquence, la notification de la résiliation des relations commerciales est régulière et que la société Socagra ne peut prétendre être réintégrée en tant que distributeur des produits BASF Agro ;

Sur l'existence de l'exclusivité revendiquée par la société Socagra :

Attendu qu'au préalable, il sera relevé que la société Socagra, qui rappelle elle-même à juste titre qu'il n'existe aucun écrit entre les parties formalisant leurs relations fournisseur-distributeur - les documents écrits au dossier ne se rapportant qu'à des contrats distincts de coopération commerciale et de la convention "Relais régionaux-Cyanamid", invoquée par la Socagra, on ne peut déduire aucune exclusivité - et, à plus forte raison, définissant l'exclusivité dont elle se prévaut, considère qu'elle ne bénéficiait que d'une exclusivité restreinte, mais certaine, en ce sens que, sur le territoire concédé, elle aurait été la seule à pouvoir vendre certains produits (en dernier lieu, selon ses conclusions visées dans l'exposé du litige, les produits agrophamarceutiques pour les semences hybrides de maïs, tournesol, colza et pour les pois, à condition que ces produits appartiennent à l'ancienne gamme Cyanamid) à certains clients, à l'exclusion des coopératives et des négociants adhérents à certains groupements ; qu'il est donc particulièrement difficile, en l'absence de tout écrit et face à autant de restrictions, de traduire, en l'espèce, l'existence d'une exclusivité claire et non équivoque, dont la lecture des écritures successives de la société Socagra montre que, depuis l'assignation introductive de l'instance devant le premier juge du 26 juillet 2002, qui faisait état, en p. 10, d'une "certaine forme d'exclusivité de distribution", elle n'a cessé de varier dans son périmètre, notamment en ce qui concerne les groupements de négociants exclus de la clientèle de la société Socagra, celle-ci restreignant sa prétendue exclusivité à ce sujet au fur et à mesure que la société BASF Agro élevait à ce propos des objections, la société Socagra ne parvenant pas à définir clairement les "certains" - adjectif dont elle use volontiers - clients et "certains" produits couverts prétendument par l'exclusivité ; qu'il a fallu, en effet, attendre l'instruction de l'affaire devant la cour d'appel pour avoir une définition enfin achevée du périmètre de l'exclusivité quant aux clients, ce qui démontre déjà qu'elle est sujette à caution ;

Qu'indépendamment de son caractère évolutif au cours de l'instance, la délimitation, dans ses derniers contours, manque de cohérence, puisque par exemple, en p. 13 de ses dernières conclusions, la société Socagra indique que les coopératives, sans exception, étaient fournies directement par Cyanamid, repris par BASF Agro ; que, pourtant, au dossier, sont produits plusieurs documents démontrant que, sur le territoire revendiqué, la société Socagra a livré des marchandises à des coopératives, et, pour certaines d'entre elles, de manière assez systématique ; que tel est le cas, si l'on écarte la coopérative Celmar de la Souterraine, qui se trouve dans le département de la Creuse, et n'est donc pas concernée, de la Coopérative des agriculteurs du Chinonais (Indre-et-Loire) ; qu'on ne parvient donc pas, à l'analyse des écritures rapprochées des pièces, à déterminer si les coopératives faisaient ou non partie de la clientèle de la société Socagra ;

Que, pas plus clairement, et compte tenu de la même évolution dans son argumentation, on ne parvient à définir le territoire concédé, ce qui serait pourtant essentiel en matière d'exclusivité ; qu'en effet, indiquant (p. 12 de ses dernières conclusions) exercer son activité de commercialisation sur quinze départements, elle ne revendique (p. 13) l'exclusivité territoriale que sur 8 départements : tous ceux de la région Centre, moins celui d'Eure-et-Loire (soit cinq départements), deux de la région Pays de la Loire (Maine-et-Loire et Sarthe), un de la région Poitou-Charentes (Vienne), mais pas les Deux-Sèvres, dont le sort devant les premiers juges était incertain et qui l'est tout autant aujourd'hui, puisque la Socagra, tout en déniant toute exclusivité à son profit dans ce département, produit elle-même des pièces, notamment de la société Terres de Sèvre, établie à Brulain, c'est-à-dire justement dans le département des Deux-Sèvres - l'attestation de cette société (pièce 50) étant même mise en exergue en p. 15 des conclusions, en haut - qui prétend que la Socagra était sa seule distributrice autorisée des produits de la gamme Cyanamid ; qu'autrement dit, bien que de nombreux clients viennent prétendre, en termes quasi-identiques dans leurs attestations, que la Socagra était bien distributeur exclusif de ces produits, que M. A, ancien président de la société BASF Agro, mais révoqué depuis, le confirme, tout en donnant lui-même une autre définition du territoire prétendument concédé (incluant les Deux-Sèvres, dont la Socagra ne veut pas, bien qu'elle se fonde sur une attestation d'un client de ce département pour prouver sa qualité de distributeur exclusif ; ne citant, en revanche, ni le Loiret, ni le Loir-et-Cher, pourtant revendiqués par la Socagra). La cour ne peut que constater qu'il n'existe pas de cohérence dans la détermination exacte du territoire concédé, d'où il résulte qu'il n'existait pas, en l'espèce d'exclusivité ;

Attendu, enfin, que, contrairement à ce que la Socagra soutient, la société BASF Agro, démontre, par la production de plusieurs volumes de statistiques de vente correspondant à des campagnes remontant de deux à trois ans avant la rupture des relations commerciales, auxquelles la Socagra oppose un démenti bien rapide, en p. 12 de ses conclusions, qu'elle-même directement ou son autre revendeur, la société de Sangosse fournissaient déjà en produits de la gamme Cyanamid, et dans des quantités qui ne sont pas de dépannage - ce qui importerait d'ailleurs assez peu -, les clients établis dans le territoire prétendument concédé et dont certains ont estimé pouvoir par ailleurs attester de l'exclusivité revendiquée par la Socagra ; que la seule défense sérieuse développée sur ce point par la Socagra consiste à prétendre, restreignant encore un peu plus son exclusivité, qu'elle n'était le distributeur exclusif que de "certains"produits, qu'elle énumère par leur nom en p. 11 de ses conclusions ; que, cependant, la société Socagra qui, au même endroit de ses conclusions, avait d'abord écrit qu'elle était le distributeur exclusif des produits agropharmarceutiques pour semences hybrides, repris par la société BASF Agro de la gamme Cyanamid en général, restreint encore abusivement ces produits à une liste arbitraire - ne tenant aucun compte, par exemple, des produits destinés à la grande culture, à l'arboriculture ou à la viticulture - pour établir une exclusivité encore plus restreinte par produits cette fois ; que la cour observe, cependant, que, même en suivant la Socagra sur ce terrain, il demeure des incohérences ; que, par exemple, pour le département de la Sarthe, qui figurerait dans le territoire concédé à titre exclusif, il est établi que, du 1er juillet 2000 au 27 avril 2001, les établissements Benoît SA, à Bonnetable, les établissements Bruno Brard à Mont Saint Jean, les établissements Ferard à Bernay en Champagne, qui ne sont pas des coopératives et groupements de négociants exclus, se sont fournis auprès d'un autre revendeur, en Assert 300 et Prowl, qui sont des herbicides de la gamme Cyanamid-Agro expressément cités en pp. 11 et 12 des conclusions de la société Socagra ; qu'il en de même pour plusieurs acheteurs du Cher ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Socagra n'établit l'existence d'aucune exclusivité ;

Sur le préavis et le caractère prétendument brutal de la rupture :

Attendu, d'abord qu'il ne résulte pas des pièces communiquées au dossier que la société BASF Agro aurait laissé croire, de mauvaise foi, à la société Socagra que leurs relations se maintiendraient et même s'intensifieraient, ce qui ne résulte pas, en tout cas, du maintien, ni même d'un accroissement modéré, du volume de commandes entre elles pendant la dernière campagne ayant précédé la notification de la rupture en juillet 2001 ; que, par ailleurs, la société BASF Agro n'a jamais fait mystère, après la reprise de l'activité Cyanamid, de l'évolution de sa politique commerciale et de sa volonté de concentrer son réseau de distribution, sans donner d'assurance à cet égard qu'elle choisirait la société Socagra ;

Que, dès lors, aucune rupture brutale ou abusive des relations commerciales existant entre les parties, qui n'étaient pas exclusives, n'est établie et l'octroi, après une durée de quinze ans, d'un préavis d'un an, ne prenant fin qu'à l'issue de la prochaine campagne agricole en juin 2002 apparaît, dans les circonstances de la cause, suffisant pour permettre au distributeur de se réorganiser, c'est-à-dire, en l'espèce, pour trouver un nouveau fournisseur de produits phytosanitaires ou, plus généralement, pour diversifier ses sources d'approvisionnement auprès de ses clients, sur un marché où, malgré la réduction invoquée des opérateurs, il existait encore au moins cinq fabricants importants ; qu'à titre de simple exemple, sur la durée d'un an, la cour indique ici que c'est ce même préavis qu'elle avait estimé suffisant pour la rupture de relations fournisseur-client ayant duré depuis quinze ans (aff. 625-2003, SECD c. John Deere, arrêt Chambre commerciale de la Cour d'appel d'Orléans du 27 mai 2004) ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Socagra, elle n'a jamais été en situation de dépendance économique vis-à-vis de BASF Agro, ne réalisant, en moyenne, qu'entre 20 et 25 % de son chiffre d'affaires annuel avec des produits BASF Agro et encore moins placée par celle-ci dans une telle position, peu important que, dans un temps voisin, un autre fournisseur de la société Socagra, représentant une proportion plus importante (plus du tiers) ait lui aussi rompu ses relations commerciales avec elle, ce dont on ne peut faire grief à la société BASF Agro qui n'a en rien provoqué cette situation, contrairement à ce qu'a retenu le jugement, même si elle ne l'ignorait pas ;

Que l'exécution du préavis n'est pas davantage sujette à critique ; qu'il convient de rappeler que la société Socagra ne bénéficiait pas d'une exclusivité, ce qui est un point essentiel ; qu'aucun refus ne lui a jamais été opposé par la société BASF Agro pour des commandes que celle-ci lui aurait passées pendant l'exécution du préavis ; que, notamment, sont produites au dossier des commandes de Prowl et Assert parfaitement honorées, en septembre et octobre 2001, à une époque où, déjà, la société Socagra savait depuis juillet-août, d'après ses propres pièces, que certains clients à qui elle vendait, sans exclusivité, des produits BASF Agro étaient livrés directement, comme cela arrivait aussi avant ; qu'une importante commande, sur laquelle la société Socagra reste discrète, d'un montant de plus de 600 000 euro a encore été passée en décembre 2001, puis préparée par BASF Agro, pour être finalement refusée par Socagra elle-même le 7 janvier 2002 au motif que BASF Agro aurait demandé à des clients - ce que Socagra savait, de toute façon, à l'en croire depuis août 2001 et explique mal l'existence d'une importante commande en décembre 2001- de ne plus s'approvisionner chez elle, ce qui n'est pas logique, car, à moins de la soupçonner d'une particulière duplicité, on ne voit pas pourquoi BASF Agro aurait menti en écrivant dans sa lettre de protestation du 14 janvier 2002 au gérant de la SARL Socagra : "Comment pouvez-vous affirmer que nous demandons à vos clients de ne plus s'adresser à vous alors qu'en vous approvisionnant en produits, BASF Agro vous permet justement de livrer vos clients ?" ; qu'en outre, une télécopie du 2 juillet 2002 du gérant de la Socagra exprime en fin de préavis que, sous une seule réserve mineure, tous les accords relatifs aux conditions commerciales convenus lors du lancement de campagne ont été respectés, ce qui ne laisse pas penser à une exécution dans des conditions anormales du préavis et confirme aussi que, contrairement à ce que la Socacra soutient, le début de campagne était bien septembre 2001 et qu'un préavis d'une durée d'une campagne était suffisant ; qu'alors qu'elle était, selon ses déclarations, informée des pratiques qualifiées de déloyales imputées à la société BASF Agro depuis août-septembre 2001 par des clients, le ton de cette télécopie surprend, si ces pratiques avaient réellement existé ; qu'en réalité, toute la motivation du jugement, qui avait lui-même pourtant écarté l'exclusivité alléguée, revient à dire, non pas que le préavis devait servir à la société Socagra pour trouver des produits équivalents ou substituables, qui existaient, mais à la protéger contre ses concurrents sur un marché où elle n'avait aucune exclusivité et où ces concurrents opéraient déjà ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Socagra, qui a, de son propre chef, cessé tout approvisionnement auprès de la société BASF Agro, n'est pas fondée à demander l'indemnisation de la perte de sa marge commerciale pendant deux ans, l'indemnisation du détournement d'une clientèle qui ne lui appartient pas et dont rien n'établit, à part des attestations de quelques clients à la mémoire sélective, qui ne peuvent être prises en considération, qu'elle aurait été démarchée afin qu'elle cesse immédiatement de s'approvisionner auprès de Socagra, à qui BASF Agro continuait d'effectuer normalement des livraisons, ou encore le remboursement du coût de licenciements ;

Attendu, en conséquence, que les demandes de la société Socagra seront rejetées ;

Sur les demandes accessoires :

Attendu que la société Socagra supportera les dépens d'appel et, à ce titre, versera à la société BASF Agro, pour l'ensemble des frais hors dépens exposés devant les deux degrés de juridiction, la somme de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la société Socagra tendant à l'annulation de la résiliation de la rupture du contrat de distribution conclu entre elle et la société BASF Agro SAS et à sa réintégration en qualité de distributeur avec toutes conséquences ; L'infirme pour le surplus et, Statuant à nouveau : dit que la société Socagra ne bénéficiait d'aucune exclusivité, que le préavis accordé par la société BASF Agro SAS était d'une durée suffisante et s'est exécuté normalement ; En conséquence, rejette les demandes de la société Socagra ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société BASF Agro SAS la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Accorde à la SCP Laval-Lueger, titulaire d'un office d'avoué près la Cour d'appel d'Orléans, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.