CJCE, 7e ch., 26 janvier 2007, n° C-273/06
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Auto Peter Petschenig GmbH
Défendeur :
Toyota Frey Austria GmbH
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Klucka
Rapporteur :
M. Caoimh
Avocat général :
M. Mazak
Juges :
M. Caoimh, Mme Lindh
LA COUR (septième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1475-95 de la Commission, du 28 juin 1995, concernant l'application de l'article [81] paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO L 145, p. 25).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Auto Peter Petschenig GmbH (ci-après "Petschenig") à Toyota Frey Austria GmbH (ci-après "Toyota Frey") au sujet de la validité de la résiliation par cette dernière, avec un préavis d'un an, de l'accord qu'elle avait conclu avec Petschenig en vue de la distribution en Autriche de véhicules automobiles de la marque Toyota.
Le cadre juridique
3 Aux termes du dix-neuvième considérant du règlement n° 1475-95:
"L'article 5 paragraphe 2 points 2 et 3 et paragraphe 3 fixe des conditions minimales d'exemption pour la durée et la résiliation de l'accord de distribution et de service de vente et d'après-vente parce que, en raison des investissements du distributeur pour améliorer la structure de la distribution et du service des produits contractuels, la dépendance du distributeur vis-à-vis du fournisseur est considérablement accrue en cas d'accords conclus à court terme ou résiliables à brève échéance. Toutefois, pour ne pas entraver le développement de structures flexibles et efficaces de distribution, il convient de reconnaître au fournisseur un droit extraordinaire de mettre fin à l'accord en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau. [...]"
4 L'article 1er du règlement n° 1475-95 exempte de l'interdiction visée à l'article 81, paragraphe 1, CE les accords par lesquels un fournisseur charge un revendeur agréé de promouvoir la distribution des produits contractuels dans un territoire déterminé et s'engage à lui réserver, dans le cadre de ce territoire, l'approvisionnement en véhicules automobiles et en pièces de rechange.
5 L'article 4, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que l'engagement par lequel le distributeur s'oblige à observer des exigences minimales dans la distribution ainsi que dans le service de vente et d'après-vente concernant, notamment, l'équipement de l'exploitation commerciale ou la réparation et l'entretien des produits contractuels ne fait pas obstacle à l'exemption.
6 L'article 5, paragraphes 2 et 3, de ce même règlement prévoit:
"2. Lorsque le distributeur a assumé des obligations visées à l'article 4 paragraphe 1 pour améliorer la structure de la distribution et du service de vente et d'après-vente, l'exemption s'applique à condition que:
[...]
2) la durée de l'accord soit d'au moins cinq ans ou que le délai de résiliation ordinaire de l'accord conclu pour une période indéterminée soit d'au moins deux ans pour les deux parties [...]
[...]
3. Les conditions d'exemption prévues aux paragraphes 1 et 2 ne préjugent pas:
- du droit du fournisseur de résilier l'accord moyennant un préavis d'au moins un an en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau,
[...]
Dans chaque cas, les parties doivent, en cas de désaccord, accepter un système de règlement rapide du litige, tel le recours à un tiers expert ou à un arbitre, sans préjudice du droit des parties de saisir le tribunal compétent conformément aux dispositions du droit national applicable."
7 À compter du 1er octobre 2002, le règlement n° 1475-95 a été remplacé par le règlement (CE) n° 1400-2002 de la Commission, du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile (JO L 203, p. 30).
8 L'article 4 du règlement n° 1400-2002, intitulé "Restrictions caractérisées", prévoit à son paragraphe 1:
"L'exemption ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sous le contrôle des parties, ont pour objet:
[...]
b) la restriction du territoire sur lequel, ou de la clientèle à laquelle, le distributeur ou le réparateur peut vendre les biens ou les services contractuels; l'exemption est néanmoins applicable à:
i) la restriction des ventes actives sur un territoire exclusif ou à une clientèle exclusive réservés au fournisseur ou concédés par le fournisseur à un autre distributeur ou réparateur, lorsqu'une telle restriction ne limite pas les ventes par les clients du distributeur ou du réparateur;
[...]
iii) la restriction des ventes, par les membres d'un système de distribution sélective, de véhicules automobiles neufs et de pièces de rechange à des distributeurs non agréés sur les marchés où la distribution sélective est pratiquée, sous réserve des dispositions du point i);
[...]
d) la restriction des ventes actives ou passives de voitures particulières ou véhicules utilitaires légers neufs, de pièces de rechange pour tous les véhicules automobiles ou de services de réparation et d'entretien pour tous les véhicules automobiles à des utilisateurs finals par les membres d'un système de distribution sélective qui exercent leurs activités au niveau du commerce de détail sur les marchés où la distribution sélective est pratiquée.
[...]
e) la restriction des ventes actives ou passives de véhicules automobiles neufs autres que les voitures particulières ou les véhicules utilitaires légers à des utilisateurs finals par les membres d'un système de distribution sélective agissant au niveau du commerce de détail sur des marchés où la distribution sélective est pratiquée, sans préjudice de la faculté du fournisseur d'interdire à un membre de ce système d'exercer ses activités à partir d'un lieu d'établissement non agréé;
[...]
g) la restriction de la capacité du distributeur de sous-traiter la fourniture de services de réparation et d'entretien à des réparateurs agréés [...]
[...]
h) la restriction de la capacité du réparateur agréé de limiter ses activités à la fourniture de services de réparation et d'entretien et à la distribution de pièces de rechange;
[...]
9 L'article 5 de ce même règlement, intitulé "Conditions spécifiques", dispose que l'exemption ne s'applique pas aux obligations qui y sont énumérées et qui sont contenues dans des accords verticaux.
10 L'article 10 du règlement n° 1400-2002 prévoit:
"L'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, ne s'applique pas, pendant la période du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2003, aux accords déjà en vigueur au 30 septembre 2002 qui ne remplissent pas les conditions d'exemption prévues par le présent règlement, mais qui remplissent les conditions d'exemption prévues par le règlement [...] n° 1475-95."
Le litige au principal et les questions préjudicielles
11 Le 15 octobre 1996, Toyota Frey a conclu avec Petschenig, qui était concessionnaire de véhicules automobiles de la marque Toyota en Autriche depuis 24 ans, un nouvel accord de concession en vue de la distribution desdits véhicules dans cet Etat membre (ci-après la "convention de concession").
12 L'article 12, paragraphes 1 à 3, de cette convention de concession, intitulé "Durée du contrat et résiliation du contrat", stipule:
"1) Le présent contrat commence à s'appliquer le 1er octobre 1996 et (il) est conclu pour une durée indéterminée.
2) Il peut être résilié à tout moment par les deux parties avec un préavis de 24 (vingt-quatre) mois à compter de la fin du mois, et ce sans indication de motifs.
3) S'il s'avère nécessaire de restructurer le réseau de distribution dans son ensemble ou pour une part substantielle, en particulier parce que le fabricant résilie pour quelque raison que ce soit le contrat d'importation conclu avec l'importateur général, ce dernier peut résilier le contrat avec un préavis de 12 (douze) mois à compter de la fin du mois."
13 Par lettre du 16 septembre 2002, Toyota Frey a résilié la convention de concession avec effet au 30 septembre 2003. Aux termes de cette lettre, Toyota Frey expose ce qui suit:
"Il est prévu à l'article 12, paragraphe 3, [de la convention] de concession E...] que vous avez conclue avec nous que, en conformité avec l'article 5, paragraphe 3, du règlement [...] n° 1475-95, Toyota Frey [...], en tant qu'importateur général, peut résilier le contrat avec un préavis de [douze] mois à compter de la fin du mois s'il s'avère nécessaire de restructurer le réseau de distribution dans son ensemble ou pour une part substantielle. Une telle nécessité naît à l'expiration dudit règlement d'exemption par catégorie ou de l'entrée en vigueur du nouveau règlement [...] n° 1400-2002.
Nous résilions par conséquent votre [convention] de concession [...] pour les raisons susmentionnées en respectant le délai de préavis de [douze] mois, de sorte que le contrat expire le 30 septembre 2003".
14 Petschenig a saisi la juridiction de renvoi d'une demande de réparation du dommage subi du fait de cette résiliation avec préavis réduit d'un an.
15 À l'appui de son recours, Petschenig soutient que Toyota Frey n'a pas procédé à la restructuration de l'ensemble ou d'une partie substantielle de son réseau de distribution lors de l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002. En effet, presque tous les anciens concessionnaires se seraient vu proposer un nouveau contrat et tous les sous-distributeurs auraient conclu un nouveau contrat d'atelier. En vue d'adapter la convention de concession, Toyota Frey aurait donc pu résilier celle-ci avec un préavis de deux ans en proposant une solution transitoire sous la forme d'un avenant à cette convention pour la période comprise entre l'entrée en vigueur dudit règlement et l'expiration du délai de préavis.
16 Toyota Frey fait valoir, en revanche, que, puisque son réseau de distribution était organisé dans le plein respect des principes énoncés par le règlement n° 1475-95, il était nécessaire de le restructurer dans son ensemble lors de l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002, en vue, en particulier, de transformer un système combiné de distribution exclusive et de distribution sélective en un système purement sélectif.
17 La juridiction de renvoi s'interroge dès lors sur le point de savoir si l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002 implique la nécessité d'une réorganisation d'un tel réseau de distribution au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475-95.
18 Dans ces conditions, le Handelsgericht Wien a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1) Faut-il interpréter l'article 5, paragraphe [3, premier alinéa], premier tiret, du règlement [...] n° 1475-95 [...] en ce sens que la seule entrée en vigueur du règlement [...] n° 1400-2002 [...] déclenchant ainsi une simple adaptation d'un système de distribution - fondé sur le règlement [...] n° 1475-95 et exempté par celui-ci - aux exigences de l'exemption d'un système de distribution sélective au titre du règlement [...] n° 1400-2002, doit être considérée comme une nécessité de restructuration au sens de l'article 5, paragraphe 3, [premier alinéa], premier tiret, du règlement [....] n° 1475-95 ?
2) En cas de réponse négative à la première question: [f]aut-il interpréter l'article 5, paragraphe 3, [premier alinéa], premier tiret, du règlement [...] n° 1475-95 [...] en ce sens que la simple disparition - concernant les systèmes de distribution sélective - de l'ancienne protection territoriale des concessionnaires, même en combinaison avec l'autorisation, impossible dans le passé en vertu du règlement [...] n° 1475-95, des garages agréés qui ne sont pas concessionnaires de cette marque, représente déjà une restructuration au sens de l'article 5, paragraphe 3, [premier alinéa], premier tiret, du règlement [...] n° 1475-95 ou faut-il une preuve de mesures effectives de restructuration ?"
Sur les questions préjudicielles
19 Conformément à l'article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué ou lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l'avocat général, à tout moment, statuer par voie d'ordonnance motivée comportant référence à l'arrêt précédent ou à la jurisprudence en cause.
20 Il y a lieu, ainsi que l'ont fait valoir Toyota Frey, les gouvernements autrichien et italien ainsi que la Commission des Communautés européennes dans leurs observations écrites, de faire application de cette disposition dans la présente affaire. En effet, celle-ci s'inscrit dans le même cadre juridique et factuel que les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 7 septembre 2006, Vulcan Silkeborg (C-125-05, non encore publié au Recueil), et du 30 novembre 2006, Brünsteiner et Autohaus Hilgert (C-376-05 et C-377-05, non encore publié au Recueil).
Sur la première question
21 Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002 était, par elle-même, de nature à rendre nécessaire la réorganisation du réseau de distribution d'un fournisseur au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475-95.
22 La Cour a déjà répondu à cette question dans ses arrêts précités Vulcan Silkeborg ainsi que Brunsteiner et Autohaus Hilgert, en disant pour droit que l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002 ne rendait pas, par elle-même, nécessaire la réorganisation du réseau de distribution d'un fournisseur au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475-95.
23 À cet égard, la Cour a relevé, en particulier, que, si le règlement n° 1400-2002 a certes introduit des modifications substantielles par rapport au régime d'exemption par catégorie institué par le règlement n° 1475-95, les changements susceptibles d'être apportés par les fournisseurs à leurs accords de distribution afin de s'assurer que ceux-ci continuent de relever de l'exemption par catégorie pouvaient résulter d'une simple adaptation des contrats en vigueur à la date à laquelle ce dernier règlement a cessé d'être applicable pendant la période transitoire d'un an prévue à l'article 10 du règlement n° 1400-2002. Une telle adaptation n'entraînait donc automatiquement ni la nécessité, au regard du droit national applicable, de résilier ces contrats ni, en tout état de cause, celle de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau de distribution (arrêts précités Vulcan Silkeborg, points 59 à 61, ainsi que Brünsteiner et Autohaus Hilgert, point 32).
24 Toutefois, la Cour a également jugé, dans ces mêmes arrêts, que l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002 avait néanmoins pu, dans certains cas, en fonction des particularités de l'organisation spécifique du réseau de distribution de chaque fournisseur, rendre nécessaires des changements d'une importance telle que ceux-ci doivent être considérés comme constituant une véritable réorganisation de l'ensemble ou d'une partie substantielle dudit réseau au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, dudit règlement (voir, en ce sens, arrêts précités Vulcan Silkeborg, points 62 et 65, ainsi que Brünsteiner et Autohaus Hilgert, points 31 et 38).
25 À cet égard, la Cour a précisé qu'une "réorganisation de l'ensemble ou d'une partie substantielle du réseau" au sens de cette disposition exige une modification significative, tant sur le plan matériel que sur le plan géographique, des structures de distribution du fournisseur concerné, laquelle peut porter, notamment, sur la nature ou la forme de ces structures, leur objet, la répartition des tâches internes au sein de telles structures, les modalités de la fourniture des produits et services concernés, le nombre ou la qualité des participants auxdites structures ainsi que leur couverture géographique (voir, en ce sens, arrêts précités Vulcan Silkeborg, points 29 et 30, ainsi que Brünsteiner et Autohaus Hilgert, point 34).
26 Quant à la condition prévue à l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475-95 relative à la "nécessité" de la réorganisation, la Cour a indiqué que cette condition exige que la réorganisation puisse être justifiée d'une manière plausible par des motifs d'efficacité économique fondés sur des circonstances objectives internes ou externes à l'entreprise du fournisseur qui, à défaut d'une réorganisation rapide du réseau de distribution, seraient susceptibles, compte tenu de l'environnement concurrentiel dans lequel opère ce fournisseur, de porter atteinte à l'efficacité des structures existantes dudit réseau (voir, en ce sens, arrêts précités Vulcan Silkeborg, point 37, ainsi que Brünsteiner et Autohaus Hilgert, point 36).
27 Partant, le seul fait que le fournisseur estime, en se fondant sur une appréciation commerciale subjective de la situation de son réseau de distribution, qu'une réorganisation de celui-ci est nécessaire ne saurait suffire à lui seul pour démontrer la nécessité d'une telle réorganisation au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475-95. En revanche, les éventuelles conséquences économiques défavorables que serait susceptible de subir un fournisseur dans l'hypothèse où il procéderait à une résiliation de l'accord de distribution avec un préavis de deux ans sont à cet égard pertinentes (arrêts précités Vulcan Silkeborg, point 38, ainsi que Brünsteiner et Autohaus Hilgert, point 37).
28 En conséquence, il y a lieu de répondre à la première question que l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002 ne rendait pas, par elle-même, nécessaire la réorganisation du réseau de distribution d'un fournisseur au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475-95. Toutefois, cette entrée en vigueur a pu, en fonction de l'organisation spécifique du réseau de distribution de chaque fournisseur, rendre nécessaires des changements d'une importance telle qu'ils constituent une véritable réorganisation dudit réseau au sens de cette disposition.
Sur la seconde question
29 Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si la mise en place par un fournisseur, après l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002, d'un système de distribution sélective dans le cadre duquel, d'une part, les distributeurs ne font plus l'objet d'une restriction du territoire sur lequel ils peuvent vendre les produits contractuels et, d'autre part, les réparateurs agréés peuvent limiter leurs activités à la seule fourniture de services de réparation et d'entretien constitue une réorganisation du réseau de distribution au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475-95.
30 La réponse à cette question peut être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour.
31 En effet, au point 35 de l'arrêt Brünsteiner et Autohaus Hilgert, précité, la Cour a déjà jugé que, si rien ne l'impose, rien n'exclut non plus qu'une réorganisation au sens de cette disposition puisse résulter de la modification des clauses d'un accord de distribution à la suite de l'entrée en vigueur d'un nouveau règlement d'exemption. En effet, le règlement n° 1400-2002 a introduit des modifications substantielles par rapport au régime d'exemption par catégorie institué par le règlement n° 1475-95, en prévoyant des règles plus strictes que celles instaurées par celui-ci pour l'exemption de certaines restrictions de concurrence relevant de l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêt Vulcan Silkeborg, précité, point 54).
32 En particulier, comme le relève la juridiction de renvoi dans la présente affaire, le règlement n° 1400-2002 n'accorde pas l'exemption par catégorie aux restrictions des territoires sur lesquels les membres d'un système de distribution sélective peuvent vendre les produits contractuels [article 4, paragraphe 1, sous b), j) et iii), d) et e), dudit règlement], interdisant de ce fait, dans le cadre de l'exemption par catégorie, la combinaison de la distribution exclusive et de la distribution sélective exemptée par le règlement n° 1475-95 (article 3, points 8 à 10, de ce règlement) (voir, en ce sens, arrêt Vulcan Silkeborg, précité, point 55).
33 De même, alors que l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 1475-95 n'était acquise qu'à la condition que le distributeur s'engage à assurer les services de réparation et d'entretien ainsi que celui consécutif à des actions de rappel (articles 4, paragraphe 1, points 1 et 6, et 5, paragraphe 1, point 1, dudit règlement), le règlement n° 1400-2002 n'accorde pas l'exemption par catégorie à la restriction de la capacité du distributeur de sous-traiter la fourniture de services de réparation et d'entretien à des réparateurs agréés ni à celle de ces derniers de se limiter à de telles activités [article 4, paragraphe 1, sous g) et h), de ce dernier règlement] (arrêt Vulcan Silkeborg, précité, point 57).
34 Compte tenu de ces modifications substantielles du régime de l'exemption par catégorie introduites par le règlement n° 1400-2002, la Cour a jugé, au point 59 de l'arrêt Vulcan Silkeborg, précité, que l'entrée en vigueur de ce dernier a pu amener certains fournisseurs à apporter des changements à leurs accords de distribution afin de s'assurer que ceux-ci continuent de relever de l'exemption par catégorie prévue par ce règlement. En particulier, tel a pu être le cas si les accords conclus sous le régime du règlement n° 1475-95 et en conformité avec ce dernier contenaient des restrictions "caractérisées" au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1400-2002.
35 Ainsi, la Cour a relevé, au point 63 de ce même arrêt, qu'une réorganisation pouvait, notamment, s'avérer nécessaire au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1400-2002 si, en vue de continuer à bénéficier de l'exemption par catégorie, un fournisseur combinant, avant l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002, la distribution exclusive et la distribution sélective, choisissait d'organiser son réseau de distribution uniquement selon un système de distribution sélective.
36 Il résulte de cette jurisprudence que la mise en place par un tel fournisseur, après l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002, d'un système de distribution sélective qui remplit les conditions de l'exemption par catégorie prévue par ledit règlement, à savoir, notamment, ainsi qu'il ressort des points 32 et 33 de la présente ordonnance, dans le cadre duquel, d'une part, les distributeurs ne font plus l'objet d'une restriction du territoire sur lequel ils peuvent vendre les produits contractuels et, d'autre part, les réparateurs agréés peuvent limiter leurs activités à la seule fourniture de services de réparation et d'entretien, est susceptible de constituer une réorganisation du réseau de distribution au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475-95.
37 Il appartient toutefois aux juridictions nationales ou aux instances arbitrales, en se référant aux indications fournies ci-dessus, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments concrets du litige dont elles sont saisies et, en particulier, des preuves apportées à cette fin par le fournisseur, si les changements opérés par ce dernier constituent une telle réorganisation de son réseau de distribution et si celle-ci a été rendue nécessaire par l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002 (arrêts précités Vulcan Silkeborg, point 64, ainsi que Brünsteiner et Autohaus Hilgert, point 33).
38 En conséquence, il y a lieu de répondre à la seconde question posée que la mise en place par un fournisseur, après l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002, d'un système de distribution sélective dans le cadre duquel, d'une part, les distributeurs ne font plus l'objet d'une restriction du territoire sur lequel ils peuvent vendre les produits contractuels et, d'autre part, les réparateurs agréés peuvent limiter leurs activités à la seule fourniture de services de réparation et d'entretien est susceptible de constituer une réorganisation du réseau de distribution au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475-95. Il appartient aux juridictions nationales et aux instances arbitrales d'apprécier si tel est le cas en fonction de l'ensemble des éléments concrets du litige dont elles sont saisies et, en particulier, des preuves apportées à cette fin par le fournisseur.
Sur les dépens
39 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (septième chambre) dit pour droit:
1) L'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1400-2002 de la Commission, du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, ne rendait pas, par elle-même, nécessaire la réorganisation du réseau de distribution d'un fournisseur au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement (CE) n° 1475-95 de la Commission, du 28 juin 1995, concernant l'application de l'article [81] paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles. Toutefois, cette entrée en vigueur a pu, en fonction de l'organisation spécifique du réseau de distribution de chaque fournisseur, rendre nécessaires des changements d'une importance telle qu'ils constituent une véritable réorganisation dudit réseau au sens de cette disposition.
2) La mise en place par un fournisseur, après l'entrée en vigueur du règlement n° 1400-2002, d'un système de distribution sélective dans le cadre duquel, d'une part, les distributeurs ne font plus l'objet d'une restriction du territoire sur lequel ils peuvent vendre les produits contractuels et, d'autre part, les réparateurs agréés peuvent limiter leurs activités à la seule fourniture de services de réparation et d'entretien est susceptible de constituer une réorganisation du réseau de distribution au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475-95. Il appartient aux juridictions nationales et aux instances arbitrales d'apprécier si tel est le cas en fonction de l'ensemble des éléments concrets du litige dont elles sont saisies et, en particulier, des preuves apportées à cette fin par le fournisseur.