Cass. com., 20 février 2007, n° 04-15.115
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Nord Est Distribution (SA)
Défendeur :
Karlsbrau France (SARL), Paul Kihl (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Peignot, Garreau, SCP Parmentier, Didier
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal que sur le pourvoi provoqué relevé par la société Paul Kihl; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 janvier 2004), que par acte du 24 juillet 1991, les sociétés Fifty Five et Karlsbrau France ont conclu un contrat dit de bière, dans le cadre duquel la société Fifty Five s'est engagée, pour une certaine quantité et une certaine durée, à s'approvisionner en bière exclusivement auprès du distributeur désigné par la société Karlsbrau France, à savoir la société Paul Kihl; qu'à la même date un contrat de distribution a été conclu entre les sociétés Karlsbrau France et Paul Kihl, spécifiant que, dans le cas où le contrat de bière serait rompu par le cafetier et si la brasserie obtenait un dédommagement de celui-ci, le distributeur en percevrait sa quote-part; que la société Fifty Five ayant cédé son fonds à la société Fieuvet en 1993, celle-ci s'est expressément engagée à reprendre pour son compte toutes les obligations contractées à l'égard de la société Karlsbrau France ; que soutenant que la société Fieuvet ne respectait pas ses engagements, la société Karlsbrau France l'a poursuivie en dommages-intérêts ; que la société Paul Kihl est intervenue volontairement à la procédure, pour réclamer réparation du préjudice résultant pour elle du défaut d'exécution du contrat; que la société Nord Est Distribution, venant aux droits de la société Fieuvet, a formé un recours contre le jugement accueillant les demandes des sociétés Karlsbrau France et Paul Kihl ; qu'elle s'est, en cours de procédure, désistée de son appel, mais seulement en ce qu'il visait la société Karlsbrau France, laquelle avait renoncé aux effets du jugement; que la société Paul Kihl, faisant valoir que cette renonciation la privait du bénéfice de la quote-part d'indemnisation prévue par le contrat conclu entre elle et la société Karlsbrau France a, alors, formé une demande en dommages-intérêts contre cette dernière;
Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu que la société Nord Est Distribution, venant aux droits de la société Fieuvet fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Paul Kihl, la somme de 19 888,50 euro, alors, selon le moyen : 1°) qu'en fondant cette condamnation sur une clause du contrat conclu entre la société Karlsbrau France et la société Paul Kihl quand bien même elle n'y avait pas été partie et avait la qualité de tiers par rapport à ce contrat, de sorte que la stipulation qui réglait uniquement les rapports entre la Brasserie et le distributeur ne lui était pas opposable, la cour d'appel a violé l'effet relatif dudit contrat et partant les articles 1165 et 1382 du Code civil; 2°) que le principe de la réparation intégrale du préjudice commande que l'indemnité accordée soit appréciée à l'exacte mesure du dommage souffert afin qu'il n'en résulte pour la victime ni perte ni profit, de sorte qu'en fixant la condamnation au montant sollicité TTC par la société Paul Kihl, sans rechercher comme l'y invitaient ses conclusions, si ce montant ne devait pas être fixé à une somme HT correspondant à la cause non amortie du contrat liant la société Paul Kihl qui avait auparavant récupéré la TVA et la société Karlsbrau France, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé que la société Paul Kihl était bénéficiaire désigné dans l'engagement pris par la société Fifty Five, dans les droits de laquelle se trouve la société Nord Est Distribution, se réfère aux mentions du contrat conclu entre les sociétés Karlsbrau France et Paul Kihl pour y rechercher le montant de l'investissement de celle-ci dans le cadre des rapports contractuels noués entre les parties ; qu'appréciant souverainement l'étendue du préjudice subi par la société Paul Kihl du fait du défaut de respect des engagements de la société Nord Est Distribution, la cour d'appel qui n'encourt pas le grief de la première branche a légalement justifié sa décision et pu statuer comme elle a fait; que le moyen n'est pas fondé;
Mais sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi provoqué : - Vu l'article 564 du nouveau Code de procédure civile; - Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la société Paul Kihl à l'encontre de la société Karlsbrau France, l'arrêt retient encore que la renonciation de cette dernière aux effets du jugement entrepris ne permet pas à la société Paul Kihl de se prévaloir d'une évolution du litige pour justifier l'appel provoqué;
Attendu qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si la renonciation de la société Karlsbrau France aux effets du jugement entrepris ne constituait pas une question résultant de la survenance, après le jugement, d'un fait susceptible de permettre à la société Paul Kihl de soumettre une prétention nouvelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Rejette le pourvoi principal ; Casse et annule, mais seulement en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société Paul Kihl à l'encontre de la société Karlsbrau France, l'arrêt rendu le 21 janvier 2004, entre les parties, par la Cour d'appel de Metz; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Reims.