CA Paris, 5e ch. A, 7 mars 2007, n° 04-17783
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Leblay (ès qual.), Arcauto (SA), Procar (Sté)
Défendeur :
Groupe Volkswagen France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
MM. Roche, Byk
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Monin-d'Auriac de Brons
Avocats :
Mes Leclercq, Chataignier, Henry (SCP Vogel & Vogel)
La société Groupe Volkswagen France est l'importateur exclusif en France des véhicules neufs et des pièces détachées neuves de la marque Seat qu'elle distribue par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires exclusifs.
La société Arcauto était concessionnaire exclusif de la marque Seat sur le secteur de Rouen en vertu d'un contrat en date du 2 mars 2000.
A la suite d'impayés de la part de cette dernière, non régularisés malgré trois mises en demeure en date des 5, 14 et 24 septembre 2001, la société Groupe Volkswagen France a décidé de prononcer la résiliation immédiate du contrat de concession par courrier en date du 27 septembre 2001.
La société Arcauto restant toutefois devoir à la société Groupe Volkswagen France la somme de 456 327,48 euro, cette dernière l'a, par acte du 20 novembre 2001, assignée en paiement de celle-ci devant le Tribunal de grande instance de Paris.
La société Arcauto et la société Procar, dont la défenderesse est la filiale et qui est intervenue volontairement à l'instance, ont sollicité reconventionnellement des dommages-intérêts en excipant du caractère abusif de la résiliation intervenue et, subsidiairement, du manquement de la demanderesse à son obligation précontractuelle d'information.
Par la suite, et par jugement du 15 octobre 2002, le Tribunal de commerce de Rouen a prononcé la liquidation judiciaire de la société Arcauto et désigné Maître Leblay, ès qualités de liquidateur, la société Groupe Volkswagen France déclarant, pour sa part, sa créance à hauteur de 433 355,93 euro.
Me Leblay, ès qualités, n'ayant pas repris l'instance, la demanderesse l'a régulièrement appelé dans la cause par acte du 28 février 2003.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 13 mai 2004, le Tribunal de grande instance de Paris a, notamment:
- dit que la résiliation du contrat de concession intervenue entre les parties le 27 septembre 2001 ne présentait pas un caractère abusif,
- débouté Me Leblay, ès qualités et la société Procar de l'intégralité de leurs demandes,
- fixé la créance de la société Groupe Volkswagen France au passif de la société Arcauto à la somme de 128 457,90 euro.
Régulièrement appelants Me Leblay, ce qualités, et la société Procar ont, par conclusions enregistrées le 1er décembre 2004, prié la cour de:
- infirmer le jugement entrepris, statuant à nouveau,
- dire et juger que la société Groupe Volkswagen France a abusé de son droit de résilier la convention de concession exclusive, manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat et, subsidiairement, méconnu l'obligation pré-contractuelle d'information,
en conséquence,
- condamner cette dernière à payer à Me Leblay, ès qualités, la somme de 1 268 717 euro à titre de dommages et intérêts en réparation partielle du préjudice subi du fait de la résiliation abusive du contrat de concession qui liait les parties, pour le surplus,
- désigner tel expert qu'il plaira, avec pour mission de fournir tous éléments utiles à l'évaluation du préjudice total subi par la société Arcauto, du fait de la résiliation du contrat de concession,
- condamner également la société Groupe Volkswagen France à payer à la société Procar la somme de 181 109,43 euro, à titre de dommages et intérêts du fait de la résiliation abusive du contrat de concession qui liait sa filiale, la société Arcauto,
- condamner enfin l'intimée aux dépens et à verser à chacun des appelants la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions enregistrées le 4 avril 2005 la société Groupe Volkswagen France a sollicité, pour sa part, de la cour de confirmer le jugement et de condamner solidairement les appelants aux dépens et au paiement de la somme de 10 000 euro au titre des frais hors dépens.
Sur ce
Considérant qu'en prononçant le 27 septembre 2001 la résiliation du contrat de concession la liant à la société Arcauto la société Groupe Volkswagen France n'a fait que mettre en œuvre les stipulations de l'article 20-1 du contrat de concession aux termes duquel " le présent contrat peut être résilié par chacune des parties de façon extraordinaire sans préavis avec effet immédiat un cas de manquement de l'autre partie à l'une des obligations, essentielles. Le fournisseur est notamment en droit d'y procéder dans les cas suivants : 1) non-respect par le concessionnaire de ses obligations de paiement au titre du présent contrat ou non-règlement des véhicules concomitamment à la livraison au client..."; que malgré la réalité, non contestée par les appelants eux-mêmes, de l'existence des impayés allégués, l'intimée n'a procédé à la résiliation litigieuse qu'après avoir adressé trois mises en demeure à son concessionnaire, ce à quoi le contrat conclu ne l'obligeait pas, et avoir accepté de reprendre, et donc de défacturer, tous les véhicules commandés mais non encore livrés à l'intéressée ; que, toutefois, si une telle résiliation peut, même si les règles conventionnelles ont été respectées, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture et révélant un manquement à la bonne foi contractuelle exigée par l'article 1134 alinéa 4 du Code civil, il ressort, en l'espèce, des pièces versées au dossier que, contrairement aux dires des appelants, la conclusion du contrat litigieux n'a jamais été subordonnée à la réalisation de prétendus "considérables investissements" ni à une quelconque obligation de "surstockage", lesquelles auraient été à l'origine des impayés; qu'en effet, la modicité des investissements réalisés par la société Arcauto résulte de l'examen même de son bilan arrêté au 31 décembre 2000 et, au surplus, l'intéressée ne justifie même pas, pour les années 2000 et 2001, du respect des normes minima imposées par le concessionnaire en matière de capitaux propres et de fonds de roulement; que, par ailleurs, l'ensemble des approvisionnements en véhicules neufs, présentement contestés et jugés désormais excessifs, avaient fait l'objet d'une acceptation de la part de la société Arcauto, laquelle n'a jamais émis la moindre protestation à cet effet; que, plus généralement, l'existence, tout au long des relations contractuelles ayant uni les parties, d'un stock de 45 jours en moyenne par rapport aux objectifs de vente et de 70 jours par rapport aux ventes effectuées ne présente aucun caractère anormal ou dépourvu de toute rationalité économique ou commerciale ; qu'enfin, si les appelants invoquent, à titre subsidiaire, le non-respect par l'intimé des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce afférentes à l'information précontractuelle, il résulte de l'examen de la lettre du 19 novembre 1999 adressée au dirigeant de la société Arcauto par la société Groupe Volkswagen France que celle-ci lui demandait expressément de lui retourner l'accusé de réception du dossier "d'information précontractuelles dit loi Doubin" qui lui avait été envoyé; que la société Arcauto a accusé réception de ce courrier, confirmant ainsi implicitement mais nécessairement avoir bien été destinataire de ladite information précontractuelle ; qu'au surplus, et à le supposer même établi, il n'est nullement démontré que le défaut d'information aurait pu avoir, en l'occurrence, pour éventuel effet de vicier le consentement du cocontractant concerné, lui-même professionnel de l'automobiles et exploitant de trois autres concessions automobiles ; que, par suite, et en l'absence de toute faute de la part de la société Groupe Volkswagen France dans la résiliation litigieuse, il échet de dire cette décision non abusive et de débouter Me Leblay, ès qualités, et la société Procar de l'ensemble de leurs prétentions indemnitaires et ce sans qu'il soit besoin de rechercher la réalité du préjudice invoqué; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, étant observé que le montant de la créance de la société intimée au passif de la société Arcauto tel qu'arrêté par les premiers juges n'est pas contesté en cause d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel jugé régulier en la forme, Au fond, le rejetant, confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute Me Leblay, ès qualités, et la société Procar de l'ensemble de leurs prétentions, Condamne in solidum Me Leblay, ès qualités, et la société Procar aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Monin d'Auriac de Brons, avoué, Les condamne également in solidum à verser à la société Groupe Volkswagen France la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.