Cass. com., 6 mars 2007, n° 06-13.501
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Demathieu et Bard (SA)
Défendeur :
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Inéo (SA), Marc (SA), Quille (SA), TPC (SNC), GTM Construction (SAS), EGC Ouest (SAS), SOGEA Nord-Ouest (SNC), Vinci Construction (SAS), Vinci (SA), Lepine TP (SAS), Entreprise de travaux publics de l'Ouest (Sté), Razel (SA), SPIE Batignolles Ouest (SA), SPIE Batignolles TPCI (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Beaudonnet
Avocat général :
M. Casorla
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Piwnica, Molinié, SCP Richard, Me Ricard
LA COUR : - Donne acte aux sociétés SPIE Batignolles Ouest et SPIE Batignolles de ce qu'elles se désistent de leur pourvoi en tant que dirigés contre les sociétés Inéo, Marc, Quille, TPC, GTM construction, EGC Ouest, Sogea Nord-Ouest, Vinci construction, Vinci, Lepine TP, ETPO, Razel et Demathieu et Bard; - Donne acte à la société Demathieu et Bard de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre les sociétés Inéo, Marc, Quille, TPC, GTM construction, EGC Ouest, Sogea Nord-Ouest, Vinci construction, Vinci, Lepine TP, Entreprise de travaux publics de l'Ouest (ETPO), Razel, SPIE Batignolles Ouest et SPIE Batignolles TPCI; - Joint les pourvois n° 06-13.534 formé par la société Razel, n° 06-13.583 formé par la société Quille, n° 06-13.584 formé par la société Marc, n° 06-13.501 formé par la société Demathieu et Bard, n° 06-13.598 formé par les sociétés SPIE Batignolles Ouest et SPIE Batignolles TPCI, n° 06-13.608 formé par la société ETPO, n° 06-13.609 formé par la société Inéo, n° 06-13.607 formé par les sociétés Sogea Nord Ouest, GTM construction, EGC Ouest, TPC et n° 06-13.610 formé par les sociétés Vinci SA et Vinci construction, qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 7 mars 2006), que saisi le 1er avril 1998 par le ministre de l'Economie de pratiques d'ententes concernant des marchés de construction d'ouvrages d'art de l'autoroute A84, dite "route des estuaires" pour lesquels la direction départementale de l'équipement avait retenu la procédure d'appel d'offres restreint, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, par décision n° 05-D-19 du 12 mai 2005, infligé à 21 sociétés des sanctions pécuniaires allant de 700 à 4 300 000 euro; que les griefs notifiés aux entreprises et retenus par le Conseil consistaient en une concertation générale entre les candidats retenus pour les quinze marchés des ouvrages d'art des trois premières sections de la route des estuaires pour la traversée du département de la Manche, et en particulier, des échanges d'information et le dépôt d'offres de couverture; que quinze sociétés ont formé un recours en annulation, et subsidiairement en réformation de la décision du Conseil; que la cour d'appel a rejeté les recours sauf en ce qui concerne la société Lépine TP mise hors de cause ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche du pourvoi n° 06-13.534, formé par la société Razel, le premier moyen du pourvoi n° 06-13.583, formé par la société Quille, le premier moyen du pourvoi n° 06-13.584, formé par la société Marc, le premier moyen, pris en sa deuxième branche du pourvoi n° 06-13.501, formé par la société Demathieu et Bard, le moyen unique du pourvoi n° 06-13.598, formé par les sociétés SPIE, le premier moyen, pris en sa première branche du pourvoi n° 06-13.608, formé par la société ETPO, le moyen unique, pris en sa première branche du pourvoi n° 06-13.609, formé par la société Inéo, le moyen unique, pris en sa première branche du pourvoi n° 06-13.607, formé par les sociétés SOGEA Nord Ouest, GTM construction, EGC Ouest, TPC, le moyen unique, pris en sa première branche du pourvoi n° 06-13.610, formé par les sociétés Vinci, rédigés en termes identiques ou similaires, et le premier moyen, pris en sa première branche du pourvoi n° 06-13.534, formé par la société Razel, les moyens étant réunis : - Attendu que, par ces moyens, pris de la violation des articles L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 4 novembre 2004, 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 applicable en la cause, et 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, il est fait grief à l'arrêt d'avoir reconnu un effet interruptif de prescription aux arrêts prononcés par la Cour de cassation les 9 mars et 6 avril 1999 rejetant ou déclarant irrecevables les pourvois formés par certaines des entreprises en cause contre les ordonnances des 14 novembre 1996 et 7 avril 1997 ayant autorisé des opérations de visite et de saisie dans les locaux de onze entreprises et rejeté des requêtes en annulation des visites domiciliaires effectuées, et par conséquent rejeté le moyen tiré de la prescription des faits en raison de l'écoulement d'un délai de plus de trois ans entre la saisine du Conseil le 1er avril 1998 et la demande de renseignements adressée le 19 mars 2002 par le rapporteur du Conseil à la société Eiffage TP, alors que ni les pourvois non suspensifs dirigés contre les ordonnances susvisées, ni les arrêts rendus sur ces recours formés par les personnes ultérieurement poursuivies dans des instances distinctes, ne constituent des actes positifs émanant de l'autorité de concurrence ou de la partie poursuivante, ni ne tendent à la recherche, à la constatation ou à la sanction de pratiques anticoncurrentielles et alors que ces recours contre des autorisations de perquisition étrangères à la société Razel ne pouvaient permettre à l'administration poursuivante de suspendre, à l'égard de celle-ci, tout acte d'instruction pendant six ans;
Mais attendu, en premier lieu, que la prescription triennale prévue par l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction alors applicable est interrompue par un acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction des faits relevant du Conseil de la concurrence; que les opérations de visite et de saisie constituent des actes de recherche et de constatation de faits susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles prohibées; que ces actes, y compris les voies de recours exercées à l'encontre des décisions les autorisant ou rejetant les requêtes tendant à leur annulation, interrompent la prescription des faits dont le Conseil est saisi que c'est à juste titre que la cour d'appel a constaté l'interruption de la prescription par les arrêts ayant déclaré irrecevable ou rejeté les pourvois formés contre les ordonnances autorisant puis validant ces actes, peu important à cet égard que ces pourvois ne soient pas suspensifs;
Attendu, en second lieu, que l'interruption de la prescription pour des faits dont le Conseil est saisi vaut à l'égard de toutes les entreprises mises en cause; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches du pourvoi n° 06-13.501, formé par la société Demathieu et Bard et le moyen unique, pris en sa troisième branche du pourvoi n° 06-13.610, formé par les sociétés Vinci, les moyens étant réunis : - Attendu que, par ce moyen pris de la violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et de défaut de base légale au regard des articles L. 462-7 du Code de commerce, il est fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que la prescription n'était pas acquise en attribuant un effet interruptif à la demande de renseignements adressée le 19 mars 2002 par le rapporteur du Conseil à une des entreprises en cause;
Attendu que ce moyen ne serait [pas] de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche du pourvoi n° 06-13.608, formé par la société ETPO, le moyen unique, pris en sa deuxième branche du pourvoi n° 06-13.609, formé par la société Inéo, le moyen unique, pris en sa deuxième branche du pourvoi n° 06-13.607, formé par les sociétés Sogea Nord Ouest, GTM construction, EGC Ouest, TPC, le moyen unique, pris en sa deuxième branche du pourvoi n° 06-13.610, formé par les sociétés Vinci, rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que, par ce moyen, il fait grief à l'arrêt d'avoir violé les dispositions des articles 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et L. 462-7 du Code de commerce, en ce qu'en reconnaissant un effet interruptif de prescription aux arrêts de la Cour de cassation statuant sur les recours formés à l'encontre des ordonnances autorisant ou validant les saisies, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée à l'accès au juge des entreprises poursuivies;
Attendu que ce moyen ne serait [pas] de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche du pourvoi n° 06-13.534, formé par la société Razel et le premier moyen, pris en sa première branche du pourvoi n° 06-13.501, formé par la société Demathieu et Bard, réunis : - Attendu que ces sociétés font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours en annulation ou en réformation de la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) que si les pourvois en cassation dirigés contre l'ordonnance du juge ayant autorisé les visites domiciliaires devaient être considérés comme des actes participant à la recherche de l'infraction, il en résulterait que les mêmes magistrats ne pourraient, sans méconnaître le devoir d'impartialité, connaître de la même affaire au stade de l'instruction et au stade du jugement; qu'il apparaît que l'un des conseillers ayant délibéré de la décision présentement attaquée avait également eu à connaître des pourvois en cassation susvisés, de sorte que la composition de la formation de jugement est entachée d'irrégularité au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales; 2°) qu'il résulte de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial; que cette exigence doit s'apprécier objectivement; qu'il en résulte que lorsqu'un juge a statué sur les recours exercés à l'encontre d'ordonnances, d'une part autorisant des visites et saisies dans les locaux d'entreprises sur le fondement de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et d'autre part, appréciant la régularité des opérations de visites domiciliaires subséquentes, ce même magistrat ne peut ensuite statuer sur la culpabilité des entreprises concernées en se prononçant sur l'effet interruptif de prescription des décisions qu'il a précédemment rendues; que les arrêts de la Cour de cassation des 9 mars et 6 avril 1999 visés par l'arrêt attaqué ont été rendus sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire; qu'en statuant dans une composition où siégeait le même magistrat, la cour d'appel a violé le texte précité;
Mais attendu qu'il résulte de la procédure que les débats ont eu lieu devant une formation collégiale dont la composition, conforme à l'ordonnance du premier président fixant la répartition des juges dans les différents services de la juridiction, était nécessairement connue à l'avance des sociétés Razel et Demathieu et Bard représentées par leurs avoués; que celles-ci ne sont pas recevables à invoquer devant la Cour de cassation la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elles n'ont pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant Mme Mouillard par application de l'article 341-5° du nouveau Code de procédure civile et qu'en s'abstenant de le faire avant la clôture des débats, elles ont ainsi renoncé sans équivoque à s'en prévaloir; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 06-13.534 formé par la société Razel, le deuxième moyen du pourvoi n° 06-13.583 du pourvoi formé par la société Quille, le deuxième moyen du pourvoi n° 06-13.584 du pourvoi formé par la société Marc, le premier moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi n° 06-13.501 du pourvoi formé par la société Demathieu et Bard, réunis : - Attendu que ces sociétés font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours en annulation ou en réformation de la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) que le non respect du délai raisonnable prévu par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, doit, en matière de concurrence, conduire le juge à arrêter la procédure en raison de l'écoulement du temps, de sorte que la cour d'appel qui, par une interprétation restrictive de la Convention, décide que la sanction de l'article 6 se réduit à une simple indemnisation hormis le cas d'une atteinte aux droits de la défense, viole le texte susvisé; 2°) que prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 450-4, alinéa 6 et de l'exigence d'un délai raisonnable imposée par l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, la cour d'appel qui en l'absence de toute disposition autorisant la partie poursuivante à suspendre l'instruction, valide le retard pris par cette dernière par le fait que le rapporteur aurait été fondé à attendre l'issue des recours en cassation non suspensifs dirigés à l'encontre d'une simple autorisation de perquisition pour notifier les griefs et qui de surcroît s'abstient de tirer la moindre conséquence de ce que la reprise de l'instruction soit intervenue 2 ans et 11 mois après les arrêts de rejet, juste à temps pour éviter une nouvelle prescription; 3°) que la complexité d'une affaire portée devant le Conseil ne justifie la durée de la procédure, consécutive à une inaction prolongée du rapporteur que si celui-ci a ensuite effectivement accompli des actes d'instruction nécessaires à la manifestation de la vérité; qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué que la déclaration de culpabilité des entreprises mises en cause a été établie sur la foi des seuls éléments saisis au siège de l'agence rouennaise de l'entreprises Quillery le 3 décembre 1996; qu'en se bornant à affirmer que la durée de la procédure, liée notamment à l'inaction du rapporteur sur une longue période n'était pas excessive, sans constater que le rapporteur avait ensuite accompli des actes d'instruction nécessaires à la découverte de l'infraction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme; 4°) que pour démontrer que la durée de la procédure avait été excessive, la société Marc avait expressément fait valoir que le Conseil et la DGCCRF avaient ensemble reconnu récemment dans une "charte de coopération et d'objectifs" que le délai de l'instruction d'une affaire entre la saisine du Conseil et l'adoption formelle d'une décision par celui-ci ne devait pas dépasser 12 mois pour les affaires ordinaires et 18 mois pour les affaires dites " lourdes " avant de constater qu'en l'espèce, la procédure aura donc duré 4,8 fois plus longtemps que le délai maximum admis pour les affaires complexes, étant observé au surplus que le rapporteur était demeuré totalement inactif pendant 4 ans; qu'en s'abstenant de répondre à ces écritures établissant que de l'aveu même du Conseil, le délai d'instruction d'une affaire complexe ne devait pas dépasser 18 mois, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 5°) que, selon l'article 6-3-a) de la Convention européenne des Droits de l'Homme, tout accusé a droit notamment à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui; que la société Demathieu et Bard faisait valoir que la notification de griefs n'était intervenue qu'en 2003 pour des faits remontant à 1995, si bien qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte précité; 6°) que la preuve des pratiques anticoncurrentielles incombe à celui qui s'en prétend victime ou aux autorités administratives dans le cadre des enquêtes qui sont diligentées ; qu'en considérant qu'il appartenait à la société Quille, avant même d'avoir eu connaissance d'une notification d'un grief précis à son encontre d'émettre des réserves sur les procès-verbaux établis par les enquêteurs et d'adresser spontanément à l'administration des documents complémentaires à décharge ou de conserver les preuves de son innocence, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme; 7°) que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt qui laisse dépourvues de toute réponse les conclusions de la société Razel faisant précisément valoir que la tardiveté de la notification des griefs reçue plus de 8 ans après les faits poursuivis l'avait privée de toute la documentation afférente aux consultations A2, A2 bis, A3, A3 bis, A7, A7 bis et GI qui n'avait pas été conservée, l'entreprise n'ayant gardé que les pièces relatives à l'unique marché obtenu (D1); 8°) qu'à l'appui de sa demande en annulation de la procédure, la société Marc avait précisément soutenu que la durée excessive de la procédure l'avait privée de la possibilité de se défendre utilement, dans la mesure où elle ne disposait nécessairement plus, dix ans après les faits, des moyens réels - hommes et documents - lui permettant d'exercer réellement et efficacement les droits de la défense; que si la cour d'appel a admis que l'inobservation du délai raisonnable prescrit par l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme pouvait conduire à l'annulation de la procédure lorsque sa durée excessive avait irrémédiablement privé les entreprises mises en cause des moyens de se défendre, elle s'est, en revanche, abstenue de répondre aux écritures susvisées établissant que la société Marc ne disposait plus, le moment venu, des moyens de se défendre, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt énonce justement qu'à supposer les délais de la procédure excessifs au regard de la complexité de l'affaire, la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le Conseil de se prononcer dans un délai raisonnable n'est pas l'annulation de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai subi ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt souligne la complexité de la présente procédure concernant l'attribution de marchés publics ayant fait l'objet de quinze appels d'offres regroupant cinquante et un ouvrages d'art et mettant en cause vingt-cinq entreprises; qu'il relève que les pièces saisies constituant l'essentiel des preuves de l'entente suspectée, le rapporteur du Conseil était fondé à attendre l'issue des contestations relatives aux procédures de visites et de saisies; qu'il déduit de l'ampleur des pratiques en cause et de la complexité de l'affaire que le délai intervenu entre les arrêts statuant sur ces contestations et la reprise de l'instruction n'apparaît pas excessif; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a légalement justifié sa décision;
Attendu, en troisième lieu, que, pour retenir que la durée de la procédure n'avait pas privé les entreprises demanderesses aux pourvois d'un exercice normal des droits de la défense, l'arrêt retient, répondant ainsi à l'argumentation des parties, que préalablement informées de l'objet de l'enquête, les entreprises avaient été entendues en 1996 et 1997 et que, sachant la procédure toujours en cours, elles avaient pu assurer la conservation des documents éventuellement restés en leur possession qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve et qui a souverainement apprécié la portée des éléments de fait invoqués, a légalement justifié sa décision; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Sur le second moyen du pourvoi n° 06-13.608, formé par la société ETPO, le troisième moyen du pourvoi n° 06-13.583 formé par la société Quille et le troisième moyen du pourvoi n° 06-13.584 formé par la société Marc, réunis : - Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir écarté la nullité de la notification des griefs et d'avoir, en conséquence, rejeté les recours en annulation de la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) qu'en l'absence de disposition spéciale contraire, la notification de griefs adressée par le président du Conseil de la concurrence doit nécessairement être signée ; qu'en écartant la nullité de la notification de griefs, pourtant non signée, adressée à la société ETPO, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 4, alinéa 2, de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000; 2°) que la notification des griefs est une décision administrative valant mise en accusation ; qu'à défaut de dérogation spéciale, cette notification doit satisfaire à l'exigence d'authentification des actes administratifs prévue par la loi du 12 avril 2000 ; qu'en affirmant péremptoirement que les actes incriminés, régis par des règles spéciales, n'étaient pas soumis au texte sus visé, quand aucune disposition du décret du 29 décembre 1986, applicable en la cause, ne dérogeait même implicitement à cette règle de portée générale, la cour d'appel a violé, par refus d'application, la loi du 12 avril 2000; 3°) que seule la signature permet d'authentifier l'identité de l'auteur d'un acte; qu'en jugeant suffisante la seule mention du nom de l'auteur de la notification, la cour d'appel a violé l'article 4, alinéa 2, de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000; 4°) que l'exigence d'authentification d'un acte de poursuite par son auteur garantit la séparation des fonctions de poursuite et de jugement et partant l'indépendance et l'impartialité du juge ; qu'en estimant que la signature d'une notification des griefs par son auteur n'était pas une condition nécessaire à la validité de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 6-1 CEDH; 5°) qu'après avoir rappelé que selon la jurisprudence de la CJCE, le principe de sécurité juridique exige que tout acte de l'administration produisant des effets juridiques soit certain quant à son auteur et à son contenu, ce qui impose de contrôler l'authentification de l'acte, la société Quille a précisé que les Etats membres sont tenus de respecter en droit interne les principes généraux consacrés dans l'ordre juridique communautaire; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen établissant que le Conseil ne pouvait, sans méconnaître les principes généraux du droit communautaire, considérer que l'authentification de la notification des griefs par la signature de son auteur n'était pas une condition de validité de celle-ci la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 6°) que la société Quille a précisément fait valoir que le rapport qu'elle a reçu le 9 septembre 2004 a été daté et signé en page de couverture par le rapporteur qui l'a établi; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen établissant que le Conseil ne pouvait pas échapper aux règles qu'il s'était lui-même imposées, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 7°) que la société Marc avait précisément fait valoir que le Conseil avait lui-même considéré, depuis une date indéterminée, que la signature de la notification des griefs par son auteur était indispensable à la validité de la procédure suivie devant lui; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen établissant que le Conseil ne pouvait pas échapper aux règles qu'il s'était lui-même imposées, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il n'existe aucune ambiguïté sur l'auteur de la notification de griefs dont le nom est expressément indiqué en page de couverture et s'étant ainsi assurée de l'identité de l'auteur de l'acte, et dès lors que l'omission de la signature prévue par l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 n'est pas de nature à justifier l'annulation par la Cour d'appel de Paris de la notification des griefs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a pu écarter les griefs tirés du défaut de signature de l'acte; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le quatrième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches du pourvoi n° 06-13.583 formé par la société Quille et sur le quatrième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches du pourvoi n° 06-13.584 formé par la société Marc, partiellement rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que ces sociétés font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs recours contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) que la participation passive d'une entreprise à une réunion dont l'objet se révélerait anticoncurrentiel est insuffisante à établir son adhésion à une entente; que l'entente n'est caractérisée qu'à la condition de démontrer que l'entreprise a ensuite adhéré à l'action collective en appliquant concrètement les mesures décidées lors de ladite réunion; qu'en retenant, pour considérer que la société Quille avait adhéré à une entente généralisée entre entreprises de construction, qu'elle avait participé à des réunions au cours desquelles les entreprises soumissionnaires s'étaient réparties la totalité des marchés en cause, tout en constatant qu'après dépôt effectif des offres, les attributions définitives ne correspondaient que très partiellement à la répartition initialement prétendument décidée au cours de ces réunions dont la teneur n'est établie que par des notes manuscrites établies unilatéralement et a posteriori par les dirigeants de l'entreprise Quillery, ce dont il résulte que la société Quille n'a adhéré à aucune répartition de marché, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 420-1 du Code de commerce; 2°) que la seule participation d'une entreprise à une réunion dont l'objet se révélerait anticoncurrentiel est insuffisante à établir son adhésion à une entente; que l'entente n'est caractérisée qu'à la condition de démontrer que l'entreprise a ensuite adhéré à l'action collective en appliquant concrètement les mesures décidées lors de ladite réunion; qu'en retenant, pour considérer que la société Marc avait adhéré à une entente généralisée entre entreprises de construction, qu'elle avait participé à une réunion prétendument tenue avant le 1er juin 1995 au cours de laquelle les entreprises soumissionnaires s'étaient réparties les marchés en cause, tout en constatant que la société Marc avait en définitive déposé l'offre de prix la plus basse sur le marché G3 pourtant pré-attribué aux sociétés DG et Quille lors de cette réunion et qu'après dépôt effectif des offres, les attributions ne correspondaient que très partiellement à la répartition prétendument décidée à l'avance, ce dont il résulte que la société Marc n'a jamais adhéré à aucune répartition de marchés soit-disant convenue à l'avance, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 420-1 du Code de commerce; 3°) que la seule participation d'une entreprise à une réunion dont l'objet se révélerait anticoncurrentiel est insuffisante à établir son adhésion à une entente; qu'ainsi l'existence d'une entente n'est caractérisée qu'à la condition de démontrer que l'entreprise a ensuite adhéré à l'action collective en appliquant concrètement les mesures décidées lors de ladite réunion; qu'en affirmant péremptoirement que loin de contredire l'existence d'une concertation entre entreprises, "les écarts constatés entre les montants attribués à chacun des participants à l'entente comme les variations touchant à la désignation même des candidats moins disant (...) en reflètent la mise au point progressive et l'évolution inévitable ne serait-ce qu'en raison de la durée de la procédure de désignation puis de consultation des candidats commencée début 1995 et poursuivie jus qu'en février 1996 et de l'intervention de nouveaux candidats", la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à établir l'existence d'une entente, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; 4°) que toute décision qui sanctionne une entente entre entreprises en se prononçant par des motifs contradictoires doit être censurée; qu'en affirmant d'un côté que "le contenu des documents saisis dans les locaux de l'agence rouennaise de la société Quillery est largement confirmé par celui des offres présentées à la DDE de la Manche à des dates qui coïncident avec celles portées sur ces documents" (page 16 § 4) et d'un autre côté que "les écarts constatés entre les montants attribués à chacun des participants à l'entente et de variations touchant à la désignation même des candidats moins disant" (p. 16 fin), la cour d'appel qui s'est contredite a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 5°) que la preuve d'une entente par les prix portant sur une prétendue répartition de marchés publics n'est rapportée qu'à la condition d'établir que les offres déposées par chaque entreprise ont été établies sans tenir compte des caractéristiques du marché en cause et des coûts spécifiquement supportés par chacune d'elles; qu'une offre de prix ne constitue une offre dite de " couverture " que si cette offre a été établie en fonction de considérations étrangères à l'entreprise en cause ou d'un tarif décidé par avance en commun; qu'en décidant qu'il importait peu que "les enquêteurs n'aient rien trouvé d'anormal dans les études de prix" de la société Quille, quand cette circonstance établissait que les offres remises par cette société avaient été établies dans des conditions incompatibles avec une participation de celle-ci à une action concertée, la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 420-1 du Code de commerce;
Mais attendu que, pour retenir que les sociétés Quille et Marc ont pris part à la concertation générale entre les entreprises admises à concourir pour les marchés d'ouvrages d'art des trois premières sections de la route des estuaires pour la traversée de la Manche, et en particulier ont participé aux échanges d'informations leur ayant permis, la société Quille d'être désignée attributaire des marchés A 1 et A 4 bis et la société Marc des marchés G3 et D2, ce dernier en groupement avec la société Dodin Ouest, et ont déposé des offres de couverture au profit d'autres candidats à l'occasion de consultations sur d'autres marchés, l'arrêt se fonde sur différents documents saisis qu'il décrit et analyse, comportant notamment des éléments relatifs à la tenue de réunions successives entre les entreprises admises à concourir, aux informations échangées entre elles, à leurs voeux respectifs de chiffres d'affaires et à la mise au point progressive et concertée d'un schéma général de pré-répartition des marchés entre elles et ajoute que ces documents sont corroborés par les déclarations de deux salariés de la société Quillery et par les offres effectivement présentées à la DDE de la Manche; que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que les écarts constatés entre les souhaits globaux de chiffres d'affaires initialement exprimés par les entreprises et les chiffres d'affaires effectivement réalisés reflètent la progressivité de la mise au point de la répartition des marchés, l'évolution des procédures de consultations qui se sont échelonnées de début 1995 à février 1996 et l'intervention de nouveaux candidats; qu'en particulier, le projet d'attribuer le marché G3 à la société Marc et celui de sous-traitance partielle par cette société dudit marché apparaissent dans des documents saisis qui sont postérieurs à ceux mentionnant les souhaits initiaux des entreprises; qu'en outre, le fait que la société Quille n'ait réalisé qu'un peu moins de 80 % du chiffre d'affaires souhaité s'explique par le fait que, contrairement aux prévisions d'accord mentionnées sur les documents saisis, la société Campenon-Bernard ne lui a pas sous-traité une partie du marché A 5 ; qu'ayant déduit de ces documents que la preuve d'une concertation, entre les entreprises retenues par la DDE de la Manche, en vue d'organiser la répartition des quinze marchés constituant les deux groupes de marchés relatifs aux ouvrages d'art de la route des estuaires était établie et qu'étaient en particulier impliquées dans cette concertation les sociétés Quille et Marc qui ont participé aux échanges d'informations et déposé des offres de couverture, et qu'ayant relevé que cette concertation a eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence lors des consultations relatives à ces marchés, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite et qui a retenu à juste titre qu'il importait peu que "les enquêteurs n'aient rien trouvé d'anormal dans les études de prix" de la société Quille dès lors que les offres formulées par cette société résultaient de concertations préalables entre concurrents, n'a fait qu'apprécier souverainement la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Sur le quatrième moyen, pris en ses cinquième, sixième et septième branches du pourvoi n° 06-13.583 formé par la société Quille et sur le quatrième moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième et septième branches du pourvoi n° 06-13.584 formé par la société Marc, réunis : - Attendu que, par ce moyen pris de violations de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de défaut de base légale au regard du même texte, ces sociétés font le même grief à l'arrêt;
Attendu que ce moyen ne serait [pas] de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi n° 06-13.534 formé par la société Razel, réunis : - Attendu que la société Razel fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil qui a décidé qu'elle a enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et lui a infligé une sanction pécuniaire de 2 000 000 euro, alors, selon le moyen : 1°) que l'arrêt pour retenir une entente concernant l'ouvrage D1 obtenu par la société Razel, se fonde sur la circonstance que le document 83 aurait relaté une réunion antérieure à la remise des offres, requalifiant ainsi en violation des articles L. 463-1 et L. 463-2 du Code de commerce, les faits servant de base au grief notifié qui reposait sur une réunion intervenue " après l'attribution des premiers appels d'offres" et qui se situait "fin juin ou début juillet 2005"; 2°) que la cour d'appel qui se fonde seulement sur certaines mentions du document 83 relatives à des ouvrages D1 et A2, qui auraient été antérieures aux soumissions prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce en s'abstenant de s'expliquer, comme elle y était invitée, sur la présence de mentions relatives aux ouvrages G1 et G2 nécessairement postérieures aux soumissions litigieuses et donc sur la date exacte de rédaction du document litigieux; 3°) qu'ayant admis que les auteurs du document saisi (83) étaient les salariés d'une entreprise qui "détenait irrégulièrement des documents internes à la DDE" et que certaines entreprises "avaient pu bénéficier de fuites, voire de collusion ayant permis la transmission d'informations détenues par la DDE de la Manche", la cour d'appel prive sa décision de toute base légale au regard de l'article 1315 du Code civil et de la présomption d'innocence en affirmant que la communication des données saisies au sein de la société Quillery seraient nécessairement le fruit d'un échange prohibé d'information entre les entreprises et sans écarter l'hypothèse d'une transmission illicite par l'administration elle-même, visée par l'arrêt attaqué; 4°) que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui laisse dépourvues de toute réponse les conclusions de la société Razel faisant valoir que le marché litigieux D1, fruit d'une prétendue concertation organisant des offres de couverture, avait été obtenu au moyen d'une offre inférieure à l'évaluation administrative en concurrence avec une autre offre également inférieure à ladite évaluation ce qui caractériserait une compétition effective entre les concurrents; 5°) que s'agissant du 2e groupe de marchés (A3, A 7, D 5bis, G1) la société Razel avait fait valoir que les prétendues sous-traitances qui lui étaient attribuées dans les documents saisis étaient démenties par le dépôt de soumissions individuelles de sorte que faute de s'expliquer sur l'intérêt que la société Razel aurait tiré d'une entente généralisée, l'arrêt qui n'a pas caractérisé un accord de volonté entre la société Razel et les autres entreprises a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce; 6°) qu'en déniant par une motivation générale et abstraite toute portée aux écarts existant entre les documents saisis et les candidats finalement retenus ou les montants attribués ainsi qu'à l'incidence des erreurs d'estimation de la DDE sur les déclarations de marchés infructueux, l'arrêt, qui postule l'existence d'offres de couverture et une action concertée, intervertit la charge de la preuve en violation des articles 1315 du Code civil et L. 420-1 du Code de commerce; 7°) que s'agissant des nouvelles soumissions sollicitées après que les premiers appels d'offres aient été déclarés infructueux (A3 bis; A 7 bis), l'arrêt qui ne fait état d'aucune réunion préalable et qui relève l'ouverture de la procédure à d'autres entreprises non incriminées dans la poursuite, intervertit la charge de la preuve en affirmant que la société Razel aurait déposé de "nouvelles offres de couvertures" sur la seule constatation que sa soumission était supérieure à l'offre la moins disante, et viole les articles 1315 du Code civil et L. 420-1 du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que les griefs notifiés à la sociétés Razel consistaient à avoir pris part à la concertation générale entre les candidats retenus pour les marchés d'ouvrages d'art des trois premières sections de la route des estuaires pour la traversée du département de la Manche et en particulier à avoir, dans ce cadre, participé aux échanges d'informations lui ayant permis d'être désignée attributaire du marché D1 en groupement avec l'entreprise Quillery et déposé des offres de couverture au profit d'autres candidats à l'occasion des consultations A2 et A 2 bis, en groupement avec l'entreprise Quillery ainsi qu'à titre individuel à l'occasion des consultations A3, A 3 bis, A7, A 7 bis et G1 ; que, contrairement à ce qui est soutenu, les faits d'entente reprochés à la société Razel concernant le marché D1 n'étaient pas fondés sur l'existence d'une réunion qui serait intervenue après l'attribution des premiers appels d'offres, mais reposaient sur un ensemble d'éléments et de documents rappelés et analysés par l'arrêt ;
Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le fait que le document 83 contienne des mentions ajoutées relatives aux marchés G1 et G2 du second groupe, a souverainement déduit de ses constatations relatives aux déclarations effectuées et au contenu dudit document que certaines mentions y figurant se référaient à une réunion tenue entre les entreprises en cause pour se répartir les marchés avant la date de dépôt des offres relatives au premier groupe de marchés comprenant notamment les marchés D1 et A2;
Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel, qui a relevé qu'il importait peu au regard des faits d'entente relevés que certaines entreprises aient pu bénéficier de fuites voir d'une collusion ayant permis la transmission d'informations détenues par la DDE de la Manche, et qui n'avait pas à s'expliquer sur la circonstance indifférente que le montant de certaines offres pour le marché D1 ait été inférieur à l'évaluation administrative, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en dernier lieu, que l'arrêt se fonde sur différents documents saisis qu'il décrit et analyse, comportant notamment des éléments relatifs à la liste des entreprises admises à concourir, à la tenue de plusieurs réunions et à la mise au point progressive et concertée d'une pré-répartition des marchés entre ces entreprises et ajoute que ces documents sont corroborés par les déclarations de deux salariés de la société Quillery et par les offres effectivement présentées à la DDE de la Manche; qu'appréciant souverainement la portée des éléments de preuve soumis, la cour d'appel déduit de ces documents que la preuve d'une concertation entre les entreprises retenues par la DDE de la Manche destinée à organiser la répartition des quinze marchés constituant les deux groupes de marchés relatifs aux ouvrages d'art de la route des estuaires est rapportée et que la société Razel y a pris part et fait ressortir que les échanges d'informations entre les entreprises ont conduit cette dernière société à déposer des offres de couverture pour certains marchés et lui ont permis d'être attributaire du marché D1 en groupement avec l'entreprise Quillery; que l'arrêt ajoute, par motifs adoptés, que la différence entre le montant de chiffre d'affaires mentionné dans les documents saisis comme souhaité par la société Razel lors de la pré-répartition des marchés et le chiffre d'affaires réalisé par cette société s'explique en partie par le fait que la sous-traitance prévue sur l'un des marchés n'a pas été réalisée; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont il résulte que la concertation générale constatée avait pour objet ou pouvait avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de construction des ouvrages d'art de la route des estuaires dans le département de la Manche, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche du pourvoi n° 06-13.534 formé par la société Razel : - Attendu que la société Razel fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que ne caractérise aucunement la "particulière gravité de l'atteinte à l'économie" l'arrêt qui par des motifs propres ou adoptés, se borne à faire état de "l'entrave portée au jeu normal de la concurrence" et de "la tromperie sur la réalité de la concurrence" ce qui ne constitue que la stricte définition de l'infraction retenue de sorte qu'en statuant comme l'a fait, la Cour d'appel de Paris a violé par fausse application les articles L. 420-1 et L. 464-2 du Code de commerce;
Mais attendu que loin de se borner à faire état de "l'entrave portée au jeu normal de la concurrence " et de " la tromperie sur la réalité de la concurrence ", l'arrêt relève d'un côté que la pratique constituait une entente horizontale en vue d'une répartition du marché poursuivie par ses auteurs en dépit de la vigilance du maître de l'ouvrage, du rejet d'offres, de la relance de certains marchés et de l'intervention de nouveaux candidats et d'un autre côté que le montant global du marché dépassait 26 000 000 d'euro, que l'entente comprenait un grand nombre de participants et a persisté dans le temps; qu'ayant ainsi apprécié, de façon concrète, la gravité de la pratique et le dommage causé à l'économie, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes invoqués; que le moyen n'est pas fondé;
Et sur le cinquième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches du pourvoi n° 06-13.534 formé par la société Razel, le cinquième moyen du pourvoi n° 06-13.583 formé par la société Quille et le second moyen du pourvoi n° 06-13.501 du pourvoi formé par la société Demathieu et Bard, réunis : - Attendu que, par ce moyen pris de violations des articles L. 420-1, L. 464-2 du Code de commerce, 455 du nouveau Code de procédure civile, 6 et 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, manques de base légale au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce, ces sociétés reprochent à l'arrêt d'avoir prononcé à leur encontre des sanctions pécuniaires;
Attendu que ce moyen ne serait [pas] de nature à permettre l'admission du pourvoi;
Par ces motifs : Rejette les pourvois.