Conseil Conc., 14 mars 2007, n° 07-D-09
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre par le laboratoire GlaxoSmithKline France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Wibaux, par Mme Perrot, vice-présidente présidant la séance, Mmes Renard-Payen, Xueref, MM. Flichy, Honorat, membres.
Le Conseil de la concurrence (Section II),
Vu la lettre enregistrée le 21 juillet 2000, sous le numéro francs 1257, par laquelle la société Flavelab a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le laboratoire Glaxo Wellcome France ; Vu la saisine d'office du Conseil de la concurrence du 9 décembre 2003, enregistrée sous le numéro 03/0097F, concernant les pratiques mises en œuvre par le laboratoire GlaxoSmithKline France sur le marché de certaines spécialités pharmaceutiques destinées aux hôpitaux et aux cliniques privées ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret 2002-689 du 30 avril 2002, fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu la décision de secret des affaires du 28 août 2000 ; Vu la décision n° 00-MC-16 du 7 novembre 2000, par laquelle le Conseil de la concurrence a statué sur la demande de mesures conservatoires de la société Flavelab ; Vu la décision n° 06-S-02 en date du 11 mai 2006, par laquelle le Conseil a renvoyé le dossier à l'instruction ; Vu les observations présentées par la société Le laboratoire GlaxoSmithKline France et par le commissaire du gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants du laboratoire GlaxosSmithKline France entendus lors de la séance du 17 novembre 2006 ; Adopte la décision suivante :
I.- Constatations
A. LE MARCHE DU MEDICAMENT A L'HOPITAL
1. Selon l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) le montant total des achats de médicaments à l'hôpital s'élevait à 2,1 milliards d'euro en 1997 et à 3,7 milliards d'euro en 2002.
2. Le rapport 2003 de l'AFSSAPS "Analyse des ventes de médicaments aux officines et aux hôpitaux en France 1993-2003", publié en juillet 2005, indique que le marché des génériques à l'hôpital représentait 5,2 % des ventes en valeur de spécialités pharmaceutiques remboursables (contre 3,9 % en 2002), correspondant à une part de marché en volume de 10,8 % (contre 7,8 % en 2002). Les médicaments princeps représentent donc, et de très loin, l'essentiel des ventes à l'hôpital. Par ailleurs, selon le rapport "Le médicament à l'hôpital" de Grall, Monier et Woronoff-Lemsi, publié le 12 juin 2003, l'ensemble des médicaments en monopole représente 75 à 80 % des achats en valeur de l'hôpital.
3. Cette situation s'explique certes par le coût unitaire très élevé de certaines spécialités pharmaceutiques essentiellement utilisées à l'hôpital, notamment les médicaments innovants qui pèsent sur les budgets globaux d'achats de médicaments. Mais elle trouve aussi son origine dans la relative faiblesse, jusqu'à une période récente, des mécanismes de substitution des médicaments princeps par les génériques.
4. Bien qu'il soit possible aux hôpitaux de lancer des appels d'offres pour s'approvisionner en médicaments, la plupart des spécialités pharmaceutiques achetées font l'objet d'un marché négocié sans mise en concurrence. La Cour des Comptes signale ainsi, dans son rapport annuel de 2002, que "la mise en concurrence pour les achats de médicaments par les hôpitaux demeure, en pratique, assez limitée, avec une majorité de marchés en monopole, qui permettent aux fournisseurs d'imposer leurs prix".
B. LES ENTREPRISES ET LES MARCHES CONCERNES
1. LES ENTREPRISES
Le Laboratoire GlaxoSmithKline (France)
5. La société "le Laboratoire Glaxo Wellcome", ainsi dénommée à l'époque des faits, est la filiale française du groupe Glaxo Wellcome PLC, qui résulte de la fusion, en 1995, de Glaxo PLC et Wellcome PLC. En janvier 2000, Glaxo Wellcome PLC a fusionné avec le groupe Smithkline Beecham pour constituer le deuxième groupe mondial pharmaceutique après Pfizer (USA), sous le nom de GlaxoSmithKline. Le groupe GlaxoSmithKline est essentiellement actif dans les neuf secteurs thérapeutiques suivants : gastro-entérologie, maladies des voies respiratoires, HIV, virologie, infectiologie, neurologie, cancérologie, anesthésie et cardiologie. La filiale française du groupe, "le Laboratoire Glaxo Wellcome" est donc devenue, le 2 mai 2001, le "Laboratoire GlaxoSmithKline" (désigné ci-après comme "le laboratoire Glaxo").
6. Pour la commercialisation de ses produits, la société est organisée en directions, dont la direction "hôpital" qui définit les conditions de vente des produits hospitaliers. La détermination des prix des produits vendus aux hôpitaux s'appuie d'abord sur des "grilles de prix" [cadre général] qui aboutissent à des "prix tarifs", c'est-à-dire des prix affichés sans réduction, mais qui peuvent ensuite être modifiés en fonction de "barèmes quantitatifs", proposant des réductions liées aux quantités vendues. Ces éléments sur la politique commerciale du laboratoire Glaxo ont été décrits par sa directrice juridique qui précise : "Nous nous situons dans le cadre d'appels d'offres. Chaque marché est dans un cadre particulier, défini par un cahier des charges envoyé par chaque initiateur d'appel d'offres (établissement hospitalier ou groupement). Aussi les opérationnels se réfèrent à un tarif quantitatif à usage interne qui fixe les bornes prix/quantité en dessous desquelles ils ne peuvent pas aller, ceci leur permettant une flexibilité dans la réponse aux appels d'offres en tenant compte des spécificités de chaque marché" (courrier du 22 août 2000 à la rapporteure, cote 1115).
7. La direction hôpital définit aussi des "prix planchers" c'est-à-dire des prix en deçà desquels il n'est pas possible de descendre. Les prix planchers sont fixés au début de la campagne. Mais ils peuvent être réajustés au cours de la campagne, en fonction de la situation du marché. Comme l'indique la directrice commerciale du laboratoire : "On assiste souvent, sur des classes thérapeutiques très concurrencées, à une diminution, au fur et à mesure de l'avancement de la campagne, des propositions de prix de Glaxo Wellcome imposée par la réalité du marché (alignement)" (PV d'audition du 3 avril 2001, cote 1094). Toutefois, le réajustement de ces "prix planchers" ne peut se faire qu'avec l'accord de la direction financière et juridique. Comme l'indique également la directrice commerciale, "ce seuil minimal de prix [prix plancher] m'a été communiqué par la direction juridique et la direction financière" (PV d'audition du 2 février 2001, cote 1035).
8. Le chiffre d'affaires du laboratoire Glaxo était, en 1999 (sous le nom de Laboratoire Glaxo Wellcome), de 1,1 Md (dont 0,7 Md réalisé en France) et, en 2004 (sous le nom de Laboratoire GlaxoSmithKline), de 3,9 Md (dont 1,6 Md réalisé en France). Cette société détenait en France, à l'époque des faits, 7 % de parts de marché de la consommation de spécialités pharmaceutiques et était le premier fournisseur de médicaments à l'hôpital avec une part de marché de 6 %, soit 214 M de ventes de médicaments à l'hôpital, en 2000.
Le laboratoire Flavelab
9. La société Flavelab, société anonyme au capital de 10 MF, a été créée en 1996. Elle a concentré ses activités en France (hors exportation) sur la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques injectables et notamment d'antibiotiques. Une partie de son activité développée vis-à-vis des hôpitaux et des cliniques privées était dédiée à la vente de quatre génériques : la céfazoline, le céfamandole, le céfuroxime et le cloxacilline. Son chiffre d'affaires réalisé en France était de 2,6 M en 1998, de 2,6 M en 1999 et de 5,1 M, en 2000. Dans ce chiffre d'affaires, le montant correspondant aux ventes à l'hôpital et aux cliniques privées est passé de 106 950 euro en 1998 à 578 000 euro en 1999 et à 542 502 euro en 2000. Il peut être décomposé de la manière suivante :
<emplacement tableau>
10. Les ventes de céfuroxime sodique représentaient, en 1998, un chiffre d'affaires de 51 924 euro (soit 8 % du CA total) et, en 1999, de 192 890 euro (soit 22 % du CA total). En revanche, en 2000 le céfuroxime ne représente plus que 76 976 euro, les ventes ayant chuté de 60 % en un an pour ne représenter plus que 14,2 % des ventes aux hôpitaux alors que le céfamandole qui n'en représentait que 40,2 % progresse et passe à 51,8 % sur la même période. Le 26 avril 2002, la société Flavelab a fait l'objet d'un plan de cession au bénéfice de la société Panpharma.
<emplacement tableau>
Le laboratoire Panpharma
11. La société Panpharma est un laboratoire pharmaceutique créé sous la forme d'une société anonyme au capital de 3,5 M. Elle a été créée en 1997, à la même époque que Flavelab, et ne fabrique et ne commercialise, comme ce dernier, que des médicaments génériques. Son chiffre d'affaires s'est élevé à 21,7 M en 2000, 24,1 M en 2001, 30,8 M en 2002, et 28,4 M en 2003.
2. LES PRODUITS CONCERNES
12. Les produits concernés par la présente affaire sont des spécialités pharmaceutiques dont le principe actif est soit le céfuroxime, soit l'aciclovir. Ces produits ont été commercialisés par le laboratoire Glaxo puis sont devenus des génériques. Sera également présentée brièvement une autre spécialité pharmaceutique, dont le principe actif est le céfamandole et dont les données seront utilisées pour faire des comparaisons avec le céfuroxime.
13. Le système de classification "Anatomical Therapeutical Chemical (ATC)" divise les produits pharmaceutiques en plusieurs groupes, en fonction de l'organe ou du système sur lequel ils agissent et de leurs propriétés chimiques, pharmacologiques et thérapeutiques. Ce système comporte cinq niveaux de classification. Le troisième niveau ATC permet de regrouper les médicaments en termes d'indications thérapeutiques, c'est-à-dire en fonction de l'usage auquel ils sont destinés. Ce niveau est souvent utilisé comme point de départ de l'analyse pour la définition du marché en droit de la concurrence, aussi bien au contentieux que pour les concentrations, car l'indication thérapeutique est un critère utile pour apprécier la demande, exprimée dans le cas des médicaments par le prescripteur. Or, la substituabilité du point de vue de la demande est le critère principal de définition du marché en droit de la concurrence.
14. Mais ce niveau n'est qu'un point de départ et il convient d'examiner les niveaux ATC4 et ATC5 lorsque le fonctionnement du marché montre que la plupart des spécialités du niveau 3 n'exercent pas les unes sur les autres de pression concurrentielle suffisamment forte, suggérant que le troisième niveau ATC ne permet pas de définir correctement le marché. Le quatrième niveau ATC repose sur un critère tiré du mode d'action du médicament et donne une approche plus étroite de la demande du point de vue du prescripteur, tandis que le cinquième niveau décrit les substances actives individuelles et définit donc des classes plus restreintes puisqu'il tend à réduire le marché au princeps et à ses génériques, considérés comme parfaitement substituables du point de vue de la demande des prescripteurs.
Le céfuroxime
15. Le céfuroxime est un antibiotique, faisant partie des anti-infectieux généraux à usage systémique, classe thérapeutique obéissant à la lettre J dans la classification ATC.
16. Le céfuroxime est répertorié au 3ème niveau de la classification ATC dans la famille des "autres bétalactamines", sous le sigle J01D. A ce même niveau sont classées les bétalactamines-pénicillines (J01C) et les sulfamides (J01E). Toutes ces familles de produits appartiennent à la classe des antibactériens à usage systémique, c'est-à-dire des antibiotiques. Plusieurs décennies après leur découverte, les pénicillines et les céphalosporines constituent encore l'essentiel de la thérapie anti-infectieuse.
17. Les "autres bétalactamines" (J01D) regroupent en majorité les céphalosporines qui sont apparentées aux pénicillines. Les céphalosporines sont classées en "générations" selon leur ancienneté, leur spectre et surtout leur comportement vis-à-vis des enzymes (bétalactamases : pénicilinases ou céphalosporinases) produits par les bactéries devenues résistantes. Le céfuroxime est classé parmi les céphalosporines de 2ème génération.
18. Le céfuroxime se présente sous différentes formes. Le céfuroxime axétil, administré par voie orale, est efficace contre les espèces colonisant le rhinopharynx et l'oreille et sur les germes responsables des infections pulmonaires. Du fait de sa très bonne diffusion dans les tissus de l'appareil respiratoire et de la sphère ORL, il permet de lutter efficacement contre les germes responsables des infections respiratoires, hautes ou basses. C'est pourquoi une de ses indications est celle de l'otite moyenne aiguë, notamment chez l'enfant. Selon les données IMS/DOREMA relatives à l'hiver 1999-2000 "les prescriptions de Zinnat 125 mg granulé (céfuroxime) se font à 50,9 % pour des affections de l'oreille moyenne et apophyse mastoïdienne dont 45,1 % pour les otites moyennes". Il faut noter à cet égard que l'otite moyenne aiguë est la 1ère infection bactérienne de l'enfant et la première indication à une prescription d'antibiotiques dans les pays occidentaux. Le céfuroxime axétil est vendu depuis 1987 par le laboratoire Glaxo sous le nom de Zinnat(r) comprimés (125, 250 ou 500 mg) ou par les laboratoires Novaxo, filiale du groupe Glaxo, sous le nom de Cépazine(r) comprimé (125 mg et 250 mg).
19. Le céfuroxime sodique se présente sous forme injectable pour une utilisation exclusivement en milieu hospitalier. Il n'a pas les mêmes indications que le céfuroxime axétil. En effet, ses indications thérapeutiques sont celles de la prophylaxie des infections pouvant survenir lors d'interventions chirurgicales (chirurgie thoracique, vasculaire, urologique, orthopédique). Il a été commercialisé pour la première fois en France en janvier 1980, et vendu sous la forme de poudre pour perfusion conditionnée en flacon par les laboratoires Glaxo, d'abord sous le nom de Curoxime(r) puis sous le nom de Zinnat(r) injectable (1,5 g ; 750 mg ; 250 mg). En 1999, Glaxo a commercialisé le céfuroxime sodique sous la forme d'ampoules de solution à usage injectable, vendue sous le nom de Zinnat(r) 750 mg IM.
Le céfamandole
20. Le céfamandole (J0DA07) est également une céphalosporine de 2ème génération. Il n'existe que sous forme injectable à dosage unique de 750 mg. Ce produit, commercialisé par le laboratoire Lilly France sous le nom de Kéfandol(r), a été produit sous forme de générique à partir de 1998. Il est utilisé exclusivement à l'hôpital. Ses indications sont celles de la prophylaxie des infections pouvant survenir lors d'interventions chirurgicales.
21. Selon les praticiens hospitaliers dont les déclarations ont été recueillies lors de l'enquête administrative, le céfamandole injectable et le céfuroxime injectable ont les mêmes indications et le même spectre d'action. Ils sont donc substituables d'un point de vue thérapeutique.
L'aciclovir
22. Comme le céfuroxime, l'aciclovir (J05AB01) fait partie des anti-infectieux généraux à usage systémique, classe thérapeutique obéissant à la lettre J dans la classification ATC.
23. L'aciclovir est classé au 3ème niveau de la classification ATC dans la famille des anti-viraux à action directe (J05A). A ce même niveau figurent tous les anti-viraux, par exemple les inhibiteurs de protéase (J05AD) actifs contre le virus HIV ou les dérivés de l'acide phosphonique actifs contre le cytomégalovirus (J05AC).
24. Au 4ème niveau de la classification ATC, l'aciclovir est répertorié dans la famille des "nucléosides et nucléotides, inhibiteurs de la transcriptase exclus" (J05AB). Dans cette famille figurent d'autres anti-viraux contre l'hépatite (Ribavirine et Vidarabine) ou des anti-viraux utilisés dans le traitement de certaines manifestations du cytomégalovirus, comme la rétinite.
25. L'aciclovir est actif contre le virus de l'herpès-simplex [HSV] ou celui de la varicelle-zona [VZV]. En France, on estime à 10 millions le nombre de personnes qui seraient touchées par le virus de l'herpès. L'aciclovir est donc une molécule d'une grande importance thérapeutique qui a valu à ses découvreurs, Hitchings et Elion, de recevoir le prix Nobel de médecine en 1988.
26. L'aciclovir peut être administré par voie parentérale (injection à travers la peau à l'aide d'une seringue) et par voie orale.
27. L'aciclovir injectable est utilisé à l'hôpital pour traiter des infections à virus varicelle-zona ou à herpès et les méningo-encéphalites herpétiques. Il est commercialisé par le laboratoire Glaxo depuis 1983 sous la forme de poudre pour solution pour perfusion et flacons, sous le nom de Zovirax(r) IV 250 mg et Zovirax(r) IV 500 mg.
28. Depuis 1995, a été développée la prodrogue estérifiée de l'aciclovir, le "valaciclovir" ou "aciclovir de seconde génération" commercialisé en France par le laboratoire Glaxo sous le nom de Zélitrex(r). De même, a été commercialisée par SmithKline la prodrogue du penciclovir, le famciclovir, uniquement disponible sous forme de comprimé, qui a les mêmes indications que le valaciclovir.
3. LES MARCHES
Les offreurs sur le marché du céfuroxime sodique (ou injectable)
29. Jusqu'en 1998, le laboratoire Glaxo était le seul offreur de céfuroxime sodique sur le marché, le Zinnat(r) injectable étant protégé par un certificat complémentaire de protection, qui expirait en mai 1999.
30. En 1998, Flavelab lance un premier générique mais ne vend que de faibles quantités pour un chiffre d'affaires réalisé de 52 000 euro, soit 2,7 % du marché en valeur, le laboratoire Glaxo couvrant les 97,3 % restants, soit un chiffre d'affaires de 1,86 million d'euro. Cette entrée anticipée d'un an sur le marché déclenche un contentieux en contrefaçon du laboratoire Glaxo.
31. En 1999, trois laboratoires sont présents sur le marché du céfuroxime sodique : le laboratoire Glaxo et deux fabricants de génériques, Flavelab et Panpharma. Toutefois c'est le laboratoire Glaxo qui réalise toujours l'essentiel du chiffre d'affaires du marché du céfuroxime sodique avec un CA de 1,1 M euro, contre 192 000 euro pour Flavelab et de 24 668 euro pour Panpharma.
<emplacement tableau>
32. En 2000, en dépit de l'arrivée des génériques, le laboratoire Glaxo reste le principal opérateur sur le marché du céfuroxime injectable. Il détient en effet une part de marché en valeur de 82 %, largement supérieure à celle des laboratoires Flavelab (8,8 %) et Panpharma (9,2 %). Il réussit même à regagner trois points de part de marché en volume, comme l'indique le tableau ci-dessous :
<emplacement tableau>
33. En 2001, le laboratoire Glaxo conserve également une forte part de marché (81 %). Flavelab dépose le bilan et sort du marché. Un nouveau fabricant de génériques, la société Ggam, arrive sur le marché mais n'y restera qu'un an. C'est Panpharma qui devient le principal concurrent du laboratoire Glaxo.
34. En 2002, soit quatre ans après l'apparition du premier générique et trois ans après l'expiration du brevet, Glaxo conserve encore 51 % de part de marché en valeur et 31 % en volume.
Les offreurs sur le marché du céfamandole
35. Sur le marché du céfamandole, sont présents le laboratoire Lilly puis, à partir de 1998, Flavelab et Panpharma. Les tableaux présentés ci-dessous donnent un récapitulatif du marché de 1997 à 2005, en valeur et en volume pour le conditionnement en 750 mg, unique présentation du produit.
<emplacement tableau>
36. On constate que dès 1999, soit l'année suivant celle de leur première commercialisation (1998), les deux génériques prennent 50 % du marché en volume et 33 % en valeur, avec des positions équivalentes. En 2000, deux ans après l'apparition des génériques, Lilly n'a plus qu'une part résiduelle en volume (8 %) tout en conservant un tiers du marché en valeur, Panpharma prenant l'avantage sur Flavelab. En 2002, Lilly et Flavelab sont sortis du marché désormais détenu à 100 % par le laboratoire Panpharma.
Les offreurs sur le marché du céfuroxime axétil (Zinnat(r) oral)
37. Le Zinnat(r) administré par voie orale est un médicament essentiellement vendu en ville : en 2000, les ventes en pharmacies ont représenté un chiffre d'affaires de 38 M. Par comparaison, les ventes de Zinnat(r) comprimé du laboratoire Glaxo à l'hôpital restent de montants limités sur la période : d'environ 300 keuro en 1998 à environ 200 keuro en 2004.
38. Jusqu'en 2005, date d'échéance du brevet, les fabricants de génériques ne pouvaient concurrencer le produit princeps et Glaxo était seul sur le marché. A partir de 2005, les statistiques de ventes de l'AFSSAPS indiquent que des fabricants de génériques sont entrés sur le marché de ville, notamment Merck, Biogaran et GNR, alors qu'on ne relève aucune vente de produit générique sur le marché hospitalier.
Les offreurs sur le marché de l'aciclovir injectable (Zovirax injectable)
39. Le marché de l'aciclovir injectable, essentiellement hospitalier, représentait 12 M en 1998. Outre Glaxo, en monopole jusqu'en 1999, les acteurs présents sur ce marché sont : Merck, entré de manière anticipée sur le marché en septembre 1999 et, à partir de septembre 2002, Arrow, Dakota-Pharm et Ggam. Le laboratoire Panpharma a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) mais les statistiques de ventes de l'AFSSAPS ne font apparaître aucune vente de ce laboratoire, qui a d'ailleurs cédé son autorisation avant 2002. On note que beaucoup d'autres laboratoires qui avaient également demandé et obtenu une AMM pour commercialiser le générique du Zovirax(r) injectable (13 laboratoires au total) ne sont finalement pas entrés sur ce marché.
40. L'arrivée des génériques entre 2002 et 2005 ne touche que faiblement la position du laboratoire Glaxo qui conserve la moitié du marché en valeur, alors que Merck subit l'essentiel du choc de l'arrivée des nouveaux génériques avec une part de marché en valeur qui passe de 43 % en 2002 à 25 % en 2005.
41. L'évolution détaillée des ventes figure dans les tableaux récapitulatifs ci-dessous en valeur et en volume :
<emplacement tableau>
42. En septembre 1999, est apparu le premier générique du Zovirax(r) injectable, commercialisé par le laboratoire Merck. Les conditions de cette entrée sont marquées par une controverse sur les effets du certificat complémentaire de protection détenu par le laboratoire Glaxo et qui devait lui assurer trois ans de protection supplémentaire entre septembre 1999 et septembre 2002.
43. Interrogé sur ses relations avec Merck à propos de la commercialisation des génériques de l'aciclovir injectable, le laboratoire Glaxo a donné successivement plusieurs réponses au cours de la procédure. Ainsi, dans ses observations du 17 septembre 2004, il indique que : "L'aciclovir injectable était un médicament protégé par (...) un CCP expirant le 2 septembre 2002. Le laboratoire Glaxo a toutefois consenti à la commercialisation par Merck Génériques de génériques de l'aciclovir injectable, avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle... Merck Génériques a déclaré auprès de l'AFSSAPS, le 19 septembre 1999, le début de la commercialisation de l'aciclovir 250 mg et 500 mg, poudre pour solution injectable" (soulignement ajouté).
44. Cette position a été confirmée le 28 avril 2006, dans un courrier de transmission indiquant : "Vous trouverez ci après le contrat signé entre GSK et la société Merck Génériques" (contrat du 23 juin 1998). La rapporteure ayant fait remarquer, dans une lettre de rappel du 9 juin 2006, qu'il s'agissait du contrat pour les médicaments de ville (aciclovir administré par voie orale) et que la convention relative à l'aciclovir injectable (hôpital) n'avait pas été transmise, le laboratoire Glaxo a maintenu sa réponse précédente sans pour autant fournir le contrat.
45. Les conseils du laboratoire Glaxo ont finalement indiqué, dans une lettre du 4 août 2006 : "Après vérifications, il s'avère qu'en réalité aucun contrat n'a été conclu entre notre cliente, le laboratoire GSK (France), et le laboratoire Merck Génériques concernant la commercialisation de l'aciclovir injectable et que celle-ci s'est ainsi effectuée sans l'accord de notre cliente, contrairement à ce que nous pensions".
46. Cette position a été confirmée dans les observations du 25 octobre 2006 dans lesquelles le laboratoire Glaxo précise, dans une note au bas de la page 13, les circonstances qui expliquent les variations dans les réponses successives : "...il est vrai que l'assertion introduite par les conseils du Laboratoire GlaxoSmithKline (France) dans les observations en réponse à la notification des griefs, selon laquelle ce dernier avait "consenti contractuellement la commercialisation anticipée par le Laboratoire Merck Génériques, dès 1999, de médicaments génériques de l'aciclovir injectable était erronée, puisque le seul contrat conclu entre ces deux sociétés a pour objet l'aciclovir comprimé. Le malentendu qui s'est installé et qui a conduit Madame la rapporteure à adresser un courrier le soulignant, le 13 juillet 2006, provient du fait que les stipulations et l'objet précis du contrat conclu entre le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) et le Laboratoire Merck Génériques n'ont fait l'objet d'un examen par les conseils du Laboratoire GlaxoSmithKline (France), ni avant l'introduction de cette assertion dans lesdites observations, ni lors de la communication à Madame la Rapporteure. le 28 avril 2006, du contrat conclu entre le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) et le Laboratoire Merck Génériques" (soulignement ajouté).
47. Indépendamment de ces explications, le laboratoire Glaxo a fourni une description circonstanciée de ses relations avec Merck pour la commercialisation de l'aciclovir injectable :
"Informé de ce que le Laboratoire Merck Génériques avait initié la vente de médicaments génériques ayant pour principe actif l'aciclovir injectable, le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) a immédiatement alerté cette société, par courrier du 15 septembre 1999, de ce que ce principe actif et son procédé de préparation étaient protégés par un CCP n°92 C 0153, délivré le 10 novembre 1992, et dont les effets demeuraient jusqu'au 2 septembre 2002.
Le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) a donc alerté le Laboratoire Merck Génériques sur le fait qu'en application de l'article L. 613-3 du Code de la propriété intellectuelle, la fabrication, l'importation, la vente, l'offre, l'usage, la détention et la commercialisation de médicaments composés d'aciclovir injectable, avant l'expiration de ses droits de propriété intellectuelle, et sans autorisation, constituaient des actes de contrefaçon. Le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) lui a par conséquent demandé de mettre fin à ces actes, en retirant les produits déjà mis sur le marché, et de lui confirmer par écrit qu'il n'enfreindrait pas ses droits de propriété intellectuelle avant leur expiration. .../...
Par courrier du 29 septembre 1999, le conseil du Laboratoire GlaxoSmithKline (France) confirmait au Laboratoire Merck Génériques, la position du Laboratoire GlaxoSmithKline (France) lequel considérait que la commercialisation d'un produit à base d'aciclovir injectable constituait une contrefaçon de son CCP n° 92 C 0153, et le mettait par conséquent en demeure d'avoir à cesser toute commercialisation d'un tel produit dans un délai de 8 jours, à défaut de quoi le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) mettrait en œuvre les voies et moyens de droit de nature à défendre ses intérêts. Par courrier du 8 octobre 1999. Le Laboratoire Merck Génériques a répondu au conseil du Laboratoire GlaxoSmithKline (France) qu'il confirmait ne pas enfreindre les droits résultant du CCP n° 92 C 0153 dont le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) était titulaire.
Le Laboratoire Merck Génériques explicitait sa position en indiquant que son "affirmation", était fondée d'une part sur le fait que le principe actif de référence du CCP est désormais dans le domaine public et d'autre part que les droits résultant du procédé de fabrication du produit revendiqué par le titulaire sont aujourd'hui soit épuisés par une mise sur le marché soit inopérants par l'utilisation de procédés distincts (...). Le Laboratoire Merck Génériques précisait toutefois qu'il restait ouvert à des discussions éventuelles avec les représentants du Laboratoire GlaxoSmithKline (France) afin de solutionner le litige ainsi créé. Il proposait ainsi implicitement, mais clairement, au laboratoire GlaxoSmithKline (France), de conclure un accord de licence autorisant contractuellement la mise sur le marché des médicaments génériques de l'aciclovir injectable, initiée par le Laboratoire Merck Génériques, dans des conditions de prix et de volumes protégeant les intérêts commerciaux des deux parties.
Cette "passe d'armes" s'est clôturée par l'envoi d'un ultime courrier, en date du 2 novembre 1999, dans lequel le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) a rappelé que le contrat daté du 23 juin 1998 - lequel correspond au document communiqué à Madame la rapporteure - était strictement limité aux produits et formes pharmaceutiques décrites en son annexe -à savoir, précisément, à la formulation en comprimés de l'aciclovir - et qu'il ne lui conférait donc aucun droit sur les autres formes galéniques. Le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) indiquait également que "les propositions d'entente" formulées par le Laboratoire Merck Génériques étaient inacceptables.../...
Le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) concluait en indiquant qu'à défaut de la transmission de documents démontrant que le produit, composé d'aciclovir injectable, commercialisé par le Laboratoire Merck Génériques, était fabriqué avec un procédé autre que celui-ci couvert par le CCP n°92 C 0153, il se réservait le droit de faire valoir ses droits devant les juridictions compétentes".
48. Sans préciser si Merck Génériques avait ou non fourni les justifications demandées, le laboratoire Glaxo indique avoir choisi de ne pas mettre sa menace à exécution et a justifié sa décision de ne pas défendre ses droits de propriété intellectuelle en indiquant que "la décision du Laboratoire Glaxo de ne finalement pas intenter d'action relative à sa propriété intellectuelle contre Merck Génériques est intervenue .../... en tenant compte d'une appréciation de ses chances de succès d'une éventuelle action en contrefaçon et du risque juridique qui pouvait éventuellement affecter les droits de propriété intellectuelle de Glaxo et du caractère très limité des volumes d'aciclovir injectable qui étaient alors vendus en 1999 par le laboratoire Merck Génériques".
49. Dans les faits, Merck est entré sur le marché en considérant que la protection du brevet ne lui était pas opposable et que le médicament était susceptible d'être produit et commercialisé sous la forme d'un générique. Après avoir contesté auprès de Merck cette arrivée du générique, le laboratoire Glaxo a finalement considéré, comme on l'a vu, qu'il n'était pas dans son intérêt de s'engager dans une défense de ses droits de propriété industrielle devant un tribunal et s'est accommodé de la fin de son monopole, trois ans avant son expiration juridique.
50. Cette position accommodante n'a toutefois pas été rendue publique. Elle a été d'autant moins décelable par les autres opérateurs sur le marché que Merck et le laboratoire Glaxo avaient, par ailleurs, passé un accord de licence en 1998 pour la vente des autres préparations de l'aciclovir en officine, dont le périmètre n'était pas connu des concurrents.
La demande concernant ces produits
51. Les produits administrés sous forme injectable sont vendus majoritairement, voire exclusivement à l'hôpital. C'est le cas du Zinnat(r) sous forme injectable qui n'est vendu qu'à l'hôpital et du Zovirax(r) sous forme injectable qui l'est très majoritairement, les ventes en ville représentant des quantités négligeables.
52. C'est, en revanche, l'inverse pour le Zinnat(r) administré par voie orale qui est vendu en petites quantités à l'hôpital et majoritairement en ville, ce dernier marché étant beaucoup plus important en termes de quantités vendues et de chiffre d'affaires (38,8 M en 2000 en ville, contre 255 000 euro à l'hôpital).
Les prix du céfuroxime injectable
53. Selon les statistiques de l'AFSSAPS (confirmées par les chiffres fournis par le laboratoire Glaxo, cf. cote 2697), le prix moyen de vente à l'hôpital, par le laboratoire Glaxo, du Zinnat(r) injectable de 1,5 g (poudre pour usage parentéral pour perfusion) était en 1996 de 71,75 francs (10,95 euro) et de 28,71 francs (4,38 euro) en 1997.
54. En 1998, date de l'apparition du générique commercialisé par Flavelab, le prix pratiqué par le laboratoire Glaxo tombe à 23 francs (3,5 euro). En 1999, année de l'arrivée du générique de Panpharma, ce prix moyen passe à 14,50 francs (2,2 euro) avant de baisser, en 2000, à 9 francs (1,36 euro). Mais, en 2001, il remonte brutalement à 12 francs (1,85 euro) puis à 15 francs (2,25 euro) en 2002. On observe ensuite une certaine stabilisation : 2,11 euro en 2003, 2,21 euro en 2004 et 2,33 euro en 2005, soit un niveau comparable à celui pratiqué par le laboratoire Glaxo en 2001.
<emplacement tableau>
55. Le prix moyen de vente à l'hôpital du Zinnat(r) injectable de 750 mg (poudre pour usage parentéral pour perfusion) était, en début de période avant l'arrivée des génériques, de 39,78 francs (6,06 euro) en 1996 et de 13,27 francs (2,02 euro) en 1997.
56. Les années suivantes, il suit une évolution comparable à celui du Zinnat(r) injectable 1,5 g, ce qui correspond au fait que le rapport de un à deux du prix du dosage 750 mg avec le prix du dosage 1,5 g est globalement pertinent. En 1998, date de l'apparition du générique de Flavelab, le prix est de 11,50 francs (1,71 euro) et, en 1999, à l'arrivée du second générique, il passe à 7 francs (1,1 euro). En 2000, il baisse brusquement à 4,20 francs (0,65 euro). Mais, en 2001, il remonte tout aussi brusquement à 7 francs (1,09 euro) puis en 2002 à 7,10 francs (1,16 euro). En 2003, il s'établit à 1,22 euro et se stabilise à 1,14 euro en 2004 et en 2005.
<emplacement tableau>
Le prix du Zovirax(r) injectable
57. Le prix moyen de vente à l'hôpital du Zovirax(r) (IV lyoph 500 mg) sous forme injectable a suivi l'évolution suivante : en 1998, il est de 21,2 euro, il baisse légèrement en 2000 et passe à 19, 2 euro, puis à 13,4 euro en 2001 et à 8,47 euro en 2002. Il remonte en 2003 à 9,5 euro puis baisse de nouveau en 2004 à 5 euro, prix qui se maintient globalement en 2005 (5,1 euro).
<emplacement tableau>
Le prix du Zinnat(r) en comprimés
58. Le prix moyen de vente aux hôpitaux du Zinnat(r) (comprimés pelliculés) 250 mg a suivi une augmentation régulière au cours de la période considérée : en 1999, il était à 3,77 euro et en 2005 il est à 4,85 euro. On ne constate donc pas de baisse les années précédant l'expiration du brevet.
<emplacement tableau>
C. L'HISTORIQUE DE L'AFFAIRE
59. Le laboratoire Cooper (Meram) a obtenu, en 1997, une autorisation de mise sur le marché d'un générique du médicament princeps du Zinnat(r) injectable (céfuroxime sodique) mais n'a pu commercialiser son produit car il a immédiatement été assigné en contrefaçon de brevet le 14 août 1997, par le laboratoire Glaxo (cf. cote 2685). Celui-ci considérait, en effet, être titulaire d'un certificat complémentaire de protection valide jusqu'au 15 mai 1999, alors que le laboratoire Cooper estimait que la protection du Zinnat(r) injectable expirait en février 1996.
60. La société Panpharma a obtenu une autorisation de mise sur le marché le 24 février 1998 mais elle ne commencera à fabriquer puis à commercialiser le céfuroxime sodique qu'en mai 1999.
61. Le laboratoire Flavelab a obtenu, en décembre 1997, l'autorisation de mise sur le marché puis, en mars 1998, l'agrément pour la vente aux collectivités par l'Agence du médicament (aujourd'hui AFSSAPS), tous deux nécessaires à la vente aux hôpitaux du générique du céfuroxime sodique. Dès le mois de mars 1998, le laboratoire Flavelab commence à répondre aux demandes des hôpitaux et propose plus largement son générique lors de la campagne d'appels d'offres lancée fin 1998 par les hôpitaux pour leur consommation de l'année 1999. Le 5 octobre 1998, il soumissionne notamment pour celui de l'AP-HP à Paris (pour le marché débutant le 1er janvier 1999).
62. Le laboratoire Glaxo estime alors qu'une réaction devient nécessaire, comme l'indique la directrice commerciale du laboratoire Glaxo : "En 1998, Flavelab a commencé à répondre aux appels d'offres sur le céfuroxime, de façon surprenante pour Glaxo Wellcome dont les droits de propriété intellectuelle se terminaient en mai 1999. C'est ainsi qu'au milieu de l'année 1998, nous avons perdu le marché de l'AP-HP et j'ai appris que les prix de Flavelab étaient très inférieurs aux nôtres. Il fallait réagir (...)".
63. Au plan contentieux, le laboratoire Glaxo assigne en référé Flavelab d'une demande de saisie-contrefaçon, comme il l'avait fait l'année précédente pour le laboratoire Cooper. Toutefois le tribunal de grande instance de Paris, dans une décision du 30 octobre 1998, déboute le laboratoire Glaxo. Ce jugement est confirmé par la Cour d'appel de Paris, le 26 mars 1999. Ce n'est qu'en mars 2000, par un jugement du TGI de Paris, puis en 2004, dans le cadre du contentieux avec Cooper, que la position du laboratoire Glaxo sera confirmée par la cour d'appel.
64. Parallèlement à ces actions contentieuses, sur le plan commercial, le laboratoire Glaxo réagit en baissant ses prix. Comme l'indique la directrice commerciale "Il fallait réagir (...) et adapter notre niveau de prix à l'offre de Flavelab. Cette adaptation s'est faite progressivement et au cas par cas".
65. Ainsi, pour la campagne 1999, le laboratoire Glaxo propose aux hôpitaux de Marseille, à la centrale d'achat de l'hospitalisation privée (CAHP), à la centrale d'achat, de conseil et d'information des cliniques (CACIC), et à la Générale de Santé du Zinnat(r) 750 mg à 5 francs (0,76 euro) et le dosage de 1,5 g à 10 francs (1,52 euro).
66. Pour la campagne de 2000, la baisse de prix est étendue à tous les hôpitaux pour lesquels deux fabricants de génériques, Flavelab et Panpharma, sont désormais présents. Le laboratoire Glaxo propose notamment à la centrale d'achat de l'hospitalisation privée (CAHP) à la centrale d'achat, de conseil et d'information des cliniques (CACIC) à la Générale de Santé, aux groupements d'achat de Seine et Marne, d'Eure et Loir, de Seine et Marne, le Zinnat(r) 750 mg à 4 francs (0,61 euro) et à 8 francs (1,22 euro). Les mêmes prix sont fixés à 3 francs et 6 francs pour l'hôpital d'Épernay, le CHRU de Lille, le groupement d'achat de l'Aisne et celui des Vosges.
67. En 2000, les prix très bas pratiqués par le laboratoire Glaxo à l'occasion des appels d'offres conduisent à des prix moyens de vente du médicament princeps (Zinnat(r) de Glaxo) inférieurs à ceux des produits génériques. Le laboratoire Glaxo remporte ainsi la quasi-totalité des appels d'offres de la campagne 2000 (29 marchés contre 3 pour Flavelab et un seul pour Panpharma).
68. Le 21 juillet 2000, le laboratoire Flavelab saisit le Conseil de la concurrence d'une saisine au fond, assortie d'une demande de mesures conservatoires, à l'encontre du laboratoire Glaxo en alléguant des pratiques de prix anormalement bas, ainsi que des ventes liées.
69. Par ailleurs, également en 2000, le laboratoire Glaxo saisit le Conseil d'État d'une requête dirigé contre une décision de l'AFSSAPS qui avait inscrit, le 28 juillet 1999, au répertoire des génériques, deux produits génériques du Zovirax(r) comprimé, commercialisés par les sociétés Merck Génériques, GNR pharma, et Biogalénique sous les noms d'Aciclovir 200 mg, et d'Aciclovir 800 mg. Le Conseil d'Etat annule, le 31 mai 2000, la décision du directeur général de l'AFSSAPS, mais un accord entre le laboratoire Glaxo et Merck Génériques permet à ce dernier de continuer à commercialiser le générique en comprimé.
70. Le 18 décembre 2001, la société Flavelab est déclarée en cessation de paiements. Le lendemain, elle fait l'objet d'un redressement judiciaire. Le 26 avril 2002, le tribunal de commerce de Vannes agrée un plan de cession au bénéfice de la société Panpharma.
D. LES PRATIQUES RELEVEES
1. LES PRATIQUES DE FIXATION DE PRIX DE VENTE EN DESSOUS DES COÛTS D'ACHAT
71. A l'occasion de l'instruction de la demande de mesures conservatoires formulée par la société Flavelab, ayant conduit à la décision du Conseil n° 00-MC-16, le laboratoire Glaxo avait indiqué dans un courrier, daté du 22 août 2000, quel était son coût d'achat du Zinnat injectable. Il précisait : "Le laboratoire Glaxo Wellcome ne fabrique pas lui-même le Zinnat(r) injectable 1,5 g et 750 mg mais achète le produit fini à une société dénommée Adechsa. Vous trouverez ci-après le prix auquel les produits nous ont été facturés, toute réduction de prix prise en compte, pour les années que vous nous avez indiquées (...)" (décision n° 00-MC-16 du 7 novembre 2000). Le laboratoire Glaxo a communiqué pour l'année 1999 puis pour les années suivantes ces prix d'achat.
72. En 1999, ces prix d'achat étaient respectivement de 5,85 francs (0,89 euro) pour le dosage 750 mg et de 12,80 francs (1,84 euro) pour le dosage 1,5 g. Or, comme l'avait constaté la décision de mesures conservatoires précitée, le laboratoire Glaxo a pratiqué des prix inférieurs à ses prix d'achat à l'occasion de divers appels d'offres passés par des hôpitaux ou des groupements d'achat pour la campagne 1999 : "si l'on compare ce coût d'achat du produit aux prix de vente proposés par Glaxo Wellcome à l'occasion de divers appels d'offres, comme celui passé avec la Générale de santé qui regroupe les cliniques de Paris, pour la période du 1er avril 1999 au 31 mars 2000, ou les appels d'offres passés avec le centre hospitalier universitaire de Bordeaux et avec celui de Tours (portant sur les mêmes périodes),..., on constate que les prix de vente ont été inférieurs au coût d'achat du produit et donc à son coût variable" (décision n° 00-MC-16 du 7 novembre 2000).
73. Le tableau ci-après résume le déroulement des marchés contestés avec l'indication du prix d'achat des prix, et des quantités vendues :
<emplacement tableau>
74. Pour l'année 2000, le prix d'achat auprès de la société Adechsa a été de 3,40 francs (0,52 euro) pour la formule dosée à 750 mg et de 8,40 francs (1,28 euro) pour celle dosée à 1,5 g. Cette même année, à l'occasion de divers appels d'offres passés par des hôpitaux ou des groupements d'achat, le laboratoire Glaxo a, comme l'année précédente, pratiqué des prix inférieurs à ses prix d'achat. Au total, en 2000, le laboratoire Glaxo a vendu à 19 établissements ou groupements d'achat du Zinnat(r) 750 mg ou du Zinnat(r) 1,5 g en dessous de son prix d'achat. Pour ces 19 établissements, le laboratoire Glaxo a remporté 29 marchés, le laboratoire Flavelab trois et Panpharma un seul.
75. Le tableau ci-après résume la situation pour les marchés de l'année 2000 :
<emplacement tableau>
76. De surcroît, les éléments recueillis à l'occasion de l'enquête indiquent que cette politique de prix bas en 1999 et 2000 a été "ciblée" sur les établissements ou groupements d'achat qui avaient fait appel à la concurrence. Dans le cas où l'établissement hospitalier ou le groupement d'achat n'avait fait appel qu'à Glaxo, les prix du Zinnat(r) 750 mg ou du Zinnat(r) 1,5 g ont été beaucoup plus élevés, comme l'indique par exemple le tableau 15 ci-après (relatif au Zinnat(r) 1,5g) et concernant l'année 1999. Ces prix sont à comparer à ceux pratiqués, la même année, lorsque Glaxo est en concurrence avec des génériques, présentés dans le tableau 14 ci-dessus.
77. De cette comparaison il ressort qu'à quantités comparables, les prix proposés par le laboratoire Glaxo sont totalement différents d'un établissement hospitalier (ou d'un groupement d'achat) à l'autre. Ainsi, l'hôpital de Bordeaux se voit proposer, en 1999, un prix de 10 francs pour le Zinnat(r) injectable 1,5 g pour 2 750 unités achetées, alors que l'hôpital de Meaux doit payer un prix de 16 francs par unité pour 7680 unités achetées ; un autre exemple illustre la même pratique pour le même médicament : alors que la Cacic se voit proposer un prix de 8 francs, celui qui est offert aux hospices civils de Lyon est de 16 francs. Dans le premier cas Glaxo est en concurrence, tandis que dans le second il ne l'est pas. D'autres illustrations de prix élevés sont présentés dans le tableau suivants :
<emplacement tableau>
78. Enfin, le tableau ci-après indique, pour chacune des présentations du Zinnat(r) injectable, les augmentations des prix moyens enregistrées après 2000, c'est-à-dire après la sortie du marché de Flavelab, et les quantités totales vendues. On constate une hausse des prix de 50 % en 2001 qui se poursuit de manière plus modérée, en 2002. Au total, après le point bas de l'année 2000, la hausse des prix sera de près de 70 %, dans les deux ans qui suivent. On constate que le chiffre d'affaires global augmente en 2001 par rapport à 2000 et ne baisse de manière significative qu'à partir de 2003.
<emplacement tableau>
2. LES REMISES CONDITIONNEES A L'ACHAT D'UNE OU PLUSIEURS AUTRES SPECIALITES
Les remises liant le Zinnat(r) en comprimés et le Zinnat(r) injectable
79. Le 6 décembre 1999, pour le marché prévu pour l'année 2000, Glaxo Wellcome propose au CHU de Clermont-Ferrand une remise de 10 % "sur les prix des lots 87 à 90, si celui-ci retient et commande tous les lots de céfuroxime". Cette proposition intègre à la fois le Zinnat injectable et le Zinnat en comprimés vendu par Glaxo, pour lequel il n'existe aucun générique.
80. Le procès-verbal de la commission d'appel d'offres fait apparaître que Glaxo Wellcome a effectivement été retenu pour tous ces lots : le lot 87 (Zinnat(r) 1,5 g) ; le lot 88 (Zinnat(r) 250 mg); le lot 89 (Zinnat(r) 750 mg) ; le lot 90 (Zinnat(r) 250 mg comprimé). Cette remise a donc permis à Glaxo Wellcome de se voir attribuer le lot 88 pour lequel il n'est pas moins-disant et ceci au détriment de la société Panpharma qui proposait un prix de 4,50 francs pour le céfuroxime injectable, au lieu de 4,80 francs pour Glaxo (4,32 francs avec la remise).
Les remises liant le Zovirax(r) injectable et le Zinnat(r) injectable
81. Des remises liées entre l'achat du Zovirax(r) et du Zinnat(r) injectable ont été proposées par la société Glaxo, lors des marchés publics passés pour l'année 2000, aux hôpitaux et groupements d'achats suivants :
- Hôpital de Dax
82. Le 27 septembre 1999, le directeur des services économiques du centre hospitalier de Dax reçoit une lettre dont l'intitulé est "clauses particulières sur appel d'offre [pour la fourniture en médicament pour l'année 2000] du centre hospitalier de Dax". La lettre émane du directeur commercial des Laboratoires Glaxo Wellcome et elle indique : "Clause de regroupement des lots" : Si les lots 543 et 546 Zovirax(r) IV 250 et 500 MG lyoph sont retenus et commandés, les prix suivants vous seront appliqués : Zinnat(r) 750 Inject sera à 0,10 francs pour une quantité de 1 600 unités, au delà le prix sera de 4 francs ; Zovirax(r) Pom OPH sera à 42,48 pour une quantité de 30 unités avec 30 % de remise des unités gratuites à la commande ; Zovirax(r) Creme Dermique 10 GR sera à 97,85 francs pour une quantité de 50 unités avec 30 % d'unités gratuites à la commande".
83. L'hôpital de Dax a profité de cette offre et a commandé 1 600 unités de Zinnat(r) 750 mg injectable, écartant les propositions des fabricants de génériques.
- Hôpital de Périgueux
84. Le 29 novembre 1999, le service pharmacie du centre hospitalier de Périgueux reçoit une lettre dont l'intitulé est "Offre de Prix". Cette lettre est accompagnée d'une liste de prix accompagnant différentes références de spécialités pharmaceutiques commercialisées par Glaxo. A côté du Zinnat(r) injectable 750 mg, figure le prix unitaire hors taxe de 4 francs. Le Zinnat(r) injectable 1,5 mg est proposé à 8 francs. Toutefois, une seconde offre de prix, datée du 18 février 2000 et intitulée "CONDITIONS PARTICULIÈRES" parvient à l'hôpital. Elle indique: "Dans le cadre du marché, dans le cas où Zovirax(r) IV 250 & 500 sont retenus et commandés, les nouvelles conditions suivantes vous seront appliquées : "Zinnat(r) injectable 750 mg, quantité prévue : 450 ; prix 2 francs ; Zinnat(r) injectable 1,5 g ; quantités prévues 650 ; prix : 4 francs ". Une clause mentionne également : "Dans le cadre des quantités appelées" "Au delà de ces quantités, les prix seront respectivement de 4 francs et 8 francs HT, soit une économie de 3500 HT à déduire du lot Zovirax(r) IV".
85. Le centre hospitalier de Périgueux a effectivement commandé 450 unités de Zinnat(r) injectable 750 mg et 650 unités de Zinnat(r) injectable 1,5 g, aux prix respectifs de 2 francs et 4 francs l'unité et il a également commandé du Zovirax(r) IV 250 mg pour 19 909 francs.
- Groupement d'achat des hôpitaux charentais
86. Un document daté du 23 novembre 1999, et concernant le marché 2000, rédigé par le groupement d'achat des hôpitaux charentais, établit le "Classement des Offres" des différents laboratoires pour le choix des spécialités pharmaceutiques. Or, dans ce classement, la proposition de Glaxo Wellcome, concernant le lot 8 "Céfuroxime injectable" (4 francs pour le Zinnat(r) 750mg pour une quantité de 6 270 et 8 francs pour le Zinnat(r) 1,5 g, avec une quantité de 1900) est assorti de la mention suivante: "Remise proposée de 2,5 % pour regroupement : lots 6, 8, 37, sous-lots 34-3, 34-4, 34". Outre le lot n°8 qui correspond au céfuroxime injectable (750 mg et 1,5 g), les autres lots concernés par cette remise de regroupement sont : le lot n°6 correspondant au Ceftazidime (commercialisé par Glaxo sous le nom de Fortum(r)); le lot n°37 correspondant au Valaciclovir commercialisé par Glaxo sous le nom de Zelitrex(r); le lot n°34 correspondant à l'Aciclovir, crème dermique et solution injectable, commercialisés par Glaxo sous le nom de Zovirax(r).
87. Le groupement d'achat des hôpitaux charentais choisit Glaxo (qui proposait le Zinnat(r) 750 mg à 4 francs et le 1,5 g à 8 francs) pour l'ensemble des lots.
- Groupement d'achat d'Indre et Loire
88. Un document relatif au résultat de la 1ère consultation organisée par le CHRU de Tours, au nom du groupement d'achat d'Indre et Loire qui regroupe les commandes de différents établissements hospitaliers à Amboise, Chinon, Loches, Châtillon-sur-Indre...), pour un appel d'offres sur différentes spécialités pharmaceutiques et notamment le céfuroxime 750 mg et 1,5 g injectable, fait apparaître la proposition de Glaxo Wellcome. Celle-ci est ainsi rédigée : "Si les lots 27-1 et 27-2 (Zovirax(r) IV 250 mg et 500 mg) sont retenus : le prix du Zinnat(r) IV 1,5 g du lot 67.2 sera de 0,20 francs pour une quantité de 1700 ampoules ; au delà, le prix sera de 7 francs ; le prix du Zinnat(r) 750 mg, lot 67.3 sera de 0,10 francs pour une quantité de 8220 ampoules ; au delà, le prix sera de 3,50 francs ".
89. Au vu des prix proposés cumulés avec la clause de regroupement des lots, le groupement d'achat d'Indre et Loire retient le céfuroxime injectable (Zinnat(r) 750 mg injectable et Zinnat(r) 1,5 g). Il écarte l'offre de Flavelab qui proposait du céfuroxime injectable 750 mg au prix de 4,87 francs et 1,5 g au prix de 7 francs.
E. LES GRIEFS NOTIFIES
90. Compte tenu de ces constatations, les griefs suivants ont été notifiés le 17 juillet 2004 :
"Il est fait grief au Laboratoire GlaxoWellcome, devenu en 2001, le Laboratoire GlaxoSmithKline, qui détenait une position dominante sur le marché de l'aciclovir injectable commercialisé sous le nom de Zovirax(r) injectable, d'avoir abusé de cette position sur le marché du céfuroxime sodique, sur lequel il était présent avec son médicament, le Zinnat(r) injectable. Les pratiques abusives ont consisté à utiliser un système de remises, qui liait l'achat du Zovirax(r) injectable à l'achat du Zinnat(r) injectable, concurrencé par des génériques. Ces pratiques, qui se sont déroulées en 1999 et 2000, ont eu pour objet et pour effet l'éviction des concurrents sur le marché du céfuroxime sodique. Elles sont prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce et l'article 82 du traité [grief 1] ;
Il est fait grief au Laboratoire GlaxoWellcome, devenu en 2001, le Laboratoire GlaxoSmithKline qui détenait une position dominante sur le marché du céfuroxime axétil, commercialisé sous le nom de Zinnat(r) comprimé d'avoir abusé de cette position sur le marché du céfuroxime sodique, sur lequel il était présent avec son médicament, le Zinnat(r) injectable. Les pratiques abusives ont consisté à pratiquer une politique de prix de prédation sur les prix du Zinnat(r) injectable proposés à différents hôpitaux et groupements d'achats. Ces pratiques, qui se sont déroulées en 1999 et 2000, ont eu pour objet et pour effet l'éviction des concurrents sur le marché du céfuroxime sodique. Elles sont prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce et l'article 82 du traité [grief 2] ;
Il est fait grief au Laboratoire Glaxo Wellcome, devenu en 2001, le Laboratoire GlaxoSmithKline, qui détenait une position dominante sur le marché du céfuroxime axétil, commercialisé sous le nom de Zinnat(r) comprimé d'avoir abusé de cette position sur le marché du céfuroxime sodique sur lequel il était présent avec son médicament, le Zinnat(r) injectable. Les pratiques abusives ont consisté à utiliser un système de remises, qui liait l'achat du Zinnat(r) comprimé au Zinnat(r) injectable, concurrencé par les génériques. Ces pratiques, qui se sont déroulées en 1999 et 2000, ont eu pour objet et pour effet l'éviction des concurrents sur le marché du céfuroxime sodique. Elles sont prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce et l'article 82 du traité" [grief 3].
91. Un grief complémentaire a été notifié le 24 mai 2006. Il est ainsi rédigé :
"Il est fait grief au Laboratoire Glaxo Wellcome devenu, en 2001, le Laboratoire GlaxoSmithKline qui détenait une position dominante sur le marché de l'aciclovir injectable commercialisé sous le nom de Zovirax(r) injectable d'avoir abusé de cette position sur le marché du céfuroxime sodique, sur lequel il était présent, avec son médicament Zinnat(r) injectable. Les pratiques abusives ont consisté en la mise en œuvre d'une politique de prix de prédation sur le Zinnat(r) injectable proposé à différents hôpitaux et groupements d'achats. Ces pratiques, qui se sont déroulées en 1999 et 2000 sont prohibées par l'article L. 420-2 du Code de commerce et l'article 82 du traité" [grief 4.]
92. Ce grief n'a pas remis en cause les trois griefs déjà notifiés qui ont été maintenus dans leur intégralité.
II.- Discussion
A. SUR LA PROCEDURE
En ce qui concerne le désistement de la société Flavelab et la prescription
93. Le laboratoire Glaxo dénonce "le stratagème procédural" qui aurait été mis en œuvre pour prolonger artificiellement la saisine de la société Flavelab, mise en liquidation judiciaire en décembre 2001. Il estime, en premier lieu, que le Conseil devait prendre acte de la lettre de désistement adressée le 14 mai 2003 par l'administrateur judiciaire au nom de la société Flavelab puis, en deuxième lieu, que ce désistement devait conduire le Conseil à clore la procédure, et enfin, en troisième lieu, que cette clôture privait d'effet utile les actes d'instruction accomplis précédemment. Il en déduit que les faits à l'origine de la saisine de Flavelab et visés par les griefs se trouvaient prescrits à la date du 9 décembre 2003 à laquelle le Conseil a décidé de s'autosaisir, une telle saisine d'office ne pouvant avoir pour effet de "recycler" des faits prescrits.
94. Mais, en premier lieu, contrairement à ce qu'indique le laboratoire Glaxo, à la date de la saisine d'office soit le 9 décembre 2003, les faits examinés dans le cadre de la saisine de la société Flavelab en date du 21 juillet 2000 n'étaient pas prescrits puisque plusieurs actes d'enquête avaient interrompu la prescription : c'est notamment le cas de la transmission du rapport administratif d'enquête au Conseil le 31 octobre 2001. Un tel acte, tendant à la recherche et à la constatation des faits dénoncés, a bien un tel effet interruptif quelle que soit la validité débattue ci-après du désistement adressé au nom de la société Flavelab.
95. En second lieu, contrairement à ce que soutient le laboratoire Glaxo, aucun texte ni aucun principe n'interdit au Conseil de verser au dossier d'une saisine d'office des pièces obtenues dans le cadre d'une autre saisine, comme l'a jugé la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 27 mai 2003 : "considérant, qu'entre la date de la saisine du Conseil de la concurrence par les sociétés AGS Paris, AGS Nouméa, AGS Tarbes, AGS Lorraine et AGS Papeete et le retrait de cette saisine, une demande d'enquête, portant sur les pratiques de la CSD et de l'AFDI, a été adressée à la DGCCRF le 21 janvier 1997 ; que cet acte n'a pas perdu le fondement qu'il puisait dans la dénonciation des faits, qu'il a pu être versé au dossier de la saisine d'office et qu'il a, dès lors, un effet interruptif de la prescription ; qu'il s'ensuit que doivent être pris en compte, dans le cadre de la saisine d'office, les faits remontant jusqu'au 21 janvier 1994". Au cas d'espèce, ce versement d'une pièce d'un dossier à l'autre était en tout état de cause superfétatoire puisque la saisine initiale et la saisine d'office ont été jointes le 27 janvier 2004.
96. Au surplus et bien que ces points soient sans conséquence sur une acquisition de la prescription que la motivation retenue aux paragraphes 94 et 95 ci-dessus suffit à écarter, il convient de rappeler quelles sont les conditions de validité du désistement de la partie saisissante et les conséquences de ce désistement lorsqu'il est accepté.
97. En premier lieu, la demande de désistement de mai 2003 n'a pas été formulée par la société plaignante Flavelab mais par son administrateur judiciaire. Or, il est bien établi que l'action devant le Conseil de la concurrence n'est pas une action patrimoniale (décisions n° 99-D-25 et 00-D-91, 04-D-26) de sorte qu'un administrateur ou un liquidateur, mandaté dans une procédure collective, n'a pas qualité pour retirer une plainte devant le Conseil. Seule Flavelab dont la personnalité a subsisté après l'adoption du plan de cession de ses actifs pour les besoins de sa liquidation était en mesure de faire cette demande. La transaction conclue en juillet 2002 entre l'administrateur judiciaire, la société Flavelab et la société Glaxo Operation UK Ltd, qui a eu pour objet l'abandon de la créance de Glaxo en contrepartie du désistement d'un appel formé par Flavelab contestant cette créance dans la procédure collective, et qui prévoyait en outre l'abandon de la plainte devant le Conseil sous réserve du consentement expres de Flavelab ainsi que l'homologation de cette transaction par le tribunal de commerce de Vannes, sont sans effet sur l'appréciation de la validité du désistement de l'action devant le Conseil. Le désistement personnel de Flavelab n'ayant pas été attesté, la présidente du Conseil n'a pas jugé recevable la demande de désistement présentée par l'administrateur judiciaire et n'en a pas donné acte.
98. En second lieu, dans l'hypothèse où il aurait été valide, le désistement n'aurait pas interrompu l'action devant le Conseil, dans la mesure où le retrait d'une plainte, même accompli par l'auteur de celle-ci, demeure sans effet sur la saisine. Les affaires portées devant le Conseil de la concurrence relèvent d'un contentieux objectif visant à protéger l'ordre public économique qui n'est pas soumis aux demandes des parties. Aussi, la disparition ou le désistement d'une plaignante n'a pas d'effet sur la procédure, l'autorité de concurrence, qui est saisie in rem, pouvant examiner tous les faits non prescrits portés à sa connaissance indépendamment de la position du plaignant. Une fois la saisine déposée, son auteur n'a pas la maîtrise de la procédure engagée devant le Conseil, ainsi que l'a jugé la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 8 septembre 1998 (Coca-Cola c/ Orangina). Selon une décision n° 06-D-18 du Conseil, après la saisine, la procédure n'appartient plus au saisissant et le Conseil peut poursuivre celle-ci, même en l'absence de saisine d'office.
99. Contrairement à ce que soutient le laboratoire Glaxo, cette jurisprudence de la cour d'appel n'a pas été remise en cause par la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (ci-après loi NRE). Lors des débats parlementaires qui ont précédé cette dernière, le rapporteur du projet de loi pour la commission des finances de l'Assemblée Nationale a au contraire indiqué que la proposition de confier au seul président du Conseil le soin de donner acte des désistements poursuivait le but de simplifier le traitement des dossiers et "que cette nouvelle disposition ne doit pas être interprétée comme remettant en cause la jurisprudence du Conseil de la concurrence selon laquelle un désistement ne met pas obligatoirement fin à la procédure si le Conseil estime devoir s'autosaisir" (rapport n° 2327, du 6 avril 200, p.157, examen de l'article 39).
100. L'affirmation du laboratoire Glaxo selon laquelle les débats parlementaires tenus lors de l'examen du projet de loi NRE conduiraient à remettre en cause la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris précitée (8 septembre 1998 Coca-Cola c/Orangina) est donc dénuée de tout fondement.
101. Enfin, le laboratoire Glaxo conteste la régularité de la saisine d'office du Conseil de la concurrence, au motif qu'elle ne serait pas intervenue immédiatement après la demande de désistement et qu'elle n'aurait eu d'autre motivation que de "régulariser" la poursuite de l'instruction.
102. Mais la Cour d'appel de Paris a jugé qu'aucune disposition du Code de commerce n'impose au Conseil de rendre compte des circonstances dans lesquelles il estime opportun d'utiliser le pouvoir de se saisir d'office que la loi lui reconnaît (CA de Paris novembre 2001) et, a fortiori, de justifier du moment où il le fait, dès lors que les faits en cause ne sont pas prescrits.
Sur le renvoi à l'instruction et la notification d'un grief complémentaire
103. Le laboratoire Glaxo conteste la possibilité pour le Conseil de surseoir à statuer avant d'avoir examiné le fond du dossier et constaté, à cette occasion, que l'instruction n'est pas complète. Il fait valoir que, dans le cas d'espèce, l'instruction était suffisante et qu'il n'y avait donc pas lieu de surseoir à statuer. Il soutient enfin qu'il n'existe pas de "troisième tour" de contradictoire dans la procédure devant le Conseil et qu'il n'est pas possible de rouvrir l'instruction pour répondre à des observations des parties en réponse au rapport.
104. Mais l'article 33 du décret 2002-689 du 30 avril 2002 modifié, qui définit le renvoi à l'instruction, ne fixe aucune condition pour décider de ce renvoi. Le texte dispose que "lorsqu'il estime que l'instruction est incomplète, le Conseil de la concurrence peut décider de renvoyer l'affaire en tout ou partie à l'instruction. Cette décision n'est pas susceptible de recours".
105. Après avoir entendu, au cours de l'audience du 9 mai 2006 à laquelle il avait été régulièrement convoqué, le laboratoire Glaxo, qui a pu faire valoir son point de vue, opposé au renvoi à l'instruction, et le rapporteur général - en charge des services d'instruction - qui estimait ce renvoi nécessaire, le Conseil pouvait valablement décider d'un renvoi à l'instruction dès lors que ni la loi, ni le règlement ne limitent les situations dans lesquelles ce renvoi est possible. En tout état de cause, un tel renvoi, qui n'a fait que permettre la poursuite de la procédure contradictoire dans le respect des droits de la défense, n'a pas fait grief à la partie mise en cause.
106. Enfin, le laboratoire Glaxo considère que le renvoi à l'instruction aurait été décidé pour élargir artificiellement le champ de la saisine et conteste la possibilité de notifier un grief complémentaire après ce renvoi. Il soutient en outre que le Conseil ne pouvait renvoyer à l'instruction "qu'une partie de l'affaire", celle concernant les réponses à l'étude économique qu'il avait fournie et non le dossier en son entier.
107. Mais la décision de renvoi à l'instruction, prise le 11 mai 2006 après une séance tenue le 9 mai 2006, n'a nullement limité le champ de l'instruction complémentaire, indiquant seulement, dans son article unique "Le dossier enregistré sous les numéros joints francs 1257 et 03/0097 francs est renvoyé à l'instruction". Elle ne fixe aucune limite au complément d'instruction à mener. Le paragraphe 3 de la décision de renvoi est aussi général et indique que "le dossier doit être renvoyé à l'instruction afin que cette dernière soit complétée ou poursuivie" (soulignement ajouté).
108. Par ailleurs, la possibilité de notifier des griefs complémentaires postérieurement à l'envoi du rapport a été admise par la Cour d'appel dans un arrêt "Bosch France, Black & Decker et Castorama" du 23 mai 1995 : "aucune disposition de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ni de son décret d'application du 29 décembre 1986, seuls textes applicables à la procédure suivie devant lui [le Conseil de la concurrence], n'interdit (...) d'adresser une notification de griefs complémentaires, même après envoi du rapport".
109. Quant au grief complémentaire lui-même, il n'a pas excédé le champ de la saisine tel qu'il a été rappelé plus haut.
110. Le laboratoire Glaxo est d'autant moins fondé à soutenir le contraire qu'il avait lui-même fait valoir dans ses observations du 16 décembre 2005, en réponse au rapport, que pour lever toute ambiguïté sur le lien entre la position dominante et le grief de prédation, il convenait "soit d'abandonner le grief, pour défaut de base légale, soit, le cas échéant, d'en notifier un nouveau" (observations du 16 décembre 2005, points 119 à 125, pages 33 et 34, soulignement ajouté).
111. Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que la notification d'un grief complémentaire aurait violé les droits de la défense.
112. Le laboratoire Glaxo soutient enfin que ce grief complémentaire serait "nul" car fondé sur des pièces qu'il avait transmises le 28 avril 2006 et qui auraient donc été obtenues irrégulièrement entre le report de la séance, initialement prévue le 15 mars 2006, et la décision de renvoi à l'instruction du 11 mai 2006.
113. Mais cet argument manque en fait puisque les documents communiqués par le laboratoire Glaxo le 28 avril 2006 après le report de la séance lui ont été retournés par la rapporteure le 4 mai 2006, dès leur réception, en indiquant que cette transmission était inutile dans l'attente de la position que le Conseil était appelé à prendre sur un éventuel sursis à statuer lors de la séance du 9 mai. A fortiori, il n'est pas démontré en quoi ces documents, qui n'ont pas été versés au dossier mais retournés à leur auteur, auraient pu influencer les débats lors de la séance du 9 mai 2006.
Sur le non-respect des droits de la défense
114. Le laboratoire Glaxo considère que les droits de la défense auraient été violés car la rapporteure aurait mené une instruction déloyale et partiale, et parce qu'une personne tierce à la procédure se serait immiscée dans l'instruction.
En ce qui concerne le caractère prétendument partial et déloyal de l'instruction
115. En premier lieu, le laboratoire Glaxo soutient que la rapporteure aurait violé les droits de la défense en assistant au délibéré de la mesure conservatoire, comme le prouverait le fait qu'elle a envoyé une première demande d'enquête à la DGCCRF avant la notification de la décision statuant sur les mesures conservatoires demandées.
116. Mais, contrairement à ce qui est soutenu, la rapporteure n'a pas assisté à ce délibéré, qui n'a associé que les membres de la formation du collège ayant statué sur la demande de mesure conservatoire, et la demande d'enquête envoyée à la DGCCRF n'atteste nullement du contraire.
117. En effet, dans la mesure où le Conseil était régulièrement saisi d'une plainte sur le fond, aucun texte ni aucun principe n'interdisait à la rapporteure, régulièrement nommée pour instruire cette saisine au fond, de rédiger et de transmettre à la DGCCRF une demande d'enquête, sans attendre la notification de la décision du Conseil relative à la demande de mesures conservatoires.
118. En second lieu, le laboratoire Glaxo souligne la partialité de l'instruction en se fondant sur le fait que la rapporteure se serait écartée des conclusions du rapport d'enquête sur plusieurs points qu'il estime lui être plus favorables.
119. Mais le rapporteur n'est nullement tenu par les positions prises par le rapport d'enquête, de même que le Conseil lui-même n'est nullement tenu par le raisonnement et les positions de son rapporteur. Dès lors que les pièces sur lesquelles il se fonde sont soumises au débat contradictoire, dans des conditions permettant à l'entreprise mise en cause d'exercer ses droits de la défense, ces derniers ne sont pas méconnus.
En ce qui concerne l'avis donné sur l'étude économique mentionnée par Microéconomix
120. Le laboratoire Glaxo soutient que le fait, pour les services d'instruction du Conseil, d'avoir demandé à une économiste, recrutée à titre temporaire en qualité d'agent contractuel, de donner un avis sur une étude italienne publiée dans la Revue d'économie industrielle, et citée par la propre étude économique fournie à l'appui des observations du laboratoire Glaxo du 16 décembre 2005, constituerait un détournement de procédure. Il considère que cette personne, tierce à la procédure, était partiale du fait de ses publications antérieures sur le secteur pharmaceutique et qu'elle s'est irrégulièrement immiscée dans la procédure.
121. Mais le laboratoire Glaxo ne démontre pas en quoi l'opinion émise par de cette économiste au sein des services d'instruction du Conseil de la concurrence, dont le travail s'est limité à donner un avis sur une étude publique, sans commenter en aucune manière les pièces du dossier puisqu'elle n'y a pas eu accès, se serait "immiscée dans la procédure". Dès lors que les échanges de courriels avec les auteurs italiens de l'article en cause sur lesquels la rapporteure s'est fondée pour arrêter sa position ont été régulièrement soumis au contradictoire, il est sans intérêt pour les débats de savoir si ces échanges ont été tenus personnellement avec la rapporteure ou avec une personne salariée par le Conseil, dont la seule tâche était de clarifier le contenu d'un article économique publié, en 2002, dans une revue accessible à tous.
122. Cette contestation est d'autant moins recevable que le laboratoire Glaxo insiste lui-même sur la disponibilité publique de ce document non lié au dossier et en minimise la portée au fond : "Pour autant, la disponibilité sur Internet d'une étude italienne sur l'intensité de la concurrence après l'expiration des brevets dans le secteur pharmaceutique est apparu comme un élément de référence pertinent . .../...Pour autant, l'intérêt de cette étude était presque anecdotique par rapport à l'enjeu réel du débat..." (observations point 472, soulignement ajouté).
B. SUR LE FOND
1. LA DEFINITION DES MARCHES PERTINENTS ET LA POSITION QU'Y OCCUPE LE LABORATOIRE GLAXO
123. Selon le neuvième rapport du Conseil de la concurrence, "le marché est défini comme le lieu où se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique (...) Une substituabilité parfaite s'obtenant rarement, le Conseil considère que sont substituables, et par conséquent se situent sur un même marché, les produits ou les services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les regardent comme des moyens entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande".
124. Par ailleurs, selon le rapport annuel du Conseil pour l'année 2001 : "L'objectif poursuivi in fine par les autorités de concurrence à travers la notion de marché pertinent est d'apprécier le pouvoir de marché d'une entreprise, c'est-à-dire sa capacité à augmenter ses prix au delà du prix concurrentiel sans que la baisse des ventes qui en résulte annule la hausse des profits escomptés".
125. S'agissant des spécialités pharmaceutiques, la jurisprudence, tant nationale que communautaire, considère que les possibilités de substitution entre les médicaments sont limitées par leurs indications et contre-indications thérapeutiques respectives, qui dépendent elles-mêmes des propriétés pharmacologiques des produits, mais aussi par l'avis des médecins prescripteurs, ainsi que par d'éventuels écarts de prix. La Cour de cassation a approuvé, dans son arrêt "Lilly France" du 15 juin 1999, la cour d'appel qui avait considéré que : "l'interchangeabilité des médicaments ne dépend pas fondamentalement de leur identité physique ou chimique, mais de leur interchangeabilité fonctionnelle du point de vue du dispensateur, et donc, dans le cas des médicaments soumis à prescription, également du point de vue des médecins établis". Dans le même arrêt, la Cour de cassation a considéré que "si, pour délimiter le marché de référence d'un médicament le troisième niveau [de la classification ATC] est utile, cette classification peut être trop étroite ou trop vaste pour certains médicaments".
126. L'application de cette jurisprudence fondée, à titre principal, sur l'usage thérapeutique, suppose néanmoins la combinaison de plusieurs critères convergents lorsque les limites des marchés et la substituabilité des produits ne ressortent pas immédiatement des avis ou des recommandations des autorités sanitaires et des pratiques des prescripteurs. La définition du marché pertinent du médicament ne diffère néanmoins pas fondamentalement de l'approche économique générale qui prévaut pour les autres secteurs et produits, nonobstant les particularités de la demande à visée thérapeutique.
127. Comme l'indique la Commission européenne dans la décision "Astra Zeneca" du 15 juin 2005 : "le marché en cause (des médicaments) n'est pas déterminé en tenant compte du fait que certains produits se sont concurrencés l'un l'autre au sens large, mais bien que ces produits sont suffisamment interchangeables pour exercer une pression sensible sur le pouvoir de marché de l'autre produit, notamment en termes de fixation des prix. En outre, un marché correctement défini ne doit pas comprendre tous les produits interchangeables d'un point de vue fonctionnel ; en effet, une telle interchangeabilité entre produits ne définit normalement que les frontières extérieures d'un marché de produits, mais peut ne pas constituer un critère déterminant. Lorsque des produits, tels que les médicaments, peuvent être largement utilisés dans un même but mais diffèrent en termes de prix, de qualité, de préférences du consommateur ou d'autres caractéristiques clés, ils sont considérés comme distincts. Bien que des produits distincts puissent "se concurrencer" dans une certaine mesure, un marché en cause dans les affaires de concurrence ne devrait inclure que les produits à même d'exercer une pression considérable sur le comportement d'une entreprise et d'empêcher celle-ci de se comporter indépendamment de toute pression concurrentielle effective".
Sur la définition du marché des céphalosporines de deuxième génération injectables et la position du laboratoire Glaxo sur ce marché
128. Les débats n'ont pas fait apparaître de divergences quant à la définition du marché sur lequel les pratiques de prédation ont été dénoncées. L'ensemble des opinions recueillies au cours de l'instruction et l'examen de la rédaction des appels d'offres des hôpitaux et cliniques pour leurs achats conduisent à définir un marché hospitalier des céphalosporines de deuxième génération administrables par injection. Ce marché comprend le céfuroxime sodique, le céfamandole sodique et les génériques de ces deux spécialités.
129. Il n'est pas non plus contesté que, à l'époque des faits, c'est-à-dire avant 2001, aucun laboratoire ne détenait une position dominante sur ce marché.
130. Dans la suite de cette décision, nous pourrons utiliser, pour alléger la rédaction, les expressions de " marché du céfuroxime " ou " marché du céfamandole " pour désigner les transactions sur ces produits, et sans référence au caractère " pertinent " de ces marchés, les deux produits appartenant au même marché pertinent qui vient d'être défini.
Sur la définition du marché des céphalosporines de deuxième génération administrables par voie orale et la position du laboratoire Glaxo sur ce marché
131. Le laboratoire Glaxo conteste la définition du marché du céfuroxime axétil retenue dans le rapport, qui est celle des céphalosporines de deuxième génération administrables par voie orale, et considère qu'il existe de nombreux médicaments substituables au Zinnat(r) ou à la Cépazine(r) (noms commerciaux du céfuroxime axétil commercialisé par Glaxo). Il se réfère d'abord à la classification ATC pour déclarer que le Zinnat(r) est substituable à toutes les autres céphalosporines orales. Puis, il précise qu'il faut ainsi examiner l'usage thérapeutique du médicament et formule deux hypothèses. En se fondant sur les recommandations de bonnes pratiques de l'antibiothérapie de l'AFSSAPS les plus récentes (8 novembre 2005), il envisage d'abord la substituabilité du céfuroxime axétil avec une céphalosporine de 1ère génération, le céfotiam héxetil, et avec les céphalosporines de 3ème génération, dont le cefpodoxime proxétil. A titre subsidiaire, il ne retient in fine que le cefpodoxime proxétil, notamment vendu sous la marque commerciale Orélox(r), comme alternative thérapeutique au Zinnat(r). Il conteste l'utilisation du critère de prix pour distinguer le marché des céphalosporines de 3ème génération comme le fait le rapport. Il conclut que la comparaison des parts de marché du Zinnat(r) à celles de l'Orélox(r) ne permet pas de conclure à l'existence d'une position dominante du laboratoire Glaxo.
132. S'agissant, tout d'abord, de la substituabilité avec les céphalosporines de 1ère génération, il faut relever que le céfiotiam héxetil (commercialisé sous les noms de Takediam(r) et Texodil(r)), cité par le laboratoire Glaxo, est une spécialité assez ancienne qui n'était, à l'époque des faits, presque plus vendue à l'hôpital, comme l'indiquent les statistiques de vente de l'AFSSAPS (cote 2173). En 1999, on dénombre en effet seulement 1 105 unités vendues de Texodil(r) et 203 unités pour l'année 2000. Quant au Taketiam(r), 8 780 unités ont été vendues en 1999 et encore 9 932 en 2000, grâce à une forte baisse du prix moyen de vente (de 2 euro en 1999, le prix passe à 1,3 euro en 2000), mais ces volumes restent très modestes en comparaison des volumes de Zinnat(r) vendus à l'hôpital : 73 645 unités (tous dosages) vendues en 1999 et 63 469 en 2000, malgré un prix bien supérieur à celui du céfotiam héxetil.
133. De surcroît, le laboratoire Glaxo précise dans ses observations au rapport que le céfotiam héxetil n'est pas recommandé dans le traitement de l'otite moyenne aiguë, l'une des prescriptions principales du Zinnat(r) chez l'enfant. Il en résulte que cette molécule,
commercialisée sous les noms de Texodil(r) et Taketiam(r), n'est pas subsituable au céfuroxime axétil (Zinnat(r)), comme semble l'indiquer d'ailleurs le laboratoire Glaxo lui-même, en formulant l'hypothèse d'une substituabilité unique avec le cefpodoxime proxétil.
134. Le laboratoire Glaxo estime que le cefpodoxime proxétil est l'équivalent thérapeutique parfait du céfuroxime axétil et donc le seul produit in fine réellement substituable, mais conteste l'argument de l'écart de prix qui déterminerait un marché distinct. Il précise, à cet égard, qu'il ne faut pas confondre coût d'un comprimé et coût du traitement : il convient selon lui de tenir compte de la durée du traitement, pour évaluer la différence de prix.
135. Le cefpodoxime proxétil (Orelox(r)) et le céfuroxime axétil (Zinnat(r)) ont des indications thérapeutiques très proches qui concernent le traitement des affections respiratoires. Mais le laboratoire Glaxo relève néanmoins que l'Orelox(r) n'a pas le même spectre d'action que le Zinnat(r) et que "l'Orelox étend son spectre au Branhamella cattarhalis en lieu et place, pour le céfuroxime axétil des corynibactéries sauf J, K, Moraxella cattarhalis et Haemophilus para-influenzae". Cette différence de spectre d'action conduit d'ailleurs à une différence de classification, puisque le céfuroxime axétil est classé parmi les céphalosporines de 2ème génération, tandis que le cefpodoxime proxétil est une céphalosporine de 3ème génération.
136. Cette différence de classification (2ème ou 3ème génération) induit d'ailleurs une différence dans les coûts des traitements. Ces différences sont pertinentes pour définir un marché, comme le Conseil l'a rappelé à plusieurs reprises, et récemment dans sa décision 04-D-13 du 8 avril 2004, confirmée par la Cour d'appel, qu'un "écart de prix substantiel durable entre produits est un indice de non substituabilité entre ces derniers et donc de non appartenance au même marché". Ce test de prix ne saurait être écarté par principe de l'analyse des marchés pharmaceutiques, comme l'a rappelé la Commission européenne dans sa décision Astra Zeneca mentionnée ci-dessus (paragraphe 127 ci-dessus).
137. Les prix moyen par gramme des deux spécialités sont donnés dans les tableaux ci-après :
<emplacement tableau>
138. En tenant compte des durées de traitement, le rapport montre que, pour l'angine et la sinusite aiguë, le coût du traitement est nettement plus élevé pour l'Orelox(r) : le surcoût est de 40 % à 50 % pour l'angine récidivante et de 130 % pour la sinusite aiguë (voir ci-après tableaux comparatifs des coûts du traitement avec ces deux médicaments). Or, selon les données figurant au dossier, les quantités d'Orélox(r) et de Zinnat(r) vendues à l'hôpital sont très proches en 1999 et 2000 et les quantités achetées d'Orelox(r) sont même supérieures en 2000, malgré une baisse de prix de 6 % du Zinnat(r). L'élasticité croisée des deux produits apparaît donc assez faible, ce qui est un indice de la faible substituabilité entre eux et de l'existence de deux marchés distincts.
<emplacement tableau>
139. Dans ses observations, le laboratoire Glaxo relève que le coût total du traitement de l'otite moyenne aiguë chez l'enfant (qui devrait résulter du produit du coût journalier par le nombre de jours de traitement) n'a pas été calculé et que l'instruction se borne à constater que ce calcul n'a pas été possible car les données détaillées sur la durée de traitement n'étaient pas disponibles dans les documents sanitaires officiels.
140. Le Conseil relève qu'il n'est pas contesté que le traitement de l'otite moyenne aiguë chez l'enfant est une des prescriptions principales du Zinnat(r) (environ la moitié des indications de cette spécialité, pourcentage qui détermine donc une part importante de la demande). En l'absence d'indications fournies par les documents officiels sur la durée de traitement standard de cette pathologie pour chaque médicament, et compte tenu des indications thérapeutiques qui apparaissent très proches, il n'est pas possible d'établir la différence de coût de traitement entre l'Orélox(r) et le Zinnat(r) pour une part significative de la demande, ce qui empêche de démontrer de manière incontestable que l'écart de coût de traitement pour les usagers permet de distinguer un marché des céphalosporines de 2ème génération administrables par voie orale et un marché des céphalosporines de 3ème génération administrables par voie orale.
141. En l'état du dossier, il n'est pas possible de se prononcer sur l'existence d'un marché pertinent réduit aux seules céphalosporines de 2ème génération administrables par voie orale, c'est-à-dire au seul céfuroxime axétil. Par conséquent, la position dominante du laboratoire Glaxo sur ce marché ne peut non plus être établie.
142. Il y a lieu, en conséquence, d'écarter les griefs 2 et 3 fondés sur la position dominante du laboratoire Glaxo sur le marché du céfuroxime axétil.
Sur la définition du marché de l'aciclovir injectable et la position du laboratoire Glaxo sur ce marché
143. Concernant la définition du marché de l'aciclovir injectable, marché retenu par le rapport, le laboratoire Glaxo considère que la substituabilité de l'aciclovir injectable avec d'autres produits n'a pas été suffisamment recherchée lors de l'instruction. Il ajoute qu'il aurait été nécessaire, pour définir le marché, d'avoir recours au critère de "l'usage thérapeutique identique", afin de vérifier si d'autres médicaments étaient susceptibles de se substituer à l'aciclovir injectable dans ses indications principales, à savoir les infections à varicelle zona et à herpès simple.
144. Mais la recherche de spécialités pharmaceutiques à usage thérapeutique identique est justement effectuée par l'AFSSAPS lorsqu'elle établit ses "fiches de transparence" à l'usage des médecins, qui donnent le nom de toutes les spécialités équivalentes à un produit donné pour permettre aux médecins de faire un choix éclairé. Or, la "fiche de transparence" du Zovirax injectable (cote 646) indique précisément "qu'il n'existe pas de médicament à même visée thérapeutique en première intention", c'est-à-dire qu'il n'existe pas de médicament à usage thérapeutique identique, qui serait substituable au Zovirax injectable, nom commercial de l'aciclovir injectable princeps vendu par le laboratoire Glaxo.
145. Cette absence de substituabilité de l'aciclovir injectable est corroborée par les déclarations des pharmaciens hospitaliers recueillies au cours de l'enquête. Ces pharmaciens ont déclaré : "le Zovirax est une molécule de référence, notamment sous sa forme injectable. (...) Il n'existe pas de molécules équivalentes" (Audition de Mme X..., praticien hospitalier et de M. Y..., chef de service pharmacie du CHRU de Tours, du 7 mars 2001, cote 1063). "L'aciclovir est une molécule sans alternative thérapeutique. Elle est essentiellement utilisée à l'hôpital sous sa forme injectable. Il s'agit du premier poste antiviral de l'hôpital universitaire de Strasbourg (pour les consommations d'hospitalisation)", (PV de déclaration de M. Z..., pharmacien de l'Hôpital Universitaire de Strasbourg du 21 mars 2001, cote 1084).
146. L'absence de substituabilité de l'aciclovir avait d'ailleurs été affirmée par les parties elles-mêmes lors de l'examen de la fusion de GlaxoWellcome avec SmithKlineBeecham par la Commission européenne, comme l'indique le § 21 de la décision d'autorisation du 8 mai 2000 de cette opération, qui précise que "le traitement de référence de l'herpès était, depuis le début des années 1980, l'aciclovir, qui était le 1er agent anti-viral à empêcher de manière sélective et spécifique la reproduction du virus. L'aciclovir a été introduit initialement par GW sous le nom de Zovirax(r), et a depuis été utilisé pour traiter toutes les manifestations cliniques dues à l'herpès-simplex et à l'herpès-zona. Les parties allèguent que la protection du brevet du Zovirax(r) est tombée dans de nombreux pays et, qu'en conséquence, le Zovirax(r) doit affronter la concurrence des génériques de l'aciclovir".
147. Une telle affirmation des parties notifiantes signifie bien qu'elles considèrent qu'avant l'arrivée des génériques, il n'existait pas d'autres molécules susceptibles de concurrencer le Zovirax(r) et donc qu'il n'existait pas d'équivalent thérapeutique à l'aciclovir.
148. Le laboratoire Glaxo soutient également que l'analyse complète de la substituabilité à partir des niveaux de la classification ATC n'a pas été développée dans le rapport et que, faute d'une telle analyse, la limitation du marché à la molécule, c'est-à-dire la prise en compte du niveau 5 de la classification ATC, n'est pas justifiée.
149. Mais si l'on part du 4ème niveau de classification ATC, niveau considéré par les parties notifiantes, c'est-à-dire les laboratoires GlaxoWellcome et SmithklineBeecham, comme étant pertinent pour effectuer l'analyse de la dominance lors de la fusion de 2000 (décision de concentration de la Commission du 8 mai 2000, paragraphe 86), on constate qu'il n'existe pas de molécules ayant les mêmes indications thérapeutiques sous forme injectable. Le valaciclovir (prodrogue de l'aciclovir) et le famvir (prodrogue du penciclovir) ne sont vendus que sous forme de comprimé ou de pommade. Toutes les autres molécules de cette classe (idoxurine, vidarabine, ribavirine, ganciclovir, cidofivir, valganciclovir) traitent d'autres pathologies. L'aciclovir injectable n'est donc concurrencé que par ses génériques.
150. Il ressort de l'ensemble de ces éléments, à savoir notamment les caractéristiques du médicament, ses nombreuses indications thérapeutiques liées à sa forme injectable, la spécificité de la forme galénique injectable étant soulignée par les parties elles-même, et le comportement des médecins prescripteurs, qu'il existe un marché pertinent de l'aciclovir injectable.
151. Le marché géographique est le marché national, puisque l'aciclovir injectable est vendu sur l'ensemble du territoire national.
152. Jusqu'en septembre 1999, le laboratoire Glaxo était en monopole sur ce marché, la molécule étant protégée par un brevet. En 2000, un premier générique est apparu sur le marché hospitalier mais avec des quantités relativement faibles, de l'ordre de 10 %. Selon les données communiquées par l'AFSSAPS, les parts de marché du laboratoire Glaxo sur le marché de l'aciclovir injectable (Zovirax(r) injectable et génériques), sont restées très élevées : environ 90 % en 2000 et 80 % en 2001, aussi bien en valeur qu'en volume. Il faut ajouter que la protection du médicament princeps était revendiquée par le laboratoire Glaxo jusqu'en septembre 2002 et qu'aucun autre générique que celui de Merck n'est entré sur le marché jusqu'à cette date. Conformément à une jurisprudence constante, l'importance de telles parts de marché et la faiblesse de la concurrence réelle ou potentielle permettent de retenir l'existence d'une position dominante, du laboratoire Glaxo, au moins jusqu'en 2002.
153. Le laboratoire Glaxo conteste cependant sa position dominante sur ce marché en affirmant que la décision de la Commission européenne du 8 mai 2000, relative à la concentration GlaxoWellcome-SmithKline contredirait une telle situation. Il vise notamment le paragraphe 84 de cette décision (cote 685) qui indique "bien que l'augmentation des parts de marché [par Smith Kline] soit inférieure à 10 %, en France, Belgique, Luxembourg, Danemark et Suède, l'augmentation est suffisante pour mener à une position dominante étant donné les très hautes parts de marché dans ces États membres" et soutient que l'expression "mener à une position dominante" suppose que cette position résulte de la concentration et qu'elle ne préexistait pas avant la concentration pour le laboratoire GlaxoWellcome.
154. Mais cette interprétation est erronée en fait comme en droit.
155. En fait, tout d'abord, puisque la Commission utilise l'expression "mener à une position dominante" dans une analyse du niveau ATC 3 et de manière très générale en visant plusieurs pays européens, alors même que les situations avant et après la concentration sont assez différentes dans ces pays en termes de parts de marchés. Ainsi, au paragraphe 83 de la décision (cote 685), la position dominante est considérée comme acquise au Danemark avec une part de marché comprise entre 50 % et 60 % après concentration, alors que, selon la lecture du laboratoire Glaxo, elle ne le serait pas en France avec une part de marché comprise entre 60 % et 70 % avant concentration qui reste quasi-inchangée après l'opération. De même, les positions initiales de Glaxo avant l'opération de fusion en Grèce et au Luxembourg, environ 80 % de part de marché, seraient insuffisantes, selon l'interprétation du laboratoire Glaxo, pour considérer que la situation de dominance préexistait à la concentration.
156. Ces chiffres montrent à l'évidence que la position dominante était nécessairement acquise avant la concentration pour plusieurs pays, dont la France, et que l'interprétation du laboratoire Glaxo, consistant à affirmer que la concentration a nécessairement entraîné un changement de la position dominante dans tous les pays visés ne peut être retenue.
157. Cette conclusion s'impose d'autant plus que, contrairement à la présente affaire, la Commission n'examine pas, dans les passages cités par le laboratoire Glaxo (paragraphes 83 et 84), le marché de l'aciclovir injectable sur les marchés hospitaliers, notamment le marché hospitalier français, mais se limite, pour les besoins de la décision d'autorisation de concentration, à une analyse générale du niveau 3 de la classification ATC, celui des anti-viraux, dans la plupart des pays européens.
158. En outre, le laboratoire Glaxo s'abstient de mentionner la suite de l'analyse de la Commission, aux paragraphes 86 à 90 de sa décision (cote 686), qui examine plus particulièrement le niveau ATC 4.
159. Il est notamment indiqué au paragraphe 87 que : "Selon les parties notifiantes [GlaxoWellcome et SmithklineBeecham], les génériques de l'aciclovir concurrencent le Zovirax, le Valtex et le Famvir dans la plupart des pays de l'Union". Cette mention montre que le laboratoire Glaxo considère lui-même que le niveau ATC3 n'est pas pertinent pour l'analyse de la substituabilité et que le marché pertinent doit être appréhendé au moins au niveau ATC4.
160. Il est également mentionné au paragraphe 90 que : "Les concurrents et les clients ont indiqué que, malgré une certaine baisse de prix du Zovirax provoquée par la concurrence des génériques de l'aciclovir, les médicaments génériques n'ont pas été en mesure de rééquilibrer la position dominante que détient le Zovirax dans de nombreux Etats membres" (soulignement ajouté). A fortiori, cette position dominante est encore plus évidente en France puisque à l'époque des faits aucun générique n'était encore arrivé de manière significative sur le marché, comme cela est rappelé au paragraphe 86 de la décision de la Commission : "les parties notifiantes indiquent que GlaxoWellcome a perdu la protection de son brevet pour l'aciclovir sur tous les marchés européens sauf la France, où le brevet n'expirera qu'en [ septembre 2002]".
161. C'est donc à tort que le laboratoire Glaxo soutient que la lecture de la décision communautaire de concentration du 8 mai 2000 s'opposerait à ce que le Conseil de la concurrence retienne une position dominante du laboratoire Glaxo sur le marché de l'aciclovir injectable.
162. Mais l'argument est également erroné en droit puisque, comme le Conseil l'a rappelé dans sa décision n° 05-D-32 du 22 juin 2005, Royal Canin, les analyses de marché en matière de contrôle des concentrations revêtent nécessairement un caractère prospectif, alors qu'en matière de pratiques anticoncurrentielles, elles s'attachent à décrire un marché contemporain des pratiques. Il en résulte que l'analyse que mène le Conseil en matière d'abus de position dominante peut conduire à retenir des marchés plus étroits que ceux examinés par la Commission à l'occasion d'une fusion qui lui est notifiée. On peut noter, en particulier, que la Commission n'a pas isolé le marché hospitalier de l'ensemble du marché du médicament en France et qu'elle n'a pas non plus étudié de manière spécifique le marché de l'aciclovir sous forme injectable.
163. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, au moins jusqu'en 2002, le laboratoire Glaxo était en position dominante sur le marché de l'aciclovir injectable pour les ventes au secteur hospitalier en France.
2. LA QUALIFICATION DES PRATIQUES DE PREDATION (GRIEF N° 4)
2.1. METHODOLOGIE ET JURISPRUDENCE PERTINENTES
164. La prédation peut être définie comme la pratique par laquelle une entreprise en position dominante fixe ses prix à un niveau tel qu'elle subit des pertes ou renonce à des profits à court terme dans le but d'évincer ou de discipliner un ou plusieurs concurrents, ou encore de rendre plus difficile l'entrée de futurs compétiteurs sur le marché, afin ultérieurement de remonter ses prix pour récupérer ses pertes.
165. Elle se distingue donc d'une simple politique unilatérale de prix bas ou d'une situation de "guerre des prix" que l'on peut observer sur certains marchés, qui traduisent simplement un fonctionnement de la concurrence favorable aux consommateurs. Plus généralement, toute stratégie reposant sur l'acceptation temporaire de pertes n'est pas non plus nécessairement anticoncurrentielle, comme par exemple lorsque les sacrifices financiers consentis par une entreprise sont nécessaires pour pouvoir pénétrer un nouveau marché, déclencher un abaissement des coûts de production par le biais d'un effet d'apprentissage, ou encore accroître sa base installée de clients pour engendrer un effet de réseau.
166. Ce qui caractérise la prédation dans une pratique de prix bas proposés à l'ensemble ou à certains consommateurs du marché, c'est l'existence d'un sacrifice volontairement consenti par l'entreprise dominante qui va décider de subir des pertes à court terme dans le but d'évincer ou de discipliner des concurrents ou encore d'empêcher leur entrée sur le marché. Comme pour tout abus allégué de position dominante, cet effet escompté d'éviction est central dans l'examen de la pratique : le sacrifice consenti n'a, en effet, de sens que si l'entreprise prédatrice considère qu'il est possible pour elle de récupérer à plus long terme, sur le marché dominé, les pertes ou les moindres profits subis, une fois que l'éviction recherchée aura produit son effet, c'est-à-dire la capacité à exploiter son pouvoir de marché grâce à une situation devenue plus favorable après la sortie de concurrents. C'est cette récupération - possible - des pertes après disparition ou affaiblissement des concurrents qui explique pourquoi les autorités de concurrence, dont le but est de protéger le bien-être du consommateur final, prohibent la prédation : le consommateur souffrira en effet de prix plus élevés ou d'un choix moins large dans la période suivant la prédation.
167. Quelle que soit la forme prise par la stratégie mise en œuvre, il faut admettre qu'elle comporte un risque : celui d'exposer des pertes sans atteindre l'effet escompté. Il faut donc que l'entreprise prédatrice ait un intérêt à mener une telle politique (la défense d'une situation acquise qui pourrait être menacée par la concurrence) et la capacité financière de supporter les pertes initiales. C'est la raison pour laquelle une politique de prédation ne peut être raisonnablement poursuivie que par des entreprises financièrement puissantes et disposant d'un pouvoir de marché tel qu'elles peuvent, en réalité, dominer ce dernier.
168. La protection d'une telle position dominante peut conduire l'entreprise qui la détient à pratiquer des prix prédateurs soit sur le marché dominé, cas le plus simple mais qui peut s'avérer le plus coûteux pour le dominant, soit sur un marché connexe à celui-ci, notamment un marché plus étroit, ce qui permettra, par exemple, d'envoyer des signaux aux concurrents potentiels sur le marché dominé ou de se forger une réputation d'entreprise agressive à un coût moindre que celui qui serait exposé s'il fallait baisser les prix sur le marché dominé, sur lequel les quantités vendues sont plus importantes.
169. Cette dernière situation était d'ailleurs celle constatée dans l'arrêt Akzo (CJCE, 3 juillet 1991, aff. C-62-86) qui a conduit le juge communautaire à définir le standard de preuve requis pour qualifier des prix prédateurs au sens de l'article 82 du traité CE. Dans un tel cas, l'autorité de concurrence doit démontrer, comme cela avait été fait dans l'affaire Akzo, en quoi la pratique constatée sur le marché connexe était de nature à protéger ou renforcer la position de l'auteur de la pratique sur le marché dominé.
170. Lorsque l'entreprise n'est active que sur le marché d'un seul produit, elle ne peut évidemment choisir un marché de produit plus étroit sur lequel faire porter sa pratique de prix prédateurs. Mais il lui est loisible de discriminer, en déterminant des segments de marché ou des clients (ceux qui pourraient devenir clients d'un concurrent) auxquels offrir des prix particulièrement bas.
171. Ainsi que cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, la preuve de la prédation peut être apportée dans différents cas de figure, selon la position des prix de vente par rapport à différents niveaux envisageables de coûts (coût variable moyen, coût total moyen et, dans des cas plus complexes, coût incrémental).
172. Dans un premier cas, l'objet anticoncurrentiel de la politique de prix est présumé si les prix de vente sur le marché où l'éviction des concurrents est recherchée sont inférieurs au coût moyen variable de l'entreprise en cause, sauf pour cette dernière à apporter une preuve contraire, compatible avec les faits de l'espèce et étayée par une explication convaincante de son comportement.
173. Dans un second cas, si les prix de vente en cause sont inférieurs aux coûts moyens totaux de l'entreprise mais supérieurs à ses coûts variables, une telle constatation constitue un simple indice que cette politique de prix a un objet anticoncurrentiel. La pratique de prédation n'est établie que si l'autorité de concurrence apporte la preuve que le comportement de l'entreprise adopté en matière de prix s'inscrit dans une stratégie de prédation, c'est-à-dire une stratégie visant le découragement des concurrents et la récupération ultérieure des pertes initialement subies. En effet, dans la mesure où une pratique de prédation engendre des pertes pour l'entreprise qui la met en œuvre, sa rationalité doit être recherchée avec soin par l'autorité de concurrence.
174. En s'appuyant sur l'arrêt Akzo précité, et en tenant compte de la pratique décisionnelle du Conseil de concurrence, que vient renforcer l'analyse économique la plus récente, il est possible de détailler les différentes étapes du raisonnement général à suivre pour pouvoir qualifier de prédation une pratique de prix bas.
175. Il convient en premier lieu d'effectuer une comparaison entre les prix pratiqués pendant la période alléguée de prédation et les coûts exposés par l'entreprise pour fournir le produit ou le service vendu ("test de coût"). Ce test exige que l'entreprise communique ses données de coût au Conseil de la concurrence, de manière sincère et vérifiable, au risque - si elle ne le fait pas - que ce dernier utilise toute autre donnée qui lui paraîtrait appropriée.
176. Si le test de coût conduit à constater que le prix pratiqué par l'entreprise dominante est inférieur au coût moyen variable (ou "évitable", c'est-à-dire pouvant être évité en ne fournissant pas l'unité supplémentaire du produit ou du service en cause), il révèle que l'entreprise a accepté de faire des pertes qui auraient pu être évitées si elle avait eu un comportement économique différent. Le test apporte donc, dans la ligne de l'arrêt Akzo, la présomption que l'entreprise dominante a fait ce sacrifice en vue d'évincer le ou les concurrents qu'elle cherchait à éliminer. C'est le premier cas envisagé par l'arrêt Akzo.
177. Cette présomption peut, toutefois, être combattue par l'entreprise mise en cause par tout argument qu'elle juge pertinent, notamment en donnant une explication alternative à son comportement, qui doit être appuyée par des données vérifiables et non contredites par les observations factuelles de l'espèce, mais il lui incombe alors de supporter la charge de la preuve de cette explication alternative.
178. L'entreprise mise en cause peut ainsi soutenir qu'il lui est, en tout état de cause, impossible de récupérer les pertes engendrées par la pratique de prix, pour des raisons qu'elle doit expliquer. Elle peut aussi invoquer une situation concrète de marché dans laquelle il peut exister une rationalité économique à pratiquer - pour un temps limité - des prix inférieurs aux coûts, y compris variables, comme la nécessité de supporter des coûts d'apprentissage indispensables à la pénétration d'un nouveau marché ou au lancement d'un nouveau produit ou encore l'obligation de s'adapter à un changement brutal des conditions du marché (crise de la demande, nécessité d'écouler des stocks périssables, etc...).
179. Dans certains cas, l'entreprise peut se prévaloir d'une "obligation d'alignement" sur les prix du ou des concurrents, en expliquant que la baisse des prix pratiquée est la seule réponse possible pour minimiser des pertes qui pourraient être plus importantes en l'absence d'un tel alignement. Il faut néanmoins noter qu'un tel comportement doit être proportionné à l'objectif poursuivi pour être crédible et que la jurisprudence considère que l'argument de l'alignement n'est, en principe, pas recevable pour une entreprise en position dominante.
180. Lorsque le test de coût conduit à constater que le prix pratiqué est compris entre le coût variable et le coût moyen complet, - situation envisagée en second lieu par l'arrêt Akzo - il incombe à l'autorité de concurrence de démontrer que la politique de prix de l'entreprise s'inscrit dans une stratégie d'éviction, c'est-à-dire un plan destiné à éliminer, discipliner ou décourager un concurrent.
181. Une telle preuve peut ressortir de documents, de notes ou encore d'éléments matériels démontrant de manière claire une telle intention prédatrice, qui peut être corroborée par les caractéristiques de la pratique, comme la restriction de la mise en œuvre des prix prédateurs aux seuls clients susceptibles de choisir un fournisseur concurrent, ou encore par l'existence de pratiques annexes qui sont de nature à accentuer l'effet d'éviction, comme des ventes liées ou des remises de couplage ou de fidélité.
182. Elle peut aussi être apportée par un faisceau d'indices tirés de l'absence d'autre rationalité économique de la pratique, de sa durée, de la possibilité qu'a l'entreprise de récupérer les pertes, des caractéristiques de l'entreprise visée par la pratique qui peut, de manière plus ou moins vraisemblable, constituer une proie vulnérable (dépendance financière, taille, connaissance du marché, etc.).
183. C'est en mettant en balance les indices recueillis avec les explications, plus ou moins plausibles, données par l'entreprise mise en cause à propos du comportement qu'elle a adopté que le Conseil formera, au cas par cas, sa conviction sur l'existence ou non d'un effet, constaté ou potentiel, d'éviction des concurrents. Il est en tout cas possible à l'entreprise de faire état dans le débat contradictoire, et sans doute avec plus d'efficacité que dans le cas où le test de coût conduit à constater des prix inférieurs aux coûts variables, des arguments en défense analogues à ceux mentionnés plus haut.
184. La spécificité de certaines industries peut conduire le Conseil à utiliser un test de coût différent, plus adapté à la nature des activités économiques en cause ou des structures de marché : le coût incrémental. C'est le cas des entreprises menant à la fois des activités protégées par un monopole légal - ou qui l'étaient dans un passé récent - et des activités en concurrence pour lesquelles les risques de subventions croisées sont plus importants. C'est aussi le cas des entreprises où les coûts fixes sont très importants et les coûts variables presque nuls. Il peut alors être justifié de comparer les prix non pas aux coûts variables mais aux coûts incrémentaux de long terme. Ainsi, dans la décision n° 04-D-79 (Vedettes vendéennes), le Conseil a considéré que le coût pertinent pour comparer les prix de vente était le coût incrémental lié à l'activité de la compagnie de vedettes pendant la saison touristique, les coûts fixes liés aux investissements (achat d'une vedette rapide) étant le résultat d'une obligation de service public s'imposant à la compagnie été comme hiver.
185. Enfin, il est clair qu'un test de coût démontrant que les prix sont supérieurs aux coûts totaux moyens suffit, à lui seul, à écarter la qualification de prédation, sauf circonstances exceptionnelles.
186. Afin de statuer sur le grief de prédation notifié au laboratoire Glaxo, il convient de suivre les différentes étapes du raisonnement décrit plus haut.
187. Pour procéder au test de coût, il y a lieu en première analyse de se prononcer sur :
les coûts à retenir ;
les prix à prendre en compte ;
la conclusion du test et sa robustesse.
188. Tenant compte du résultat du test de coût, il y a lieu ensuite d'examiner le comportement de l'entreprise, tel qu'il ressort des faits réunis au dossier, et en particulier :
la nature de la stratégie à l'œuvre ;
la connexité des marchés concernés et les mécanismes permettant la protection de la dominance par la pratique sur le marché connexe ;
la rationalité de la prédation au cas d'espèce.
189. Enfin, il est nécessaire de répondre aux moyens de défense, qui sont tirés en l'espèce par le laboratoire Glaxo :
de l'exception d'alignement ;
de l'impossibilité de récupérer les pertes ;
du caractère naturel de la sortie du marché d'une entreprise inefficace.
2.2. MISE EN OEUVRE DU TEST DE COUT
190. La réalisation d'un test de coût suppose que soient déterminés les coûts pertinents pour le cas considéré et les prix de vente auxquels il convient de les comparer. Il faut ensuite, répondant en cela aux observations du défendeur, démontrer le caractère positif du test ainsi réalisé et sa significativité pour présumer d'une pratique de prédation.
191. Afin de mettre en œuvre la méthode énoncée par l'arrêt Akzo, il faut d'abord déterminer, en l'espèce, les coûts moyens variables. En effet, la notification des griefs s'est placée dans la première hypothèse évoquée par cette jurisprudence, pour laquelle l'intention d'éviction est présumée dès lors que le prix de vente d'un produit est inférieur à la moyenne des coûts relatifs à ce produit.
Sur les coûts à prendre en compte
192. Dans l'avis n° 97-A-18 relatif à l'application de l'article 10-1 au secteur du disque, le Conseil a rappelé que "le coût variable est un coût dont le montant varie en proportion directe de l'activité" tandis que "les coûts fixes représentent des consommations de ressources qui contribuent à créer la structure dans laquelle s'exercent les activités de l'entreprise". Il a souligné que "le coût variable est donc établi à partir de tous les coûts qui ont une relation directe avec les quantités vendues et qui évoluent en fonction des quantités". Enfin, il a ajouté que "le premier de ces coûts (variables) est le coût d'achat du produit".
193. Partant de cette analyse et des indications figurant dans la décision du 7 novembre 2000 statuant sur la demande de mesures conservatoires, la notification de griefs a relevé que le laboratoire Glaxo a fourni le coût d'achat des deux produits en cause, le Zinnat(r) injectable 750 mg et 1,5 g qu'il achète auprès de la société Adechsa GmbH (ci-après Adechsa). Puis elle a constaté qu'il ressort des pièces du dossier que, pour les campagnes 1999-2000, le laboratoire Glaxo a vendu ces deux produits à des hôpitaux, à des groupements d'achat ou à des centrales d'achat de cliniques privées (voir tableaux récapitulatifs), à des prix inférieurs à leurs coûts d'achat. Elle en a déduit que, conformément à l'arrêt Akzo, l'intention d'éviction de ses concurrents du marché peut être présumée. Quant aux effets de cette pratique, ils peuvent être aisément observés en constatant l'élimination des concurrents sur chacun des marchés hospitaliers où ont été pratiqués ces prix bas par le laboratoire Glaxo, c'est-à-dire, pour l'année 1999, sur quatorze marchés (750 mg et 1,5 g) et, pour l'année 2000, sur vingt-neuf marchés (750 mg et 1,5 g) soit, au total, sur quarante-trois marchés.
194. Mais le laboratoire Glaxo conteste l'utilisation du prix d'achat à la société Adechsa pour mener le "test de coût" requis par la jurisprudence, en indiquant que, selon lui, lorsque ce test avait été retenu comme pertinent par le Conseil dans sa décision de mesures conservatoires, celui-ci ignorait que le vendeur, la société Adechsa, était une société soeur du laboratoire Glaxo. Cette contestation du test de coût est développée à deux niveaux : une contestation de principe de l'utilisation d'un coût de transfert dans une analyse économique puis une contestation, propre au cas d'espèce, de la possibilité de qualifier ce prix d'achat de coût variable au regard du processus industriel de fabrication des médicaments.
En ce qui concerne l'utilisation du prix d'achat du produit à une société soeur comme coût pertinent dans le test de coût
195. Le laboratoire Glaxo déduit du fait que la société suisse Adechsa, à laquelle le Zinnat(r) injectable est acheté, est une "société soeur" que le prix d'achat en cause est un "prix de cession intra groupe", qui ne saurait, par principe, servir de base à un calcul pour établir un prix prédateur. Il soutient, en effet, que ce coût n'est pas l'équivalent de la rémunération d'un fournisseur ou d'un sous-traitant, laquelle obéit à une logique de marge positive, alors qu'un prix de transfert est "appelé à remplir une fonction exclusivement monétaire, fiscale et comptable dans le cadre d'un groupe de sociétés" (observations du 17 septembre 2004 p. 117, cote 2512). Il cite, à cet égard, les recommandations de l'OCDE pour la fixation d'un tel prix (idem, cotes 2514 à 2516). Ces arguments sont également repris dans l'étude économique versée à l'appui des observations en réponse au rapport.
196. Mais qualifier un prix de cession de marchandises entre des filiales d'un même groupe de "prix de transfert" n'emporte aucune conséquence particulière en droit de la concurrence, dès lors que ce prix sanctionne une transaction marchande réelle. Seules échappent à ce constat des situations économiques que l'on pourrait qualifier d'artificielles : par exemple, le cas où le prix de transfert entre filiales n'est qu'une convention administrative destinée à inscrire dans des comptes des opérations "pour ordre" hors de toute transaction commerciale réelle, ou bien le cas où l'acheteur du bien n'est qu'un intermédiaire transparent et ne dispose d'aucune autonomie commerciale au sein du groupe pour fixer ses prix et opérer sur le marché.
197. Or, il ressort des constations faites au cours de l'instruction que le laboratoire Glaxo dispose d'une direction commerciale chargée des ventes aux hôpitaux, laquelle détermine librement sa politique de vente, comme l'attestent les déclarations de M. Laurent A..., directeur juridique lors de son audition du 10 janvier 2001 (cote 993) : "La société Laboratoire Glaxo Wellcome est organisée, pour la commercialisation, en 3 grandes directions ("business unit") : une business unit respiratoire, en charge de la commercialisation des produits respiratoires pour la ville, une business unit qui s'appelle "médecine interne" qui traite pour la ville tous les autres produits (migraine, gastro-entérologie, cardiologie, herpès), une business unit qui traite les produits "hôpital" et les produits qui initialement vendus à l'hôpital sont sortis de la réserve hospitalière (médicaments contre le SIDA, virologie). Dans chaque business unit, il y a une partie marketing et une partie vente. Le marketing conçoit les documents promotionnels, le positionnement marketing et médical des produits notamment dans la stratégie thérapeutique mise à disposition des médecins. Dans la partie vente, "hôpital", il y a des personnes qui répondent aux marchés publics et des délégués hospitaliers".
198. Il n'est pas non plus contesté par le laboratoire Glaxo que les prix de vente des médicaments vendus aux hôpitaux en France relèvent d'une compétence partagée entre sa direction commerciale et les responsables des relations hospitalières (RHH) de la filiale française. Comme l'indique Mme Martine B..., directeur commercial "hôpital": "l'unité commerciale "hôpital" est constituée de 6 responsables des relations hospitalières (RHH) qui sont présents sur le terrain (...). Les offres de prix sont établies par les RHH qui les transmettent au service administratif. Chaque RRH a à sa disposition une brochure qui comporte la liste exhaustive de tous les produits Glaxo Wellcome susceptibles d'être achetés à l'hôpital avec leur prix tarif et des fourchettes de quantités avec des prix proposés pour cette fourchette de quantités et un prix plancher. Les prix à l'hôpital étant libres, il ne s'agit que de prix indicatifs" (cf. PV du 2 février 2001 - cote 1035).
199. Par ailleurs, M. Laurent A..., directeur juridique du Laboratoire Glaxo, a indiqué : "Le Zinnat est acheté à la société Adechsa qui appartient au même groupe que le laboratoire Glaxo Wellcome mais n'a pas de dirigeant commun. Le prix d'achat peut varier en fonction des quantités. Le contrat-cadre est révisé chaque année" (PV de déclaration du 2 février 2001-cote 1032).
200. Il ressort de l'ensemble des éléments exposés que le laboratoire Glaxo détermine ses prix de manière autonome en tenant compte de la situation de concurrence locale, puisqu'il peut diminuer ses prix de vente pour tenir compte de la réalité du marché.
201. Ainsi, conformément à la jurisprudence, le laboratoire Glaxo France dispose bien d'une autonomie significative pour la fixation de son prix de vente, notamment par rapport aux autres sociétés du groupe ou par rapport à la société-mère. Ses coûts d'achat, payés à ses fournisseurs quels qu'ils soient, sont bien des coûts pertinents pour mener le test de coût.
202. Le laboratoire Glaxo a toutefois entretenu un doute sur cette autonomie tout au long de la procédure, en dépit des éléments contraires figurant au dossier, pour finalement indiquer dans ses dernières observations que "s'agissant de filiales intégralement contrôlées, comme le Laboratoire GlaxoSmithKline (France), la présomption est évidemment qu'elles n'ont aucune autonomie commerciale. Cette présomption n'est certes pas ainsi irréfragable, et elle peut céder dans certains cas, mais si les services de l'instruction entendent postuler l'existence d'une "autonomie commerciale" du Laboratoire GlaxoSmithKline (France), il leur appartient de le démontrer et non de l'affirmer au stade d'un rapport complémentaire pour les besoins d'une nouvelle démonstration" (observations du 25 octobre 2006, point 428).
203. Mais, tout en exposant cette position, il n'explique pas pourquoi il a répondu des pratiques lors de la séance relative à la demande de mesures conservatoires, comme en réponse aux notifications de griefs et aux rapports, et n'a jamais indiqué qu'il convenait de dégager sa responsabilité et d'imputer les pratiques à sa maison mère ou à d'autres sociétés du groupe. Sur ce point, les dernières observations du défendeur, loin de clarifier sa position, ne font que la rendre plus confuse puisqu'au sujet de sa participation à la présente procédure il affirme que : "Le Laboratoire GlaxoSmithKline (France) a accepté, de fait, de jouer vis-à-vis du Conseil de la concurrence le rôle qui est habituellement attribué aux filiales de groupes intégrés" (observations du 25 octobre 2006, point 439). La nature de ce "rôle" n'a pas été précisée comme cela a été le cas lors de l'instruction, malgré les demandes répétées de la rapporteure pour sortir de l'ambiguïté entretenue sur la personne morale présente devant le Conseil de la concurrence.
204. Finalement, à nouveau interrogé sur ce point lors de la séance, le laboratoire Glaxo a encore déclaré qu'il entendait répondre de la totalité des griefs et "qu'aucune autre société du groupe n'était concernée par les pratiques".
205. Cette déclaration, inscrite au procès-verbal, met fin au débat entretenu par la partie mise en cause sur l'entreprise à laquelle doivent être imputées les pratiques : le groupe Glaxo ou la société le laboratoire GlaxoSmithKline (France). Cette dernière, qui n'avait pas contesté, en réponse aux actes de l'instruction, devoir répondre elle-même des comportements dénoncés, et ne le conteste pas davantage aujourd'hui est bien la société à qui les pratiques sont imputables.
En ce qui concerne la valeur économique de ce prix d'achat à une société soeur
206. Dès lors que l'autonomie dans la fixation des prix de vente est constatée, le prix de transfert doit correspondre, selon la convention OCDE (Principes applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, 1995) citée par le laboratoire Glaxo, à "un prix de pleine concurrence". Ce principe central de la convention de l'OCDE est, en effet, rappelé dès le préambule qui affirme que "les pays membres de l'OCDE demeurent attachés au principe de pleine concurrence, tel qu'il est exprimé dans le modèle de convention fiscale de l'OCDE" (document OCDE, préface point 15).
207. Ce principe de pleine concurrence consiste à refléter des conditions de marché, c'est-à-dire à fixer des prix de transfert comme si les deux sociétés (celle qui achète et celle qui vend) étaient autonomes et confrontées à la réalité économique, ainsi que le rappelle explicitement le texte : "En se référant, pour procéder à un ajustement des bénéfices, aux conditions qui prévaudraient entre entreprises indépendantes pour des transactions et dans des circonstances comparables, le principe de pleine concurrence adopte la démarche consistant à traiter les membres d'un groupe multinational comme des entités distinctes et non comme des sous-ensembles indissociables d'une entreprise unifiée" (document OCDE, partie B point i, page I-3).
208. Il en résulte que l'argument avancé par le laboratoire Glaxo, selon lequel ce "prix de transfert" n'aurait, par principe, aucune valeur économique et ne pourrait être utilisé comme coût pertinent est contraire aux recommandations de l'OCDE pourtant invoquées par le défendeur lui-même. Bien au contraire, ce prix, quelle que soit la méthode utilisée pour le fixer, est considéré comme devant être aussi proche que possible d'un prix de marché.
209. Pour estimer que le prix de transfert ne peut pas être utilisé dans le test de coût, il faudrait admettre que les prix de vente pratiqués entres les filiales du laboratoire Glaxo n'ont pas respecté les principes de l'OCDE, mettre en doute la sincérité de ses déclarations fiscales et, accessoirement, celles du groupe tout entier lui-même.
210. Or, dans son mémoire en réplique au rapport complémentaire le laboratoire Glaxo a précisé que "d'un point de vue factuel, il convient de relever que les prix de transfert ont fait l'objet d'un contrôle fiscal pour les années considérées sans que les services des impôts ne relèvent d'anomalie". Cette déclaration conforte la sincérité du prix de transfert, qui est donc réputé refléter un prix de pleine concurrence. Ce prix pratiqué à l'occasion d'une transaction commerciale réelle, appuyée sur un contrat d'achat entre deux personnes morales distinctes et attestée par des factures figurant au dossier, correspond ainsi à un prix d'achat à un fournisseur, et peut donc être utilisé dans le test de coût.
En ce qui concerne le caractère de coût variable pertinent des prix d'achat
211. Au-delà de la contestation de principe à laquelle il vient d'être répondu, le laboratoire Glaxo soutient que le coût moyen variable réel est différent du coût d'achat, ce qui ne permettrait pas de conclure à une revente au-dessous de ce coût moyen variable.
212. Mais, il faut à cet égard relever, au contraire, que le prix d'achat n'est, en toute hypothèse, qu'un minorant du coût moyen variable, ce dernier pouvant inclure d'autres charges supportées en France une fois les médicaments achetés. Le laboratoire Glaxo n'a pourtant fourni aucun autre élément de coût.
213. En effet, malgré une demande effectuée lors de l'instruction à propos de l'existence d'une différence entre le coût moyen variable et le prix d'achat, le laboratoire Glaxo n'a jamais fourni d'autres coûts que ce coût d'achat des médicaments. Il a répondu : "Nous avons pris bonne note de votre souhait de pouvoir disposer d'éléments précis des sociétés appartenant au groupe GlaxoSmithKline sur le prix de cession interne. Nous avons le sentiment de vous avoir fourni toutes les preuves "intellectuelles" et juridiques qu'il nous était possible de vous communiquer dans le cadre du délai initial en réponse à la notification de griefs, que Madame la Présidente avait refusé d'étendre en dépit pourtant du volume conséquent du dossier. S'agissant d'éléments plus directement économiques, le Groupe GlaxoSmithKline ne dispose pas d'une comptabilité analytique, ni d'un système de prix interne établi aux fins de l'application de concepts du droit de la concurrence, qui permettraient une extraction directe des informations nécessaires. Ne sachant si vous accepteriez d'appréhender notre argumentation, nous n'avons pas engagé par anticipation cette analyse" (courrier du 17 février 2005).
214. Le laboratoire Glaxo indique néanmoins qu'il était prêt à donner des informations sur ses coûts moyens variables, sans viser sa propre comptabilité analytique mais celle du groupe : "pour autant, à la suite de votre demande, le laboratoire GlaxoSmithKline peut demander aux services comptables et financiers du Groupe de se préparer à effectuer ce travail et de réfléchir aux correspondances qui pourraient être établies entre les concepts de prix de transfert interne, de coût moyen variable et de coût total des produits considérés. C'est un travail comptable et intellectuel important, et donc coûteux, qui ne peut être réalisé en quelques jours. Il suppose un délai de plusieurs semaines et le recours à des consultants. Nous sommes disposés à l'engager si vous nous en confirmez l'intérêt et la pertinence pour votre travail d'instruction" (courrier du 17 février 2005).
215. Ces déclarations sont hors de propos puisque seuls sont ici en cause les coûts du laboratoire Glaxo, et de nulle autre société, dès lors qu'il s'agit de qualifier son comportement en tant qu'offreur sur les marchés publics de médicaments à l'hôpital. Il n'a été, à aucun moment, demandé à l'entreprise mise en cause de fournir une analyse des coûts globaux du groupe GlaxoSmithKline ou des coûts particuliers de ses filiales étrangères intervenant dans le circuit de fabrication et de commercialisation du Zinnat(r), mais seulement d'indiquer ses propres coûts.
216. Le "test de coût" utilisant le prix d'achat à la société Adechsa a également été contesté par l'étude économique produite par la partie mise en cause. Cette étude utilise d'autres coûts, qui seraient ceux de la matière première et du conditionnement. Les conclusions de l'étude sont reprises dans les observations du laboratoire Glaxo en réponse au rapport (points 421 à 426, pages 91-92 des observations du 16 décembre 2005).
217. Toutefois, l'étude produite entretient la même confusion que les observations du laboratoire Glaxo sur la personne morale en cause. Ainsi au point 421, il est indiqué que "Le laboratoire Glaxo (France) s'est employé, avec l'aide d'un cabinet d'économistes de France, à tenter d'apprécier quel pouvait être son niveau de coût variable de production" (soulignement ajouté). On parle donc bien ici des coûts du laboratoire Glaxo (France), partie à la procédure. Mais au point 425, il est indiqué "les données fournies au laboratoire Glaxo (France) révèlent que les coûts variables de production (...)" (soulignement ajouté). Il ne s'agit donc plus des coûts du laboratoire Glaxo (France), partie à la procédure, mais des coûts de la société italienne auprès de laquelle s'approvisionne le laboratoire.
218. L'argumentation ainsi avancée est sans pertinence puisqu'elle revient à invoquer les coûts d'une société, en l'occurrence étrangère, qui n'est pas intervenue sur le marché hospitalier en France et qui n'a donc aucune responsabilité dans la politique de prix menée par le laboratoire Glaxo sur le marché hospitalier français.
219. Au surplus, les coûts évoqués dans l'étude Microéconomix, déclarés comme étant ceux de la matière première et du conditionnement, sont en contradiction avec la réponse de la directrice juridique du laboratoire Glaxo. En effet, celle-ci, dans un courrier du 22 août 2000 (cote 1114), avait indiqué: "Étant donné que nous recevons un produit fini au prix indiqué ci dessus [prix d'achat à Adechsa] la question sur le prix détaillé du prix d'achat du principe actif et du conditionnement ne se pose pas". Le laboratoire Glaxo ne supporte ni coûts de matière première, ni coûts de conditionnement : c'est bien le prix d'achat acquitté auprès de la société Adechsa pour se fournir en médicaments revendus aux hôpitaux qui doit être utilisé pour rechercher le coût moyen variable à comparer, dans le test de coût, avec les prix de vente pratiqués.
Sur les prix de vente à prendre en compte
220. Le laboratoire Glaxo conteste l'utilisation des prix réellement pratiqués à l'occasion des appels d'offres passés par les hôpitaux et préconise, pour le test de coût, l'usage de la moyenne de tous ses prix de vente afin de comparer cette moyenne au prix d'achat. Cette démarche échouerait alors, selon lui, à démontrer une quelconque prédation. A l'appui de son argument, il ajoute que les hôpitaux eux-mêmes ne raisonnent pas par appel d'offres mais par fournisseur. Il soutient également que le fait de constater une position dominante sur un marché national devrait conduire à retenir les prix moyens constatés sur ce marché et à écarter une approche marché par marché.
221. Mais contrairement à ce qu'affirme le laboratoire Glaxo, et comme l'indiquent les documents versés au dossier, les hôpitaux pratiquent des comparaisons de prix entre les différents fournisseurs d'une même molécule, par exemple entre un médicament princeps et ses génériques, pour retenir le moins cher en élaborant des tableaux de classement des offres (voir par exemple celle effectuée par le groupement d'achat du Loiret, cote 780). De manière générale, pour la très grande majorité des marchés examinés par l'enquête, et sauf problème de conformité des offres, c'est bien "le moins disant" qui a été choisi pour chaque marché.
222. Dès lors, l'éviction d'un concurrent ne peut pas résulter du niveau du prix moyen, qui n'est qu'une grandeur construite ex post à partir d'agrégats décrivant les résultats commerciaux globaux enregistrés dans l'année (nombre d'unités vendues et chiffre d'affaires total), mais seulement du prix observé par le demandeur lorsqu'il doit effectuer son choix entre plusieurs fournisseurs, c'est-à-dire le prix offert lors de chaque appel d'offres.
223. Cette méthode est d'autant plus légitime que les pratiques de prix prédateurs sont souvent des pratiques de prix ciblées sur certains marchés où se trouvent les concurrents, le prédateur n'ayant aucun intérêt à pratiquer des prix bas entraînant des pertes en l'absence d'offre concurrente. Dans ces conditions, substituer un prix moyen au prix réellement pratiqué dans le test de coût n'a pas de sens.
224. De même, le fait de détenir une position dominante sur un marché national ou régional n'empêche nullement le Conseil de la concurrence de constater un abus de cette dominance sur des marchés publics instantanés, dont l'observation peut servir de cadre à l'analyse des pratiques anticoncurrentielles.
225. Ainsi, dans sa décision n° 05-D-58 du 3 novembre 2005, relative à des pratiques relevées dans le secteur de l'eau potable en Île-de-France, le Conseil a constaté que la société Lyonnaise des Eaux, en monopole sur le marché de la production d'eau dans le sud de l'Essonne, avait abusé de cette position en proposant à ses concurrents un prix discriminatoire de l'eau sur certains marchés publics et a conclu au non-lieu pour d'autres marchés. De même, dans sa décision n° 04-D-32, du 8 juillet 2004, More Group/JC Decaux, le Conseil a condamné la société JC Decaux, dominante sur le marché national du mobilier urbain, pour avoir commis des pratiques anticoncurrentielles à l'occasion de l'attribution du marché de la ville de Rennes.
226. Il s'ensuit que chaque appel d'offres peut utilement être observé pour vérifier d'éventuelles pratiques d'abus de position dominante, bien que cette dernière soit constatée sur un marché national.
Sur le résultat et le caractère probant du test de coût
227. Après avoir contesté la détermination des coûts et des prix à utiliser dans le test de coût, le laboratoire Glaxo fait valoir que le test de coût ne prouverait pas la prédation en raison du nombre réduit des prix qui se révèlent être effectivement en dessous des coûts et du caractère non sélectif des offres à prix bas.
En ce qui concerne le nombre réduit des prix prédateurs
228. Le laboratoire Glaxo fait valoir que les prix anormalement bas sont en nombre réduit puisque ne peuvent être pris en compte les appels d'offres antérieurs au 15 mai 1999, date à laquelle le brevet sur le céfuroxime sodique a expiré. Avant cette date, le laboratoire Glaxo n'aurait fait que répondre à une entreprise qui pratiquait de la contrefaçon. Il faudrait donc éliminer en premier lieu tous les marchés passés antérieurement à cette date, soit 7 marchés. En deuxième lieu, il conviendrait d'exclure également les marchés passés par les centrales d'achat telles que la CACIC, le CHU de Périgueux, et le groupement d'achat de Seine et Marne en 2000 parce que les pratiques de prix prédateurs n'auraient pas eu d'effet. En troisième lieu, un prix de vente tout juste égal au prix d'achat ne serait pas prédateur, comme dans le cas du CHU de Bordeaux, en 2000.
229. Mais s'agissant de la date à partir de laquelle il convient de prendre en compte les appels d'offres pour qualifier les pratiques en cause, en raison du litige, premier point évoqué par la société Glaxo, il faut, d'une part, rappeler que, aux termes de la décision relative aux mesures conservatoires, le Conseil de la concurrence a estimé qu'il ne lui appartient pas "de se prononcer sur la conformité de la commercialisation des produits génériques de la société Flavelab au Code de la propriété intellectuelle ; si une entreprise, même en position dominante, peut défendre les droits qu'elle tire de la détention d'un brevet, elle ne peut le faire qu'en recourant aux voies légales et non à des pratiques anticoncurrentielles". L'appréciation de ces pratiques et leur qualification juridique n'a pas de lien avec l'éventuelle constatation de l'existence d'une contrefaçon.
230. Sur le deuxième point, concernant les marchés négociés conclus par le CHU de Périgueux et le groupement d'achat de Seine et Marne, l'argument - qui se limite d'ailleurs à contester l'effet et non l'objet anticoncurrentiel des pratiques - ne peut non plus être retenu. Il est en effet inexact de soutenir que ces pratiques n'ont pas eu d'effet puisque le signal de prix prédateur a bel et bien été envoyé et a informé les concurrents des pertes que le laboratoire Glaxo était prêt à consentir sur ce marché. Le signal ainsi convoyé par des prix très faibles a nécessairement été interprété et a influencé la réaction des concurrents fabricants de génériques. Cet aspect sera explicité par la suite.
231. Quant au cas de la centrale de référencement CACIC, si les fabricants de génériques ont pu être référencés, aucun élément au dossier n'indique que les cliniques ou les hôpitaux aient acheté à ces derniers, qui proposaient des prix plus élevés. Bien que référencés, ces fabricants de génériques n'ont pas vendu, ou ont vendu en quantités négligeables, comme dans le cas de la CAHP en 1999 où le laboratoire Glaxo a vendu des quantités 7 fois plus importantes que Flavelab (voir tableau cote 803).
232. Enfin, s'agissant du cas du CHU de Bordeaux, une offre de prix de vente égale au prix d'achat peut être présumée prédatrice dans la mesure où le prix d'achat est un minorant des coûts variables.
233. Au surplus, il est apparu en séance que les prix d'achat sur lesquels s'est fondée la direction "hôpital" du laboratoire Glaxo pour établir ses réponses aux appels d'offres, généralement entre les mois de septembre et décembre de l'année n pour les livraisons de l'année n+1, sont les prix d'achat connus l'année n et non les prix de n+1 constatés ex post. Or, ces prix d'achat sont décroissants d'une année sur l'autre sur la période considérée, entre 1998 et 2001, si bien que les prix d'achat sur lesquels on applique ex post le test de coût pour rechercher une pratique prédatrice sont inférieurs à ceux réellement connus par la direction "hôpital" au moment de ses réponses aux appels d'offres. Le test appliqué par la notification de griefs donne donc un standard de preuve plus élevé que ce qui est requis pour établir l'objet de la pratique si on la considère au moment de sa mise en œuvre. Cette circonstance renforce donc le caractère prédateur des prix contenus dans les réponses aux appels d'offres.
234. Ainsi, le document interne portant la mention "Strictement confidentiel", élaboré par la direction commerciale de l'unité hôpital le 24 août 1998 et qui fixe la politique commerciale pour la campagne d'appels d'offres de l'année 1999, mentionne un prix "plancher" de 14 francs pour le Zinnat(r) injectable 1,5 g et de 7 francs pour le 750 mg (cote 236). Or, au moment où le laboratoire Glaxo fixe ces prix planchers, les seuls prix d'achat connus de la direction commerciale sont ceux de 1998 qui sont respectivement de 14,20 francs pour le 1,5 g et de 7,13 francs pour le 750 mg, prix communiqués par le vendeur Adechsa le 23 janvier 1998 (cote 683). Ce n'est que le 18 juin 1999 qu'Adechsa fera connaître sa remise de prix pour l'année 1999, applicable rétroactivement au 1er janvier 1999, qui aboutira au prix de vente de 12,10 francs pour le 1,5 g et 5,85 francs pour le 750 mg (cote 687).
235. Les prix pratiqués sur certains appels d'offres ont été non seulement inférieurs aux prix d'achat en vigueur lorsqu'ils ont été fixés, mais sont restés inférieurs aux prix d'achat finalement facturés malgré l'application d'une remise rétroactive qui ne pouvait être anticipée par les services commerciaux.
236. Par exemple, fin 1998, le laboratoire Glaxo a commencé à répondre à des appels d'offres en proposant des prix de 10 francs et 5 francs pour les deux dosages du Zinnat(r) injectable alors qu'il les achetait à l'époque 14,20 francs et 7,13 francs. Ces prix d'achat seront finalement ramenés à 12,10 francs et 5,85 francs, par application de la remise rétroactive de juin 1999.
237. De même, le document élaboré par la direction commerciale de l'unité hôpital le 20 septembre 1999 et qui fixe la politique commerciale pour la campagne d'appels d'offres de l'année 2000, mentionne un prix "plancher" de 8 francs pour le Zinnat(r) injectable 1,5 g et de 4 francs pour le 750 mg (cotes 244 et 245). Or, à cette date les seuls prix d'achat connus par la direction commerciale sont ceux de 1999 qui sont respectivement de 12,10 francs pour le 1,5 g et de 5,85 francs pour le 750 mg, prix communiqués par le vendeur Adechsa le 18 juin 1999 (cote 687). Ce n'est que le 31 août 2000 qu'Adechsa transmettra sa réduction de prix pour l'année 2000, applicable rétroactivement au 1er janvier 2000, soit 8,40 francs pour le 1,5 g et 3,40 francs pour le 750 mg. On constate ainsi que dans la totalité des soumissions effectuées à partir d'octobre 1999, le laboratoire Glaxo a répondu aux appels d'offres en proposant des prix inférieurs à ceux connus en 1999, une grande part d'entre eux demeurant inférieure au coût d'achat malgré la remise rétroactive accordée en août 2000.
238. Interrogés en séance sur la manière dont étaient fixés les prix planchers en l'absence d'information sur le niveau d'éventuelles remises futures, les représentants du laboratoire Glaxo n'ont fourni aucune explication.
239. Ainsi, en tenant compte des conditions d'achat réellement connues par les services commerciaux du laboratoire Glaxo au moment où ils déterminaient leurs réponses aux appels d'offres des hôpitaux, c'est la totalité des offres qui a été faite en dessous du prix d'achat.
En ce qui concerne l'absence de sélectivité des offres
240. Le laboratoire Glaxo conteste ensuite le caractère sélectif de ses offres à bas prix qui constitue, selon la notification des griefs, un indice supplémentaire de l'intention d'éviction. Il s'appuie pour ce faire sur des conclusions contraires qu'il aurait relevées dans le rapport administratif.
241. Il faut d'abord rappeler que la sélectivité des offres, c'est-à-dire la faculté pour l'entreprise de discriminer en offrant des prix prédateurs aux seuls clients susceptibles de choisir un fournisseur concurrent, facilite la prédation en la rendant moins coûteuse, mais ne constitue en aucun cas à elle seule un élément de qualification de la pratique.
242. En outre, le laboratoire Glaxo méconnaît le sens du rapport administratif. En effet, d'une part, celui-ci indique seulement que la forme juridique (marché négocié ou appel d'offres) n'a pas eu d'influence sur les prix pratiqués. Or, marché négocié ne signifie pas absence de concurrence. Une telle concurrence a pu exister à l'occasion d'un appel d'offres précédent, déclaré infructueux. Inversement, un appel d'offres apparemment ouvert peut ne voir qu'un seul soumissionnaire se présenter.
243. D'autre part, le rapport administratif ne donne pour les années 1999 et 2000 que deux exemples à l'appui de cette affirmation. Il s'agit en premier lieu du CH de Périgueux, pour lequel les marchés passés pour l'année en 1999 étaient des marchés négociés, avec d'ailleurs des prix élevés (7 francs et 14 francs) comparativement à ceux pratiqués par le laboratoire Glaxo en présence de concurrents (en moyenne 4 francs et 8 francs) ou à ceux des concurrents eux-mêmes (Flavelab était à 5 et 10 francs). Ce cas n'est donc pas pertinent. En 2000, le CH de Périgueux a accepté les ventes liées avec le Zovirax(r) injectable et les prix bas sont la conséquence de ces ventes liées (cote 882). Il s'agit, en second lieu, du groupement d'achat de Seine et Marne (annexe 103 cotes 9 755 à 9 781) qui a conclu un marché négocié parce que le laboratoire Flavelab présentait des offres non conformes au cahier des charges. Il existait donc bien un concurrent, d'où des prix bas proposés par le laboratoire Glaxo (4 et 8 francs) contre 4,80 francs et 10 francs pour Flavelab. Cet exemple n'est donc pas plus probant.
244. Enfin, ont été relevées d'importantes différences de prix, selon la présence ou l'absence de concurrents. Ainsi, par exemple, peut être cité le cas de l'hôpital de Meaux (pour les marchés du 1er janvier au 31 décembre 1999) pour lequel le laboratoire Glaxo est sans concurrent et propose le Zinnat(r) 1,5 g à 2,44 euro (16 francs) (pour une quantité de 7 680), comparé au cas de l'hôpital de Tours, désigné coordonnateur pour le groupement d'achat d'Indre et Loire (marché du 1er avril 1999 au 31 mars 2000) où le laboratoire Glaxo est en présence de son concurrent, et propose le Zinnat(r) 1,5 g à 0,03 euro pour 1 500 unités.
245. Pour faire clairement apparaître la sélectivité des offres du laboratoire Glaxo, il n'est pas nécessaire d'examiner les offres une par une et il suffit de constituer deux groupes de réponses aux appels d'offres, selon que les ventes sont au dessus du prix d'achat effectif ou en dessous de ce prix, comme on le voit dans les tableaux ci-après :
<emplacement tableau>
246. Deux conclusions peuvent être tirées des tableaux ci-dessus. En premier lieu, le prix moyen des ventes sans perte comptable, c'est-à-dire réalisées au-dessus du prix moyen d'achat constaté ex post sur facture, est très supérieur au prix moyen des ventes à perte pour les deux années en cause, 1999 et 2000, et cela pour les deux conditionnements, 750 mg et 1,5 g. Cet écart est d'environ 75 % pour le 750 mg (1,28 euro contre 0,74 euro en 1999 et 0,67 euro contre 0,38 euro en 2000) et de 50 % pour le 1,5 g (2,57 euro contre 1,48 euro en 1999 et 1,86 euro contre 1,14 euro en 2000).
247. En second lieu, le prix moyen de vente sans perte comptable, qui est par construction supérieur au prix d'achat sur facture constaté ex post, est néanmoins inférieur au prix d'achat connu au moment de l'offre aussi bien pour 1999 que pour 2000 et pour les deux conditionnements, il est donc bien un prix potentiellement générateur de pertes au moment où il est fixé, c'est à dire pour les deux années de prédation. Le contraste est d'autant plus net avec la période sans prédation puisque ce prix moyen de vente est supérieur au prix d'achat connu au moment des offres pour les années 1998 et 2001.
248. Il a donc bien existé une discrimination par les prix entre les établissements. Cette discrimination ne s'explique pas par l'importance des quantités vendues, les baisses de prix octroyées étant sans lien avec les volumes achetés, mais trouve son explication dans le fait que des concurrents sont présents dans le premier cas et absents dans le second. De façon générale, il est normal que la présence de concurrents aboutisse du fait du jeu concurrentiel à des prix plus bas que sur les marchés non disputés, mais non à des prix prédateurs engendrant des pertes pour celui qui les met en œuvre.
249. La matérialité de cette pratique discriminatoire, telle qu'elle vient d'être exposée, est en outre prouvée par les décrochages ciblés des prix indiqués ci-dessus. Or, la vraisemblance d'une politique de prédation est renforcée lorsqu'il est démontré que le prédateur ne pratique des prix anormalement bas qu'en faveur des clients que visent également les concurrents qu'il cherche à éliminer. En effet, la discrimination rend la pratique de prédation moins coûteuse puisqu'elle permet de limiter l'ampleur des pertes tout en ayant l'effet d'éviction recherché.
250. Ainsi, la Commission européenne indique-t-elle dans la décision "Irish Sugar" que, pour une société en position dominante, le fait : "d'offrir de manière sélective des prix peu élevés aux clients d'un petit concurrent, tout en maintenant des prix sensiblement plus élevés pour ses clients existants constitue un abus de position dominante". De même, la Commission de la concurrence a précisé dans l'avis du 29 mai 1986 que si une entreprise peut vendre ses productions à un prix inférieur à ses coûts de revient, et que ce comportement n'est pas toujours anticoncurrentiel, il l'est en revanche "lorsqu'une telle politique émane d'une entreprise en position dominante et qu'elle est conduite de façon sélective afin d'éliminer des concurrents déterminés".
251. Le Conseil de la concurrence a rappelé ces principes dans sa décision n° 98-MC-16 où il précise que "la pratique consistant, pour des entreprises présentes sur un même marché, à mettre en œuvre une politique sélective de prix de prédation les conduisant à accumuler artificiellement les pertes de façon à contraindre leurs concurrents à cesser leur activité sur le marché, constitue manifestement une atteinte grave et immédiate à l'économie du secteur concerné en réduisant le nombre d'opérateurs et en décourageant toute volonté ultérieure d'entrer sur le marché".
Conclusion sur le test de coût
252. Les arguments présentés par le laboratoire Glaxo pour contester la pertinence du test de coût doivent donc être écartés. Il est établi que ce dernier a vendu le Zinnat injectable aux hôpitaux en dessous de ses coûts d'achat, qui sont un minorant des coûts variables pertinents, et de manière sélective, en présence de concurrents, fabricants de génériques.
2.3. L'IDENTIFICATION DE LA STRATEGIE DE PREDATION AU CAS D'ESPECE
253. Le laboratoire Glaxo conteste la qualification de prix prédateurs en soutenant que la connexité des marchés de l'aciclovir et du céfuroxime n'est pas démontrée, que la position dominante éventuelle sur le marché de l'aciclovir ne peut créer un effet de levier pour lui permettre de commettre un abus sur le marché du céfuroxime, marché non dominé, et, inversement, que la politique de prix bas sur le marché du céfuroxime ne peut lui apporter aucun bénéfice sur celui du l'aciclovir.
254. Il soutient également que la situation du marché du médicament rend invraisemblable une politique de prix prédateurs. En effet, une fois le brevet du médicament princeps expiré, il n'existerait plus de barrière à l'entrée pour les génériques et il deviendrait impossible de dissuader les concurrents d'entrer sur le marché, a fortiori en cas de hausse des prix après une période de prix bas.
255. Mais, comme cela était le cas dans l'affaire Akzo (CJCE 3 juillet 1991, aff C-62/86), la jurisprudence a reconnu que, si l'entreprise dominante peut chercher à protéger sa position en appliquant des prix prédateurs sur le marché dominé, elle peut aussi le faire sur un marché connexe si ce comportement a pour effet de protéger ou de renforcer sa dominance sur le marché d'origine. Par ailleurs, loin de se limiter à un test de coût, l'arrêt Akzo a également examiné l'analyse globale du fonctionnement du marché avancée par les parties. Il convient donc, au-delà du test de coût et comme l'a déjà fait le Conseil dans des décisions antérieures en matière d'abus de position dominante, de caractériser, au regard des faits de l'espèce, la stratégie de prédation imputée au laboratoire Glaxo.
Sur l'analyse des stratégies de prédation en général
256. Comme cela a été rappelé aux points 164 à 170 ci-dessus et précisé par la jurisprudence communautaire et interne, la pratique de prix prédateurs se définit comme une politique de prix par laquelle une entreprise dominante baisse ses prix et, de ce fait, subit délibérément des pertes ou réduit ses profits à court terme, pour éliminer ou discipliner un ou plusieurs concurrents ou pour bloquer l'entrée sur le marché de concurrents potentiels dans le but de protéger ou de renforcer sa position dominante.
257. L'analyse économique distingue trois types de stratégies possibles en matière de prédation :
- la première, dénommée prédation financière, correspond à la situation dans laquelle la proie (c'est-à-dire l'entreprise victime de la prédation) dépend pour son maintien sur le marché d'un financement extérieur. Les investisseurs observent les performances de la proie et conditionnent la poursuite de leur financement aux bons résultats obtenus par celle-ci. Le prédateur cherche à influencer la perception que les investisseurs ont de l'entreprise financée en poussant celle-ci, par des prix bas, à faire des pertes, ce qui doit amener l'investisseur à arrêter son financement. La proie sort alors du marché ;
- la deuxième, dénommée prédation par signal, est celle dans laquelle le prédateur cherche à influencer la perception qu'a la proie des conditions de rentabilité du marché. Le fait d'accumuler des pertes est une façon de dissuader l'entrée des concurrents, en les convaincant que l'activité n'est pas rentable. Si le message est perçu (c'est-à-dire si les entrants potentiels attribuent les pertes du prédateur à un défaut de rentabilité de l'activité plutôt qu'à une stratégie anticoncurrentielle), les concurrents resteront en dehors du marché ;
- la troisième stratégie, dite de prédation par construction d'une réputation, est celle dans laquelle le prédateur cherche à se bâtir une réputation d'agressivité. Typiquement, il s'agit d'une situation dans laquelle le prédateur est soumis à la menace d'entrée de plusieurs concurrents sur des marchés différents (soit des marchés successifs, soit des marchés de produits distincts). Il choisit l'un d'entre eux et se comporte sur celui-ci de manière très agressive en tarifant en dessous de ses coûts. Observant cette agressivité, et pourvu, là encore, que la crédibilité du message soit assurée, les concurrents potentiels s'abstiendront d'entrer sur les autres marchés, redoutant un comportement identiquement agressif du prédateur.
258. Le comité de la concurrence de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) décrit ainsi cette troisième stratégie dans son rapport sur la prédation : "Le fait, pour une entreprise, qui cherche à évincer ses concurrents, d'avoir la réputation d'être prête à supporter des pertes pendant un certain temps pour éliminer ses rivaux et décourager des candidats potentiels à l'entrée sur le marché peut sensiblement améliorer ses chances de récupérer les pertes consenties. Une telle réputation peut avoir des effets durables sur le marché sur lequel elle met en œuvre sa stratégie d'éviction, mais elle peut aussi se révéler productive lorsque l'entreprise exerce son activité sur plusieurs marchés à la fois. Dans ce cas, les retombées de la réputation acquise sur un marché sont parfois ressenties sur les autres marchés sur lesquels l'entreprise est présente, lui permettant ainsi de recueillir les fruits de sa politique d'éviction par les prix sur plusieurs marchés en même temps qu'elle ne supporte les pertes que sur un seul marché" (Rapport DAF/COMP du 15 mars 2005, p.13).
259. Les trois schémas comportementaux précédemment décrits reposent tous sur une manipulation de l'information par le prédateur. Par exemple, la prédation par réputation, consistant à signaler aux rivaux actuels ou potentiels le type de réponse que l'entreprise dominante est prête à apporter aux tentatives d'entrée sur le marché dominé, n'a pas nécessairement pour objectif d'éliminer un concurrent. Elle peut préférer discipliner un concurrent sans l'éliminer, c'est-à-dire l'amener à cesser une compétition trop vigoureuse, dès lors que le but général est de freiner le développement de la concurrence sur le marché. Cet aspect préventif est relevé aussi bien par la théorie économique que par la jurisprudence. Ainsi, le point 146 de l'arrêt Akzo constate que "En maintenant des prix inférieurs à la moyenne des coûts totaux durant une période prolongée sans justification objective, Akzo a pu nuire à ECS en la dissuadant de s'attaquer à sa clientèle" (CJCE, 3 juillet 1991, aff. C-62/86, point 146, soulignement ajouté).
260. Ces stratégies de prédation, qui s'appuient sur des mécanismes différents, ne constituent pas des catégories étanches. Elles peuvent se renforcer lorsqu'elles sont mises en œuvre simultanément. Ainsi, peuvent coexister une prédation par réputation et une prédation financière. Ce type de prédation est possible et vraisemblable lorsque existe une asymétrie des moyens financiers entre le prédateur et le nouvel entrant.
261. C'est en puisant dans sa "poche profonde" qu'une entreprise prédatrice peut supporter les pertes que lui fait subir son comportement, comme le relève le point 131 de l'arrêt Akzo lorsqu'il rappelle que la Commission avait considéré que la politique de prix artificiellement bas pratiquée par la société Akzo avait créé une situation de marché "qu'elle pouvait supporter en raison de ses moyens financiers supérieurs à ceux d'ECS" (CJCE, 3 juillet 1991, aff. C-62/86, point 131).
Sur la stratégie à l'œuvre au cas d'espèce
262. Dans l'affaire en cause, il s'agit bien, pour le laboratoire Glaxo, de la même stratégie que celle décrite dans l'affaire Akzo, consistant à se bâtir une réputation d'agressivité en pratiquant des prix très bas sur le marché du céfuroxime injectable pour retarder l'arrivée des génériques sur le marché de l'aciclovir injectable mais également sur d'autres marchés menacés par l'expiration du brevet.
263. D'un point de vue économique, le caractère praticable d'une telle stratégie dans le secteur pharmaceutique doit être admis, des pratiques comparables visant à retarder l'apparition des génériques ayant d'ailleurs déjà été condamnées par les autorités de concurrence américaines, européennes ou françaises : affaire BristolMeyerSquibb du 14 avril 2003, affaires Biovail du 2 octobre 2002 et Astra Zeneca du 15 juin 2005, affaires Lilly-France (générique de la Vancocine) et Sandoz-Novartis (trois génériques en cause : celui du Parlodel, du Miocalcic et du Vepeside).
264. Il est, en outre, reconnu que, depuis le milieu des années 1990, un grand nombre de brevets protégeant des médicaments "phares" c'est-à-dire assurant une grande partie des ventes des laboratoires pharmaceutiques, sont tombés dans le domaine public. Ce phénomène se poursuit d'ailleurs : selon "Datamonotor", institut de statistique britannique, entre 2005 et 2010, 140 milliards de dollars de revenus seront perdus par les grands groupes pharmaceutiques en raison de l'expiration de leurs brevets (source : Financial Times, 22 novembre 2005). Cela rend vraisemblables les stratégies de défense des laboratoires dont les brevets arrivent à expiration.
265. Au cas d'espèce, la politique de prix bas pratiqués sur le marché du céfuroxime sodique pouvait être un signal destiné à décourager les petits génériqueurs d'entrer sur le marché des spécialités hospitalières, et notamment sur celui de l'aciclovir injectable dont le monopole était menacé dès 1999, c'est-à-dire à l'époque des pratiques en cause, ou pour lequel était anticipée une arrivée massive des génériques en 2002. Ce signal, constitué par ces prix en dessous des coûts maintenus pendant deux ans, a permis au laboratoire Glaxo de se forger une réputation d'agressivité.
266. Cette stratégie a produit des effets puisqu'elle a conduit non seulement à éliminer le laboratoire Flavelab du marché hospitalier (le céfuroxime constituait 50 % des ventes hospitalières de ce dernier) mais aussi à décourager les laboratoires Panpharma et Ggam, présents sur le marché du céfuroxime sodique, d'orienter leur production vers d'autres génériques des spécialités du laboratoire Glaxo. Ces deux laboratoires ont pu observer le comportement du laboratoire Glaxo sur le marché du céfuroxime sodique, notamment Panpharma qui a été évincé en 2000 de nombreux appels d'offres pour la livraison de cette spécialité aux hôpitaux, avant d'adapter leur comportement sur d'autres marchés : ils ont renoncé à entrer sur le marché de l'aciclovir injectable, dans le cas de Panpharma, ou n'y sont entrés que pour en sortir l'année suivante, dans celui du laboratoire Ggam.
267. Panpharma a notamment déclaré avoir renoncé à utiliser l'AMM qu'il détenait sur l'aciclovir en raison de l'anticipation qu'il faisait de l'évolution des prix sur ce marché : " Si le prix est trop bas, il est dissuasif. Bien évidemment nous anticipons sur les évolutions de ce prix" (soulignement ajouté, annexe 6 du rapport complémentaire). Or, cette anticipation d'un prix bas ne pouvait résulter de l'observation, entre 1999 et 2001, du marché de l'aciclovir injectable sur lequel il n'y avait pas de concurrence agressive en prix entre le laboratoire Glaxo et Merck, comme l'a reconnu le laboratoire Glaxo lui-même, mais pouvait logiquement être déduite du comportement agressif du laboratoire Glaxo sur le marché du céfuroxime injectable en 1999 et 2000.
268. Quant à la possibilité financière de la prédation, elle ressort également de l'asymétrie des moyens financiers entre le laboratoire Glaxo et le laboratoire Flavelab. En effet, le chiffre d'affaires du laboratoire Glaxo à l'hôpital, qui ne représente au surplus qu'une part mineure du CA global du laboratoire Glaxo, est 400 fois plus important que celui du laboratoire Flavelab (214 millions d'euro en 2000 contre 542 000 euro). Au surplus, le laboratoire Glaxo ne pouvait ignorer que le laboratoire Flavelab, qui n'avait que deux ans d'existence, était un fabricant de génériques fragile sur le plan financier.
269. Or, un fabricant de génériques, qui ne peut bénéficier de prix de monopole sur des médicaments protégés, a une rentabilité qui dépend fortement du nombre d'unités vendues sur les marchés en concurrence. S'il n'obtient pas de marchés en nombre suffisant (comme cela a été le cas en 2000 où Flavelab a gagné trois marchés contre 29 pour le laboratoire Glaxo), il ne peut couvrir ses coûts fixes même si ceux-ci sont beaucoup moins élevés que ceux d'un laboratoire supportant des coûts de recherche, et il est condamné à disparaître. En 2001, le laboratoire Flavelab se déclarait en cessation de paiement avant d'être soumis à l'ouverture d'une procédure collective qui devait aboutir à la cession totale de ses actifs au laboratoire Panpharma.
Sur l'absence, alléguée par Glaxo, de lien de connexité entre les marchés
270. Le laboratoire Glaxo soutient que la connexité des marchés de l'aciclovir et du céfuroxime n'est pas démontrée, alors qu'il s'agit d'une condition exigée par la jurisprudence pour qualifier un abus de dominance consistant en la mise en œuvre d'une pratique sur un marché non dominé.
271. Cependant, les marchés concernés sont tous des marchés hospitaliers, avec en conséquence, une identité de demandeurs, une identité d'offreur (GSK France), celui-ci gèrant de façon unique toutes les ventes à l'hôpital par "l'unité hôpital", une identité de fonctionnement des marchés, puisque ce sont des marchés concurrentiels et non administrés, où les prix sont libres. La constatation de l'ensemble de ces éléments permet de déduire l'existence d'un lien de connexité suffisant au regard des critères posés par l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes Tetra Pack du 14 novembre 1996. Cet arrêt précise d'ailleurs qu'un tel lien peut être également prouvé par la simple démonstration d'effets anticoncurrentiels sur le marché connexe, du fait d'une ou de plusieurs position(s) dominante(s). Ainsi qu'il est précisé au point 29 de la décision (cote 1772) : "la pertinence des liens de connexité ainsi retenus par le Tribunal ne saurait être contestée. Le fait que les différents matériels soient utilisés pour le conditionnement des mêmes produits liquides de base fait apparaître que les clients de Tetra Pak dans un secteur sont aussi des clients potentiels dans l'autre. Cette possibilité est corroborée par des statistiques desquelles il ressort que, en 1987, environ 35 % des clients de Tetra Pak achetaient à la fois des aseptiques et des non aseptiques. A cet égard il est également pertinent de relever que Tetra Pak et son concurrent le plus important, PKL, étaient présents sur les quatre marchés. Étant donné sa domination presque totale des marchés aseptiques, Tetra Pak pouvait aussi compter sur un statut privilégié sur les marchés non aseptiques. Grâce à sa position sur les premiers marchés, Tetra Pak pouvait concentrer ses efforts sur les seconds en agissant indépendamment des opérateurs économiques".
272. En l'espèce, les clients du laboratoire Glaxo, c'est-à-dire les hôpitaux et les cliniques privées, achètent à la fois du Zinnat(r) injectable (qui n'est pas vendu en ville), du Zovirax(r) injectable (qui n'est pas non plus vendu en ville), produits pour lesquels le laboratoire Glaxo est en position dominante et qui représentaient un chiffre d'affaires de plus de 10 M. Le fait que la dépense totale relative à tous les produits achetés au laboratoire Glaxo est supportée par le même acheteur (l'hôpital ou le groupement d'achat) qui s'approvisionne en médicaments, est un indice de cette connexité.
273. Le Conseil relève encore le lien opéré par laboratoire Glaxo lui-même entre les deux médicaments lorsqu'il a proposé des remises liant les prix du Zinnat(r) injectable à l'achat du Zovirax(r) injectable. Ce constat vient en renfort des observations précédentes sur la connexité des deux marchés par le fait des acheteurs communs.
274. Enfin, les explications tardives fournies par le laboratoire Glaxo sur la solidité de la protection du brevet du Zovirax(r) injectable face à l'arrivée des génériques montrent qu'il y avait bien un intérêt à défendre cette spécialité en monopole contre une arrivée prochaine des génériques. Ainsi le défendeur indique avoir décidé, en novembre 1999, de ne finalement pas intenter d'action pour défendre ses droits de propriété intellectuelle contre la société Merck Génériques en "tenant compte d'une appréciation de ses chances de succès d'une éventuelle action en contrefaçon et du risque juridique qui pouvait éventuellement affecter les droits de propriété intellectuelle de Glaxo et du caractère très limité des volumes d'aciclovir injectable qui étaient alors vendus en 1999 par le laboratoire Merck Génériques".
275. Cette explication mêle un argument juridique, le problème de la réalité de la protection apportée par le CPP, et un argument économique, la faiblesse des pertes liées à l'arrivée sur le marché de l'aciclovir injectable d'un premier fabricant de génériques.
276. Sur le premier argument, la déclaration du laboratoire Glaxo ne permet pas de connaître sa position, à l'époque des faits, sur la solidité du brevet sur l'aciclovir et montre surtout qu'une incertitude forte pesait sur l'issue d'un éventuel procès en contrefaçon. Elle montre également que, au moment même où il engageait sa politique de prix bas à l'encontre de Flavelab sur le marché du céfuroxime injectable dont le brevet venait d'expirer, en mai 1999, le laboratoire Glaxo se sentait menacé par l'arrivée des génériques sur le marché de l'aciclovir injectable sur lequel il disposait d'une position dominante.
277. De fait, sept fabricants de génériques disposaient d'une AMM sur l'aciclovir injectable dès le début de la période de prédation : Teva (1997), GGam (1997), Arrow (1997), Gonnon (1997), Abbott (1998), Merck (1998), Panpharma (1999). Par ailleurs, Merck, Ggam et Panpharma disposaient également d'une AMM sur le marché du céfuroxime injectable. La menace d'une entrée massive des génériques sur le marché de l'aciclovir était donc réelle.
278. Le second argument du laboratoire Glaxo consiste à soutenir qu'il n'était pas utile d'engager un contentieux pour s'opposer à de très faibles ventes.
279. Mais la faiblesse des ventes de Merck sur le marché de l'aciclovir n'est pas démontrée puisque le chiffre d'affaires constaté en 1999 (60 000 euro) était du même ordre de grandeur que celui de Flavelab en 1998 (52 000euro) sur le céfuroxime, sans que cela conduise Glaxo à renoncer à défendre ses droits de propriété intellectuelle. En outre, dès l'année suivante, en 2000, Merck a réalisé à l'hôpital un chiffre d'affaires d'environ 1 M sur l'aciclovir injectable, montant qui ne peut être qualifié de "très limité" puisqu'il est équivalent à la totalité du marché du céfuroxime injectable. Pour autant, le laboratoire Glaxo n'a pas révisé sa position et n'a pas engagé de contentieux, alors qu'il poursuivait celui introduit contre Flavelab, malgré l'expiration du brevet du céfuroxime depuis mai 1999. La rationalité économique d'un tel comportement n'est pas démontrée.
280. Au surplus, l'arrivée de Flavelab ne s'est produite qu'un an avant l'expiration certaine du brevet selon le laboratoire Glaxo et sur un petit marché de 1 M euro. Le dommage final que le laboratoire Glaxo pouvait anticiper sur ses recettes était donc nécessairement limité, alors que l'entrée irrégulière, selon le laboratoire Glaxo, de Merck est intervenue trois ans avant l'expiration du brevet et sur un marché de 11 M euro : le dommage prévisible était donc très important. La rationalité économique aurait donc dû conduire à défendre ce gros marché plutôt que le petit contre une éventuelle contrefaçon.
281. Il est donc paradoxal que le laboratoire Glaxo ait choisi d'être agressif sur le marché à faible enjeu financier et accommodant sur celui à fort enjeu financier. Ce paradoxe apparent est toutefois résolu si l'on explique le comportement du laboratoire Glaxo par la mise en œuvre d'une politique de prédation par réputation. La dissuasion, peu coûteuse, exercée sur le marché du céfuroxime, était de nature à dissuader les six fabricants de génériques disposant d'une autorisation sur l'aciclovir injectable d'emboîter le pas à Merck Génériques et de commencer à vendre à l'hôpital.
2.4. LES AUTRES MOYENS DE DEFENSE PRESENTES PAR GLAXO
282. Le laboratoire Glaxo avance encore trois arguments pour justifier son comportement qui serait exclusif de toute mise en œuvre d'une politique de prix prédateurs : (1) il se serait aligné sur les prix agressifs pratiqués par ses différents concurrents (Panpharma et Flavelab) ; (2) il ne pouvait récupérer ses pertes ce qui exclut la thèse de la prédation ; (3) la disparition du laboratoire Flavelab serait la conséquence de son manque d'efficacité sur un marché du céfuroxime fonctionnant en pleine concurrence et ne saurait donc être imputée au comportement de Glaxo.
Sur l'argument relatif à l'alignement sur les prix des concurrents
En ce qui concerne l'alignement sur les prix de Flavelab
283. Le laboratoire Glaxo soutient qu'il n'a pas voulu mener une politique de prédation, mais simplement réagir aux prix bas des génériques sur le marché du céfuroxime et qu'une telle attitude "d'alignement" sur les prix des concurrents n'est pas répréhensible, même pour une entreprise en position dominante.
284. Mais contrairement à ce qu'affirme le laboratoire Glaxo dans ses observations et ainsi que l'indique le tableau figurant dans le rapport administratif page 43 (cote 436), reproduit ci-après, les prix moyens de vente du céfuroxime pratiqués par le laboratoire Flavelab étaient supérieurs aux prix bas pratiqués par le laboratoire Glaxo lors des appels d'offres en cause et même nettement supérieurs à l'ensemble des prix pratiqués par le laboratoire Glaxo en 2000, prix dont il faut rappeler qu'ils ont été décidés à l'automne 1999. Ce n'est qu'en 2001, après que le Conseil a refusé les mesures conservatoires demandées par Flavelab, que les prix des génériques proposés par Flavelab ont été fortement abaissés et se sont rapprochés de ceux pratiqués par le laboratoire Glaxo en 2000 (voir tableau figurant à la fin du rapport administratif intitulé "appendice"). Mais ces ventes n'ont jamais été réalisées du fait du dépôt de bilan de Flavelab et de sa sortie du marché.
<emplacement tableau>
285. Il faut, au surplus, relever que le système des appels d'offres ne permet qu'un alignement ex post pour les marchés futurs, une fois connus les résultats des marchés passés. Il faudrait donc, pour démontrer un alignement, expliquer les modalités du recueil des informations sur les prix passés et la chronologie de prise en compte de ces prix pour les marchés suivants compatible avec la thèse de l'alignement. Aucun de ces éléments n'a été produit par le laboratoire Glaxo auquel incombe la charge de la preuve sur ce point.
286. Il n'y a donc pas eu "alignement" des prix du laboratoire Glaxo sur ceux de Flavelab pour l'année 2000, mais bien une pratique de prix très bas cette année là, en-dessous des prix pratiqués par les concurrents pour des produits génériques. Cette spirale de baisse de prix a d'ailleurs conduit le laboratoire Flavelab à sortir du marché du céfuroxime injectable et les commandes des hôpitaux en 2001 passées à Flavelab aux prix proposés par cette entreprise pour "suivre" le laboratoire Glaxo ne seront finalement pas honorées.
287. Accessoirement, il ne saurait être reproché à la société Flavelab, qui n'est pas en position dominante, d'avoir pratiqué une politique de prix inférieurs au prix du médicament princeps pour entrer sur un marché sur lequel elle était en concurrence avec les génériques de Panpharma qui pratiquait des prix comparables. Il faut, à cet égard, rappeler que Flavelab a pratiqué les mêmes prix pour le céfuroxime et le céfamandole, médicament directement concurrents, avec des résultats très différents, puisque pour la demande en céfamandole des hôpitaux, il a gagné d'importantes parts de marché sans perte, ce qui démontre que sa politique de prix en 1999 et 2000 n'était pas déraisonnable.
En ce qui concerne l'alignement sur les prix du céfamandole de Panpharma
288. Dans ses dernières observations, le laboratoire Glaxo avance une explication nouvelle de son comportement en affirmant qu'il avait constaté que Panpharma, arrivant sur le marché du céfuroxime en 1999, proposait ce médicament au même niveau de prix que le céfamandole, c'est-à-dire entre 0,64 euro et 0,74 euro, et qu'il aurait été contraint, en 2000, de baisser les prix du Zinnat(r) injectable pour les aligner sur ceux du céfamandole commercialisé par Panpharma.
289. Mais cette explication, qui n'avait pas été évoquée auparavant au cours de la procédure, ni lors de l'examen des mesures conservatoires, pour lequel seul le comportement de Flavelab avait été mentionné comme étant la cause des prix bas, est en contradiction avec la thèse du même laboratoire Glaxo qui a soutenu que sa décision de baisser ses prix en 1999 était justifiée par le fait que l'entrée précoce sur le marché de Flavelab, en violation des droits de propriété intellectuelle de Glaxo, était illégale. Dans ce raisonnement, les prix de Panpharma ne sont pas en cause.
290. Qui plus est, ce raisonnement repose sur une confusion entre le prix moyen, impossible à connaître en début de campagne, et les prix marché par marché, qui ne peuvent être connus qu'après le résultat de chaque appel d'offres en interrogeant l'hôpital sur les conditions offertes par le titulaire du marché.
291. Le laboratoire Glaxo n'indique pas comment il a pu connaître ce prix moyen sur lequel il prétend aujourd'hui s'être aligné. Soit il en eu une connaissance directe, mais il faut préciser la source d'information, soit il a réussi à la reconstituer, mais il faut préciser par quelle méthode.
292. S'agissant de la première hypothèse, il faut relever que, dans ses observations écrites, le laboratoire Glaxo a produit des relevés de prix d'une étude IMS (cotes 3080 à 3091) dans laquelle les prix moyens de vente du céfamandole 750 mg de Panpharma sont mentionnés avec les valeurs suivantes : 1,32 euro en 1998 et 1,57 euro en 1999 (cote 3088). Ces prix moyens sont très supérieurs à ceux pratiqués par Glaxo sur le céfuroxime 750 mg sur les marchés en cause aussi bien en 1999 (0,74euro) qu'en 2000 (0,38euro), comme cela est rappelé dans le tableau 22 ci-dessus. Or, ces prix moyens de l'étude IMS étaient les seuls accessibles aux laboratoires pharmaceutiques puisque les données AFSSAPS, qui ont été versées au dossier par la rapporteure en cours d'instruction, sont confidentielles et, de plus, établies à partir des déclarations des entreprises plusieurs mois après la clôture des exercices.
293. L'hypothèse de la reconstitution de ce prix moyen à partir de prix instantanés n'est pas plus convaincante. Pour des raisons chronologiques incontestables, ce ne sont pas les prix de Panpharma sur les appels d'offres qui ont pu inciter Glaxo à baisser les siens, puisque les marchés de 1999 pour lesquels Glaxo a pratiqué des prix inférieurs aux coûts d'achat ne sont justement pas ceux où il se trouvait en concurrence avec le céfamandole de Panpharma (Marseille 1999, Bordeaux 1999, Indre et Loire 1999, CACIC 1999, CAHP 1999, Générale de Santé 1999). On ne voit donc pas à quel moment, ni par quel moyen, le laboratoire Glaxo aurait pu observer sur le marché un prix bas du céfamandole en 1999 qui l'aurait obligé à un alignement en 2000.
294. Au surplus, il peut être constaté que, sur d'autres marchés de 1999, pour lesquels Glaxo aurait pu observer les prix de Panpharma pour le céfamandole 750 mg, ces derniers sont supérieurs au niveau des prix prédateurs de Glaxo sur le céfuroxime 750 mg. Ces prix prédateurs ne peuvent donc s'expliquer par la nécessité d'un alignement. C'est le cas, par exemple, des appels d'offres des hôpitaux d'Aquitaine en 1999 (Panpharma à 1 euro), de l'Aisne en 1999 (1 euro) ; de Nantes en 1999 (1 euro) ; du Loiret en 1999 (1,07 euro) ; de Poitiers en 1999 (1,04 euro) ; de Toulouse en 1999 (0,87 euro), prix très supérieurs aux prix bas pratiqués par le laboratoire Glaxo, qui ont été de 0,74euro en 1999 et 0,38euro en 2000.
295. Quant aux prix de 2000, ils ne pouvaient par principe être observés par laboratoire Glaxo pour fixer ses propres prix de la campagne 2000 puisque ceux-ci ont été décidés, à l'automne 1999, dans l'ignorance des prix que Panpharma allait pratiquer en 2000, ces derniers ne pouvant être connus qu'après le dépouillement des procédures de marchés publics.
296. A titre subsidiaire, on constate également que ces prix de 2000 n'ont pas été inférieurs à ceux du laboratoire Glaxo puisque ce dernier a gagné la quasi-totalité des marchés du céfuroxime en 2000, Panpharma n'étant retenu que dans deux cas : il était donc nécessairement plus cher.
Conclusion
297. L'argument tiré de l'alignement sur les prix du concurrent manque donc en fait : il peut être écarté sans qu'il soit besoin de rechercher si, dans l'hypothèse où il aurait été démontré, un tel alignement aurait pu justifier la politique de prix pratiquée par le laboratoire Glaxo.
Sur la possibilité de récupération des pertes
298. Le laboratoire Glaxo conteste la possibilité qu'il aurait eu de récupérer ses pertes en invoquant trois arguments. Tout d'abord, il soutient qu'un marché de médicaments ne se prête pas à une telle récupération puisque à l'expiration du brevet il n'existerait plus de barrières à l'entrée et qu'il serait impossible au prédateur de relever ses prix de manière profitable. Il observe ensuite que, sur le marché du céfuroxime, la hausse des prix du Zinnat(r) injectable à partir de 2001 fait suite à la décision de mesures conservatoires du Conseil en date du 7 novembre 2000 et résulte de la nécessité dans laquelle il s'est trouvé de remonter ses prix pour échapper à l'accusation de prédation. Enfin, il considère plus largement qu'il ne pouvait compenser ses pertes en effectuant des transferts financiers à partir de marchés protégés.
299. Avant de répondre à ces objections, il faut rappeler qu'il n'incombe pas en l'espèce à l'autorité de concurrence de démontrer comment la récupération des pertes pouvait être réalisée et encore moins qu'elle a effectivement eu lieu, mais simplement de répondre aux arguments du défendeur tirés de ce qu'une telle récupération était en fait impossible.
300. En effet, et comme le relève d'ailleurs le laboratoire Glaxo, l'intervention de l'autorité de concurrence modifie nécessairement les conditions du marché, surtout si elle se produit au début du processus comme c'est le cas lorsque la saisine est accompagnée d'une demande de mesures conservatoires. Le mis en cause ne saurait tirer prétexte de l'intervention de l'autorité de concurrence, qui perturbe nécessairement la stratégie en cours d'exécution, par exemple la récupération des pertes, pour s'exonérer de ses responsabilités. Comme l'a indiqué le Conseil dans la décision n° 05-D-13 TPS/Canal Plus, au point 83, l'objet et les effets potentiels de la pratique abusive doivent être évalués au moment de sa mise en œuvre.
301. Au cas d'espèce, cette position est tout à fait logique puisque l'intervention de l'autorité de concurrence, si elle se produit assez tôt, ce qui est souhaitable, peut fort bien avoir lieu avant la phase de récupération des pertes. A contrario, si la récupération des pertes a eu lieu au moment où l'affaire est examinée, il est inacceptable que l'entreprise cherche à démontrer que cette récupération était impossible au moment de la mise en œuvre de la stratégie prédatrice.
302. S'agissant des barrières à l'entrée et de la possibilité d'empêcher les fabricants de génériques de pénétrer sur le marché à l'issue de la période de prédation, il convient de remarquer que, dans le cadre d'une prédation par réputation ou par signal dont l'objectif est de retarder l'arrivée des génériques ou de la cantonner à un nombre réduit d'opérateurs, de manière à atténuer la pression à la baisse sur les prix, toutes les périodes de répit gagnées pour le maintien des ventes du médicament princeps sont des périodes de "récupération" des pertes utiles, puisque les revenus de l'entreprise prédatrice sont supérieurs à ceux qu'elle pouvait anticiper en l'absence de prédation.
303. La théorie économique ne soutient d'ailleurs pas que, pour être efficace, une politique de prédation doit évincer définitivement les concurrents du marché, mais simplement que cette éviction ménage au prédateur une période suffisante d'atténuation de la pression concurrentielle sans qu'il soit obligé d'engager trop rapidement et de manière répétée des politiques de prix bas génératrices de pertes pour tirer bénéfice de l'éviction de ses concurrents ou de leur discipline.
304. Dans le cas du marché des médicaments, cette période de répit face à l'arrivée des génériques peut être profitable même lorsqu'elle reste très limitée dans le temps du fait des écarts de prix considérables qui peuvent être pratiqués selon qu'une spécialité est protégée par son brevet ou qu'elle est soumise à la pression concurrentielle des génériques. Dans les années qui précèdent l'expiration du brevet, l'essentiel des coûts fixes de recherche et développement sont amortis et le prix de vente du médicament encore protégé génère des marges élevées. La prolongation artificielle de cette période, pendant laquelle un prix plus élevé que le prix de concurrence peut être pratiqué de manière profitable, (c'est-à-dire sans perte immédiate et massive de parts de marché au profit des génériques) peut être financièrement bénéfique. Ce constat est valable même si cette stratégie n'est que transitoire, sachant que l'entrée des génériques sur le marché est généralement inéluctable à terme.
305. En l'espèce, l'argument invoqué comprend deux volets auxquels il faut répondre successivement. Dans le premier, il faut montrer que la stratégie de prédation a pas réussi sur le marché sur lequel elle s'est appliquée. Le laboratoire Glaxo a pratiqué des prix prédateurs sur le marché du céfuroxime sodique, a fait sortir Flavelab de ce marché, a récupéré ses pertes sur ce même marché, et a utilisé ce comportement comme signal d'agressivité sur d'autres marchés dont celui de l'aciclovir. Dans le second, il faut montrer que la protection du marché dominé, celui de l'aciclovir injectable, permettait de récupérer les pertes encourues du fait de la prédation.
En ce qui concerne la récupération des pertes sur le marché du céfuroxime injectable
306. Sur le marché du céfuroxime injectable, il suffit de démontrer que le laboratoire Glaxo était en mesure de faire croire par son comportement à sa réputation de laboratoire agressif, dès lors que l'objectif principal était la défense des marchés dominés, comme celui de l'aciclovir.
307. Il faut, dans un premier temps, faire le bilan financier des baisses de prix portant sur les quantités vendues à un prix prédateur sur le marché du Zinnat(r) injectable à l'hôpital, et des hausses de prix qui ont suivi, afin de voir s'il est positif ou négatif pour le laboratoire Glaxo, sachant que ce dernier conteste que les pertes puissent être récupérées sur le seul marché du Zinnat(r) injectable.
308. Pour établir le bilan financier de la période pour le laboratoire Glaxo, il convient, tout d'abord, d'évaluer les pertes subies sur les quantités vendues à un prix inférieur au coût d'achat pendant les deux années consécutives au cours desquelles ont été commises les pratiques. Plusieurs méthodes sont possibles, mais la plus favorable au laboratoire Glaxo (celle qui minore les pertes) consiste à se limiter aux pertes comptables, autrement dit à calculer un chiffre d'affaires théorique qui aurait été celui réalisé "sans marge", c'est-à-dire obtenu en prenant un prix de vente égal au prix d'achat, et à le comparer au chiffre d'affaires effectivement réalisé sur les unités vendues à un prix prédateur. La différence entre les deux chiffres obtenus donne un minorant du montant des pertes subies.
309. Cette méthode a été retenue et les résultats figurent dans le tableau suivant :
<emplacement tableau>
310. Il ressort de ce tableau que, sur un total d'unités achetées 480 000 euro et qui auraient pu être revendues "à prix coûtant" avec ce montant de recettes, les ventes réalisées ont été de 405 000 euro seulement soit une perte comptable certaine de 75 000 euro. Comme cela a été dit, ce chiffre est un minorant des pertes, puisque le coût d'achat est lui-même un minorant du coût moyen variable.
311. Ce montant de perte est relativement modeste pour une entreprise comme le laboratoire Glaxo et il va de soi que cette somme a pu être facilement récupérée par les hausses de prix qui ont suivi la sortie de Flavelab du marché. Ainsi, le prix moyen du Zinnat(r) 750 mg injectable, passe de 0,65 euro en 2000 à 1,09 euro en 2001, et celui du Zinnat(r) 1,5 g, injectable passe, pour la même période, 1,36 euro à 1,85 euro. Cette hausse se poursuivra l'année suivante.
312. A partir de 2002, les prix moyens s'établissent à un niveau encore supérieur à ceux de 2001 et légèrement au-dessus de ceux de 1999.
313. Le gain financier apporté par la hausse des prix compense la baisse de part de marché en volume dès 2001. Ainsi, les chiffres d'affaires des ventes pour le conditionnement en 1,5 g, pour les années 2000 et 2001, sont quasiment identiques (224 679 euro en 2000 contre 223 161 euro en 2001) alors que les quantités ont baissé de près d'un 1/3 (120 947 unités vendues en 2001 contre 164 703 en 2000). Pour le 750 mg, le chiffre d'affaires passe de 490 479 euro en 2000 à 623 445 euro (soit 27 % d'augmentation) alors que les quantités diminuent de 24 % (de 752 371 à 572 407).
314. L'estimation sommaire de ces gains directs (ceux résultant de la seule possibilité d'augmenter ses prix au-dessus du niveau concurrentiel) est possible, simplement en considérant le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé par le laboratoire Glaxo en remontant son prix après 2000, mais seulement au niveau des prix des génériques sur cette période, que l'on peut considérer comme une bonne estimation du prix d'équilibre de moyen terme, soit 0,80 euro pour le conditionnement 750 mg et 1,40 euro pour le conditionnement 1,5 g.
315. Il ressort du tableau ci-après que l'augmentation des prix du Zinnat(r), même en se limitant aux deux années qui ont suivi l'année principale de prédation, a engendré des recettes que l'on peut évaluer à 420 000 euro, soit un montant bien supérieur aux pertes antérieures.
<emplacement tableau>
316. L'analyse peut être poursuivie sur la période où le laboratoire Glaxo est resté sur le marché avec des ventes significatives par rapport aux génériques malgré un prix plus élevé, situation qui a engendré un surcoût pour les hôpitaux. Calculés pour la même méthode, les gains s'établissent pour les années suivantes 2003-2005, à des montants cumulés non négligeables puisqu'ils s'élèvent à environ 250 000 euro (environ 155 000 euro pour le 750 mg et 95 000 euro pour le 1,5 g).
317. Il ressort de ce qui vient d'être exposé que, contrairement à ce que soutient l'entreprise mise en cause, la politique de prix bas pratiquée sur le marché de prédation pouvait atteindre son but et donc être crédible. Les fabricants de génériques ont pu constater, à la fois, la sortie du marché de Flavelab et le caractère relativement indolore des moyens utilisés par le laboratoire Glaxo pour obtenir ce résultat.
318. Toutefois, le laboratoire Glaxo, pour expliquer la remontée brutale des prix après une période de baisse, soutient qu'il a dû, à titre préventif, relever ses prix à partir de 2001 par crainte d'être accusé de revente à perte dans le cadre de la présente procédure, engagée par le plaignant en juillet 2000, qui a donné lieu à une première décision, du 7 novembre 2000, jugeant la plainte recevable au fond. De ce fait, il soutient que cette remontée des prix ne peut être utilisée comme un argument à charge pour démontrer une pratique de prédation.
319. Mais cet argument est contradictoire avec celui, également avancé par le laboratoire Glaxo, tiré de l'impossibilité de récupérer des pertes, puisque la remontée des prix, quel qu'en ait été le motif, s'est faite de manière profitable pour le laboratoire Glaxo, c'est-à-dire avec un gain de chiffre d'affaires et de marge par rapport à la situation concurrentielle. Or, il appartenait au laboratoire Glaxo de démontrer l'impossibilité d'une telle récupération.
320. Au surplus, et bien que ce point ne soit pas nécessaire à la démonstration du Conseil auquel n'incombe pas la charge de démontrer une récupération effective des pertes dans le cadre de la prédation, le Conseil relève que l'explication donnée par le laboratoire Glaxo sur la nécessité de relever les prix de vente du Zinnat(r) injectable pour garantir "une marge suffisante" n'est pas cohérente avec les évolutions constatées du prix de vente et du prix d'achat de ce médicament. En observant la variation des prix d'achat du Zinnat(r), 750 mg et 1,5 g, sur l'ensemble de la période 1997-2003, on constate qu'après une forte baisse en 2000 et 2001, ces prix remontent en 2002 et 2003, comme le montre le tableau 25 :
<emplacement tableau>
321. Comme le montre le tableau 26 ci-après, les prix de ventes n'ont pas suivi la même évolution et la marge a donc fortement varié après 2000 :
<emplacement tableau>
322. En se plaçant dans l'hypothèse où tous les prix de vente seraient égaux au prix moyen, il est possible de donner une estimation de cette marge : sur le 750 mg la marge, qui était tombée à 0,13 euro en 2000, a été relevée à 0,57 euro en 2001 mais est retombée à 0,11 euro en 2002 et à 0,17 euro en 2003, la hausse du prix d'achat n'ayant pas été répercutée sur le prix de vente. De même, la marge en valeur absolue sur le 1,5 mg, qui était tombée à 0,08 euro en 2000, a été relevée à 0,57 euro en 2001, mais est retombée à 0,18 euro en 2002 et à 0,03 euro en 2003. Il est donc légitime de s'interroger sur ce que le laboratoire Glaxo considère comme une marge suffisante pour couvrir l'ensemble de ses coûts.
323. L'explication selon laquelle la remontée des prix de vente aurait été nécessaire pour assurer une marge suffisante par rapport aux coûts, en comparaison de la situation de 2000 qui avait été la cause de la saisine du Conseil, ne peut s'appliquer aux années 2002 et 2003 pour lesquelles la marge est du même ordre de grandeur que celle de 2000 et très inférieure à celle de 2001, qui a permis l'essentiel de la récupération des pertes. En effet, le prix d'achat ayant doublé, il aurait fallu que le prix de vente enregistre une forte augmentation pour conserver cette marge : or ce prix est quasiment constant et enregistre même une légère baisse en 2003 pour le Zinnat(r) 1,5 g. Il n'est donc pas possible de soutenir que la remontée des prix entre 2001 et 2003 était uniquement destinée à s'assurer que le prix de vente couvrait l'ensemble des coûts.
324. En conclusion, les développements précédents montrent que le laboratoire Glaxo a pu mettre en œuvre avec succès, sur le marché du des céphalosporines de 2ème génération injectables, une politique de prédation suivie de la sortie de son concurrent et d'une phase de récupération des pertes. Ce comportement prédateur, observé par les autres concurrents effectifs ou potentiels du laboratoire Glaxo, lui a servi à se forger une réputation d'agressivité décourageant l'entrée de ces rivaux potentiels.
En ce qui concerne la récupération des pertes sur le marché de l'aciclovir injectable
325. Plus généralement, le laboratoire Glaxo conteste la possibilité de récupérer des pertes temporaires supportées sur un marché limité, en les compensant par des gains sur d'autres marchés protégés, en estimant qu'il ne bénéficie pas d'un pouvoir de marché suffisant pour le faire.
326. Mais cet argument ne résiste pas à l'examen lorsque l'on constate l'asymétrie dans l'étendue de la gamme des spécialités entre le laboratoire Glaxo et les fabricants de génériques. Les marchés concernés sont, en effet, tous des marchés hospitaliers, gérés de façon unique par "l'unité hôpital" du laboratoire Glaxo. Ce sont également des marchés où les prix sont libres. Dans de telles conditions, des transferts financiers entre secteurs protégés et secteurs soumis à la concurrence peuvent être envisagés et le coût limité d'une politique de prédation ciblée peut être facilement absorbé.
327. En effet, outre sa position dominante sur le marché de l'aciclovir, le laboratoire Glaxo dispose, vis-à-vis des hôpitaux, d'un pouvoir de marché très important, puisqu'il est leur premier fournisseur en médicaments parmi lesquels figurent les antiviraux utilisés dans le traitement du virus HIV (Combivir(r), Epivir(r) et Retrovir(r)), représentant un chiffre d'affaires de 15,8 millions d'euro et considérés comme incontournables pour les hôpitaux, comme l'indiquent les déclarations de M. C... (CHRU de Lille cote 1117) : "Glaxo Wellcome détient dans sa gamme un certain nombre de produits indispensables à l'hôpital et pour lesquels il n'existe pas d'équivalent" ou de Mme D... (AP-HP de Paris) : Glaxo Wellcome est le 1er fournisseur de AP-HP ; les produits de lutte contre le SIDA constituent environ 60 % de nos achats auprès de Glaxo Wellcome en marchés négociés (cote 1001)", de M. E... (CHRU de Rouen, déclaration du 6 février 2001- cote 1060) : "Le laboratoire Glaxo Wellcome détient une réserve importante de molécules de haute technologie (...) On peut citer le Zovirax(r) qui commence à être génériqué. Enfin, concernant le traitement du SIDA, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre toutes les spécialités et ceci en raison de problèmes de résistance de tolérance et d'observance" ; de Mme X... (CHU de Tours - cote 1066) : "Glaxo commercialise dans le domaine des anti-infectieux des molécules indispensables (...) Le Zovirax est une molécule de référence, notamment sous sa forme injectable" ; de M. francs..., CHU de Nantes, cote 1073 : "nous passons avec Glaxo Wellcome de nombreux marchés négociés pour des produits sous brevet, qui nous sont indispensables dans la mesure où il n'existe pas sur le marché de produits équivalents" ; de M. Z... (CHRU de Strasbourg - cote 1088) : "l'aciclovir est une molécule sans équivalent thérapeutique. Elle est essentiellement utilisée à l'hôpital sous sa forme injectable, il s'agit du 1er poste de dépense à l'hôpital".
328. Contrairement à ce que soutient l'entreprise mise en cause, les pertes subies du fait de la politique de prix prédateurs pouvaient donc être facilement compensées sur d'autres marchés.
329. Il ressort de tout ce qui précède que le laboratoire Glaxo n'est pas parvenu à démontrer que la récupération des pertes était impossible, et cela d'autant plus que cette récupération a été, au cas d'espèce, mise en œuvre à bref délai.
Sur le caractère "naturel" de la sortie du marché de Flavelab par le jeu de la concurrence
330. A titre liminaire, le Conseil relève que cet argument n'est pas de nature à donner une explication alternative à la politique de prix en dessous des coûts d'achat pratiquée par le laboratoire Glaxo sur le Zinnat(r) injectable en 1999 et 2000. Il est donc inopérant au regard de la jurisprudence rappelée aux points 164 et suivants.
331. L'entreprise mise en cause se borne, en effet, à affirmer, d'une part, que la situation des prix constatée sur le marché des céphalosporines de 2ème génération injectables était conforme à ce qu'on pouvait attendre à l'occasion de l'arrivée des génériques puis à soutenir, d'autre part, que la sortie de Flavelab du marché s'explique par son manque d'efficacité, mais elle ne justifie pas son propre comportement.
332. Il sera néanmoins répondu successivement à ces deux arguments.
En ce qui concerne l'absence d'évolution anormale des prix sur le marché des céphalosporines de 2ème génération injectables
333. Le laboratoire Glaxo, s'appuyant sur l'étude économique qu'il a versée au dossier, soutient que la pratique de prix bas menée sur le marché du céfuroxime injectable peut résulter d'un équilibre concurrentiel dans un oligopole au sein duquel les entreprises se font concurrence par les prix, situation dont la représentation est connue sous le nom de modèle de Bertrand (étude p. 11). A partir de certaines hypothèses économiques, l'étude propose de distinguer trois périodes à partir de l'arrivée des génériques : une période de concurrence frontale caractérisée par un ajustement plus marqué des prix à la baisse, une période d'élimination des concurrents les moins efficaces et une période de stabilisation concurrentielle avec des prix proches du coût marginal (étude p. 12).
334. Cette étude mentionne un article économique de Fabio G..., Laura H... et Luigi I..., "The intensity of competition after patent expiry in pharmaceuticals", Revue d'Économie Industrielle, n° 99, p. 107-131 (cf. annexe 7), qui validerait cette hypothèse et arrive à la conclusion que, du fait d'une différence d'efficacité entre Flavelab et Glaxo, on ne peut conclure à l'existence d'une pratique anticoncurrentielle puisque les prix constatés valident l'hypothèse de l'oligopole concurrentiel.
335. Mais les recherches complémentaires effectuées pour apprécier la pertinence de l'étude évoquée au paragraphe précédent contredisent ce raisonnement.
336. Interrogé sur la composition de l'échantillon de 77 médicaments soumis à la concurrence des génériques entre 1988 et 1998 sur le marché français et retenu dans son étude, l'un des auteurs, Mme H..., a indiqué qu'un seul des médicaments étudiés relevait du marché hospitalier et que, pour tous les autres, les séries de prix étaient celles observées en officine, si bien que l'étude, citée en défense, n'est pas représentative des marchés en cause mais plutôt de celui des médicaments vendus en officine : "Notre échantillon de médicaments n'a pas été sélectionné pour être représentatif des évolutions sur le marché hospitalier, c'est pourquoi nous ne pouvons affirmer que les évolutions décrites dans notre article sont représentatives du comportement des médicaments princeps à l'hôpital".
337. Or, l'étude produite par le laboratoire Glaxo fonde son raisonnement sur un modèle de concurrence en prix "à la Bertrand", considéré par elle comme particulièrement pertinent pour des marchés par appel d'offres (p. 11 et 13). Un tel modèle ne peut naturellement pas être confirmé par la courbe type tirée de l'étude publiée dans la "Revue d'Économie Industrielle" puisque celle-ci s'appuie quasi exclusivement sur des relevés de prix des médicaments en officine, qui sont vendus à des prix réglementés et non pas résultant d'appels d'offres. La valeur probante du rapprochement entre le modèle de concurrence "en prix" développé pour les besoins de la cause et la courbe empirique de l'étude italienne n'est donc pas démontrée.
En ce qui concerne l'argument selon lequel le concurrent éliminé n'a pas été capable de baisser ses prix car il était moins efficace
338. Le laboratoire Glaxo fait également valoir que, parmi ses deux concurrents, le laboratoire Flavelab n'était pas efficace, et que c'est à cause d'une mauvaise gestion et de l'incapacité de ses dirigeants qu'il a disparu du marché. Il considère également que les pratiques en cause n'ont pu affecter l'activité du laboratoire Flavelab, puisque le chiffre d'affaires du céfuroxime ne représentait que 1,7 % de son chiffre d'affaires global.
339. Au préalable, il faut préciser qu'il est au contraire admis que les fabricants de génériques ont des coûts moindres que les grands laboratoires du fait qu'ils ne supportent ni des coûts de recherche et de développement, ni des coûts significatifs de démarchage commercial et que c'est pour ces raisons qu'ils sont capables de proposer des prix très inférieurs à ceux des grands laboratoires.
340. Au cas d'espèce, et contrairement à ce qu'indique le laboratoire Glaxo, il résulte des éléments au dossier que le laboratoire Flavelab pouvait dégager une marge sur le céfuroxime en 1998 puisque son coût de revient (voir réponse à la rapporteure, cote 1128) était de 3,32 francs et 6,63 francs et son prix moyen de vente de 10,50 francs et 18,17 francs. De la même façon en 1999, son prix de vente était supérieur à son prix de revient. En effet ses prix de revient étaient de 3,10 francs et 6,19 francs et ses prix moyens de vente de 6,23 francs et 12,99 francs.
341. Au surplus, les résultats acquis par Flavelab avec le céfamandole injectable démontrent qu'il était capable de développer une activité commerciale normale et de gagner des parts de marché avec un produit comparable au céfuroxime injectable.
342. Par ailleurs, il a été précédemment démontré que le laboratoire Glaxo a vendu en dessous de ses coûts d'achat, et a délibérément décidé de subir des pertes qu'il savait pouvoir récupérer, du fait de la largeur de sa gamme et de son assise financière. Or, un nouvel entrant ne peut résister à une telle pratique, même s'il est aussi efficace. Il faut en effet distinguer entre efficacité et fragilité. Le laboratoire Flavelab était certainement plus fragile que le laboratoire Glaxo, notamment du fait de sa dépendance vis-à-vis de financements externes subordonnés à ses résultats, mais il n'est pas démontré qu'il était moins efficace.
343. Quant à la contestation par le laboratoire Glaxo de l'importance du marché du céfuroxime à l'hôpital pour le laboratoire Flavelab, les chiffres des ventes communiqués lors de l'enquête démontrent à suffisance l'impact de ce marché sur l'activité globale de ce laboratoire. Les chiffres indiquent en effet qu'en 2000, le chiffre d'affaires réalisé avec le céfuroxime a été de 76 976 euro contre 192 890 euro en 1999. Cette baisse du chiffre d'affaires réalisé avec le céfuroxime (moins 60 % en un an) a affecté les résultats de ce laboratoire en ce qui concerne ses ventes aux hôpitaux. En effet, le céfuroxime représentait 50 % de ses ventes à l'hôpital en 1998, pour ne plus en représenter que 33,4 % en 1999 et enfin 14,2 % en 2000. Avec une telle perte de chiffre d'affaires réalisée avec les hôpitaux, cette activité était irrémédiablement compromise et Flavelab ne pouvait que sortir de ce marché.
344. Il faut, à cet égard, rappeler que la notion de sortie du marché ne doit pas être entendue comme la cessation totale d'activité de l'entreprise, mais simplement de son éviction du marché pertinent en tant qu'offreur. Si la société Flavelab avait continué son activité d'exportation en cessant de commercialiser ses propres génériques sur le marché hospitalier français, elle serait néanmoins "sortie du marché" au sens de la présente décision.
345. Enfin, selon le laboratoire Glaxo, entre 1999 et 2000, le fait que Panpharma a multiplié par trois son chiffre d'affaires sur le céfuroxime tandis Flavelab a vu baisser le sien de 18%, montrerait que Flavelab n'était pas efficace. Ce constat serait identique pour le céfamandole : le chiffre d'affaires augmente de 18% pour Flavelab et de 40% pour Panpharma. Par ailleurs, le laboratoire Glaxo observe que la baisse de prix du Zinnat(r) injectable s'est accompagnée d'une hausse de 40% du chiffre d'affaires de Panpharma et en déduit que ses prix bas n'auraient pas eu d'effet sur les concurrents efficaces.
346. Mais la part de marché initiale de Panpharma pour le céfuroxime était très basse (environ 1,5 % en 1999). Dès lors, le triplement du chiffre d'affaires réalisé sur ce produit n'est pas surprenant. En revanche, pour le céfamandole, produit pour lequel Flavelab est en concurrence avec Panpharma à la même période, on observe une évolution inverse puisque c'est Flavelab voit son chiffre d'affaires multiplié par six alors que Panpharma connaît une progression limitée de 60%. On ne peut pourtant en déduire que Panpharma serait moins efficace que Flavelab sans être en contradiction avec l'affirmation précédente selon laquelle il serait au contraire plus efficace.
En ce qui concerne l'argument selon lequel le laboratoire Flavelab était condamné à disparaître en raison des retraits de lots de céfuroxime en 2001
347. Le laboratoire Glaxo indique que le laboratoire Flavelab aurait été racheté par le laboratoire Panpharma parce que l'activité avait été compromise par d'importants retraits du marché de lots de céfuroxime pour absence d'asepsie, et que c'est cette raison unique - et non les prix prédateurs - qui aurait conduit le laboratoire Flavelab à la faillite.
348. Mais il ressort des informations extraites du site officiel de l'AFSSAPS que ces retraits de lots de céfuroxime et de céfamandole ont eu lieu en 2003 et non en 2001, c'est-à-dire bien après le rachat de Flavelab par Panpharma, même si les lots portent le nom de Flavelab, nom qui avait été conservé par la société Panpharma mais qui sera abandonné après cet incident. Aucun retrait de lot n'a concerné Flavelab en 2001, ni même en 1999 ou 2000.
349. Par ailleurs les retraits de lots ne sont pas des événements exceptionnels et touchent tous les laboratoires. Le laboratoire Glaxo a dû ainsi procéder, en 2002, au retrait de lots de Seretide(r), de Ventoline(r) et, en 2003, de Flixotide(r), de Serevent(r) et enfin de Pritor(r) en 2004 (voir liste de ces retraits, annexe 10).
350. D'autres fabricants de génériques, comme le laboratoire Merck, ont également connu des retraits de lots. Ainsi, en 2002, celui-ci a-t-il dû retirer tous les lots du générique du lorazepam.
2.5. SUR LES EFFETS DE LA STRATEGIE DE LA PREDATION
351. L'analyse des effets de la stratégie mise en œuvre par le laboratoire Glaxo, tels qu'ils se sont manifestés sur les différents marchés, n'est pas nécessaire à la qualification de la pratique : il suffit que la prédation ait pour effet potentiel, au moment où elle est pratiquée, d'évincer le ou les concurrents, pour qu'elle soit regardée comme abusive. Il peut cependant être observé, en l'espèce, que cette stratégie a produit des effets sur chacun des marchés concernés, de façon directe (sortie d'un concurrent, remontée des prix) ou indirecte (dissuasion de l'entrée de concurrents potentiels).
La situation sur le marché des céphalosporines de 2ème génération injectables où ont été commises les pratiques
352. Le laboratoire Glaxo indique que la stratégie de prédation n'a pas réussi puisque des fabricants de génériques sont entrés sur le marché du céfuroxime sodique, et qu'en tout état de cause, les prix de ce médicament ont baissé.
353. Mais on constate que les fabricants de génériques ayant obtenu une AMM et présentés par le laboratoire Glaxo comme étant des concurrents ne sont, en réalité, pas entrés sur le marché du céfuroxime sodique : TEVA et Merck, titulaires d'une AMM en 2004, n'ayant par exemple effectué aucune vente, ni en 2004, ni en 2005. En fin de période, seuls Panpharma et le laboratoire Glaxo sont présents sur le marché, le médicament princeps n'ayant perdu que très lentement ses positions malgré des prix supérieurs de moitié à celle du générique. En 2002, trois ans après l'expiration du brevet, la part de marché du laboratoire Glaxo était de 55 % en valeur et, en 2005, six ans après l'expiration du brevet, elle était encore de 17 % en valeur. La politique d'éviction du second offreur de génériques a donc été efficace.
354. La différence avec la situation du céfamandole, substituable au céfuroxime, est éclairante : les chiffres des parts de marché du laboratoire Glaxo apparaissent très élevés, comparativement aux parts de marché de Lilly sur le marché du céfamandole, dont le générique est apparu en 1998, la même année que le céfuroxime. En effet, les parts de marché de Lilly ont décru de façon très rapide (perte des 2/3 du marché en trois ans) pour être nulles à partir de 2002. En 2000, année de la prédation la plus intense, la part de marché de Glaxo se stabilise à 83 % en valeur (et remonte en volume), alors que Lilly tombe à 34 %. En 2001, ces valeurs sont de 78 % pour Glaxo contre 12 % seulement pour Lilly.
355. Par ailleurs, la forte concurrence entre les deux offreurs de génériques sur le céfamandole, puis la sortie du princeps, fait régulièrement baisser le prix moyen de vente à partir de 1998. Cependant le prix moyen de vente du céfuroxime sodique, après avoir fortement baissé en 2000, a au contraire remonté et dépassé de 20 centimes d'euro le céfamandole en 2002, soit 28 % d'écart entre les deux spécialités, et encore 23 % en 2003, alors que leurs prix étaient quasiment identiques en 1997.
356. Comme il a été vu plus haut, le niveau de prix du céfuroxime sodique s'explique par l'importance des parts de marché de Glaxo. Dans le cas du céfamandole, c'est le médicament générique qui détermine le prix, puisqu'il a 100 % du marché, alors que dans le cas du céfuroxime, le princeps de Glaxo influence encore une part significative du prix en fin de période, d'où la différence de 10 centimes d'euro en 2004.
La situation sur le marché de l'aciclovir injectable où le laboratoire Glaxo est en position dominante
357. S'agissant de l'aciclovir injectable, les parts de marché à l'hôpital du laboratoire Glaxo ont très faiblement baissé après l'arrivée du premier générique, Merck, en 1999 : le médicament princeps conservait 90,5 % de part de marché en valeur en 2000 et 80,9 % en 2001. Après 2003, bien qu'arrivent de nouveaux laboratoires proposant des génériques, la part de marché du laboratoire Glaxo demeure élevée : elle atteint 65 % en 2003, baisse en 2004 à 46 % et remonte en 2005 à 52 %. Le laboratoire Glaxo détient donc, trois ans après l'expiration du brevet, encore la moitié du marché en valeur, niveau remarquable puisque ces parts de marché sont équivalentes à celles qu'il avait sur le marché du céfuroxime injectable où il a pratiqué directement des prix prédateurs.
358. A cet égard, la comparaison entre la liste des laboratoires ayant demandé une AMM (13 au total) et ceux effectivement entrés sur le marché (5 en incluant Merck) montre que beaucoup de laboratoires offrant des génériques autres que ceux confrontés directement à la politique de prix bas du laboratoire Glaxo, comme Panpharma et Ggam, et ayant demandé et obtenu une AMM (dont certains très importants comme Teva), ont renoncé à entrer sur ce marché pourtant de taille importante (6,7 M en 2001, dernier chiffre connu avant l'expiration du CCP en septembre 2002) et exempt de difficultés particulières pour commercialiser le produit.
359. Le petit nombre de fabricants de génériques présents sur ce marché et surtout leur faiblesse en termes de part de marché, certains n'ayant que des ventes marginales, plusieurs années après la fin des droits de propriété intellectuelle, constitue donc un indice fort de la réussite de la stratégie de prédation qui s'est traduite par la construction d'une réputation d'agressivité sur les prix pratiqués sur le céfuroxime injectable, notamment auprès de Panpharma qui était présent sur les deux marchés. La stratégie a donc rendu très incertaine l'entrée sur le marché de l'aciclovir.
360. Cela concerne au premier chef Panpharma qui disposait d'une AMM sur l'aciclovir injectable depuis 1998, ne l'a pas utilisée et l'a revendue, en 2002, à Aguettant.
361. Les déclarations de Panpharma sont très éclairantes à cet égard : "Les raisons pour lesquelles le laboratoire Panpharma décide de demander une AMM et donc de rentrer sur un marché tiennent à l'existence du marché, c'est-à-dire à sa taille, aux volumes qu'il est possible de réaliser. Parmi les indicateurs qui éclairent le choix de la décision finale, le prix de vente pratiqué les années avant la fin du brevet, par le laboratoire titulaire du brevet, est bien entendu déterminant. Si le prix est trop bas, il est dissuasif. Bien évidemment nous anticipons sur les évolutions de ce prix" (soulignement ajouté, annexe 6 du rapport complémentaire).
362. Le terme important est ici le verbe "anticipons", qui montre bien que l'effet de réputation ou de signal a pu jouer pour dissuader une entrée sur le marché, alors même que l'évolution du prix du médicament princeps était beaucoup moins orientée à la baisse que pour le céfuroxime injectable, marché sur lequel Panpharma n'a pas hésité à entrer. Il faut observer qu'en 2002, année où Panpharma cède son AMM, le prix est encore très au-dessus de son niveau d'équilibre concurrentiel de moyen terme, puisque ce prix sera encore divisé par deux en 2005.
363. Ainsi, même si le laboratoire Glaxo a effectivement fini par baisser ses prix, ceux-ci restent nettement plus élevés en fin de période que ceux des génériques des laboratoires les plus actifs et Glaxo conserve 51 % de part de marché en valeur en 2005.
364. Enfin, l'importance des parts de marché du laboratoire Glaxo en ville (toutes formes galéniques de l'aciclovir confondues, Glaxo détient plus de 50 % du marché en 2004 ; voir rapport de l'AFSSAPS : "Analyse des ventes de médicaments aux officines et aux hôpitaux en France de 1994 à 2004", annexe 11 du rapport complémentaire) démontre que les génériques n'entrent qu'avec retard sur les marchés d'officines et que l'effet de dissuasion a joué sur d'autres marchés connexes.
Conclusion
365. Il résulte de tout ce qui précède, et notamment des observations tirées du test de coût mené plus haut ainsi que de la caractérisation de la stratégie mise en œuvre, qui ne sont pas utilement démenties par les explications alternatives fournies par le laboratoire Glaxo, que les pratiques de ce dernier en ce qui concerne le Zinnat injectable en 1999 et en 2000 ont revêtu un caractère prédateur. Elles constituent un abus de position dominante prohibé par l'article L. 420-2 du Code de commerce.
3. SUR LES REMISES LIEES (GRIEF N° 1)
366. S'agissant des remises sur le Zinnat(r) injectable conditionnées à l'achat de Zovirax(r) injectable en 1999, le laboratoire Glaxo conteste leur caractère anticoncurrentiel en invoquant leur faible nombre et leur effet limité, et allègue qu'il ne s'agirait pas d'un "système", contrairement à ce qu'avait constaté le Conseil de la concurrence dans l'affaire Novartis.
367. Pour les quatre remises proposées par le laboratoire Glaxo, liant les prix du Zinnat(r) injectable à l'achat du Zovirax(r) injectable, le Conseil considère que la pratique est établie puisqu'il s'agissait effectivement de conditionner la remise portant sur un médicament en monopole à l'achat d'un médicament en concurrence et que cette situation a été jugée constitutive d'un abus de position dominante à plusieurs reprises par la jurisprudence.
368. Toutefois, il ressort de l'analyse globale de la situation sur le marché du céfuroxime injectable au moment des faits que ces pratiques de remises liées sont en réalité un prolongement de la prédation, dès lors que les prix offerts pour le céfuroxime injectable, avant remise de couplage, avaient été fixés au même niveau que ceux proposés à d'autres établissements hospitaliers ou groupements d'achat, dans le cadre de la stratégie de prédation décrite plus haut.
369. Il n'y a donc pas lieu de sanctionner, en tant que tel, le grief n° 1 qui se confond par son objet et ses effets avec le grief n° 4.
4. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 82 DU TRAITE CE
370. Pour qu'une qualification des pratiques soit possible au regard du droit communautaire, il faut que ces pratiques affectent de manière sensible le commerce entre États Membres. Le juge communautaire considère qu'une pratique qui ne concernerait qu'une portion de territoire d'un État membre peut néanmoins "être susceptible d'affecter le commerce entre États membres" (CJCE, C-475/99 Ambulanz Glockner/Landkreis Sudwestpfalz du 25 octobre 2001). Il est notamment de jurisprudence constante que la notion d'affectation du commerce vise aussi les cas où les pratiques affectent la structure de la concurrence sur le marché. Ainsi, un abus d'exclusion qui conduit à l'élimination d'un concurrent qui y opère peut tomber sous le coup des règles communautaires de concurrence (cf. point 203 des affaires jointes 6/73 et 7/73 Commercial Solvents).
371. S'agissant des effets, selon la Cour de justice des Communautés européennes, les expressions "susceptibles d'affecter" et "degré de probabilité suffisante" impliquent qu'il n'est pas obligatoire que la pratique affecte ou ait affecté réellement le commerce entre États membres pour que l'applicabilité du droit communautaire soit démontrée. Il suffit d'établir qu'elle est "de nature" à affecter le commerce entre États membres.
372. Au cas d'espèce, bien que le marché soit de dimension nationale, les offreurs peuvent être de nationalités diverses et actifs dans plusieurs pays de la Communauté. Les effets structurels de l'entrave à l'arrivée des génériques sur un marché peuvent donc avoir des effets qui dépassent le territoire national. Ainsi, le laboratoire Glaxo France est la filiale d'une entreprise de taille mondiale présente sur l'ensemble des marchés de la Communauté et plusieurs des fabricants de génériques directement concernés, comme Merck, Arrow, Abbott ou Sandoz, ont également une dimension communautaire.
373. S'agissant enfin des flux réels de marchandises entre États membres, il faut relever que les entreprises en cause importent d'Italie le principe actif du céfuroxime injectable, l'importation concernant même le produit fini dans le cas du Zinnat injectable commercialisé en France par le laboratoire Glaxo. On peut également relever, comme cela a été mentionné plus haut, que des génériques de l'aciclovir étaient déjà commercialisés en Europe avant 2000 et que la France était le dernier pays dans lequel le princeps était encore protégé au moment des faits en cause. La pratique était donc susceptible d'avoir un effet sur les importations de génériques d'autres Etats membres.
374. Pour toutes ces raisons, les pratiques du laboratoire Glaxo France entrent dans le champ de l'article 82 du traité CE. Elles sont contraires à ces dernières stipulations, pour les mêmes raisons que celles exposées dans les développements qui précèdent.
5. LA SANCTION
375. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Par suite et en vertu de la non rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.
376. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code commerce dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de 1 524 490 17 euro".
Sur la gravité des pratiques
377. Les pratiques consistant à évincer un concurrent d'un marché sont graves par nature. En effet, elles affaiblissent la concurrence en réduisant le nombre des compétiteurs. Au surplus, au cas d'espèce, dans le secteur concerné, le nombre de concurrents sur le marché est déterminant pour faire baisser les prix. La gravité des pratiques doit également être appréciée en tenant compte du fait que ces pratiques ont été mises en œuvre sur le marché hospitalier par une entreprise en position dominante qui était, à l'époque des pratiques, le premier fournisseur des hôpitaux en spécialités pharmaceutiques. Ensuite, il est d'une particulière gravité que les pratiques de prédation aient impliqué la direction du laboratoire Glaxo et non pas seulement quelques délégués hospitaliers qui auraient proposé des prix bas de leur propre initiative. Ces pratiques s'inscrivent au contraire dans le cadre d'une stratégie d'éviction délibérée menée par l'entreprise. Enfin, ces pratiques ont duré deux ans, ce qui est une période relativement longue et participe au renforcement de leur gravité. Elles ont concerné un grand nombre de marchés hospitaliers passés par des collectivités (43 marchés portant sur le céfuroxime 750 mg et 1,5 g).
Sur l'importance du dommage à l'économie
378. Conformément à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 30 mars 2004 (Novartis Pharma), il y a lieu de prendre en compte l'étendue du marché affecté par les pratiques, leur durée et les effets de ces dernières à la fois conjoncturels et structurels. Si le marché affecté, celui du céfuroxime injectable, peut être considéré comme un marché de taille modeste, que l'on peut estimer à 1 M sur la période en cause, les effets des pratiques ont été plus larges dès lors qu'elles pouvaient contribuer à dissuader les fabricants de génériques d'entrer sur d'autres marchés, comme par exemple le marché de l'aciclovir injectable qui représentait 10 M en 2000.
379. Les bénéfices que les hôpitaux et plus largement le système de santé et les consommateurs pouvaient attendre de l'apparition sur le marché des génériques ont donc été réduits ou retardés. De telles pratiques ont porté atteinte à l'économie du secteur, dans la mesure où l'apparition de plusieurs génériques, moins chers que les spécialités princeps, favorisent une baisse du prix moyen du médicament, ce qui entraîne des économies substantielles pour les hôpitaux.
380. Dans l'arrêt du 30 mars 2004, la Cour d'appel de Paris relève "que le dommage à l' économie ne peut se réduire à une perte objectivement mesurable qui serait facteur de l'étendue des marchés en cause, qu'au-delà de la perte subie par les entreprises concurrentes évincées sur laquelle la requérante fonde son argumentation, la menace d'éviction et la réalité de cette éviction de l'un ou de l'autre des lots d'appels d'offres a incontestablement affaibli la capacité concurrentielle ; qu'il convient de souligner que sur les trois marchés concernés, des médicaments génériques figurent parmi les spécialités concurrentes, et qu'à l'évidence les pratiques examinées ne peuvent qu'avoir dissuadé les fabricants de ces produits de se développer et de pénétrer de nouveaux marchés ; que le dommage à l'économie doit être apprécié au regard de la part de marché que représentent globalement en France les médicaments génériques, estimée à 3,5 % du volume total des prescriptions en 1999 et insignifiante par rapport à celle qu'occupent ces médicaments dans d'autres pays notamment européens ainsi que le relève le rapport et ce, alors que le coût pour la collectivité est sensiblement inférieur à celui des autres médicaments de marque et qu'ils favorisent une baisse du prix moyen du médicament lorsqu'ils sont présents sur le marché".
381. Comme les éléments exposés aux paragraphes 340 et suivants le montrent, la stratégie de prédation mise en œuvre par Glaxo a eu de nombreux effets. La stratégie prédatrice a d'abord eu un effet d'éviction direct, causant la sortie du marché puis la disparition du laboratoire Flavelab. Le laboratoire Glaxo a ensuite pu, une fois la structure du marché des céphalosporines de 2ème génération injectables redevenue moins concurrentielle, augmenter le prix de son produit, pourtant concurrencé par des génériques, au dessus de son niveau de long terme. La part de marché de Glaxo sur plusieurs autres produits devenus "généricables" au moment des faits ou juste après, est restée très au-dessus de celle constatée typiquement sur d'autres produits connaissant la même évolution. Des entreprises, après avoir observé le comportement de Glaxo sur le marché du céfuroxime injectable, ont ainsi renoncé à utiliser des AMM qui les auraient conduites à affronter la concurrence du laboratoire Glaxo. C'est le cas de Panpharma sur le marché de l'aciclovir. Les effets dissuasifs de la stratégie de prédation peuvent donc être constatés dans les faits.
382. Le chiffre d'affaire du laboratoire GlaxoSmithKline France, réalisé en France au cours du dernier exercice clos, le 31 décembre 2005, s'élève à 1,6 milliards d'euro. Il s'élevait, en 2000 (époque des pratiques, c'est-à-dire avant la fusion) à 1,31 milliards d'euro (dont 780 M réalisés en France).
383. Compte tenu de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus, il y a lieu d'infliger au laboratoire GlaxoSmithKline France une sanction pécuniaire de 10 millions d'euro.
384. Afin de contribuer à l'information des agents économiques intéressés et de renforcer la vigilance des établissements hospitaliers à l'égard des pratiques anticoncurrentielles auxquelles sont susceptibles de donner lieu les transactions dans le secteur des médicaments, il y a lieu également d'ordonner, sur le fondement du 5ème alinéa du I de
79 l'article L. 464-2 du Code de commerce, la publication d'un texte résumant le contenu de la présente décision.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que la société Le Laboratoire Glaxo Wellcome, devenue en 2001 Le Laboratoire GlaxoSmithKline, a abusé de sa position dominante sur le marché de l'aciclovir injectable, en pratiquant en 1999 et 2000 des prix prédateurs sur le marché des céphalosporines de 2ème génération injectables, dont les effets ont été renforcés par des pratiques de remises de couplage anticoncurrentielles entre les médicaments Zovirax(r) injectable (aciclovir injectable) et Zinnat(r) injectable. Ces pratiques sont contraires aux articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE.
Article 2 : Il est infligé à la société Le Laboratoire GlaxoSmithKline France une sanction pécuniaire de 10 millions d'euro.
Article 3 : Il est enjoint à la société Le Laboratoire GlaxoSmithKline France de faire publier à ses frais le texte ci-après dans le quotidien "Les Échos", dans le journal "Gestions Hospitalières" et dans le journal "Décisions Santé - Le Pharmacien Hôpital" :
"Le Conseil de la concurrence, agissant initialement sur saisine de la société Flavelab, fabricant de médicaments génériques aujourd'hui disparu, puis d'office, a constaté que Le Laboratoire Glaxo Wellcome, devenu en 2001 Le Laboratoire GlaxoSmithKline, a fait abusivement obstacle à l'arrivée des médicaments génériques sur le marché des céphalosporines injectables, qui sont des antibiotiques utilisés dans le cadre d'interventions chirurgicales pratiquées en milieu hospitalier.
En 1999 et en 2000, ce laboratoire a en effet vendu son médicament Zinnat(r) à des prix inférieurs à ses coûts variables dans le cadre de 43 marchés passés avec des hôpitaux. Cette pratique de prix prédateurs a été mise en œuvre dans le but d'évincer les fabricants de médicaments génériques concurrents, de manière à permettre au Laboratoire GlaxoSmithKline de remonter ensuite ses prix sans contrainte, au détriment du consommateur final. Elle a eu pour effet non seulement d'évincer la société Flavelab du marché, mais aussi de dissuader d'autres fabricants de médicaments génériques, détenteurs d'autorisations de mises sur le marché, de venir concurrencer Le Laboratoire GlaxoSmithKline sur ce marché ou sur d'autres marchés, en les intimidant par cette démonstration d'agressivité.
Le Conseil de la concurrence a qualifié cette pratique d'abus de position dominante de la part du Laboratoire GlaxoSmithKline, qui détient la première position sur le marché des spécialités pharmaceutiques vendues à l'hôpital, ainsi qu'une position dominante sur le marché d'un médicament antiviral, l'aciclovir. Il a retenu que cet abus était interdit à la fois par le droit interne et par le droit communautaire de la concurrence (article L.420-2 du Code de commerce et article 82 du traité CE).
Enfin, le Conseil de la concurrence a estimé que cette pratique revêtait une gravité particulière, dans la mesure où elle a évincé un concurrent du marché. Il a également considéré que cette pratique avait entraîné un important dommage pour l'économie, en faisant obstacle au développement des médicaments génériques, dont le prix est inférieur à celui des spécialités princeps et dont le taux de pénétration était particulièrement faible à l'époque sur les marchés hospitaliers en France. En conséquence, le Conseil de la concurrence a imposé une amende de 10 millions d'euro au Laboratoire GlaxoSmithKline.
Le texte intégral de la décision est accessible sur le site du Conseil de la concurrence : http://www.conseil-concurrence.fr".
Ce texte sera publié en en respectant la mise en forme et selon les modalités suivantes. Il figurera dans un encadré, en caractères noirs sur fond blanc, d'une hauteur au moins égale à 5 mm. En outre, il sera précédé du titre suivant : "Décision n° 07-D-09 du Conseil de la concurrence, du 14 mars 2007, relative à des pratiques mises en œuvre par Le Laboratoire GlaxoSmithKline France", rédigé en caractères noirs sur fond blanc, gras et d'une hauteur au moins égale à 8 mm. Enfin, il pourra le cas échéant être suivi de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris.
La société Le Laboratoire GlaxoSmithKline France adressera une copie de ces trois publications au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, sous pli recommandé, dès leur parution et au plus tard le vendredi 15 juin 2007.