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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 21 mars 2007, n° 04-21981

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Olivier Auto (SA)

Défendeur :

Daimler Chrysler France (Sté), Sonauto (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Remenieras, Byk

Avoués :

SCP Monin-d'Auriac de Brons, SCP Duboscq-Pellerin, SCP Taze-Bernard-Broquet

Avocats :

Mes Lagarde, Ponsard, Godet, Bouvier

TGI Paris, du 8 juill. 2004

8 juillet 2004

La société Sonauto assurait, jusqu'au 22 mai 1996, la fonction d'importateur exclusif en France des marques Chrysler et Jeep en vertu d'un contrat de distribution conclu avec la société Chrysler International Corporation. Dans ce cadre, elle a ainsi conclu le 1er mars 1989 avec la société Olivier Auto un contrat de concession, lequel a été renouvelé le 6 février 1996.

Par contrat conclu le 22 mai 1996, la société Daimler Chrysler France, venant aux droits de la société Chrysler France à la suite de la fusion intervenue le 30 juillet 1999 entre cette dernière et la société Daimler France, a racheté le fonds de commerce de la société Sonauto ainsi que les contrats de concession liés à ce fonds. La société Daimler France est devenue, de ce fait, importateur exclusif des véhicules de marques Chrysler et Jeep pour le territoire français.

Le contrat de vente susmentionné du 22 mai 1996 organisait en son article 4-1 la cession à la société Daimler Chrysler France de l'ensemble des contrats de concession signés avec le réseau Sonauto, y compris celui conclu avec la société Olivier Auto. Les concessionnaires ont tous été informés de cette cession par un courrier de la société Sonauto, en date du 19 avril 1996.

Par la suite, le 26 septembre 1997, la société Daimler Chrysler France adressait une lettre circulaire à l'ensemble de ses concessionnaires à l'effet de leur faire connaître son intention de résilier la totalité des contrats de concession souscrits en raison de la nécessité de réorganiser son réseau conformément aux règles du règlement communautaire d'exemption n° 1475-95 du 28 juin 1995. C'est ainsi que, par lettre du 30 septembre 1997, la société Daimler Chrysler France a informé chacun de ses concessionnaires de la résiliation de leur contrat de concession en leur accordant à cet effet un préavis d'un an, soit jusqu'au 3 octobre 1998.

Contestant toutefois le bien-fondé de cette décision la société Olivier Auto a, par acte du 29 mars 1999, assigné devant le Tribunal de commerce de Nanterre les sociétés Daimler Chrysler France et Sonauto en réparation du double préjudice qu'elle aurait subi au titre tant de la résiliation abusive du contrat de concession que de la faute de la société Daimler Chrysler France dans la reprise de l'outillage et des pièces détachées.

Le tribunal ainsi saisi a, par une décision du 25 janvier 2000, renvoyé les parties devant le Tribunal de grande instance de Paris, lequel a, par le jugement présentement déféré du 8 juillet 2004, débouté la société Olivier Auto de l'ensemble de ses prétentions.

Régulièrement appelante, la société Olivier Auto a, par conclusions enregistrées le 7 février 2005, prié la cour de :

- condamner les sociét6s Chrysler France et Sonauto, conjointement et solidairement ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 503 082 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de concession,

- condamner également les sociétés Chrysler France et Sonauto, conjointement et solidairement ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 61 927,89 euro au titre des pièces détachées et du matériel,

- condamner, enfin, les intimées conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, aux dépens et au versement de la somme de 7 622 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions enregistrées le 6 juin 2005 la société Daimler Chrysler France a sollicité de la cour de :

- confirmer le jugement

- condamner l'appelante aux dépens ainsi qu'au versement de la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions également enregistrées le 6 juin 2005 la société Sonauto a demandé à la cour de :

- constater que l'appel de la société Olivier Auto à son encontre est non soutenu,

en tout état de cause,

- confirmer le jugement,

- condamner la société Olivier Auto à lui verser la somme de 8 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner enfin l'intéressée aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Considérant, tout d'abord, que si l'appelante sollicite la condamnation conjointe et solidaire des sociétés intimées elle n'articule aucun moyen à l'encontre de la société Sonauto et, notamment, ne conteste pas la validité de la substitution de cocontractant résultant de la cession sus rappelée du fonds de commerce intervenue le 22 mai 1996 et, par la même, l'extinction de tous liens contractuels existant entre elle même et l'intéressée ; que cette dernière ne saurait, dès lors, être poursuivie en raison de la résiliation ultérieure du contrat de concession par le concédant substitué;

Considérant, en revanche, que l'article 22-2 du contrat liant les sociétés Olivier Auto et Daimler Chrysler France prévoyait expressément, et conformément aux dispositions du règlement communautaire d'exemption n° 1475-95 du 28 juin 1995 dont il reprend les termes, la possibilité d'une résiliation avec un préavis d'une année en cas de nécessité de réorganisation de l'ensemble ou d'une partie substantielle du réseau ; qu'aucune stipulation contractuelle ou disposition réglementaire ne subordonne l'exercice d'une telle faculté à la conclusion ou même à la recherche d'un accord préalable des parties quant à la nécessité ou aux modalités de la réorganisation envisagée ; qu'en l'occurrence, l'examen des pièces du dossier établit qu'à l'époque de la résiliation litigieuse les constructeurs automobiles ont tous été, en raison d'une concurrence accrue, contraints de s'orienter vers une réduction du nombre de leurs concessionnaires respectifs avec une extension corrélative des territoires concédés afin de permettre une rationalisation de la commercialisation des véhicules ; que, par ailleurs, il est également constant qu'à l'époque des faits la marque Chrysler connaissait en France une récession importante de ses ventes ; que, de même, la réorganisation mise en œuvre a présenté un caractère substantiel eu égard tant à son ampleur géographique qu'à son importance économique dès lors que tous les contrats de concession ont été résiliés et que le nombre de concessionnaires a été réduit de cent à soixante-deux ; que, dans ces conditions, et compte tenu de l'exactitude matérielle ci-dessus démontrée du motif invoqué, la société Daimler Chrysler France n'a fait qu'exercer la faculté que lui conférait l'article 22-2 du contrat de concession qui la liait à l'appelante en procédant à la résiliation litigieuse; que, toutefois, si celle-ci peut, même en ce cas, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture et révélant un manquement à la bonne foi contractuelle exigée par l'article 1134 alinéa 3 du Code civil, il ressort de l'examen des circonstances de la cause que la société Daimler Chrysler France n'a jamais créé chez son concessionnaire une confiance erronée et fallacieuse dans la poursuite de la relation contractuelle les unissant ni usé de manœuvres destinées à l'écarter de son réseau pour des motifs non objectifs; que, par suite, n'est démontré aucun manquement de la part du concédant à son obligation de bonne foi et de loyauté contractuelle susceptible d'engager sa responsabilité vis-à-vis de son concessionnaire sur le fondement de l'article 1134 alinéa 3 susvisé ; qu'enfin, l'intéressée s'est bornée à user de sa liberté de choix de nouveaux concessionnaires en ne maintenant que certains d'entre eux au sein de son réseau rénové et ce au vu de critères objectifs tenant aux seules potentialités économiques des intéressés et sans que soit démontré l'existence d'une quelconque discrimination vis-à-vis de l'appelante; que, bien plus, la société Olivier Auto ne rapporte à aucun moment la preuve qu'elle aurait elle même satisfait aux conditions fixées par la lettre circulaire du 26 septembre 1997 présentant le plan de développement du réseau Chrysler en France et, notamment, à l'obligation qui était la sienne de communiquer un plan d'action pour sa propre concession ainsi que l'exigeait la société Daimler Chrysler France pour tout éventuel renouvellement de concession; que, pour se part, cette dernière a respecté les engagements pris dans sa lettre du 26 septembre 1997 en organisant, les réunions régionales de présentation de ses normes et standards, lesquels devaient être intégrés dans les plans individuels d'action que devait proposer chacun des concessionnaires;

Qu'il convient, en conséquence, de débouter l'appelante de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires en l'absence de toute faute imputable aux intimées ; qu'enfin, la demande en dommages et intérêts pour " procédure abusive " présentée par la société Sonauto ne pourra qu'être rejetée en l'absence de toute preuve de l'effectivité et de la réalité du préjudice dont elle sollicite l'indemnisation de ce chef;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter les sociétés Olivier Auto et Sonauto du surplus de leurs conclusions respectives;

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel jugé régulier en la forme, Au fond, le rejetant, confirme le jugement, Déboute les sociétés Olivier Auto et Sonauto du surplus de leurs demandes respectives, Condamne la société Olivier Auto aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des SCP Duboscq-Pellerin et Taze-Bernard, avoués. Condamne la société Olivier Auto à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.