Cass. soc., 31 janvier 2007, n° 04-47.842
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Isogard SAS Tyco (SAS)
Défendeur :
Idée, Isogard France (SAS), Sapin (ès qual.), AGS-CGEA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chagny (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Bailly
Avocat général :
M. Foerst
Avocats :
Me Bouthors, SCP Peignot, Garreau, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Vu leur connexité, joint les pourvois n° 01-47.842 et 01-47.843 ; - Attendu qu'une procédure de redressement judiciaire ayant été ouverte le 25 octobre 2001 à l'égard de la société Isogard France, le juge commissaire a autorisé le 7 janvier 2002 les administrateurs judiciaires à licencier les salariés des services commerciaux n'acceptant pas une modification de leur contrat de travail ; qu'un jugement rendu le 29 janvier 2002 a arrêté un plan de cession portant notamment sur la branche d'activité "extincteurs" au profit d'une société Isogard SAS Groupe Tyco, prenant effet au 1er février suivant ; que M. Idée, qui était employé par la société Isogard France en qualité d'inspecteur risque industriel et relevait de la branche d'activité cédée, a saisi le juge prud'homal de demandes salariales et indemnitaires, en reprochant à la société cessionnaire d'avoir mis fin à son contrat le 8 avril 2002 ;
Sur le premier moyen du pourvoi de la société Isogard-Tyco : - Attendu que la société Isogard Tyco fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation du contrat de M. Idée à ses torts et de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen : 1°) que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail sur le transfert automatique des contrats de travail doivent être écartées dès que le salarié est rattaché à l'une des catégories professionnelles concernées par les licenciements autorisés par le juge-commissaire durant la période d'observation et par le tribunal ayant arrêté le plan de cession ; qu'en l'espèce, les salariés commerciaux n'ayant pas accepté la modification de leur contrat de travail n'étaient pas repris par la société cessionnaire et devaient être licenciés ; qu'en retenant cependant que le contrat de travail de M. Idée avait été transféré à la société Isogard, faute pour celui-ci d'avoir été mis en demeure par les administrateurs d'accepter ou de refuser la modification de son contrat de travail, quand il était pourtant acquis que ce salarié, exerçant des fonctions commerciales, n'était repris que sous une condition essentielle, non réalisée en l'espèce, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles L. 621-37 et L. 621-64 du Code de commerce ; 2°) qu'il résulte de l'économie générale du plan de cession arrêté par le tribunal de commerce, de l'acte de cession et de l'ordonnance autorisant les administrateurs à procéder aux licenciements économiques, que seuls étaient repris par la société Isogard les salariés commerciaux qui avaient accepté la modification de leur contrat de travail ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors retenir que le contrat de travail de M. Idée avait été transféré à la société Isogard, en se retranchant derrière la carence de l'administrateur qui n'avait pas mis le salarié en mesure de prendre position sur la modification de son contrat de travail, sans méconnaître l'économie générale de la cession des activités de la société Isogard France, en violation des articles L. 122-12 du Code du travail, L. 621-37 et L. 621-64 du Code de commerce, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que M. Idée, qui relevait de l'entité économique cédée et qui figurait sur une liste des salariés repris annexée à l'acte de cession, n'avait pas été invité par l'administrateur judiciaire à se prononcer sur une demande de modification de son contrat de travail et n'avait pas été licencié avant que la cession produise effet ; qu'elle en a exactement déduit qu'il était passé au service de la société cessionnaire, en application de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, et que cette dernière, en refusant de poursuivre son contrat de travail, l'avait rompu sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi de la société Isogard-Tyco : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen du pourvoi de M. Idée : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi de M. Idée : - Attendu que M. Idée fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une indemnité spéciale de rupture, alors, selon le moyen, que lorsque le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation du contrat prévus à l'article L. 751-9, alinéas 1er et 2e, du Code du travail, alors qu'il est âgé de moins de soixante-cinq ans et qu'il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 16 de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975, et sauf opposition de l'employeur exprimée par écrit et au plus tard dans les quinze jours de la notification de la rupture ou de la date d'expiration d'un contrat à durée déterminée non renouvelable, ce représentant, à la condition d'avoir renoncé au plus tard dans les trente jours suivant l'expiration du contrat à l'indemnité de clientèle à laquelle il pourrait avoir droit en vertu de l'article L. 751-9 précité, bénéficiera d'une indemnité spéciale de rupture ; qu'après avoir retenu que la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Idée était intervenue au 8 avril 2002, la cour d'appel ne pouvait considérer que l'employeur s'était valablement opposé au paiement de l'indemnité spéciale de rupture par une lettre du 3 juillet 2003, sans méconnaître les dispositions de l'article 14 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ;
Mais attendu que la notification de la rupture invoquée par le salarié étant antérieure de plus de trente jours à la date à laquelle il a déclaré renoncer à l'indemnité de clientèle, condition nécessaire à l'attribution d'une indemnité spéciale de rupture, le moyen est inopérant ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi de M. Idée : - Vu l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; - Attendu qu'il résulte de ce texte que l'employeur ne peut dispenser le représentant de l'exécution de la clause de non-concurrence qu'à la condition de le prévenir dans les quinze jours suivant la notification de la rupture ;
Attendu que, pour débouter M. Idée de sa demande en paiement d'une indemnité de non-concurrence, la cour d'appel retient que la société Isogard SAS a libéré son salarié de la clause de non-concurrence par lettre du 26 juin 2003 et que cette notification est intervenue dans les quinze jours suivant la notification du jugement qui avait prononcé la rupture du contrat et qui était assorti de l'exécution provisoire ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle retenait par ailleurs que le contrat de travail de M. Idée avait été rompu par l'employeur le 8 avril 2002, date à laquelle celui-ci lui avait notifié une lettre lui enjoignant de quitter l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Idée de sa demande en paiement d'une indemnité de non-concurrence, l'arrêt rendu le 29 septembre 2004, entre les parties, par la Cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Douai, autrement composée.