Cass. soc., 20 mars 2007, n° 04-43.357
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Courage
Défendeur :
Compo horticulture et jardins (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bailly (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Chauviré
Avocat général :
M. Maynial
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 1er mars 2004), que Mme Courage qui était au service de l'entreprise depuis le 17 août 1988 en qualité de VRP, a été licenciée le 19 juillet 2001, pour motif économique, par la société Compo horticulture et jardins, la lettre de licenciement précisant qu'il n'existait pas de possibilité de reclassement ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la défense : - Attendu que la société Compo horticulture et jardins soutient que le pourvoi de Mme Courage est irrecevable pour avoir été formé contre une société Compo qui n'existe pas;
Mais attendu que, selon l'article 114, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la nullité ne peut être invoquée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public; que si Mme Courage a indiqué dans la déclaration de pourvoi que celui-ci était dirigé contre la société Compo, la société Compo horticulture et jardins qui a comparu et a fait valoir ses droits ne peut se prévaloir utilement de l'irrégularité affectant la déclaration de pourvoi; qu'il s'ensuit que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que, dès lors qu'ils sont saisis par un salarié d'une contestation portant sur la cause réelle et sérieuse de son licenciement pour motif économique, les juges du fond sont saisis, par la même du point de se voir si le reclassement était possible, le moyen concernant l'exécution de cette obligation étant nécessairement dans le débat ; que pour débouter Mme Courage de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a essentiellement retenu que la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité était établie et qu'elle justifiait la modification du contrat de travail qui avait été proposée à Mme Courage; qu'en statuant ainsi sans même se prononcer sur le respect de l'obligation de reclassement par la société Compo horticulture et jardins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail;
Mais attendu que la salariée qui, licenciée pour motif économique à la suite de son refus de la modification de son contrat de travail proposée par l'employeur, n'a pas contesté l'énonciation de la lettre de licenciement relative à l'impossibilité de son reclassement, ne peut proposer devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec la thèse qu'elle a développée devant les juges du fond ; que le moyen est irrecevable;
Sur le premier moyen du pourvoi incident : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à la salariée une somme au titre d'un complément d'indemnité de clientèle, alors, selon le moyen, que le VRP ne peut prétendre à une indemnité de clientèle que pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle; qu'un VRP qui malgré le développement de son chiffre d'affaires ne justifie pas également d'un développement en nombre de la clientèle n'a pas droit à l'indemnité de clientèle; qu'en se contentant en l'espèce de relever une progression en valeur du chiffre d'affaires réalisée par Mme Courage, sans relever une progression en nombre de la clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 751-9 du Code du travail;
Mais attendu que l'employeur qui s'était borné à discuter le montant de l'indemnité de clientèle sans contester le droit de la salariée à cette indemnité, ne peut présenter un moyen incompatible avec ses prétentions dans l'instance d'appel; que le moyen est irrecevable ;
Sur le second moyen du même pourvoi : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser une somme de 9 604,30 euro au titre d'un rappel de congés payés, alors, selon le moyen : 1°) que les juges ne peuvent méconnaître les termes du litige et accorder plus que ce qui est demandé; qu'en l'espèce Mme Courage sollicitait à titre de rappel de congés payés la somme de 960,43 euro ; qu'en condamnant néanmoins la société Compo horticulture et jardins à lui verser la somme de 9 604,30 euro, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que les juges ne peuvent méconnaître les écritures des parties; qu'en l'espèce, la société Compo horticulture et jardins se contentait en ses écritures de reconnaître que les congés payés n'avaient pas été réglés par son prédécesseur sur les primes d'objectifs; qu'en revanche, elle ne reconnaissait nullement en ses écritures que les congés payés n'avaient pas été réglés sur les primes de chiffre d'affaires et exceptionnelle; qu'elle produisait un tableau de commissionnement de Mme Courage établissant que si pour 1997 et 1998, Mme Courage avait perçu un montant total de primes de 33 000 et 14 000 francs, elle n'avait en revanche perçu au titre de la prime sur objectif que les sommes de 22 000 et 11 000 francs sur lesquelles la société Compo horticulture et jardins reconnaissait devoir les congés payés non réglés ; que, dès lors, en affirmant qu'il n'était pas contesté que Mme Courage n'a pas perçu les congés payés sur les prîmes qui lui ont été réglées, quand la société Compo horticulture et jardins reconnaissait ne pas avoir réglé les seuls congés payés sur prime d'objectifs la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que le prononcé sur des choses non demandées ou l'octroi de plus qu'il n'est demandé constituent non un cas d'ouverture à cassation mais une irrégularité qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue aux articles 463 et 464 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu, ensuite, que l'arrêt n'énonce pas que l'employeur reconnaissait devoir des congés payés au titre des primes sur chiffre d'affaire ou exceptionnelle; d'où il suit que le moyen qui est irrecevable en sa première branche, manque en fait pour le surplus;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour débouter la salariée de sa demande relative à la modification unilatérale par l'employeur de son contrat de travail et aux commissions dont elle a été privée, l'arrêt retient que si l'employeur a retiré cinq départements du secteur de la salariée, il lui a attribué une nouvelle gamme de produits qui lui a permis d'accroître ses commissions, de sorte qu'elle ne peut soutenir que sa rémunération a été modifiée ;
Attendu, cependant, que le secteur attribué à un VRP ne peut être modifié sans son accord, même si l'employeur estime qu'il n'en résulte aucun désavantage pour le salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme Courage de sa demande relative aux commissions fondée sur la modification de son contrat de travail, l'arrêt rendu le 1er mars 2004, entre les parties, par la Cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bordeaux.